Pages

lundi 25 septembre 2023

Fraude à la carte d’identité: un rapport européen met en évidence l’absence de vision globale du phénomène



C’est sans doute la tâche sombre sur un tableau plutôt brillant. Un rapport a été publié sur un texte européen concernant les documents qui sont liés à l’exercice de la libre circulation par les citoyens de l’Union et les membres de leur famille. Le dispositif actuel fonctionne bien et le document ne souligne aucune difficulté majeure. De surcroît, le juge européen a validé le disposif biométrique en l’estimant conforme à la législation relative à la vie privée.
Autre bonne nouvelle, il est indiqué que depuis la date d’application du règlement, la Commission n’a pas eu connaissance d’attaques ou de violations réussies du support de stockage sécurisé des empreintes digitales intégré dans les cartes d’identiés.

A noter que le 14 juillet 2023, la Commission a engagé des procédures d’infraction contre la Bulgarie, la Grèce et le Portugal pour défaut de mise en œuvre du règlement. Ces procédures d’infraction concernent le fait que ces États membres ne délivrent pas les documents relevant du champ d’application du règlement dans un format conforme à ses exigences.


De quoi quoi parle-t-on ?

Le 20 juin 2019, le Parlement européen et le Conseil ont adopté en 2019 un règlement relatif au renforcement de la sécurité des cartes d’identité des citoyens de l’Union. Ce texte est est entré en vigueur le 1er août 2019 et s’applique depuis le 2 août 2021. 

Le texte s’applique à tous les documents qui sont liés à l’exercice de la libre circulation par les citoyens de l’Union et les membres de leur famille. Il s’agit notamment :

  • des cartes nationales d’identité qui permettent de sortir d’un État membre ou d’y entrer,
  • des titres de séjour délivrés aux citoyens de l’Union et des cartes de séjour délivrées aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre.


Et plus exactement?

Le règlement porte sur les cartes d’identité, les documents de séjour pour les citoyens de l’Union et les cartes de séjour pour les membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre.
Il facilite l’exercice du droit à la libre circulation des citoyens de l’Union en prévoyant des cartes d’identité et des documents de séjour plus sûrs.
Avant l’adoption du règlement, des différences considérables existaient entre les niveaux de sécurité des cartes d’identité délivrées par les États membres. Ces différences augmentaient le risque de falsification et de fraude documentaire.

Les citoyens de l’Union peuvent utiliser leurs cartes d’identité lorsqu’ils voyagent depuis un autre État membre ou depuis un pays tiers.
Ils peuvent donc également les utiliser pour franchir les frontières extérieures de l’espace Schengen.
Dans le même temps, il est important de noter que ni ce règlement ni la directive du 29 avril 2004 relative à la libre circulation n’imposent aux États membres d’introduire des cartes d’identité lorsqu’elles ne sont pas prévues par le droit national.
A ce propos, le Danemark et l’Irlande ne délivrent pas de cartes d’identité.

Et dans les faits ?


En avril 2023, les États membres ont déclaré avoir délivré plus de 53 millions de cartes d’identité, environ 900 000 documents de séjour pour des citoyens de l’Union et plus de 950 000 cartes de séjour pour des ressortissants de pays tiers qui sont des membres de la famille de citoyens de l’Union dans un format conforme au règlement.
Cinq États membres utilisent du texte en braille sur la carte.
Conformément au règlement, les États membres peuvent décider d’exempter les enfants de 6 à 12 ans de l’obligation de donner leurs empreintes digitales lors de la délivrance de leur carte d’identité. À l’heure actuelle, 19 États membres utilisent cette possibilité.
14 États membres stockent des données pour des services électroniques tels que des services d’administration en ligne ou de commerce électronique dans les cartes d’identité, d’une manière physiquement ou logiquement séparée des données biométriques stockées sur la puce de la carte.

Aller plus loin : le règlement sur l’identité numérique européenne

Le 3 juin 2021, la Commission a proposé un cadre européen relatif à une identité numérique, qui permettra aux citoyens, résidents et entreprises de l’Union de s’identifier en ligne et hors ligne pour les services publics et privés.
La proposition de règlement vise à établir un cadre sécurisé dans lequel les citoyens seront en mesure d’établir un lien entre leur identité numérique nationale et des attributs numériques et des justificatifs qui leur permettront de remplacer toute une série de cartes et de titres physiques, simplifiant ainsi leur quotidien.
Le 29 juin 2023, le Parlement européen et le Conseil sont parvenus à un accord politique provisoire sur les principaux éléments de la proposition.

Un système qui fonctionne bien

Selon le rapport, le règlement de 2019 a une incidence positive sur le droit fondamental à la liberté de circulation et de séjour en remédiant aux difficultés liées à la sécurité et à la reconnaissance des cartes d’identité et des documents de séjour. Grâce à l’intégration de données biométriques (image faciale et deux empreintes digitales), les documents délivrés conformément au règlement permettent une vérification plus fiable du document et une meilleure identification des personnes.
Depuis que les cartes d’identité sont délivrées dans un format conforme aux exigences du règlement, les États membres n’ont signalé aucun problème que leurs ressortissants seraient susceptibles de rencontrer pour ce qui est de l’acceptation de ces documents dans d’autres États membres.

En outre, dans la plupart des États membres, les frais exigés pour la délivrance des documents couverts par le règlement n’ont pas augmenté à la suite de son entrée en application.
Si les frais ont effectivement augmenté, cette augmentation est mineure et conforme aux coûts liés à l’amélioration des éléments de sécurité des documents.

Quelques problèmes marginaux concernant la biométrie

Dans leurs réponses au questionnaire de la Commission, seuls quelques États membres ont fait état de difficultés relatives au recueil d’éléments d’identification biométriques, lesquelles difficultés sont principalement liées à la qualité de l’image faciale ou des empreintes digitales prélevées.
Au total, 22 États membres recourent ou envisagent de recourir à des dispositifs d’enregistrement mobiles, pour la délivrance de cartes d’identité aux personnes incapables de se rendre auprès des autorités chargées de la délivrance des cartes.
Douze États membres recueillent l’image faciale au moyen d’un enregistrement en direct, mais certains d’entre eux acceptent également que le demandeur fournisse une photographie à la place.

Que pense Frontex du dispositif actuel ?

À l’exception de la carte d’identité grecque, toutes les cartes d’identité analysées ont été jugées conformes au règlement
Frontex a pu vérifier. Frontex a néanmoins relevé les problèmes suivants concernant d’autres cartes d’identité (pour des raisons de sécurité, les cartes d’identité concernées ne sont pas divulguées):

  • certaines cartes d’identité examinées ne répondaient pas aux exigences minimales relatives à la taille du portrait;
  • certaines cartes d’identité examinées ne contenaient pas tous les éléments de sécurité assurant une protection contre la substitution de photo;
  • certaines cartes d’identité examinées présentaient des divergences par rapport aux spécifications de disposition générale établies par l’OACI (par exemple, des informations indiquées dans une zone différente).


