Un important chantier est en vue : la modernisation des règles relatives à la coopération policière. Il faut dire que les règles sont anciennes et les obstacles nombreux. Le projet de recommandation actuellement sur la table vise notamment à faciliter les activités transfrontières : permettre aux policiers d’accéder à distance à leurs propres bases de données lorsqu’ils interviennent dans d’autres États membres, veiller à la continuité des communications sécurisées; élargir les programmes de formation commune et d’échange, et recourir à des patrouilles communes ciblées, pour lutter contre le trafic de migrants ou effectuer des opérations conjointes en période estivale ou encore lors de matches internationaux de football.
Deux mesures sont à noter :
- La création une plateforme européenne de soutien des opérations transfrontières dans certains cas spécifiques comme des catastrophes et des accidents graves;
- La mutation des centres de coopération policière et douanière existants pour en faire des structures capables de planifier, de soutenir et de coordonner les opérations conjointes.
Un pan du code européen de coopération policière
Un code de coopération policière est sur la table dont le but est de
renforcer la collaboration entre les services répressifs des États
membres.
Un des aspects de ce code, à savoir cette proposition de recommandation, porte sur une refonte des accords bilatéraux existant et sur la mise en place de standards communs. securiteinterieure.fr fait état d'un pan de ce triptyque étudié actuellement par le législateur européen.
- Pour le deuxième pan, lire sur securiteinterieure.fr: Le tout nouveau "code européen de coopération policière": une réforme à l'oeuvre pour moderniser les règles vieillissantes et lacunaires de l'entraide actuelle
- Pour le troisième pan, lire sur securiteinterieure.fr:"Code de coopération policière": le "cadre Prüm" est refondu
Un « Schengen des criminels », mais pas un « Schengen de la police »
La coopération policière entre les États membres reste très variable. Sans un niveau suffisant de coopération entre les forces de police des États membres, les criminels, profitant de l’existence de ressorts nationaux différents, continueront de sévir dans les États membres, et les déplacements non autorisés de migrants en situation irrégulière continueront de constituer un défi.
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D’abord, le cadre juridique en vigueur de l’UE prévoit un certain nombre d’options parmi lesquelles les États membres peuvent choisir lorsqu’ils coopèrent avec d’autres États membres. Il en résulte une incertitude et un manque de clarté quant aux règles que les policiers doivent appliquer lors de leurs interventions dans un autre État membre.
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Ensuite, les équipements de communication sécurisés utilisés par les différents États membres n’étant pas compatibles entre eux. Les équipements de communication de certains policiers engagés, par exemple, dans des poursuites transfrontalières, cessent de fonctionner lorsque ces derniers franchissent la frontière.
Formation et analyses de risque : peut (vraiment) mieux faire
En outre la coordination des patrouilles communes est. Il n’existe pas de forum permettant aux États membres de partager une telle analyse des risques ou d’informer d’autres États membres de leurs besoins et de leurs domaines prioritaires.
Par exemple, afin de mieux cibler les patrouilles communes ou d’autres opérations conjointes organisées dans l’ensemble de l’UE lors de grandes manifestations (telles que de grandes manifestations sportives ou des sommets internationaux), à des moments précis (par exemple, les périodes de vacances) ou pour faire face à certaines vagues de criminalité (par exemple, terrorisme, trafic de stupéfiants, trucage de matchs, trafic de marchandises contrefaites, fraude à la carte de crédit, vols à la tire et autres infractions contre les biens).
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Enfin, les agents participant à la coopération policière transfrontalière dans l’UE ne sont pas toujours suffisamment formés pour disposer des connaissances et des compétences opérationnelles nécessaires pour accomplir les tâches requises de la manière la plus efficace et la plus efficiente possible.
Une étude de 2021 a mis en évidence une disponibilité limitée des formations destinées au personnel des services répressifs participant à la coopération transfrontalière.
En outre, les formations ne sont pas organisées de manière régulière et ne tiennent pas toujours compte des dernières évolutions.
