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dimanche 7 décembre 2025

Rapport 2025 sur la migration illégale : la France expulse le plus en Europe

 



Dans le cadre de l’application du Pacte sur l’asile et la migration, la Commission européenne a présenté son premier Rapport annuel européen sur l’asile et la migration. Ce document présente un état de la situation de l’immigration irrégulière et fournit également des perspectives. Il ressort de ce rapport que les flux devraient encore continuer à baisser. Pour autant, la question de la migration secondaire, c’est-à-dire les flux entre Etats de l’espace Schengen, reste épineuse. La France est à cet égard la cible de cette migratoin secondaire irrégulière. Sur le plan de l’expulsion, les États membres ont émis près d’un demi-million d’injonctions de quitter le territoire. La France est en tête de peloton. Reste que ces injonctions ne dont pas toujours suivies d’effet et le rapport souligne la persistance du problème des expulsions non effectives.


Etat de la situation migratoire irrégulière : la Grèce, Chypre, l’Italie et l’Espagne aux premiers rangs

Les passages illégaux de frontières (PIF)  aux frontières extérieures de l'Union ont diminué de 35 % par rapport à juillet 2023-juin 2024. Des tendances à la baisse ont été observées le long de la plupart des routes migratoires, y compris celles qui représentent la majorité des PIF vers l'Union.

Alors que la situation migratoire en Grèce est restée globalement stable, le pays a enregistré le nombre le plus élevé de migrants en situation irrégulière par rapport à son PIB et à sa population, ainsi que la majorité des mouvements arrivant par la route de la Méditerranée orientale (plus de 60 000 MSI), principalement en provenance de Turquie et de Libye, avec une nette augmentation des arrivées enregistrées en Crète. 

Figure 1 – Passages illégaux de frontière par la route migratoire
 

Source : Élaboration du JRC à partir des données de Frontex

En Italie et en Espagne, le nombre de migrants clandestins a diminué par rapport à la période juillet 2023-juin 2024, malgré des chiffres toujours élevés en valeur absolue. 
Le renforcement de la surveillance aux frontières en Mauritanie et au Sénégal a contraint les passeurs à modifier leurs itinéraires de départ via la Guinée-Bissau, la Guinée et la Gambie. Sur la route de la Méditerranée occidentale, l'Algérie est restée le principal point de départ – représentant 79 % des migrants clandestins sur cet itinéraire. Les départs du Maroc ont considérablement diminué grâce au renforcement de la coopération bilatérale avec l'Espagne et au renforcement de la surveillance aux frontières.

Le long de la Manche, les départs de France vers le Royaume-Uni ont augmenté de 15 % par rapport à la période juillet 2023-juin 2024. Bien que les efforts de gestion des frontières en France aient empêché 40 % des plus de 72 000 départs enregistrés quittant la France pour le Royaume-Uni, les passages réussis (arrivées au Royaume-Uni) ont tout de même augmenté d'environ 35 % par rapport à la période juillet 2023-juin 2024.

Dans la région des Balkans occidentaux, les arrivées irrégulières ont considérablement diminué par rapport à la période juillet 2023-juin 2024. Le renforcement des contrôles policiers, qui a perturbé les activités de trafic de migrants, ainsi que la diminution des arrivées irrégulières sur la route de la Méditerranée orientale, ont également contribué à cette baisse. 


Une persistance de l’instrumentalisation des migrants par la Russie et la Biélorussie


À la frontière orientale de l'Union, le nombre de migrants clandestins est resté faible et relativement stable. Les actions de la Russie et du Bélarus continuent d'influencer la dynamique migratoire à la frontière orientale, notamment en Pologne, en Lettonie, en Lituanie, en Finlande et en Estonie. 
Face aux tentatives persistantes d'instrumentalisation de la migration par des États, ces pays ont renforcé les contrôles aux frontières, réduisant ainsi le nombre de migrants clandestins en provenance du Bélarus (1 421 migrants, dont 82 % à destination de la Pologne). 

Entre juillet 2024 et juin 2025, plus de 110 000 personnes se sont vu refuser l’entrée aux frontières extérieures de l’Union, principalement par voie terrestre (55 %) et aérienne (41 %). 
La plupart des refus d’entrée étaient dus à des documents manquants ou non valides. La Pologne, la Croatie, la France et la Roumanie ont enregistré les chiffres les plus élevés en valeur absolue.


Une diminution des personnes dites « débarquées »

Le nombre de ressortissants de pays tiers débarqués dans l'Union à la suite d'opérations de recherche et de sauvetage a diminué de 36 % par rapport à la période juillet 2023-juin 2024. 
Du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025, près de 97 000 personnes ont débarqué dans l'Union à la suite d'opérations de recherche et de sauvetage. L'Italie et l'Espagne ont représenté à elles deux plus de 80 % des personnes débarquées dans l'Union.

