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dimanche 27 décembre 2020

"Partenariat européen renforcé pour la sécurité intérieure" : les ministres tracent la voie d’une sécurité organisée autour de l’Intelligence artificielle et du déchiffrement

 

Les ministres de l’Intérieur ont approuvé, lors de leur réunion de décembre 2020, des conclusions mettant en œuvre les nouvelles technologies en matière de police et de sécurité intérieure. Plus qu’une révolution, il s’agit d’une consécration politique des impulsions initiées précédemment par un document de la présidence de l’an dernier ainsi que par la communication de juillet dernier sur le programme de sécurité intérieure 2020-2024. Au menu de ces conclusions figurent également une réforme du cadre de coopération policière dit "de Prüm", la définition de critères communs pour déterminer des combattants terroristes étrangers, et l’intensification des efforts en matière de lutte contre la criminalité environnementale, le trafic de drogue et le trafic d'armes.

source de l'image : NYT

De quoi parle-t-on et d’où vient-on ?

Un partenariat européen renforcé pour la sécurité intérieure nécessite une amélioration continue de la gestion de l'information et une optimisation en matière d'utilisation des instruments et accords existants pour l'échange d'informations.
L’idée ? tout agent des services répressifs d'un État membre devrait se voir fournir, par tout autre État membre, les informations nécessaires à l'exercice de ses fonctions, conformément au droit applicable.

Des progrès considérables ont été réalisés au cours des dernières décennies, dans l'ensemble de l'Union, en matière de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure. Ont constitué des étapes importantes pour favoriser la coopération entre les services répressifs européens :

  • le principe de la disponibilité des informations pour l'échange de données,
  • l'amélioration de la législation et des outils de partage d'informations,
  • la définition d'une norme commune en matière de protection des données.

Ces conclusions interviennent dans le sillage de :

  • la communication de la Commission relative à la stratégie de l'UE pour l'union de la sécurité,  
  • la résolution du Conseil du 9 novembre 2020 sur l'avenir d'Europol.



1er axe : une réforme du cadre dit « de Prüm »

La dimension européenne de la coopération en matière répressive doit être renforcée. D'une manière générale, une meilleure sensibilisation aux besoins d'information des partenaires européens dans les routines de travail quotidiennes est requise.

Chaque fois qu'un signalement national est émis, un signalement à l'échelle de l'UE devrait systématiquement être introduit dans le système d'information Schengen (SIS), dans le respect du cadre juridique applicable. En outre, la pandémie de COVID-19 a montré qu'il importe de disposer de canaux de communication sécurisés.

Par conséquent, le Conseil demande à la Commission de présenter une proposition législative relative à la poursuite du développement du cadre Prüm.
L'extension éventuelle des catégories d'informations ou l'introduction éventuelle d'autres catégories. Par exemple le système européen d'index des registres de la police (EPRIS), pourrait être envisagée dans ce contexte.

2e axe : trouver des solutions équilibrées et efficaces en matière de chiffrement

D’un côté, le chiffrement constitue un point d'ancrage pour assurer la confiance dans la numérisation et qu'il convient de le promouvoir et de le développer. Le chiffrement est un moyen de protéger la vie privée ainsi que la sécurité numérique des pouvoirs publics, des entreprises et de la société. D’un autre côté, les organisations criminelles et terroristes tirent profit du chiffrement. 

Comme indiqué dans une précédente résolution du Conseil sur le chiffrement, toute mesure prise doit soigneusement respecter l'équilibre entre ces intérêts.
Il plaide pour la mise en place un cadre équilibré sur la conservation des données, qui permette effectivement d'accéder aux informations nécessaires à la lutte contre les formes graves de criminalité, tout en respectant pleinement les libertés et les droits fondamentaux, et d'adopter rapidement une législation relative à l'accès transfrontière aux preuves numériques.

Les solutions techniques et opérationnelles ancrées dans un cadre réglementaire fondé sur les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité devraient être conçues en étroite concertation avec les fournisseurs de services et toutes les autorités nationales de police et de sécurité. Le Conseil estime qu’il conviendrait d'éviter que soit prescrite une solution technique unique pour donner accès aux données chiffrées.