Enfin, les barrières linguistiques réduisent l’efficacité de la coopération policière opérationnelle transfrontalière.
Un méli-mélo juridique : la mosaïque des accords bilatéraux
La Commission a recensé au moins 60 de ces accords, tous différents, dans l’ensemble de l’UE.
Les pays associés à l’espace Schengen ont également conclu de tels accords de coopération opérationnelle avec les États membres.
Or, la négociation, la signature, et la ratification d’accords de coopération policière bilatéraux et multilatéraux entre États membres prennent beaucoup de temps. En outre, leur multiplication a créé une trame complexe d’arrangements divers, contenant des règles applicables différentes, qui fragmentent et entravent la coopération.
À titre d’exemple, dans certains pays plus petits ou enclavés, les agents des services répressifs exerçant des activités de part et d’autre d’une frontière intérieure doivent respecter parfois jusqu’à sept réglementations différentes pour mener des actions opérationnelles.
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Il arrive dès lors que des opérations telles que les poursuites transfrontalières de suspects impliquant le franchissement de frontières intérieures ne soient pas autorisées ou se déroulent de manière non coordonnée, situations dont tirent profit les criminels.
Les règles actuelles ne couvrent pas non plus suffisamment l’utilisation des nouvelles technologies, telles que les drones, dans le cadre de la coopération opérationnelle.
En outre, certains accords bilatéraux ou multilatéraux entre États membres sont dépassés ou sous-utilisés.
D’autres accords en revanche, vont bien au-delà des règles relatives à la coopération transfrontalière et autorisent des mécanismes pouvant être considérés comme de bonnes pratiques pour lutter plus efficacement contre la criminalité transfrontière (par exemple, les commissariats communs habilités à mener des enquêtes transfrontalières en matière pénale ou l’organisation de formations communes), mais ces approches ne sont pas systématiquement reproduites dans l’ensemble de l’UE.
La solution envisagée: une « recommandation »
Le Conseil a invité, dans ses conclusions de novembre 2020 sur la sécurité intérieure et le partenariat européen de police, la Commission «à envisager de consolider le cadre juridique de l’UE afin de renforcer encore la coopération transfrontière en matière répressive».
En réponse, cette recommandation a pour objectif de contribuer à définir des normes communes qui permettent aux policiers de coopérer efficacement avec leurs homologues dans d’autres États membres.
Elle vise notamment à clarifier et harmoniser les règles d’engagement dans les opérations répressives transfrontalières, (observation transfrontalière, poursuites transfrontalières et patrouilles communes notamment).
Faciliter et fluidifier le déploiement des opérations transfrontières
Des recommandations visant à lever les obstacles à l’intervention des policiers dans d’autres États membres, dans le cadre de poursuites transfrontalières, d’opérations d’observation transfrontalière, et de patrouilles communes et d’autres opérations conjointes.
Ces recommandations visent notamment à étendre la liste actuelle des infractions pour lesquelles on peut effectuer une opération, et à supprimer les limitations géographiques et temporelles fixées par certains États membres.
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En outre, les États membres devraient doter leurs policiers d’outils leur permettant d’accéder à distance et en toute sécurité à leurs propres bases de données via le portail de recherche européen.
L’objectif est de leur permettre d’exercer leurs fonctions de police dans le cadre d’opérations transfrontalières en procédant, par exemple, à des contrôles d’identité.
Les États membres devraient également fournir à leurs policiers engagés des moyens de communication sécurisés (par exemple, un outil de messagerie instantanée) qui fonctionnent de part et d’autre des frontières.
Une nouveauté : le projet de « plateforme européenne de coordination »
Les États membres et la Commission devraient créer une plateforme de coordination permettant aux États membres d’échanger des informations sur leurs besoins et leurs priorités. L’objectif est de mieux cibler les opérations conjointes, en particulier:
- lors de grandes manifestations (telles que les grandes manifestations sportives ou les sommets internationaux),
- à des moments précis (par exemple, les périodes de vacances)
- pour faire face à certaines vagues d’infractions (par exemple, terrorisme, trafic de stupéfiants, trucage de matchs, trafic de marchandises contrefaites, fraude à la carte de crédit, vols à la tire et autres infractions contre les biens) perpétrées notamment par des groupes actifs dans la grande criminalité organisée.
