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vendredi 28 février 2025

Guerre hybride: une restriction de l’asile en vue afin de lutter contre l’instrumentalisation de la migration par la Russie et la Biélorussie

 


Pour contrer l'utilisation de flux de migrants comme armes contre l’UE et ses Etats membres, la Commission européenne a présenté une communication sur le renforcement de la sécurité aux frontières extérieures de l'UE. Elle fait le point sur l’action menée jusque-là et préconise l’adoption de mesures exceptionnelles pour parer l’instrumentalisation de cette migration. L’idée ? Les nouvelles dispositions du droit adopté dans le cadre du « Pacte sur l’asile et la migration » permettent le recours à ces mesures exceptionnelles pour restreindre le droit à l’asile. Toutefois, la Commission rappelle que ces mesures doivent avoir lieu dans le cadre d’un respect de la jurisprudence de la Cour de justice. En outre, elle appelle à une intensification de la coopération entre les Etats membres dans la mesure où la protection face à cette guerre hybride, qui passe par celle des frontières extérieures, imbrique étroitement la sécurité intérieure et la sécurité intérieure.


De quoi parle-t-on ?


En 2024, les arrivées irrégulières aux frontières UE-Biélorussie ont augmenté de manière significative (augmentation de 66 % en 2024 par rapport à la même période en 2023), en particulier à la frontière polono-biélorusse.
Cela est également dû à l’implication des autorités biélorusses dans la facilitation des passages, c'est- à-dire en autorisant l'accès à la zone frontalière et en équipant les migrants d'échelles et d'autres dispositifs. Les autorités russes facilitent ces mouvements, étant donné que plus de 90% des migrants traversant illégalement la frontière polono-biélorusse ont un visa étudiant ou touristique russe. Des éléments similaires ont été observés en 2023 à la frontière finno-russe.


Quel est le problème ?

Ces derniers temps, l’UE a assisté à une augmentation significative du nombre d’activités malveillantes visant l’Union européenne et exploitant la connectivité mondiale, les chaînes d’approvisionnement, les dépendances économiques, les failles juridiques et l’ouverture de nos sociétés démocratiques.
Ces activités ont pris des formes sophistiquées telles que des actes de sabotage ou des cyberattaques visant à perturber les réseaux économiques, énergétiques ou de transport, ainsi que des manipulations d’informations étrangères et des ingérences dans les processus politiques, ce qui témoigne d’une audace croissante dans ces attaques hybrides.


Pourquoi c’est grave ?


Les actions de la Russie ont non seulement ramené la guerre sur le continent européen, mais elles ont également créé un sentiment d'insécurité et d'instabilité.
Ce sentiment est renforcé par l'intensification des provocations et le recours à des tactiques de guerre hybride, telles que l'utilisation des migrants comme armes, par lesquelles la Russie et la Biélorussie facilitent artificiellement et illégalement les flux migratoires illégaux vers les frontières extérieures de l'UE. 

La Russie et la Biélorussie utilisent cette guerre hybride comme un outil politique dans le but de déstabiliser nos sociétés et de saper l'unité de l’Union européenne.
Cela met en péril non seulement la sécurité nationale et la souveraineté des États membres, mais aussi la sécurité et l'intégrité de l'espace Schengen et la sécurité de l'Union dans son ensemble.
Le recours à la violence par des individus, en particulier lorsqu'ils agissent en groupe, contre des gardes-frontières dans le cadre de certaines entrées illégales dans l'Union aggrave encore la situation et a de graves répercussions sur la société de l'UE.


D’où vient-on ?

En décembre 2023, le Conseil européen a condamné toutes les attaques hybrides, y compris l'instrumentalisation des migrants par des pays tiers à des fins politiques, et exprimé la détermination de l'Union à contrer toute attaque de ce type lancée par la Russie et la Biélorussie.
Dans ses conclusions d'octobre 2024, le Conseil européen a souligné que la Russie et la Biélorussie ne sauraient être autorisées à porter atteinte à nos valeurs, y compris au droit d'asile, et à porter atteinte à nos démocraties.
Il a aussi exprimé sa solidarité avec la Pologne et avec les autres États membres confrontés à ces défis et a reconnu sa détermination à assurer un contrôle efficace des frontières extérieures de l'Union par tous les moyens disponibles


Que permet le droit ?


Le code frontières Schengen révisé reconnaît explicitement que les cas d'instrumentalisation des migrants peuvent justifier la fermeture temporaire des points de passage frontaliers aux frontières extérieures concernées.
Quant au règlement relatif aux situations de crise et de force majeure, il autorise les États membres à déroger à certaines règles procédurales du droit de l’Union en matière d'asile afin de faire face à des situations d'instrumentalisation.   


Où en est-on ?


La Commission travaille actuellement avec les États membres pour mettre en œuvre les règles contenues dans le pacte sur la migration et l'asile, notamment le règlement relatif aux situations de crise et de force majeure. Elle aide les États membres à élaborer leurs plans nationaux de mise en œuvre.
En outre, dans la proposition législative de directive sur le trafic de migrants, la Commission a proposé une nouvelle infraction d'incitation publique afin de lutter contre les activités des passeurs qui incitent intentionnellement les migrants (y compris dans le cadre d'une instrumentalisation) à entrer à transiter ou à séjourner illégalement dans l'UE.
L’instrumentalisation des migrants est considérée comme une circonstance aggravante qui peut augmenter le niveau des sanctions.