Un point noir : l’absence de vision globale de la fraude documentaire

La plupart des États membres indiquent qu’ils continuent de faire face à des cas de carte d’identité et de documents de séjour frauduleux délivrés.
Il n’est toutefois pas possible de dresser un tableau détaillé de la situation en rapport avec le règlement.
Le rapport indique que les États membres ne procèdent pas à un suivi spécifique du nombre d’imposteurs signalés (fraude basée sur la ressemblance physique et fraudeurs en général) qui utilisent des cartes d’identité ou des documents de séjour délivrés conformément aux exigences du règlement, ni du nombre de personnes qui se déclarent victimes d’usurpation d’identité.
Dans les cinq États membres qui ont communiqué le nombre d’imposteurs signalés depuis l’entrée en vigueur du règlement, le nombre de documents frauduleux signalés a varié entre 22 et 57.

Le juge valide la biométrie dans les cartes d’identité

En ce qui concerne l’adéquation du stockage des données biométriques dans les cartes d’identité, la Cour a déjà reconnu que le stockage des empreintes digitales sur un support de stockage hautement sécurisé était susceptible de réduire le risque de falsification des passeports et de faciliter la tâche des autorités chargées d’examiner l’authenticité de ces documents.
Selon l’avocate générale Medina, cela vaut également pour l’utilisation des cartes d’identité dans le cadre de l’exercice de la libre circulation.

Dans un arrêt Schwarz, la Cour a déjà examiné le caractère proportionné de l’acceptation et du stockage des empreintes digitales. Elle a constaté qu’il ne s’agissait pas d’une opération revêtant un caractère intime, les deux empreintes digitales étant des caractéristiques visibles par d’autres, et qu’elle n’entraînait pas non plus un désagrément physique ou psychique particulier pour l’intéressé.
En outre, la Cour n’a trouvé aucun élément permettant de constater que le prélèvement des empreintes et la prise de l’image faciale entraîneraient une atteinte plus importante à ces droits parce qu’ils sont effectués en même temps.
Elle a par ailleurs conclu qu’il n’existait pas de méthode tout aussi appropriée, mais moins intrusive, que le prélèvement et le stockage des empreintes digitales, pour atteindre, de manière tout aussi efficace, l’objectif du règlement.

Dans l’affaire Landeshauptstadt Wiesbaden, l’avocate générale Medina a conclu que le règlement ne constituaient pas une limitation injustifiée aux droit à la vie privée .

Et après ? La dématérialisation ?

La Commission a annoncé qu’après avoir effectué une évaluation approfondie et procédé aux consultations nécessaires, elle avait l’intention de présenter une proposition de règlement relatif à la dématérialisation des documents de voyage et à la facilitation des déplacements.

L’OACI a établi une norme pour les documents de voyage numériques (ci-après les «authentifiants numériques du voyageur»), comme cela avait déjà été fait pour le passeport électronique physique et les données électroniques contenues dans sa puce.
Les authentifiants numériques du voyageur peuvent être obtenus à partir d’un passeport ou d’une carte d’identité existants.
Les voyageurs disposeraient d’une copie des données stockées sur le support de stockage du document de voyage physique qui serait reproduite dans une application hébergée sur un appareil, tel qu’un téléphone portable (empreintes digitales non incluses).
Ils seraient en mesure de transmettre des informations sur leurs déplacements à l’avance, donnant ainsi aux autorités le temps de filtrer les informations et d’accélérer les vérifications applicables aux frontières.

La Commission procède actuellement à la collecte d’éléments de preuve et aux évaluations nécessaires à l’élaboration d’une telle proposition.

 
synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 A lire aussi sur securiteinterieure.fr :

 

mardi 19 septembre 2023

Pression migratoire aux frontières européennes: Frontex alerte sur un phénomène massif qui va durer

 

 

 

Cela semble être un jour sans fin. De nouvelles vagues de migrants déferlent sur l'Europe avec pour conséquence, le fait que la présidente de la Commission européenne présente un nouveau plan d'urgence. En réalité, les plans d'action européens se succèdent et une fois encore, la réaction des Etats membres n'est pas à la hauteur des enjeux. A voir les réponses actuelles des différentes chancelleries, il semble que la solidarité européenne, par le truchement d'une réaction commune et cohérente, fasse encore défaut face à une crise qui est tout sauf inédite. En effet, Frontex annonce dans ses derniers rapports une recrudescence de l'afflux de migrants. Le tout nouveau rapport dit "Analyse de risque", qui dresse un état très complet du phénomène d'entrées irrégulières, est à cet égard édifiant. En effet, un tel afflux, qui s'intensifie ces derniers mois, est massif. De surcroît, il se poursuit et, selon le rapport, il va perdurer au cours des prochains mois.

Un nombre d'entrées inédits depuis la grande crise de 2015

En 2022, année caractérisée à la fois par une forte pression migratoire et des flux de réfugiés, environ 332 000 franchissements illégaux des frontières à l’entrée ont été signalés par les États membres.
Il s’agit du plus grand nombre de franchissements illégaux de frontières détectés depuis 2016.
Les routes des Balkans occidentaux, de la Méditerranée centrale et orientale étaient les trois principales routes migratoires. Les migrants syriens, afghans et tunisiens étaient les nationalités les plus souvent signalées.

(cliquez sur l'image pour agrandir)

Alors qu'en 2022, l'impact de la pandémie de COVID-19 sur les flux de passagers s'estompait et que la gestion des frontières européennes revenait donc, dans un certain sens, à la normale d'avant la pandémie, la guerre en Ukraine a entraîné le déplacement de population le plus rapide depuis la Seconde Guerre mondiale, avec environ 13 millions de personnes (migration circulaire incluse) sont entrés dans l’UE du 24 février jusqu’à fin 2022, dont la majorité étaient des femmes et des enfants.

Les frontières maritimes sous pression

Avec 147 982 détections signalées par les États membres, le chiffre de 2022 était également considérablement plus élevé, (+ 39 %), que le chiffre de 2019 avant la pandémie et le plus élevé pour ce type de frontière depuis 2017.
Alors que les corridors bien établis tels que les corridors libyen et tunisien en Méditerranée centrale ont enregistré les plus fortes augmentations absolues, les corridors émergents du Liban et de la Syrie vers la Méditerranée centrale ont connu des augmentations relatives incomparablement plus élevées, offrant des itinéraires alternatifs, en particulier aux migrants syriens.