3er axe : des critères communs pour déterminer des combattants terroristes étrangers
 

Le Conseil note que qu'à ce jour, hormis pour ce qui concerne la catégorie spécifique des combattants terroristes étrangers, il n'existe pas de normes ou de critères communs pour déterminer lesquelles parmi ces personnes devraient figurer dans les bases de données et les systèmes d'information européens. Même s'il existe un cadre juridique définissant les informations qui peuvent être introduites dans ces bases de données, il ne garantit pas encore que les personnes dont les États membres estiment qu'elles représentent une grave menace terroriste ou extrémiste violente, au minimum, puissent y être trouvées.

Par conséquent, le Conseil juge important d'enregistrer dans les bases de données et systèmes d'information européens pertinents, en principe, les personnes dont un État membre estime qu'elles représentent une menace terroriste ou extrémiste violente grave, à moins que des préoccupations d'ordre juridique ou opérationnel imposent de procéder autrement.

4e axe : développer des bonnes pratiques contre la propagation des contenus extrémistes violents

Le Conseil insiste sur le fait que la montée de l'extrémisme violent constitue une menace pour la sécurité en Europe. Il constate que les médias sociaux alimentent la diffusion de l'idéologie extrémiste violente et contribuent à la radicalisation. L'extrémisme violent revêt de plus en plus une dimension internationale et il convient de s'attaquer aux liens internationaux et transfrontaliers noués entre groupes extrémistes violents via l'internet.

Le Conseil souhaite que son groupe de travail responsable se penche actuellement sur la nécessité d'échanger des informations sur les personnes dont on estime qu'elles représentent une menace terroriste ou extrémiste violente.

Certes, il salue la poursuite des travaux visant à parvenir à une compréhension commune quant aux personnes considérées par les États membres comme représentant une menace terroriste ou extrémiste violente. Toutefois, il appelle les États membres à continuer de développer et de partager les bonnes pratiques en matière de renforcement de la prévention et de la détection de l'extrémisme violent notamment la propagation des contenus extrémistes violents en ligne et hors ligne.

5e axe : développer l'intelligence artificielle (IA) en matière de sécurité intérieure

L’IA est susceptible de contribuer à déceler de nouveaux modèles et modes opératoires auparavant inconnus, en particulier dans les domaines du terrorisme, de la cybercriminalité, des abus sexuels concernant des enfants, de la traite des êtres humains, de la criminalité liée à la drogue et de la criminalité économique.
Par conséquent, le Conseil estime que les services répressifs dans les États membres devraient utiliser l'IA :

  • pour renforcer la prévention et faciliter les enquêtes,
  • pour protéger les victimes de ces crimes.

La conception, le développement, le déploiement et l'évaluation de l'IA aux fins de la sécurité intérieure doivent être guidés par les droits fondamentaux et la protection des données.

Le recours à l'IA par les services répressifs est soumis à des exigences spécifiques en matière de droits fondamentaux, en ce qui concerne le développement et les conditions de déploiement.
Dans la mesure où ces systèmes sont destinés à être utilisés, il est nécessaire de prévoir des garanties appropriées pour assurer un développement et une utilisation responsables, fiables, axés sur l'intérêt public et centrés sur l'humain des applications d'IA dans le secteur répressif.
Les utilisateurs doivent :

  • bien comprendre comment les outils d'IA ont été développés et comment ils fonctionnent;
  • être en mesure d'expliquer et de justifier les résultats obtenus ;
  • savoir clairement quelle est leur incidence sur les individus, les minorités et la société dans son
  • ensemble.


