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mercredi 9 février 2022

Le tout nouveau "code européen de coopération policière": une réforme à l'oeuvre pour moderniser les règles vieillissantes et lacunaires de l'entraide actuelle

 


Un code de coopération policière est sur la table dont le but est de renforcer la collaboration entre les services répressifs des États membres. Le but? Fournir aux policiers de l'UE des outils plus modernes pour l'échange d'informations. En effet, les règles ont été adoptées il y a plusieurs décennies et elles ne sont plus adaptées aux évolutions, tant de la criminalité que des progrès technologiques déployés pour y faire face.
Un des aspects de ce code, à savoir une proposition de directive, porte sur de nouvelles règles relatives à ce partage d'informations. securiteinterieure.fr fait état d'un pan de ce triptyque étudié actuellement par le législateur européen.



De quoi parle-t-on ?

Cette proposition de directive vise à faire en sorte que les policiers d'un État membre aient accès aux informations dont disposent leurs collègues dans un autre État membre, de manière équivalente et dans les mêmes conditions.
Les États membres devraient mettre en place un point de contact unique, opérationnel 24/7, doté d'effectifs suffisants et faisant office de «guichet unique» pour l'échange d'informations avec les autres pays de l'UE.
Les informations demandées devraient être mises à disposition dans les huit heures (pour les cas urgents), le délai maximum étant de sept jours. L'application de réseau d'échange sécurisé d'informations (SIENA), gérée par Europol, devrait devenir le canal de communication par défaut.



Pourquoi cette proposition ?

L’évolution rapide du paysage de la criminalité et la mobilité des personnes tendent à indiquer que la coopération transfrontalière entre les services répressifs dans l’Union et l’espace Schengen est essentielle pour lutter contre les infractions pénales et permettre aux citoyens de l’Union et aux ressortissants de pays tiers séjournant légalement sur le territoire de l’Union d’exercer en toute sécurité leur droit à la libre circulation.

D’importants défis subsistent toutefois quant à la capacité des services répressifs à échanger des informations avec leurs homologues des autres États membres de manière efficace et efficiente.
Cette capacité varie encore considérablement d’un État membre à l’autre, ce qui révèle un degré de fragmentation préjudiciable à un échange d’informations efficace et efficient.
Par conséquent, les criminels et les organisations criminelles continuent de profiter de ces failles pour opérer par-delà les frontières, et les mouvements secondaires de migrants en situation irrégulière continueront de poser problème.


Un aspect du tout nouveau "code de coopération policière"

Cette proposition de directive relative à l’échange d’informations entre les services répressifs des États membres fait partie d’un ensemble cohérent de propositions comprenant :

  • une proposition de recommandation du Conseil visant à renforcer la coopération policière opérationnelle transfrontalière,
  • une proposition de règlement portant révision du mécanisme d’échange automatisé de données dans le cadre de la coopération policière («Prüm II»)
  • une proposition portant modification du code frontières Schengen telle que présentée dans la communication de la Commission de juin 2021 intitulée «Une stratégie pour un espace Schengen pleinement opérationnel et résilient».

Cet ensemble de propositions vise à établir un code de coopération policière dans le but de rationaliser, de renforcer, de développer, de moderniser et de faciliter la coopération en matière répressive entre les agences nationales compétentes, apportant ainsi un soutien aux États membres dans leur lutte contre la grande criminalité organisée et le terrorisme.


Un complément à Europol et au Système d’information Schengen

Cette proposition est également en lien avec :

  • la proposition de 2020 portant révision du mandat d’Europol en vue de renforcer le mandat de l’agence en matière de traitement d’ensembles de données vastes et complexes.
  • le cadre juridique relatif à l’échange d’informations sur les signalements dans le SIS par l’intermédiaire des bureaux SIRENE. Cette proposition est sans préjudice de tous ces autres actes du droit de l’Union,
  • la directive du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant l’utilisation d’informations financières.



1er objectif : toiletter la "décision-cadre suédoise"

Le premier objectif de la présente proposition est de garantir, au moyen de règles précises, cohérentes et communes, un accès équivalent des services répressifs de tout État membre aux informations disponibles dans d’autres États membres .