(cliquez sur l'image pour agrandir)

Au total, la Méditerranée centrale, avec 105 561 entrées constatées (71 % de toutes les détections aux frontières maritimes), arrive en tête des routes migratoires maritimes, suivie par la route de l'Afrique de l'Ouest (15 463), les couloirs maritimes de la Méditerranée orientale (13 478). et la route maritime de la Méditerranée occidentale (13 257).
Le nombre de personnes vulnérables est en augmentation à la frontière maritime : en 2022, 20 276 mineurs, dont 14 073 non accompagnés, ont été recensés en Méditerranée centrale, soit le nombre le plus élevé jamais enregistré ces dernières années.

(cliquez sur l'image pour agrandir)

Une autre tendance importante est l’utilisation de navires plus navigables (mais pas plus sûrs), tels que les bateaux de pêche.
Selon les estimations de Frontex, ils ont été très lucratifs pour les passeurs.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 2 406 migrants ont été portés disparus en Méditerranée en 2022, soit 17 % de plus qu’en 2021 (2 062).

Des frontières terrestres elles aussi fortement sous pression

Avec une augmentation de 110 % des détections par rapport à 2021, les détections à l’entrée signalées par les États membres aux frontières terrestres en 2022 (183 571) indiqueraient une augmentation proportionnelle beaucoup plus élevée de la pression migratoire par rapport aux frontières maritimes (+ 31 %).

La pression migratoire aux frontières terrestres reste la plus élevée depuis 2016, même si l’augmentation par rapport à 2021 est moins accentuée.
Une part considérable des 135 292 passages illégaux des frontières ont été signalés aux frontières avec la Serbie (74 % de tous les passages aux frontières terrestres).

(cliquez sur l'image pour agrandir)

L’instrumentalisation biélorusse de la migration s’est poursuivie en 2022, mais avec moins d’intensité.
Parallèlement, aux frontières avec l’Ukraine, 5 224 passages illégaux ont été enregistrés, avec un pic en mars 2022.

À l’avenir, les détections de franchissements illégaux aux frontières terrestres en 2023/2024 pourraient diminuer quelque peu par rapport à la période précédente, car d’une part, les frontières terrestres aux frontières extérieures de l’Europe sont de plus en plus couvertes par des obstacles techniques robustes ainsi qu’une surveillance et des déploiements accrus. de gardes-frontières (y compris les déploiements de Frontex dans le cadre de l'opération conjointe Terra).

La fraude documentaire comme vecteur de l'immigration irrégulière

La fraude documentaire reste un facteur clé des menaces aux frontières extérieures de l’UE.
En 2022, le nombre de documents frauduleux signalés au sein du réseau d’analyse des risques de fraude documentaire de l’Union européenne (EDF-RAN) a augmenté de 5 % par rapport à 2021.
Les États membres de l’UE/pays associés à Schengen ont détecté en 2022 un total de 19 341 utilisateurs de documents frauduleux (ou en possession de ceux-ci) et 26 249 documents frauduleux aux frontières extérieures de l’UE et lors de mouvements secondaires intra-UE/Schengen.

(cliquez sur l'image pour agrandir)

Les passeports sont devenus le type de document frauduleux le plus signalé en 2022, avec une augmentation de 35 % par rapport à 2021.
Les aéroports internationaux d’Asie occidentale restent les principaux derniers points de départ des documents frauduleux détectés à l’entrée aux frontières aériennes extérieures de l’UE.

Des déplacements de migrants intraeuropéens à la hausse

En 2022, les États membres de l’UE et les Etats tiers associés à l'espace Schengen ont signalé le niveau de déplacements de migrants intraeuropéens (mouvements dts "secondaires") le plus élevé depuis 2016.
Les autorités ont enregistré 317 500 détections de ressortissants de pays tiers voyageant au sein de l’UE/de l’espace Schengen sans autorisation de séjour, soit 92 % de plus qu’en 2021.
Cette augmentation était principalement due à un plus grand nombre de migrants irréguliers détectés en route depuis la région des Balkans occidentaux vers des États membres de l’UE/pays associés à Schengen plus occidentaux et septentrionaux de l'UE.

La situation aux frontières extérieures de l’UE avec les pays des Balkans occidentaux est principalement alimentée par la migration de transit via la Méditerranée orientale et les arrivées dans les pays des Balkans occidentaux sur la base de leurs politiques de visa.

(cliquez sur l'image pour agrandir)

Selon Frontex, les raisons des mouvements secondaires sont multiples et difficiles à généraliser.
Bien que les taux de reconnaissance de l’asile pour certaines nationalités diffèrent fortement entre les États membres de l’UE et les Etats tiers associés à l'espace Schengen , il n’est pas clair dans quelle mesure cela pourrait encourager des mouvements secondaires.

Un (gros) problème (qui perdure): des toujours migrants non identifiés

Selon Frontex, un autre aspect important pourrait être les différences dans les conditions d’accueil et les facilités d’hébergement au sein des les États membres de l’UE et des Etats tiers associés à l'espace Schengen , qui jouent également un rôle pour les bénéficiaires.
La simple disponibilité d’un espace d’accueil en général ou pour des groupes particuliers (par exemple les personnes vulnérables) peut être cruciale.

Un enregistrement insuffisant après détection aux frontières extérieures de l’UE complique l’identification ultérieure des arrivées dans d’autres États membres de l’UE et Etats tiers associés à l'espace Schengen, et entrave leur transfert vers les pays qui devraient être chargés d’examiner la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure de Dublin.
Cela facilite considérablement les mouvements secondaires.

En 2022, selon les données de l’agence eu-LISA, le nombre d’enregistrements Eurodac (catégorie 2) était inférieur de 42 % au nombre de passages illégaux détectés aux frontières extérieures de l’UE.
La pression migratoire qui affecte actuellement les frontières extérieures de l’UE reste élevée, notamment en termes d’arrivées sur la route de la Méditerranée centrale. Il est donc très probable que le niveau des mouvements secondaires reste élevé, voire augmente en 2023.

Des expulsions à la peine

Avec environ 86 000 retours effectifs de ressortissants de pays tiers, le chiffre de 2022 est quasiment inchangé par rapport à 2021 (+1,6 %).
Cette situation s'explique par des problèmes tels que la longueur des procédures administratives et judiciaires, les difficultés à empêcher la fuite, les ressources insuffisantes et la capacité administrative limitée pour donner suite aux décisions de retour.

(cliquez sur l'image pour agrandir)

En fait, les indicateurs disponibles relatifs à la gestion de la migration irrégulière montrent de grands écarts entre la migration irrégulière, les décisions négatives en matière d'asile et de retour, d'une part, et les retours effectifs, d'autre part.