Figure 2 – Personnes débarquées lors d’opérations de recherche et de sauvetage  


Source : Élaboration du JRC à partir des données de Frontex

Les demandes de protection internationale dans l'Union ont diminué de 21 % par rapport à la période juillet 2023-juin 2024, même si elles restent globalement élevées, avec 871 000 demandes déposées. Cette baisse s'explique principalement par la diminution des arrivées irrégulières et la forte baisse des demandes émanant de ressortissants syriens. 


Le problème des mouvements non autorisés au sein de l'Union


Plusieurs États membres ont été confrontés à un nombre important de mouvements irréguliers de migrants. 
Les mouvements d'un État membre à l'autre et les lacunes dans la mise en œuvre des règles de responsabilité prévues par le règlement (UE) n° 604/2013 exercent une pression considérable sur les systèmes d'asile, de migration et d'accueil des principaux pays de destination.

À ce jour, les données disponibles d'Eurodac suggèrent une baisse d'environ 25 % des mouvements non autorisés au sein de l'Union par rapport à la période juillet 2023-juin 2024, principalement en raison de la diminution générale des arrivées irrégulières. 
Malgré cette baisse, les mouvements non autorisés demeurent une difficulté pour les principaux pays de destination. Ces mouvements s'effectuent généralement en provenance des pays de première entrée dans l' Union et à destination des États membres situés au nord - ouest. 
En chiffres absolus, la Grèce, l'Allemagne, la Croatie, l'Italie et la France sont les principaux pays de départ, tandis que l'Allemagne, la France, la Belgique, l'Italie et les Pays-Bas sont les pays qui accueillent le plus de mouvements non autorisés. 

Figure 5 – Carte des mouvements non autorisés basée sur les données Eurodac (itinéraires avec > 6000 enregistrements) 

Source : Élaboration du JRC à partir des données EU-LISA

Une augmentation des expulsions, la France en tête

Entre juillet 2024 et juin 2025, les États membres ont émis au total 478 000 injonctions de quitter le territoire de l’Union à l’encontre de ressortissants de pays tiers, soit une augmentation de 11 % par rapport à la période juillet 2023-juin 2024. 
Cette hausse s’explique principalement par le nombre plus élevé d’injonctions de quitter le territoire émises conjointement à des décisions de refus d’asile. La plupart des injonctions ont été émises par la France, l’Espagne et l’Allemagne. 

Figure 6 – Nombre de commandes de retour et de ressortissants de pays tiers renvoyés par État membre


Source : Élaboration du JRC à partir des données d'Eurostat

115 000 ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ont été effectivement renvoyés dans un pays tiers. Plus de la moitié de ces renvois ont été effectués par seulement cinq États membres (Allemagne, France, Suède, Chypre et Pologne). 
Cela représente une augmentation de 20 % par rapport à la période juillet 2023-juin 2024. Cependant, le taux global de renvoi demeure faible, ce qui entraîne un arriéré de personnes faisant l’objet d’un ordre de quitter le territoire de l’Union. 
La plupart des ressortissants ayant reçu cet ordre étaient algériens, marocains, syriens, turcs et afghans. Les principales nationalités des personnes renvoyées étaient géorgiennes, turques, albanaises, moldaves et colombiennes. 
Plus de la moitié des renvois ont été volontaires, confirmant une tendance à la hausse.

L'évaluation thématique Schengen de 2024 a mis en évidence des progrès dans le développement des systèmes nationaux de retour, même si des inefficacités subsistent à des étapes clés du processus, ce qui a un impact sur les mouvements irréguliers, comme en témoignent les alertes de retour du système d'information Schengen (SIS).  
 

L’avenir de la situation migratoire vers l’Europe

Les projections indiquent qu'en général, les arrivées irrégulières au niveau de l'Union devraient diminuer sur l'ensemble des principales routes migratoires en 2026 par rapport à 2024, conformément à la tendance à la baisse déjà observée au premier semestre 2025. 
Cette diminution attendue résulte, entre autres, d'un engagement fort de l'Union auprès des principaux pays d'origine et de transit, du renforcement des systèmes d'asile et de protection des frontières, ainsi que de l'intensification de la lutte contre les réseaux de passeurs, tant au sein de l'Union que dans les pays tiers. La route de la Méditerranée centrale devrait rester la plus active, mais le nombre total d'arrivées devrait se stabiliser, voire diminuer encore par rapport à 2024. 
Cette tendance reflète l'impact du renforcement de la coopération avec les pays partenaires d'Afrique du Nord et de la région. 
Une dynamique similaire est attendue pour les routes de la Méditerranée occidentale et de l'Atlantique, où les efforts importants déployés pour surveiller les points de départ et démanteler les réseaux de passeurs portent leurs fruits. Sur la route de la Méditerranée orientale, l'évolution de la situation dépendra largement de la situation au Moyen-Orient, notamment de l'apparition de nouvelles routes secondaires. 