Les règles sont définies dans la décision-cadre du Conseil («décision-cadre suédoise»), adoptée en 2006 avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
La décision-cadre suédoise a elle-même remplacé en partie le chapitre sur la coopération policière de la convention d’application de l’accord de Schengen de 1990.

Dans la pratique, la décision-cadre suédoise de 2006 manque toutefois de clarté, ce qui empêche la pleine mise en œuvre des principes de disponibilité/d’accès équivalent applicables aux informations pertinentes dans un contexte transfrontière.
En conséquence, les règles appliquées au niveau national continuent d’entraver la circulation des informations malgré les efforts déployés pour compléter les exigences de la décision-cadre suédoise par des orientations non contraignantes du Conseil.
Par conséquent, les incertitudes actuelles demeureraient et continueraient de nuire à l’échange efficace et efficient d’informations, sans que les incidences sur l’évolution de la situation en matière de sécurité dans l’Union et sur l’augmentation de la mobilité transfrontière ne soient véritablement prises en compte.

C’est pourquoi l’établissement à ces fins d’un cadre juridique par la voie d’une directive permettra un meilleur contrôle et une meilleure application des règles au niveau de l’Union et des États membres, tout en garantissant une convergence des pratiques nationales, améliorant ainsi l’efficacité et l’efficience des flux d’informations entre les États membres.

La proposition de directive énonce 3 principes qui doivent être respectés lors de l’échange d’informations entre les États membres au titre de la directive:

  • le principe d’accès équivalent selon lequel essentiellement les mêmes conditions doivent s’appliquer aux échanges d’informations au sein d’un État membre et entre États membres;
  • le principe de disponibilité en vertu duquel les informations concernant une infraction pénale disponibles dans un État membre doivent, en règle générale, être également mises à la disposition des autres États membres;
  • le principe de confidentialité garantissant que les États membres respectent les exigences de confidentialité des autres lors du traitement de ces informations, en assurant un niveau de protection similaire.



2e problème : une absence de structures communes et d’outils de gestion efficaces pour l’échange d’informations...

Le deuxième objectif de la présente proposition de directive est de rapprocher les normes minimales communes en vue de garantir un fonctionnement efficace et efficient des points de contact uniques.
Ces exigences minimales communes portent sur la composition, les structures, les responsabilités, les ressources en personnel et les capacités techniques.

Les États membres sont en principe libres d’organiser leurs autorités et services répressifs comme ils l’entendent.
En ce qui concerne les structures de coopération en matière répressive, tous les États membres ont mis en place ou sont en train de mettre en place un point de contact unique  compétent pour canaliser un maximum d’échanges d’informations.

Bien que différents manuels et fiches d’information nationales aient été produits afin de faciliter une approche harmonisée de l’organisation des points de contact uniques nationaux, il subsiste des différences importantes entre les États membres en ce qui concerne leurs structures, leurs fonctions, leurs moyens et leurs capacités.

En conséquence, les États membres ne disposent pas toujours des structures nécessaires pour échanger des informations de manière efficace et efficiente avec les autres États membres.


....marqués par des "points de contact nationaux" pas toujours performants...

Les points de contact uniques nationaux ne jouent pas toujours leur rôle de coordination et peuvent manquer de ressources pour répondre au nombre croissant de demandes.

En particulier, ils ne sont pas toujours dotés des outils nécessaires de gestion des informations. C’est le cas d’un système de gestion des dossiers pourvu d’un tableau de bord commun et d’un système automatique de téléchargement et de recoupement des données).
En outre, les points de contact uniques ne disposent pas toujours d’un accès direct et convivial à toutes les bases de données et plateformes pertinentes de l’Union et internationales.

De plus, certains points de contact uniques ont un accès limité aux bases de données nationales, ce qui retarde encore le processus global d’échange d’informations.
Les points de contact uniques peuvent également manquer de ressources pour traiter rapidement et efficacement le nombre croissant de demandes reçues.
En effet, cette tendance à la hausse ne s’est pas toujours accompagnée d’une augmentation proportionnelle des ressources humaines et informatiques.