(cliquez sur l'image pour agrandir)

Le niveau de coopération avec les autorités des pays d’Afrique de l’Ouest est plutôt faible, ce qui se traduit par peu de retours effectués par rapport au nombre de décisions de retour émises.
L’augmentation actuellement observée sur la route de la Méditerranée centrale, un important retard dans les décisions de retour en attente en 2022 et un niveau de coopération plutôt insuffisant et non durable avec les autorités des pays tiers laissent présager une augmentation du nombre de retours vers l’Afrique du Nord en 2023.

Un business florissant: le phénomène de la traite d'être humains

D’après les données d’Eurostat pour 2021, 41 % des victimes signalées de la traite étaient des ressortissants de pays tiers.
L'exploitation sexuelle (56 %) reste la forme de traite prédominante dans l'UE, suivie par l'exploitation économique (29 %).
Parmi les autres types d’exploitation signalés figurent la criminalité forcée, la mendicité forcée, la fraude aux allocations et le prélèvement d’organes.

Les femmes et les filles constituaient le groupe le plus important de victimes identifiées de la traite (68 %), tant parmi les ressortissants de l’UE que parmi les ressortissants de pays tiers.
L’augmentation des flux migratoires en 2022 a également accru le risque d’exploitation des personnes vulnérables en déplacement.
En général, les formes directes d’abus, par exemple le recours à la menace ou à la force lors d’activités de contrebande, sont plus faciles à identifier, mais les moyens de coercition plus subtils peuvent être moins évidents et difficiles à détecter.
De plus, les victimes peuvent ignorer qu’elles font l’objet d’un trafic, ce qui rend la détection de la traite aux frontières encore plus difficile.

Alors que les crises humanitaires et les conflits militaires augmentent le nombre de mineurs non accompagnés arrivant en Europe par les routes migratoires, le risque d’exploitation des enfants augmente considérablement.
Comme les années précédentes, le nombre élevé de mineurs non accompagnés sera l’une des principales préoccupations des États membres de l’UE en 2023.

Un risque persistant de la menace terroriste

Au moment de la rédaction de cet article, la menace posée par chacun des groupes affiliés aux réseaux ISIS et Al-Qaïda semble rester locale/régionale plutôt que mondiale.
Le contexte sécuritaire est encore compliqué par la reconfiguration militaire en cours dans la région – notamment après le départ des forces françaises et d’autres forces de l’UE en 2022.
En ce sens, la contre-insurrection brutale des mercenaires russes pourrait probablement mettre en péril les efforts antiterroristes passés, exacerbant encore davantage la spirale de la violence et facilitant – à long terme – le recrutement des djihadistes.

Cela dit, l’Afrique reste également très attractive pour les anciens FTF disposés à s’installer ailleurs après la défaite territoriale du califat, ou pour les recrues potentielles de l’UE souhaitant rejoindre des factions militantes dans la région, comme le démontrent certaines arrestations effectuées par les services de sécurité de l’UE en 2022.

Pour l’avenir, la menace découlant du terrorisme reste principalement liée aux zones de conflit.
Les entrées non détectées de personnes liées au terrorisme aux frontières extérieures resteront probablement préoccupantes pour la sécurité intérieure de l’Union.

Des perspectives peu réjouissantes

La migration irrégulière en 2023/2024 poursuivra probablement le rebond post-COVID-19 observé en 2022, car les facteurs d’incitation socio-économiques dans de nombreux pays d’origine sont exacerbés par le ralentissement économique mondial et la hausse de l’inflation.
Les populations réfugiées et migrantes accueillies dans des pays tiers à l’est et au sud de l’Europe deviennent de plus en plus impopulaires auprès des populations locales dont la tolérance à l’égard des étrangers est mise à rude épreuve par des conditions socio-économiques de plus en plus difficiles.

Compte tenu de l’ampleur de l’hostilité entre la Russie et l’Occident et de leur interdépendance réduite, la probabilité d’une instrumentalisation des migrants par la Russie et la Biélorussie s’est accrue.
Il est important de noter que l’instrumentalisation des migrants pourrait ne pas se limiter aux frontières terrestres orientales, car les alliés et mandataires de la Russie au sud et au sud-est pourraient être mis à profit.
Le nombre considérable d’armes à feu, de munitions et d’explosifs actuellement présents en Ukraine constitue une menace sérieuse pour les frontières extérieures et la sécurité intérieure.

Les armes restantes peuvent facilement tomber entre de mauvaises mains et devenir des produits illégaux largement commercialisés, même dans un avenir lointain.
La guerre a également un impact sur le marché des véhicules et des machines volés.
La destruction de véhicules et de machines industrielles et agricoles pourrait entraîner une demande de remplacement bon marché, qui pourrait être exploitée par des bandes criminelles.


traduction et synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

A voir aussi :


A lire sur securiteinterieure.fr  :

 

mardi 12 septembre 2023

L’Europe se dote d’une nouvelle stratégie antifraude et d’un comité d’éthique pour protéger ses institutions de l'influence des lobbies

 


Dans la lignée de son rapport anti-fraude 2023, l’Union européenne se dote d’une nouvelle stratégie éponyme. Les principales mesures, l’utilisation d’outils informatiques pour lutter contre la fraude et le renforcement l’architecture antifraude de l’UE, s’inscrivent dans le sillage des observations du rapport. L’une des nouveautés majeures est certainement la création d’un comité chargé d’établir des normes en matière d’éthique et d’intégrité. Si les grandes lignes sont esquissées dans cette stratégie antifraude, elles sont précisées dans une communication. A retenir à ce sujet :

  • la création d’un organisme institutionnel,
  • l’élaboration d’une structure sous la houlette de cinq experts indépendants chargés d'alimenter cet organisme de leurs réflexions.

L’accent est mis sur les activités post-mandat d’anciens membres des institutions, ainsi que sur la transparence, notamment en ce qui concerne les réunions avec des représentants de groupes d’intérêts.



De quoi parle-t-on ?

La stratégie antifraude de la Commission (CAFS) est un instrument essentiel de la lutte antifraude.
Elle est accompagnée de son plan d’action, dont la dernière version remonte à avril 2019.
Le plan d’action révisé a pour but de renforcer toutes les étapes du cycle antifraude: la prévention, la détection, l’enquête et la correction. Il complète un certain nombre d’autres initiatives récentes ou en cours, comme la proposition relative à un organe interinstitutionnel chargé des questions d’éthique, le train de mesures anticorruption, la refonte en cours du règlement financier, le mécanisme de protection de l’état de droit et le mécanisme de conditionnalité.

D’où vient-on ?