Le long de la route des Balkans occidentaux, les arrivées devraient également diminuer, grâce à un démantèlement plus efficace des réseaux de passeurs et à une coopération renforcée entre la région, les États membres et les agences de l'Union. 
Sur la route de la frontière orientale, la Russie et le Bélarus devraient poursuivre leurs tentatives d' instrumentaliser la migration contre l'Union ; cependant, le renforcement du contrôle des frontières devrait permettre de réduire davantage les passages illégaux. Enfin, la situation des sorties illégales par la Manche devrait rester préoccupante, même si les mesures nationales prises en France et le renforcement de la coopération avec le Royaume-Uni devraient permettre de contenir, voire de réduire, les départs.

synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


Pour la première partie de la synthèse de ce rapport, à lire : Mécanisme de solidarité européenne : la France, soumise aux pressions migratoires, va être aidée par l’Europe

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mercredi 26 novembre 2025

Mécanisme de solidarité européenne : la France, soumise aux pressions migratoires, va être aidée par l’Europe





Bien que non encore envigueur, le Pacte sur l’asile et la migration rentre dans sa phase opérationnelle. La Commission a présenté un rapport annuel européen sur l’asile et la migration qui, outre le fait de faire un bilan de la situation migratoire irrégulière, indique quels sont les pays qui peuvent être aidés. C’est le cas de la France qui fait l’objet de pressions migratoires accrues. A noter que cette solidarité va s’étendre d’abord aux pays dits de « première entrée » (Grèce, Chypre, Italie et Espagne). D’autres vont également bénéficier d’un soutien, comme les pays voisins de la Russie et de la Biélorussie, qui sont victimes d’une instrumentalisation de la migration par ces derniers. 


De quoi parle-t-on ?

Le rapport annuel européen sur l’asile et la migration qui dresse un tableau stratégique de la situation dans ce domaine. Il analyse la situation en matière d’asile, de migration et d’accueil dans l’Union et dans les États membres au cours des douze derniers mois et établit une projection des tendances migratoires pour l’année à venir.

Le règlement (UE) 2024/1351 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 relatif à la gestion de l’asile et des migrations, l’un des actes législatifs composant le Pacte sur l’asile et la la migration, instaure un mécanisme de solidarité obligatoire, flexible et adapté aux besoins. Le fonctionnement de ce mécanisme s’appuie sur l’évaluation de la situation en matière d’asile et de migrations dans l’Union, présentée dans le rapport qui fait partie du cycle annuel de gestion des migrations.

Les États membres considérés par la Commission comme étant soumis à une forte pression migratoire auront accès au Fonds de solidarité et ne seront pas tenus de verser leurs contributions de solidarité promises.

Outre le Fonds de solidarité, le Pacte établit une Boîte à outils permanente de l’UE pour l’appui aux migrations quii comprend l’assistance opérationnelle et technique fournie par les agences de l’Union.



D’où où en est-on?


La Commission a lancé le premier premier cycle annuel de gestion des migrations avec l’adoption de ce rapport, qui comprend également une mise à jour des progrès accomplis et des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du pacte.

Depuis l’entrée en vigueur du Pacte en juin 2024, et suite à l’adoption du plan commun de mise en œuvre, les États membres ont intensifié leurs efforts pour veiller à ce que leurs systèmes nationaux d’asile, d’accueil et de migration soient prêts pour la pleine application du Pacte d’ici juin 2026.

Depuis le dernier rapport, des étapes importantes ont été franchies à tous les niveaux.. Le nombre d’États membres ayant atteint leurs objectifs de capacité adéquate pour la nouvelle procédure frontalière a augmenté et les essais d’Eurodac ont débuté.

Parallèlement, les défis qui subsistent se précisent. C’est notamment le cas de la mise en œuvre d’Eurodac, de la mise en place de la procédure aux frontières et de la nécessité de disposer rapidement des infrastructures, des effectifs et des dispositifs administratifs nécessaires. Dans toute l’Union, les modalités de contrôle doivent être finalisées prochainement et les capacités d’accueil adaptées au nouveau cadre, garantissant ainsi des capacités suffisantes et des normes adéquates. Si la plupart des États membres l’ont déjà fait, les dispositions relatives au suivi des droits fondamentaux et au conseil juridique restent à finaliser. 


Où va-t-on ?