Renforcement et évolution des centres de coopération policière et douanière
Cette recommandation vise à élargir le rôle des centres de coopération policière et douanière existants de façon à en faire des commissariats communs pouvant non seulement échanger des informations. Il s’agit de permettre à ces centres de planifier, soutenir et coordonner des patrouilles communes sur le fondement d’une analyse commune des risques.
- A lire sur securiteinterieure.fr : Le Centre de coopération policière et douanière est « un outil de proximité efficient »
Les États membres devraient donner instruction à leur le point de contact unique (PCU) qui l’organe central national chargé de la coopération policière internationale, de coordonner ces opérations conjointes,. Ils devraient également élaborer :
- des évaluations conjointes des menaces et des analyses conjointes des risques,
- des évaluations annuelles des besoins,
Pour ce faire, ils échangent des informations sur les futures manifestations à grande échelle, les menaces pour l’ordre public, la sûreté, la sécurité intérieure et les schémas de mobilité des citoyens, notamment pendant les saisons touristiques.
Cette approche devrait permettre de préparer et de mettre en place des patrouilles communes plus ciblées, par exemple des contrôles de police coordonnés dans les zones frontalières intérieures de l’UE. Avec le temps, elle devrait permettre de cibler les principaux lieux de criminalité dans l’UE.
Construire un cadre de connaissances et de confiance à long terme
Selon la recommandation, les États membres devraient mettre au point des programmes de formation commune et d’échange pour les élèves des écoles de police afin de construire un cadre de connaissances et de confiance à long terme entre les forces de police dans l’UE.
Cette formation commune devrait s’inspirer de la réussite du programme franco-espagnol de formation commune de la gendarmerie nationale et de la Guardia Civil.
Les États membres devraient élaborer des cours de perfectionnement permanent communs et des programmes d’échange.
En particulier, en ce qui concerne la législation applicable, les règles d’engagement, les outils, les mécanismes, les normes et la déontologie professionnelles, les procédures et les meilleures pratiques.
Il pourrait s’agir, avec le soutien du Collège européen de police (CEPOL), de modules de formation en ligne, d’échanges d’agents et de simulations de situations réelles.
Les cours de langues dispensés aux agents des zones frontalières intérieures de l’UE devraient être considérablement renforcés.
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Les États membres devraient également harmoniser les programmes de cours de leurs académies nationales de police en y incluant des cours européens agréés sur la coopération policière opérationnelle transfrontalière.
Ils devraient examiner la possibilité de créer des programmes de formation commune et d’échange à grande échelle et à long terme pour les élèves des écoles de police et les agents des États membres en matière de coopération policière opérationnelle.
Où va-t-on ?
La Commission estime qu’il est prématuré, à ce stade, de proposer une législation européenne contraignante pour harmoniser ce type de coopération policière opérationnelle.
Néanmoins, il convient de souligner que, si elles ne sont pas juridiquement contraignantes, selon le traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE), tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne, les recommandations sont des actes juridiques qui, en tant que tels, ne peuvent être considérés comme dépourvus de tout effet juridique et doivent, s’il y a lieu, être pris en compte au niveau national.
La Commission:
- entend suivre la mise en œuvre de la présente recommandation et évaluer la nécessité, à l’avenir, d’une législation contraignante de l’UE en matière de coopération policière opérationnelle transfrontalière.
- invite le Conseil à adopter la recommandation proposée d’ici à juin 2022 au plus tard.
Un an après son adoption, elle devrait faire rapport sur les progrès réalisés par les États membres dans sa mise en œuvre.
synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
A lire aussi :
- Fiches d'information
- rapport de synthèse des consultations des parties prenantes
- MEMO: Questions et réponses
- Annexe (en bas de page)
A lire sur securiteinterieure.fr:
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