La stratégie antifraude de 2019 précisait que le plan d’action serait revu et ajusté si nécessaire. Les nouvelles réalités auxquelles la Commission est actuellement confrontée dans les efforts qu’elle déploie pour protéger le budget de l’UE rendent une telle révision nécessaire. L’objectif est que l’UE dispose d’un plan d’action ciblé et efficace pour relever les défis croissants auxquels elle est confrontée dans le domaine de la lutte contre la fraude, tout en s’appuyant sur les travaux réalisés dans le cadre du plan d’action de 2019.

Où va-t-on ?

Chaque année, la Commission fera rapport aux autres institutions de l’UE et au public sur les mesures prises au niveau de l’Union et dans les États membres pour protéger les intérêts financiers de l’UE, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre du plan d’action. Des indicateurs seront élaborés en interne pour suivre les progrès accomplis.
Le plan d’action révisé sera mis en œuvre au cours de la période 2023-2026 et pourra être ajusté, si nécessaire.

Un thème phare : favoriser l’utilisation d’outils informatiques pour lutter contre la fraude

Le processus de consultation a abouti à la conclusion que la numérisation devrait être une priorité pour la Commission dans la poursuite de son programme de lutte contre la fraude. La Commission continuera donc d’étudier les possibilités d’accroître la numérisation et l’interopérabilité. Il est aussi nécessaire de renforcer et d’élargir l’utilisation des outils informatiques existants tels qu’Arachne, EDES, SUMMA et IMS, afin de prévenir et de détecter la fraude et d’enquêter sur celle-ci. La future configuration d’Arachne sera développée, à l’échelle de l’institution, à des fins de calcul du risque et d’exploration de données dans tous les modes de gestion, tandis que l’OLAF étudiera les solutions numériques permettant d'améliorer sa communication sur les enquêtes avec les autres services de la Commission et les agences exécutives.

Une priorité : renforcer l’architecture antifraude de l’UE

Il est prévu que la Commission continue de développer la coopération avec des partenaires clés, tels que les autorités des États membres et le Parquet européen, pour lutter contre la fraude. Elle renforcera également son soutien aux organismes décentralisés et aux entreprises communes, protégera les journalistes d’investigation, qui sont une source importante d’information, et étudiera la possibilité d’accroître la participation de la société civile à la lutte contre la fraude.
L’OLAF continuera de soutenir les services de la Commission et les agences exécutives par l’intermédiaire du FPDNet et en prodiguant des conseils sur les stratégies antifraude.
La politique antifraude doit, par ailleurs, être examinée dans le contexte général de l'action de l’Union. Il importe que les considérations antifraude soient davantage intégrées dans d’autres domaines d’action qui sont intrinsèquement liés à la lutte contre la fraude, comme l’état de droit et la lutte contre la corruption, et que les synergies soient davantage exploitées.

Renforcer la culture de l’éthique et de la lutte contre la fraude au sein de la Commission

Selon la stratégie, il est nécessaire de renforcer les connaissances en matière d’éthique. Il en est de même pour la lutte contre la fraude. Il importe de maintenir un niveau élevé de sensibilisation du personnel de la Commission sur ces questions.
La Commission renforcera progressivement la formation et la sensibilisation à l’éthique et à la lutte contre la fraude de manière globale, étant donné que ces deux thèmes vont de pair. La Commission améliorera aussi la base de connaissances antifraude et intégrera les considérations antifraude dans son processus de recrutement.

Pourquoi un comité d’éthique ?

Dans son rapport spécial nº 13/2019 , la Cour des comptes a conclu que le Parlement européen, le Conseil et la Commission avaient mis en place des cadres éthiques globalement adéquats.
Toutefois, il n’existe à ce jour pas de normes éthiques minimales communes pour les membres ni de mécanismes formels d’élaboration, de coordination ou d’échange de vues entre les institutions en ce qui concerne les normes éthiques que leurs membres sont censés respecter. C’est cette lacune qu’il faut combler, en proposant la création d’un organisme d’éthique pour les membres de toutes les institutions de l’UE.

Pourquoi un comité d’éthique unique ?


L’une des recommandations du rapport spécial de la Cour des comptes sur les cadres éthiques du Parlement européen, du Conseil et de la Commission est  que les institutions auditées devraient déployer plus d’efforts pour partager les bonnes pratiques en matière d’éthique.
Dans sa résolution du 16 septembre 2021, le Parlement européen a souligné qu’«un organisme européen indépendant unique chargé des questions d’éthique permettrait de mieux assurer la mise en œuvre cohérente et intégrale des normes éthiques dans l’ensemble des institutions de l’Union afin de garantir que les décisions publiques soient prises au nom de l’intérêt général et de la confiance des citoyens dans les institutions de l’Union».

Avec la création de l’organisme d’éthique, il existera, pour la première fois, un mécanisme formel de coordination et d’échange de vues entre les institutions et d’élaboration de normes communes en matière d’éthique pour leurs membres.

Comment y parvenir ?


Un accord interinstitutionnel est proposé à cet effet.
S’appuyant sur l’expérience positive d’un accord antérieur conclu en 2014, l’accord interinstitutionnel sur un registre de transparence obligatoire conclu en 2021 entre la Commission, le Parlement et, pour la première fois, le Conseil, démontre la pertinence d’une approche interinstitutionnelle à cet égard.
L’accord interinstitutionnel du 25 mai 1999 entre le Parlement, le Conseil et la Commission relatif aux enquêtes internes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) est un autre exemple de la pertinence de l’approche interinstitutionnelle pour la mise en œuvre des règles en matière d’éthique et d’intégrité.

Comment sera composé ce comité d’éthique ?

Le comité d’éthique sera composé d’un membre de chaque institution participante.
Le niveau du représentant d’une partie est, en principe, celui d’un vice-président. Il est toutefois nécessaire de tenir compte des spécificités liées au rôle de chaque institution. C’est la raison pour laquelle l’accord proposé prévoit que chaque partie dispose d’une certaine souplesse pour nommer un représentant autre qu’un vice-président, lorsqu’elle ne dispose pas d’une telle fonction ou qu’un tel choix serait inapproprié.
Les travaux de l’organisme seront alimentés par cinq experts indépendants, qui auront la qualité d’observateurs et seront nommés par la Commission, en tenant compte de leurs compétences, de leur expérience dans des fonctions de haut niveau, de leur indépendance et de leurs qualités professionnelles.
Ces experts assisteront à chaque réunion de l’organisme et fourniront des conseils sur toute question éthique liée au mandat de l’organisme. Ils formuleront aussi un avis en vue d’un échange de vues de l’organisme au sujet de l’alignement des règles internes d’une partie sur les normes.

Quelles sont les missions de ce comité éthique ?