Le lancement du premier cycle annuel de gestion des migrations constitue une étape importante pour préparer le terrain à l'opérationnalisation du nouveau mécanisme de solidarité. Sur la base du rapport, de la décision de la Commission et de sa proposition de décision d'exécution du Conseil établissant le Fonds annuel de solidarité, le Conseil convoque, dans un délai de 15 jours, le Forum européen de haut niveau sur la solidarité afin de convenir du montant du Fonds et des modalités de contribution de chaque État membre. Le coordinateur européen de la solidarité convoquera également le Forum européen de la solidarité de niveau technique afin de rendre opérationnel le mécanisme de solidarité entre les États membres et de répondre aux besoins de solidarité grâce aux contributions identifiées, avant son entrée en vigueur mi-2026.

La Commission fera un nouveau rapport en mars 2026 sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre du Pacte avant son entrée en vigueur. Elle élaborera également une stratégie européenne à long terme en matière d’asile et de gestion des migrations, définissant une feuille de route politique et opérationnelle de haut niveau pour un système commun robuste et adaptable à l’évolution rapide de la situation.



Un déploiement effectif de la solidarité

Au vu des tendances exposées dans le présent rapport pour la période de référence allant de juillet 2024 à juin 2025, la décision de la Commission a conclu que la Grèce et Chypre subissent une pression migratoire. Par ailleurs, la décision de la Commission a conclu que l’Italie et l’Espagne subissent une pression migratoire en raison d’un nombre important d’arrivées liées aux débarquements répétés à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage, d’une ampleur telle qu’elles engendrent des obligations disproportionnées au regard de la situation générale dans l’Union, même pour un système d’asile, d’accueil et de migration bien préparé de l’État membre concerné.

Ces quatre États membres auront donc accès au Fonds de solidarité lorsque le règlement (UE) 2024/1351 entrera en vigueur.

En outre, il s’avère que la Bulgarie, la Tchéquie, l’Estonie, la Croatie, l’Autriche et la Pologne sont confrontées à une situation migratoire importante, en raison de l’effet cumulatif flux migratoires cumulés au cours des cinq dernières années (du 1er juillet 2020 au 30 juin 2025).

Ces États membres auront la possibilité de demander au Conseil une déduction totale ou partielle de leurs contributions de solidarité pour l'année à venir.



La France bénéficiaire de la solidarité européenne

Sur la base des conclusions du présent rapport, la Belgique, la Bulgarie, l’Allemagne, l’Estonie, l’Irlande, la France, la Croatie, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne et la Finlande sont exposées à un risque de pression migratoire.

Plusieurs de ces États membres ont enregistré un nombre élevé de mouvements irréguliers, ce qui a exercé une pression particulière sur leurs systèmes d’asile, de migration et d’accueil. Les difficultés liées à ces mouvements irréguliers sont prises en compte en reconnaissant la possibilité d’appliquer des compensations de responsabilité à ces cas dans le cadre des contributions de solidarité.

En particulier, la France a également enregistré un nombre important de mouvements irréguliers de demandeurs de protection internationale au sein de l'Union et a fait face à une augmentation des passages illégaux de sa frontière vers le Royaume-Uni, ce qui a affecté son système national d'asile et d'accueil.

Ces douze États membres exposés à un risque de pression migratoire bénéficieront d'un accès prioritaire à la boîte à outils permanente de l'UE en matière de migration. 

synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


Pour la deuxième partie de la synthèse de ce rapport, à lire : Rapport 2025 sur la migration illégale : la France expulse le plus en Europe

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lundi 17 novembre 2025

TE-SAT 2025: toujours plus jeunes et violents, Europol s’alarme de la jeunesse des terroristes

 


12 ans. C’est l’âge du plus jeune terroriste. L’implication croissante des mineurs dans les actes terroristes est l’une des tendances inquiétantes figurant dans le dernier rapport sur l’état de la menace terroriste en Europe (TE-SAT). Deux autres tendances à noter sont l’usage de l’IA et l’hybridation du terrorisme islamiste et celui d’extrême-droite. A relever également : 14 États membres ont signalé ces 58 attentats (menés, échoués et déjoués). La plupart des attentats ont eu lieu en France (14), qui demeure par ailleurs la cible principale des djihadistes.


Points clés à retenir


Le Rapport sur la situation et les tendances du terrorisme dans l'Union européenne (EU TE-SAT) 2025 est un aperçu de la situation, présentant des chiffres agrégés et décrivant les principaux développements et tendances du paysage terroriste dans l'UE en 2024.
En 2024, 58 attentats terroristes ont été recensés dans l'UE, dont 34 ont été menés à bien, cinq ont échoué et 19 ont été déjoués. 24 attentats terroristes ont été attribués au terrorisme djihadiste, ce qui représente une augmentation significative par rapport aux 14 attentats signalés en 2023. La plupart d'entre eux ont été perpétrés par des acteurs isolés (20 sur 24).
14 États membres ont signalé ces 58 attentats (menés, échoués et déjoués). La plupart des attentats ont eu lieu en Italie (20) et en France (14), suivies par l'Allemagne (6), l'Autriche (3), la Grèce (3), la Tchéquie (2), le Danemark (2), la Lituanie (2), la Belgique (1), l'Irlande (1), Malte (1), les Pays-Bas (1), la Slovaquie (1) et l'Espagne (1).