... et donc 2e objectif : instaurer des structures et des outils dignes de ce nom

En réponse, la proposition de directive énonce plusieurs exigences en ce qui concerne les demandes d’informations adressées au point de contact unique.
Il s’agit notamment des critères justifiant la demande et qualifiant l’urgence.

La demande doit être présentée par le point de contact unique des autres États membres ou, lorsqu’un État membre en décide ainsi, par d’autres services répressifs.
La langue utilisée pour la demande doit être choisie dans une liste de langues que chaque État membre est tenu d’établir et qui doit être publiée au Journal officiel de l’Union européenne.

Toujours en réponse, la proposition de directive:

  • établit l’obligation pour le point de contact unique recevant les demandes d’informations visées de traiter ces demandes et d’y répondre dans des délais précis, auxquels il ne peut être dérogé que dans certaines circonstances strictement déterminées, à savoir lorsqu’une autorisation judiciaire est requise.
    Cette communication d’informations doit se faire dans la même langue que celle utilisée pour la demande.
  • établit garantit que les points de contact uniques concernés sont tenus informés de tout échange d’informations sur demande, autre que les demandes soumises au point de contact unique.
    C’est le cas  des échanges d’informations sur demande traités directement entre les services répressifs.
  • définit les tâches et les capacités du point de contact unique.
    Pour pouvoir exercer ses fonctions, le point de contact unique doit avoir accès aux informations nécessaires et être tenu systématiquement informé de tous les échanges directs d’informations entre ses autorités nationales et celles des autres États membres.
    L’établissement effectif ou la désignation effective des points de contact uniques doivent être notifiés, dans un délai déterminé, à la Commission, qui doit ensuite publier ces notifications au Journal officiel de l’Union européenne.



3e objectif  : établir une pratique commune dans l’utilisation des canaux de communication

Le troisième objectif de cette proposition de directive est de remédier à la prolifération des canaux de communication utilisés pour l’échange d’informations en matière répressive entre les États membres, tout en renforçant le rôle d’Europol en tant que pôle d’information sur la criminalité de l’Union.

Le constat est que le fait que les États membres n’ont pas convenu d’un canal unique d’échange d’informations entre leurs services répressifs, se traduit par une duplication des demandes, des retards injustifiés et parfois des pertes d’informations.
Qui plus est, les autorités nationales se voient également privées du soutien d’Europol, alors même que les États membres demandent à l’agence d’être un pôle d’information de l’Union sur la criminalité, capable de fournir des informations de qualité.

En outre, les points de contact uniques n’assurent pas toujours en permanence le suivi des canaux existants, ce qui peut avoir une incidence négative sur les affaires transfrontières.
Enfin, l’application de réseau d’échange sécurisé d’informations (le «SIENA») est sous-utilisée en dépit de sa solide infrastructure de sécurité des données.

En réponse et parmi les mesures qu’elle contient, la proposition de directive prévoit l’obligation pour le point de contact unique ainsi que pour tous les autres services répressifs de tenir systématiquement Europol informé (ce qui signifie «mettre en copie»).
Elle impose à tous d’utiliser l’application de réseau SIENA),


Et quel est le coût de cette proposition ?


Selon une estimation des coûts fournie par Europol, les mises à niveau informatiques nécessaires tant dans les points de contact uniques que dans les centres de coopération policière et douanière ont été estimées à un montant total maximal unique de 11,5 millions d’euros.
Ces coûts devraient se répartir comme suit:

  • 1,5 million d’euros pour mettre en place des systèmes de gestion des dossiers (SGD) dans 10 États membres (non encore équipés);
  • 1 million d’euros pour intégrer l’application SIENA dans les systèmes de gestion des dossiers des points de contact uniques de 20 États membres (non encore équipés);
  • 2,25 millions d’euros pour établir une connexion à l’application SIENA dans un maximum de 45 centres de coopération policière et douanière (14 sur 59 étant déjà connectés);
  • 6,75 millions d’euros pour mettre en place des systèmes de gestion des dossiers dans un maximum de 45 centres de coopération policière et douanière (45 x 150 000 euros).


 

synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


 

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