Le Conseil estime qu'il est particulièrement nécessaire que les services répressifs reçoivent une formation complète afin de pouvoir tirer parti des avantages offerts par les technologies numériques, y compris l'IA.
Il invite :

  • Europol à mettre en commun et à partager les expériences et les évaluations recueillies par les services répressifs dans les États membres afin de faciliter l'échange de pratiques pertinentes;
  • la Commission à :
    • promouvoir la création d'un réservoir de talents dans le domaine de  l'IA et à faciliter le développement de possibilités de formation dans le domaine de l'habileté numérique et des compétences numériques à l'intention des services répressifs, par exemple en finançant des formations ciblées dispensées par le CEPOL.
    • supprimer les obstacles juridiques entravant le partage et la mise en commun de données à des fins d'innovation entre les États membres. Il s’agit de permettre d’entraîner, tester et de valider des algorithmes. Le Conseil souligne le rôle, dans ce contexte, du pôle d'innovation de l'UE sur la sécurité intérieure hébergé par Europol.
    • supprimer les obstacles juridiques entravant le partage et la mise en commun de données à des fins d'innovation entre les États membres, en particulier pour entraîner, tester et valider des algorithmes. Il souligne le rôle, dans ce contexte, du pôle d'innovation de l'UE sur la sécurité intérieure hébergé par Europol.


6e axe : la lutte contre la criminalité organisée transnationale
 

Le Conseil :

  • prend de l'intention de la Commission de présenter une communication sur un programme de l'UE destiné à lutter contre la criminalité organisée (2021-2025);
  • rappelle que cycle politique de l'UE/EMPACT restera le principal instrument de lutte contre la grande criminalité internationale organisée. La numérisation poussée des procédures dans le cadre du cycle politique de l'UE/EMPACT présente un grand potentiel, notamment en ce qui concerne le développement d'une plateforme commune pour les parties prenantes de l'EMPACT (EMPACT Exchange & Report (XR));
  • souligne la nécessité d'intensifier les efforts de lutte contre la criminalité environnementale, en s'appuyant sur les résultats de la priorité "Envicrime" de l'EMPACT (2018-2021) et à la lumière des résultats de la huitième série d'évaluations mutuelles sur la criminalité environnementale.

En outre, le Conseil prend note de l'évolution inquiétante des marchés européens de la drogue ces dernières années.
La situation se caractérise par une grande disponibilité de différents types de stupéfiants, des saisies toujours plus importantes, un recours accru à la violence et à l'intimidation et des profits considérables. Les marchés de la drogue et les groupes criminels organisés qui y sont associés ont depuis longtemps fait preuve d'une grande résilience, même pendant la pandémie de COVID-19.

Par ailleurs, le Conseil rappelle ses conclusions du 5 juin 2020 sur le renforcement de la coopération avec les  partenaires des Balkans occidentaux.
Il y invitait la Commission à intégrer dans le nouveau plan d'action de l'UE sur le trafic d'armes à feu la feuille de route 8 adoptée lors du sommet des Balkans occidentaux tenu à Londres le 10 juillet 2018.
Il se félicite que ses objectifs soient cohérents avec les efforts entrepris au sein de l'Union et des Nations unies pour lutter contre le trafic d'armes légères et de petit calibre (ALPC) et de leurs munitions.

7e axe : Ne pas oublier la dimension extérieure, en particulier les Balkans occidentaux

Le Conseil souligne :

  • la nécessité d'approfondir la coopération et le partage d'informations avec les pays tiers dans le domaine répressif,
  • l'importance que revêt la poursuite du développement de la coopération entre les acteurs JAI et les opérations PSDC, comme l'expose le pacte en matière de PSDC civile,
  • l’importance d’une mise en œuvre des "mini-concepts" définissant cette coopération aille de l'avant, apportant ainsi une valeur ajoutée aux pays tiers ainsi qu'à l'Union européenne et à ses États membres.

En outre, le Conseil :

  • invite la Commission à examiner plus en détail la mise en œuvre au niveau national des nouveaux indicateurs clés de performance concernant le plan d'action sur les armes à feu.
  • engage les États membres et les partenaires des Balkans occidentaux à poursuivre la mise en œuvre de la feuille de route intégrée dans le plan d'action 2020-2025 de l'UE sur le trafic d'armes à feu.
    Cette approche comprend notamment le recours à des procédures éprouvées et une coopération productive avec le centre de documentation d'Europe du Sud-Est et de l'Est sur la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre (SEEAC).

 

synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr 



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