Au total, 449 personnes ont été arrêtées pour des infractions liées au terrorisme dans 20 États membres, soit une augmentation par rapport à 2023 (426) et 2022 (380). La majorité des arrestations ont eu lieu en Espagne (90), en France (69), en Italie (62) et en Allemagne (55).
Les suspects arrêtés étaient majoritairement des hommes (405), dont 43 étaient des femmes. 275 personnes arrêtées pour des accusations liées au terrorisme étaient des citoyens de l'UE et 174 étaient des citoyens de pays tiers.

Seize États membres de l'UE ont informé Eurojust des procédures judiciaires pour infractions terroristes conclues en 2024.17 Ces procédures judiciaires ont abouti à 485 condamnations et acquittements pour infractions terroristes.
Le plus grand nombre de condamnations et d'acquittements pour infractions terroristes en 2024 a été signalé par la France, l'Autriche et la Belgique (133, 64 et 62 respectivement).


Une tendance inquiétante : la jeunesse des terroristes

L'implication de mineurs et de jeunes dans le terrorisme et l'extrémisme violent est une évolution inquiétante qui a continué de croître en 2024. Le nombre de mineurs et de jeunes impliqués dans des activités terroristes et extrémistes violentes a continué de croître dans l'UE en 2024. Sur 449 suspects arrêtés en 2024, 133 étaient âgés de 12 à 20 ans, soit plus de 29 % du total des suspects arrêtés pour des infractions liées au terrorisme. Le plus jeune délinquant, âgé de 12 ans, a été arrêté pour avoir planifié un attentat. La grande majorité de ces jeunes suspects étaient liés au terrorisme djihadiste (114), suivis par le terrorisme d'extrême droite et l'extrémisme violent (12). Ils faisaient le plus souvent l'objet d'enquêtes pour participation à des attentats (57)9, production et diffusion de propagande (32) et appartenance à un groupe terroriste et/ou extrémiste violent (17). Ces jeunes auteurs étaient majoritairement des hommes10, ils avaient le plus souvent subi un processus d'auto-radicalisation en ligne et agissaient en dehors de toute organisation centralisée, souvent seuls ou au sein de petites cellules de pairs.

Deux autres points à retenir : l’usage de l’IA et l’hybridation des terrorismes islamiste et d’extrême-droite

Une autre préoccupation majeure était l'exploitation continue de l'intelligence artificielle et d'autres technologies innovantes, ouvrant de nouvelles possibilités en matière de recrutement, de propagande, de modes opératoires et d'outils de financement. Ces outils technologiques avancés transforment le paysage des menaces, remettant en question les réponses conventionnelles des forces de l'ordre et de la lutte antiterroriste.
À ces défis s'ajoute l'imbrication croissante des vies numériques et physiques des individus – la réalité « sur le terrain » – où la radicalisation en ligne se traduit naturellement par des violences dans le monde réel. Il existe une multitude de communautés en ligne où des individus radicalisés, insensibles au mal et à la souffrance, se laissent entraîner à visualiser, échanger et perpétrer des actes de violence. Ces communautés se recoupent idéologiquement, reliant le terrorisme djihadiste à l'accélérationnisme, produisant une hybridation des idéologies traditionnelles.


Du côté du terrprisme djihadiste


En 2024, 24 attentats djihadistes ont été signalés par les États membres de l'UE, dont six ont été menés à bien et 18 ont été déjoués. Ces six attentats ont été signalés par la France (2), l'Allemagne (2), l'Irlande (1) et les Pays-Bas (1), faisant 18 blessés et cinq morts.
Tous les attentats ont été perpétrés par des assaillants isolés, sans être dirigés ni instruits par un groupe terroriste spécifique.
18 attentats ont été déjoués respectivement en France (9), en Autriche (3), en Allemagne (4), en Belgique (1) et en Espagne (1).

La tendance à l'implication de très jeunes individus dans des enquêtes liées au terrorisme djihadiste s'est poursuivie en 2024. Des groupes de mineurs ont été observés se mettant en réseau en ligne, se radicalisant et planifiant des attentats. La majorité de ces jeunes étaient des partisans de l'État islamique (EI), mais semblaient rester largement à l'écart des mouvements djihadistes établis et avaient une connaissance limitée de l'idéologie djihadiste.

La radicalisation dans les prisons et la libération d'anciens détenus terroristes sont également restées une préoccupation majeure pour les États membres de l'UE.

La propagande d'Al-Qaïda et de l'État islamique a continué d'exploiter les événements de Gaza tout au long de l'année 2024, dans le but d'inciter à des attaques et d'intensifier la violence, notamment contre des cibles israéliennes et juives.