Quelle est la réponse de l’UE déjà en place ?

Étant donné que l’instrumentalisation des migrants par des acteurs étatiques hostiles est souvent confondue avec les actions d'organisations criminelles et de passeurs de migrants, la question a été abordée dans le plan d'action renouvelé de l'UE contre le trafic de migrants (2021-2025).
En outre, le mécanisme de protection civile de l'Union a déjà été utilisé en 2021 pour soutenir la Lituanie confrontée à l'instrumentalisation des migrants et que tous les États membres concernés peuvent utiliser pour se préparer aux menaces découlant de l'instrumentalisation des migrants et apporter un soutien efficace, y compris aux personnes dans le besoin.

La Commission a également augmenté son soutien financier. En 2021, elle a entamé un dialogue avec la Lettonie, la Lituanie et la Pologne afin de leur fournir un soutien financier pour la gestion des frontières, en plus des montants déjà alloués via les programmes nationaux au titre de l’instrument de gestion des frontières et des visas (BMVI) pour la période 2021-2027 (360 millions d'euros.
Le Conseil a également établi un cadre de mesures restrictives en réponse aux actions déstabilisatrices menées par la Russie à l'étranger. En vertu de ce nouveau cadre, les personnes ciblées seront soumises à un gel de leurs avoirs et les citoyens et entreprises de l'UE se verront interdire de mettre des fonds à leur disposition. En outre, les personnes physiques peuvent également faire l'objet d'une interdiction de voyager.


Que faut-il faire ?

Pour garantir la sécurité de l'Union et l'intégrité territoriale des États membres, le Commission juge nécessaire que les États membres limitrophes de la Russie et de la Biélorussie soient en mesure d'agir de manière décisive et ferme pour contrôler efficacement les frontières extérieures de l'Union.
Concernant le droit d'asile, compte tenu de la gravité de la menace, ainsi que de sa persistance, pour la sécurité de l'Union et l'intégrité territoriale des États membres, les États membres peuvent invoquer les dispositions du traité pour aller exceptionnellement et dans des conditions strictes au-delà de ce qui est actuellement prévu par le droit dérivé de l'Union, sous le contrôle de la Cour de justice.

L’Union européenne a déjà été confrontée à une situation dans laquelle la limitation des droits fondamentaux consacrés par la Charte était nécessaire pour contrer les menaces hybrides posées par la Russie.
En mars 2022, l'Union a temporairement interdit à certains opérateurs russes contrôlés par l'État de diffuser sur le territoire de l'UE en raison de propagande et de désinformation ciblant la société civile de l'Union . Le Tribunal a confirmé sa légalité, car elle était conforme aux exigences prévues par la Charte.     
         
La Cour européenne des droits de l’homme (« CEDH ») a également reconnu que certaines situations exceptionnelles ont une incidence sur l’interprétation des droits garantis par la CEDH.
Elle a notamment déterminé que le comportement de migrants qui recourent à la force en grands groupes pour prendre d’assaut une clôture frontalière  ou qui comptent sur un grand nombre de migrants pour traverser illégalement, sans avoir recours aux procédures officielles d’entrée, peut justifier une action de l’État qui ne serait pas considérée comme une violation de l’interdiction de l’expulsion collective.  
 

Respecter toutefois le droit

Les mesures prises par les États membres pour préserver la sécurité nationale conformément aux traités doivent respecter les limites et les conditions du droit de l'Union.
En particulier, toute mesure doit être proportionnée et adaptée pour faire face à la menace posée et elle doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire. 
Les États membres doivent expliquer la nécessité et fournir des justifications lorsqu'ils adoptent des mesures. Le simple fait d'invoquer la protection des intérêts, aussi fondamentale soit-elle, ne suffit pas à satisfaire au raisonnement requis.
En outre, les mesures susceptibles de limiter certains droits fondamentaux doivent être de nature temporaire.

La Commission encourage les États membres à peser soigneusement tous les intérêts en jeu.
Étant donné que ces mesures protègent la frontière extérieure commune, ainsi que la sécurité intérieure et extérieure de l'Union elle-même, et à la lumière du principe de coopération loyale, les États membres sont invités à coopérer étroitement avec l’Union et les autres États membres.
Dans ce contexte, il importe que les États membres consultent la Commission et informent les autres États membres des mesures exceptionnelles qu’ils envisagent de prendre.


Que peuvent faire les agences ?


Quant aux agences de l'UE, elles peuvent renforcer leur soutien opérationnel dans les régions frontalières terrestres orientales de l'UE.
Frontex peut apporter son soutien par le biais d'opérations conjointes, d'interventions rapides aux frontières et en facilitant l'échange d'informations, le soutien technique, le renforcement des capacités et la formation, ainsi qu'en envoyant des officiers de liaison.

Des agents invités d'Europol peuvent également être déployés pour aider aux contrôles de sécurité secondaires.
L'Agence de l'Union européenne pour l'asile (EUAA) peut fournir un soutien avec des experts techniques à la demande des États membres, afin de renforcer les services d'accueil et d'asile si nécessaire.
Eurojust peut soutenir les enquêtes et les poursuites pénales ainsi que les équipes communes d'enquête dirigées par des procureurs dans les États membres concernés.


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


 

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