Le comité d’éthique a pour mission d’élaborer des normes éthiques minimales communes pour la conduite des membres.
L’organisme aura trois missions principales:

  • élaborer des normes minimales communes applicables à toutes les parties et leurs membres, et lancer la révision de ces normes;
  • procéder à des échanges de vues sur la base de l’évaluation de l’alignement des règles internes;
  • promouvoir la coopération des parties sur des questions d’intérêt commun
  • permettre les échanges avec d’autres organisme publics ou toute autre organisation internationale dont les travaux présentent un intérêt pour les règles et normes en matière d’éthique et d’intégrité.


Quels sont ses domaines d’intervention ?


L’organisme élaborera des normes minimales communes quant:

  • aux intérêts et actifs à déclarer;
  • aux activités accessoires/extérieures des membres;
  • aux normes applicables à la mise en œuvre du cadre commun, notamment le contrôle de la conformité et les mesures prévues en cas d’infraction;
  • aux normes applicables à l’acceptation de cadeaux, d’hospitalité et de voyages offerts par des tiers;
  • à l’acceptation de récompenses, de décorations, de prix et de distinctions honorifiques décernés en cours de mandat;
  • aux activités post-mandat d’anciens membres et à leur transparence
  • aux normes applicables aux mesures de conditionnalité et de transparence, notamment en ce qui concerne les réunions avec des représentants d’intérêts et leur publication.

Il est en effet essentiel d’encadrer ce dialogue de manière transparente, afin d’éviter tout risque, pour l’institution ou ses membres, qu’il puisse — même par inadvertance — être exercé au profit d’un groupe d’intérêt spécifique, avec d’éventuels effets préjudiciables sur la confiance du public et l’intérêt général de l’Union.
 

 synthèse du plan d'action et de la communication par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
 



A lire sur securiteinterieure.fr :

 

mardi 5 septembre 2023

Rapport d’activité d'Europol : la gendarmerie française primée par l'office européen de police

 


La gendarmerie récompensée par son investissement auprès d’Europol. C’est en substance ce que l’on apprend du rapport d’activité annuel de l’office européen de police. Le document fait état d'une effervescence opérationnelle intense, ponctuée par de nombreuses opérations conjointes. Il fait le point également sur le soutien d'Euopol à l'Ukraine. Il dresse par ailleurs le bilan des différents départements de l'organisation, notamment le département "lutte contre le terrorisme" et le département "lutte contre la cybercriminalité".
A noter que selon le rapport, le budget de l’office s'élève à 192,4 millions d'euros. Il compte un budget de 1058 personnes, principalement des Espagnols, des Néerlandais et des Italiens.

Une activité opérationnelle conséquente

En 2022, Europol a soutenu 2 758 opérations. Il a organisé ou soutenu 394 journées d'action et produit 32 rapports d'analyse stratégique.
En termes d'analyse opérationnelle, les analystes d'Europol ont fourni un total de 251 rapports d'analyse opérationnelle.

nombre d'opérations soutenues par Europol entre 2020 et 2022


La 7e campagne EU Most Wanted (criminels les plus recherchés en Europe) a été lancée le 28 septembre par le réseau européen des équipes de recherche active de fugitifs (ENFAST) et Europol.

Alors qu'Europol a continué à travailler avec les États membres dans le cadre d'EMPACT et par le biais du soutien traditionnel aux enquêtes prioritaires, le modèle de soutien opérationnel de l'Agence s'est de plus en plus concentré sur les enquêtes complexes et à fort impact, sur la base de l'objectif d'arrêter des cibles de grande valeur (HVT)!;

En 2022, 18 nouveaux Operational Task Force (OTF) ont été créés. Le concept OTF, initialement développé et piloté par le European Serious Organized Crime Centre, s'est étendu à d'autres domaines, avec huit OTF créées en 2022 dans les autres centres opérationnels.

Ainsi, la France, la Roumanie et l'Espagne, avec le soutien d'Europol (Projet d’analyse (AP) Phoenix) et d'Eurojust, ont démantelé un réseau impliqué dans la traite à des fins d'exploitation sexuelle (OTF Latino). Une journée d'action qui s'est déroulée en mars s'est soldée par 16 perquisitions domiciliaires, sept arrestations dont un HVT (le leader du réseau) et l'identification de 32 victimes.

Enfin, Europol a réalisé un total de 78  demandes au titre de la directive PNR (Passenger Name Record) en 2022, ce qui est inférieur à l'objectif annuel fixé à 100 demandes, mais supérieur de 18 % aux 66 demandes effectuées en 2021.

nombre de journées d'action soutenues par Europol entre 2020 et 2022


L’extension d’Europol à l’international

Le 28 juin 2022, le règlement Europol modifié est entré en vigueur.
Les négociations sur les futurs arrangements de travail ont progressé tout au long de l'année avec la Cour pénale internationale (CPI) et avec l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC).

Le 17 mars, le conseil d'administration a décidé de suspendre toute coopération avec la Russie, y compris dans le cadre de l'accord stratégique conclu en novembre 2003.
Un accord final sur le texte de l'accord avec l'Inde a été conclu en octobre 2022, qui a été approuvé par la réunion du conseil d'administration en décembre 2022.

L’appui à l’Ukraine, une priorité pour Europol

Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022, soutenir les États membres dans la lutte contre la criminalité liée à la guerre est l'une des principales priorités d'Europol.
En 2022, Europol a produit quatre évaluations de la menace sur les implications potentielles de la guerre liées à la criminalité grave et organisée et au terrorisme dans l'UE, ainsi que plusieurs notifications d'alerte précoce et de renseignement (par exemple sur le trafic d'armes et la traite des êtres humains (TEH)).
Le soutien aux États membres et aux pays frontaliers a augmenté au début de l'année en raison des flux migratoires en provenance de Biélorussie et dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, Europol est devenu membre du groupe de travail « geler et saisir » créé par la Commission européenne pour coordonner l'application par les États membres des sanctions de l'UE contre la Russie et la Biélorussie.
En outre, Europol a lancé en avril 2022 l'opération OSCAR pour soutenir les enquêtes financières des États membres ciblant les avoirs criminels détenus par des personnes physiques et morales sanctionnées en relation avec la guerre.

En outre, le protocole d'intervention d'urgence des services répressifs de l'UE (EU LE LRP) a été activé en réponse à l'agression russe contre l'Ukraine et aux cyberactivités malveillantes associées. Il s'agissait d'une activation partielle, consistant en un suivi étroit des développements.
Elle comprend des rapports réguliers, une coopération avec les institutions et agences de l'UE, et une évaluation constante de la situation en vue d'une éventuelle activation complète. Les activités de communication publique de crise liées à l'Ukraine ont été partagées dans le cadre du Cyber Blueprint, lors des réunions mensuelles du réseau Cyber Crisis Communications.