Du côté du terrorisme d'extrême-droite

Dans l'UE, 47 personnes ont été arrêtées pour des infractions terroristes violentes d'extrême droite en 2024. Ce chiffre représente une augmentation par rapport aux 26 arrestations de 2023, mais reste conforme aux 46 arrestations effectuées en 2022.
Les 47 arrestations ont été effectuées dans 10 États membres, la grande majorité en Italie (15). Des arrestations ont également été effectuées en France (8), en Allemagne (8), aux Pays-Bas (7), en Hongrie (3) et en Belgique (2). La Tchéquie, le Danemark, la Lettonie et la Slovaquie ont signalé une arrestation chacun.

La menace posée par les terroristes d'extrême droite et les extrémistes violents dans l'UE se caractérisait par un mélange de réseaux transnationaux en ligne, d'acteurs isolés (bien que souvent inspirés ou guidés par des réseaux en ligne) et de quelques groupes structurés hors ligne.

En 2024, un volume important de contenu de propagande a été créé et diffusé en ligne. Ce mouvement s'appuyait sur des idéologies et des idées telles que l'accélérationnisme, le néonazisme et le suprémacisme blanc.
Le profil le plus courant des extrémistes violents d'extrême droite actifs en ligne était celui de jeunes hommes, souvent mineurs, souffrant fréquemment de troubles mentaux. Le très jeune âge de certains suspects arrêtés pour planification et préparation d'attentats suscite de vives inquiétudes pour les États membres.

Dans l'environnement numérique, les idées accélérationnistes restaient au premier plan, conjuguées à l'engagement croissant et très inquiétant des extrémistes violents d'extrême droite actifs au sein de communautés occultistes et sataniques (en ligne), connues sous le nom de réseaux « 764 » ou « Com ». Dans ces communautés, l'idéologie extrémiste violente d'extrême droite est supplantée par des récits sataniques, souvent associés à un accélérationnisme apocalyptique.

En 2024, Europol a constaté une augmentation substantielle de la propagande en ligne combinant extrémisme de droite violent, matériel pédopornographique, ésotérisme, occultisme et satanisme. Malgré les efforts constants de lutte contre le terrorisme, le nombre croissant de nouveaux services en ligne et la tendance récente à réduire la modération du contenu ont contribué à maintenir le volume de propagande à un niveau considérablement élevé.
L'utilisation de l'IA générative et des technologies émergentes pour créer et diffuser de la propagande et des discours de haine a atteint des niveaux sans précédent.

L'intérêt persistant des extrémistes violents d'extrême droite pour les armes et les explosifs s'est matérialisé par la saisie de plusieurs armes à feu, notamment celles produites par impression 3D, dans de nombreux cas. Ces armes à feu semblent souvent ne pas être uniquement destinées à des attentats, mais s'inscrire dans un mode de vie particulier axé sur l'autodéfense, les arts martiaux et les techniques de survie.
La popularité des armes à feu imprimées en 3D a continué de croître. L'acquisition d'armes à feu reste un sujet majeur, y compris en ligne. Des extrémistes violents d'extrême droite au sein de l'UE se sont parfois livrés à du trafic d'armes, tandis que des inquiétudes persistent quant à un éventuel trafic d'armes en provenance de la zone de guerre en Ukraine.


Le terrorismede d'extrême-gauche et anarchiste 


En 2024, 21 attentats terroristes de gauche et anarchistes, menés ou non, ont été perpétrés dans deux États membres. Parmi ceux-ci, 17 ont été menés à bien, tandis que quatre ont échoué. L'Italie a signalé 18 attentats (15 menés à terme et trois ratés) et la Grèce trois (deux menés à terme et un raté).
Treize attentats ont été commis par incendie criminel, onze par accélérateur de feu et deux par engin incendiaire improvisé. Quatre attentats ont été commis par engins explosifs improvisés (EEI), tandis que quatre autres ont été commis par des armes contondantes ou des moyens similaires.

Vingt-huit arrestations ont été effectuées pour des infractions terroristes d'extrême gauche et anarchistes : 20 en Grèce, 6 en Italie, dont une en Argentine suite à une demande d'extradition de l'Italie, et une en Allemagne. Une autre arrestatiEuropol a eu lieu en Espagne sur la base d'un mandat d'arrêt international émis par les autorités péruviennes compétentes. Parmi les personnes arrêtées, cinq étaient des femmes (âgées de 30 à 65 ans) et 23 des hommes, âgés de 26 à 78 ans.
Dans 22 cas, l'infraction principale était l'appartenance à une organisation terroriste. Les autres infractions les plus courantes étaient la participation aux activités d'une organisation terroriste, l'incitation à la violence et les menaces.

Sur la scène terroriste et extrémiste violente de gauche, les groupes sont plus susceptibles de suivre des lignes organisationnelles avec une chaîne de commandement définie. Les extrémistes violents de gauche continuent d'opérer clandestinement en petits groupes, recourant à des méthodes rudimentaires pour mener leurs attaques, ciblant généralement des biens ou des infrastructures plutôt que des individus.

En 2024, la propagande extrémiste violente de gauche et anarchiste s'est concentrée sur des enjeux sociopolitiques internationaux et locaux. À l'international, les discours s'articulaient autour de thèmes tels que la lutte contre la répression, l'antifascisme, l'anti-impérialisme, l'anticolonialisme, l'anticapitalisme, l'antimilitarisme et l'anti-autoritarisme. Europol a également observé de fortes expressions de solidarité avec le peuple palestinien, la cause kurde, la situatiEuropol au Liban, ainsi qu'un accent mis sur les préoccupations environnementales et climatiques. Au niveau local, la propagande s'est concentrée sur la désapprobation de l'adhésion à l'OTAN ou à la zone euro, l'opposition à des événements comme les Jeux olympiques de Paris 2024 et la critique de la police et des forces de l'ordre, notamment par des campagnes de doxing ciblant les forces de l'ordre ou les opposants politiques liés à la scène extrémiste violente de droite.

Les extrémistes violents de gauche et anarchistes maintenaient un réseau international bien établi, se déplaçant fréquemment à travers l'UE pour participer à des manifestations, des mobilisations internationales et des actions de solidarité.

Les groupes extrémistes violents de gauche et anarchistes ont continué de s'appuyer fortement sur les plateformes en ligne pour diffuser leur propagande et recruter de nouveaux membres. En 2024, l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) pour la création de propagande a été signalée pour la première fois au sein des sphères de gauche et anarchistes.

La plupart des attaques perpétrées par des groupes terroristes ou extrémistes violents de gauche et anarchistes en 2024 étaient relativement peu coûteuses et ont donc pu être financées soit par leurs auteurs eux-mêmes, soit par des fonds collectés par les réseaux de gauche et anarchistes.


Terrorisme ethno-nationaliste, séparatiste et autre

En 2024, l'UE a recensé quatre attentats terroristes ethno-nationalistes ou séparatistes, en France (3) et en Italie (1), tous menés à bien. Il s'agit d'une baisse significative par rapport aux 70 incidents signalés en 2023, tous survenus en Corse (France).
Sur les 27 arrestations effectuées dans l'UE pour des infractions terroristes ethno-nationalistes et séparatistes, plus de la moitié (15) concernaient des individus principalement liés au Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkerên Kurdistanê, PKK).

On a constaté une augmentation significative des enquêtes sur des suspects impliqués dans d'autres formes de terrorisme non spécifiées. Si de nombreuses personnes arrêtées appartenaient à des groupes antigouvernementaux, antisystème et antiinstitutionnels, neuf suspects ont été arrêtés pour avoir agi pour le compte de services de renseignement étrangers dans l'intention de faciliter des actes de violence dans l'UE, au Royaume-Uni et en Amérique du Nord, tels que des actes de sabotage, le transport et la détonation d'engins explosifs et incendiaires.
Un mélange de désinformation, de théories du complot, de sentiments anti-système et anti-gouvernementaux, ainsi que des contenus empruntés à d'autres idéologies (notamment de droite), sont présents dans la majeure partie de la propagande en ligne consommée et partagée par ces individus.
Six attentats terroristes classés comme autres formes de terrorisme non spécifiées ont été perpétrés respectivement en Tchéquie (1), au Danemark (2), en Lituanie (1), à Malte (1) et en Slovaquie (1). Un attentat a été déjoué en Tchéquie et une tentative d'attentat a échoué en Lituanie.

synthèse et traduction par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


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dimanche 9 novembre 2025

EUDA 2025 : la nouvelle agence européenne des drogues commence ses travaux...en fanfare !

 


L’agence européenne des drogues a publié son rapport d’activité et force est de constater une évolution significative par rapport à l’ancien observatoire européen des drogues. Le rapport constate en effet le début d'une transformation organisationnelle et culturelle significative, faisant de l'EUDA une agence capable non seulement de surveiller mais aussi de mettre en œuvre des mesures proactives pour anticiper et répondre aux menaces liées aux drogues. Quant aux points clés à retenir concernant le domaine de la sécurité, il s’agit de :

  • la mise en place d'une nouvelle capacité de surveillance et d'analyse des précurseurs de drogues,
  • son investissement dans la coopération policière et plus particulièrement dans des plans d'action opérationnels (OAPs) de la Plateforme multidisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT), concernant le cannabis, la cocaïne, l'héroïne, les drogues synthétiques et les nouvelles drogues de synth‘se (NPS',
  • sa participation au lancement du Partenariat public-privé de l'Alliance européenne des ports (European Ports Alliance), une initiative phare visant à lutter contre la contrebande de drogue et l'infiltration criminelle dans les pôles logistiques maritimes.
  • une analyse approfondie des marchés de la drogue, puisque l'EUDA a poursuivi sa collaboration étroite avec Europol pour la quatrième édition de la publication conjointe EU Drug Markets: In-depth analysis.