L'équipe cyber d'Europol au secours de l'Ukraine

En 2022, le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) a apporté son soutien à 446 opérations.
L'EC3 a mis en place un groupe de travail opérationnel (OTF) en 2022. L'EC3 a également coordonné/soutenu 42 journées d'action (contre 27 en 2021) ciblant différents domaines de criminalité, conduisant à 2 770 arrestations et à la saisie d'actifs s'élevant à plus de 17,5 millions d'euros.
Au cours de l'année, le Centre a reçu 8 837 contributions opérationnelles (similaire au résultat de l'année dernière, 8 887) et a produit un total de 3 601 rapports opérationnels.

Quant à l'équipe Cyber Intelligence (CIT), elle a fourni en 2022 un soutien à 23 enquêtes avec des recherches en source ouverte. De même, CIT a apporté son soutien aux activités ETL (extraction, transformation ou chargement) dans 31 enquêtes complexes.
À la suite du lancement partiel de l'ERP LE EU en réponse aux cyberattaques liées au conflit en Ukraine, le CIT a commencé à effectuer une surveillance renforcée en source ouverte des cyberévénements, afin d'informer les États membres de l'UE, les autres secteurs d'Europol et les institutions européennes sur la cyber-événements les plus importants.

Grâce au J-CAT, Europol réprime les abus sexuels sur des nourrissons

En 2022, le Joint Cybercrime Action Taskforce (J-CAT) , en collaboration avec l'European Cybercrime Centre (EC3), a soutenu 88 opérations de cybercriminalité de haut niveau et 7 opérations parapluie.
L'un de ces derniers est le nouveau EC3 - Joint Cybercrime Action Taskforce (J-CAT) International Ransomware Response Model (IRMM), qui a été approuvé par le conseil d'administration du J-CAT au premier trimestre 2022.

Fin octobre, les policiers polonais, avec le soutien d'Europol (AP Twins) et du J-CAT, ont effectué 82 perquisitions à travers le pays et interpellé 44 suspects âgés de 18 à 66 ans.
L'analyse préliminaire et les perquisitions ont conduit à l'identification de 15 500 fichiers vidéo et photographiques illustrant l'abus sexuel d'enfants et la saisie de 350 unités de stockage numérique de grande capacité.
Certaines des images enregistrées sur les articles de stockage saisis représentaient des abus sexuels sur des nourrissons et des tout-petits.

2 200 arrestations et 122 millions d'euros saisis


Au cours de l'année, le nombre d'opérations soutenues par le European Serious Organized Crime Centre (ESOCC) a notamment augmenté pour atteindre 1 069 (+44% par rapport à 2021), dépassant l'objectif fixé pour 2022 (500 opérations).
Le centre a coordonné et soutenu un total de 233 journées d'action (contre 195 en 2021), entraînant près de 2 200 arrestations et la saisie d'avoirs pour un montant de plus de 122 millions d'euros.

En ce qui concerne les groupes de travail opérationnels (OTF), en 2022, l'ESOCC a créé dix OTF. En outre, huit OTF ont été créés par d'autres centres d'Europol (un par EC3, quatre par le Centre européen de lutte contre le terrorisme (ECTC) et trois par le Centre européen de lutte contre la criminalité financière et économique (EFECC) ).
Un groupe de travail de liaison sur la drogue a été lancé au premier trimestre afin d'améliorer l'échange d'informations en temps réel et de répondre aux demandes opérationnelles des États membres. Une vaste enquête impliquant les autorités du Brésil, d'Espagne, du Paraguay et des États-Unis, coordonnée par Europol (ESOCC), a conduit au démantèlement d'un réseau criminel à haut risque impliqué dans un trafic de cocaïne à grande échelle.

L’engagement de l’office contre les réseaux criminels de trafic de migrants


En 2022, le Centre européen de lutte contre le trafic de migrants (EMSC) a soutenu plusieurs OTF en lien avec le trafic de migrants : OTF Flow – axé sur la route biélorusse, OTF Dune – axé sur le trafic de petits bateaux, et OTF Pathfinder – axé sur 14 HVT le long de l'Ouest - Route des Balkans.

Une journée d'action OTF Pathfinder a eu lieu le 1er juin et a conduit à l'arrestation de deux cibles à haute valeur (HVT). Les suspects ont coordonné le trafic d'au moins 10 000 migrants, principalement d'origine afghane, pakistanaise et syrienne, de Turquie à travers la région des Balkans occidentaux, vers l'Autriche, l'Allemagne et les Pays-Bas.
Ils ont utilisé les plateformes de médias sociaux pour présenter leurs services comme une facilitation sûre, alors qu'en réalité les migrants étaient souvent transportés dans des conditions potentiellement mortelles.

Une journée d'action d'OTF Dune le 5 juillet a conduit au démantèlement de l'un des réseaux criminels les plus actifs de trafic de migrants sur de petites embarcations à travers la Manche.
La journée d'action s'est soldée par 39 arrestations (neuf en France, 18 en Allemagne, six aux Pays-Bas et six au Royaume-Uni), dont trois cibles à haute valeur (HVT).

Une surveillance accrue du contenu des plateformes en ligne pour lutter contre le terrorisme, l’extrémisme et la diffusion de la propagande

Le Centre européen de lutte contre le terrorisme (ECTC) a soutenu 891 opérations et reçu 4 357 contributions opérationnelles ; l'ECTC a fourni 1 526 rapports opérationnels. L'ECTC a créé quatre OTF et organisé/soutenu 30 journées d'action au cours de l'année, qui ont abouti à 184 perquisitions domiciliaires et 53 arrestations, entre autres résultats.

Tant le nombre de contributions opérationnelles envoyées au CECT que le nombre de rapports opérationnels produits ont légèrement diminué par rapport à l'année précédente pour atteindre respectivement 4 357 contributions et 1 526 rapports.

L'unité de référencement Internet de l'UE (EUIRU) a continué de surveiller le contenu des plateformes en ligne, évaluant un total de 22 516 éléments de contenu. En 2022, l'EUIRU a soutenu 298 opérations et délivré 487 rapports opérationnels, deux résultats supérieurs à ceux de 2021 (respectivement 248 et 396).
L'EUIRU a surveillé le contenu en ligne et évalué un total de 22 516 contenus liés au terrorisme et à l'extrémisme violent.
En ce qui concerne l'échange d'informations dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, le nombre de messages de son sstème de communication (Secure Information Exchange Network Application (SIENA)) échangés par les unités nationales antiterroristes est passé de 51 277 en 2021 à 52 749 en 2022. Il est important de noter que le nombre total de messages SIENA échangés liés au terrorisme a atteint 118 481 en 2022.

Une coopération étroite entre Europol et le nouveau parquet européen

Le Centre européen de lutte contre la criminalité financière et économique (EFECC) a soutenu 402 opérations et produit 2 045 rapports opérationnels, avec 15 075 contributions opérationnelles reçues. Au total, l'EFECC a organisé et soutenu 94 journées d'action, aboutissant à des résultats opérationnels substantiels et à des saisies d'une valeur totale de plus de 1,1 milliard d'euros. En outre, l'EFECC a créé trois OTF en 2022.
Au cours de l'année, le Centre a reçu 15 075 contributions opérationnelles via SIENA, au-dessus de l'objectif de 14 000 contributions. Au total, 2 045 rapports opérationnels ont été produits, bien au-dessus de l'objectif de 1 700.

La coopération avec l'OEPP a continué à se développer en 2022 ; à la fin de la période considérée, Europol (EFECC) soutenait 21 opérations majeures du Parquet européen dans le domaine de la fraude fiscale.
Europol a coordonné la troisième édition de l'opération Bouclier, un effort mondial visant à cibler le trafic de médicaments et de substances dopantes contrefaits et détournés, qui s'est déroulée entre avril et octobre 2022.
L'opération a été menée par la France, la Grèce, l'Italie et l'Espagne, et a impliqué la police et autorités douanières de 19 Etats membres et 9 pays tiers.

L'Office de lutte antifraude (OLAF),  l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), Frontex, l'agence mondiale anti-dopage (AMA), l'organisation mondiale des douanes (OMD) et les agences nationales des médicaments ont apporté leur soutien.
L'opération s'est soldée par des saisies d'une valeur de plus de 40 millions d'euros, 349 suspects arrêtés ou signalés aux autorités judiciaires, dix laboratoires clandestins et 89 sites Internet fermés.

Le trafic de drogue en tête des messages échangés via l’outil de communication

Le nombre total de messages échangés via le Secure Information Exchange Network Application (SIENA) entre les États membres, les pays tiers et Europol est passé de 1,54 million en 2021 à un record historique de 1,64 million en 2022.
En 2022, 138 903 nouveaux cas ont été initiés. Les domaines de criminalité les plus couramment indiqués en 2022 étaient le trafic de drogue, la fraude et l'escroquerie, et l'immigration clandestine.
Plus de 2 600 autorités compétentes étaient connectées à SIENA en 2022, dont 18 agences américaines (une augmentation de 8 % par rapport à l'année précédente).

En 2022, Europol a accepté 98 068 contributions opérationnelles envoyées via SIENA, ce qui dépasse l'objectif annuel de 91 000 contributions ; 19 % de toutes les contributions acceptées contenaient des données structurées, contre 14 % en 2021.

nombre de contributions acceptées par le système de communication d'Europol (SIENA)

Le Centre opérationnel et d'analyse (OAC) d'Europol a accepté 32 523 contributions opérationnelles.
En 2022, l'OAC a répondu aux demandes SIENA de première ligne en 3,1 jours (6,1 en 2021).
Le délai moyen de réponse du bureau SIRENE d'Europol était de 1,8 jours (1,9 en 2021).
Fin 2022, plus de 75 agents invités étaient déployés en Bulgarie, Chypre, Grèce, Hongrie, Italie, Lituanie, Malte, Roumanie, Slovaquie et Moldavie, couvrant 28 zones opérationnelles.
Le nombre total d'agents invités formés à la fin de la période de référence était de 381.!

nombre de rapports d'analyse entre 2020 et 2022


Europol à la pointe du numérique

En 2022, 13 374 862 recherches ont été effectuées soit dans l'application Web du système d'information d'Europol (SIE) (18 %) soit via les systèmes d'interrogation d'Europol (QUEST) (82 %), ce qui représente une augmentation de 9,1 % par rapport à 2021. Les contrôles de la criminalité aux frontières dans l'EIS liés aux personnes étaient de 2 339, au-dessus de l'objectif annuel de 2 000.
La nouvelle version du système automatisé d'identification des empreintes digitales (AFIS) d'Europol a été mise en service fin août 2022
La preuve de concept technique d'un nouveau système de reconnaissance faciale a été finalisée en juillet 2022. Les travaux de finalisation de l'acquisition du logiciel de remplacement de l'outil FACE existant se sont poursuivis.

La gendarmerie primée comme contributeur majeur

L'Europol Tools Repository (ETR) a été créé en 2022. L'ETR a été présenté lors de la conférence "Innovations in Law Enforcement" à Prague en novembre, et un prix "top ETR contributeur" a été décerné à la gendarmerie française.

Le portail d'analyse de données (DAP) a eu plusieurs nouvelles versions au cours de la période de référence, corrigeant certaines fonctionnalités et ajoutant de nouvelles fonctionnalités. Le Data Review Module (DRM) de la DAP, qui signalera automatiquement les données dont la fin de conservation approche, entre autres, a été déployé auprès des utilisateurs.

organigramme d'Europol


À la suite de l'avis de consultation préalable du CEPD du 27 juin, détaillant les exigences supplémentaires avant la mise en service de PERCI (plate-forme européenne sur les contenus illégaux en ligne), qui soutient la mise en œuvre du règlement du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne, Europol a communiqué les mesures supplémentaires envisagées concernant le chiffrement des données le 21 octobre 2022.
La consultation avec le controleur européen à la protection des données (CEPD) sur les solutions proposées s'est poursuivie tout au long de l'année.

Le développement d’un appui toujours plus conséquent


La plate-forme d'experts d'Europol (EPE) est devenue le principal outil de partage d'informations non personnelles, avec plus de 60 plates-formes disponibles. Plusieurs nouvelles plateformes ont été ouvertes en 2022 ; parmi ceux-ci : Counter Terrorism Experts (CTE), Core International Crimes and Counter Terrorism (CIC), WIKIPOL (diffusion de documents de connaissances à tous les Etats membes), et GEFÄHRDER.

En 2022, la plateforme SIRIUS a continué à renforcer sa position de référentiel central d'outils ; à la fin de la période de référence, il comptait 42 outils soumis par Europol ou un État membre, plus sept outils OSINT.
Au premier trimestre 2022, SIRIUS a lancé le programme pour les fournisseurs de services en ligne.
Pour mémoire, le projet SIRIUS, mis en œuvre conjointement par Europol et Eurojust, en partenariat étroit avec le Réseau judiciaire européen, est un point de référence central dans l'UE pour le partage des connaissances sur l'accès transfrontalier aux preuves électroniques.
Aujourd'hui, plus de la moitié de toutes les enquêtes pénales incluent une demande transfrontalière d'accès à des preuves électroniques (telles que des données provenant de services de messagerie ou de courrier électronique, ou de médias sociaux).

 

synthèse et traduction du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


 
A lire aussi:

 

A lire sur securiteinterieure.fr  :