L’élément clé : la naissance de l’«agence européenne des drogues»

L’année 2024 a vu l'entrée en vigueur, le 2 juillet, du nouveau règlement de l'Agence européenne des drogues (EUDA). À compter de cette date, ce règlement abroge et remplace le règlement fondateur (refonte) (CE) n° 1920/2006 de l'OEDT, faisant de l'OEDT l'agence nouvellement créée dotée d'un mandat renforcé.
Cette transformation confère à l'EUDA un mandat plus fort et des compétences étendues, avec un objectif principal : renforcer la préparation de l'UE face aux drogues (EU preparedness on drugs).
Le rapport souligne que l'EUDA est désormais mieux équipée pour soutenir l'UE et ses États membres face aux défis émergents en matière de santé et de sécurité posés par les drogues illicites. L'Agence s'est engagée à renforcer sa position en tant que courtier de connaissances sur les drogues au sein de l'UE et au-delà, tout en poursuivant l'excellence opérationnelle.


La création de nouveaux outils

Pour concrétiser ce mandat élargi, l'EUDA a lancé ou significativement développé les mécanismes suivants en 2024 :

Le Système européen d'alerte aux drogues (EDAS)

L'EUDA a développé l'EDAS (European Drug Alert System) dans le but d'émettre des alertes lorsque des risques graves liés aux drogues (SDRRs) apparaissent sur le marché. Les principaux objectifs de l'EDAS sont :
  • D'alerter les parties prenantes des risques graves liés aux drogues (SDRRs) de pertinence européenne.
  • De renforcer la veille situationnelle, la préparation et les activités de réponse.
  • D'améliorer la résilience aux SDRRs au niveau national et européen.
En 2024, des progrès significatifs ont été réalisés, notamment la rédaction du document sur les concepts clés de l'EDAS en collaboration avec le réseau Reitox des points focaux nationaux (PFN). Des points de contact nationaux EDAS provisoires ont été nommés et une réunion préparatoire en septembre a rassemblé environ 80 correspondants du Système d'alerte précoce (EWS) pour définir le fonctionnement du système.

Le Réseau européen de laboratoires de criminalistique et de toxicologie 

Ce réseau est une initiative phare du nouveau mandat de l'EUDA. Il a été lancé pour renforcer l'échange d'informations sur les nouvelles tendances en matière de drogues et pour former les experts nationaux en criminalistique et en toxicologie.
Le réseau joue un rôle crucial dans le renforcement de la capacité de l'UE à détecter et à répondre aux menaces émergentes liées aux drogues. En novembre 2024, l'EUDA a réuni sa première rencontre inaugurale. Au total, 63 laboratoires des 27 États membres de l'UE, de la Norvège et de la Turquie ont été officiellement désignés pour faire partie de ce réseau par l'intermédiaire de leurs représentants au sein du Conseil de gestion de l'EUDA. L'objectif était de poser les bases d'une collaboration future pour améliorer les capacités analytiques en Europe. 

Le Système européen d'évaluation des menaces (ETAS)

L'ETAS a été créé pour améliorer la veille situationnelle, la préparation et les activités de réponse au niveau de l'UE. Ses objectifs clés sont de détecter et d'évaluer les menaces liées aux drogues (à la fois pour la santé et la sécurité) et de fournir des évaluations en temps opportun, ainsi que des recommandations concrètes pour atténuer les risques. L'ETAS complète l'EWS, l'EDAS et le réseau de laboratoires.
En 2024, un projet pilote d'évaluation des menaces pour la santé et la sécurité a été lancé, axé sur les nouveaux opioïdes synthétiques (NSOs) dans les États baltes. Ce travail a pour but d'informer les décideurs de l'UE et d'atténuer l'augmentation des décès observée dans cette région.


Les premières évaluations formelles de précurseurs par l'EUDA

La fabrication de drogues de synthèse illicites en Europe existe depuis plus de 50 ans et, à l'échelle mondiale, une part importante de cette production se déroule aujourd'hui sur le territoire de l'UE. 
Afin de limiter l'accès aux produits chimiques nécessaires à la fabrication de ces drogues, la Commission européenne a demandé à l'EUDA d'évaluer les risques transfrontaliers pour la santé et la sécurité publiques que représentent neuf précurseurs de drogues utilisés pour la fabrication de cathinones de synthèse (huit précurseurs) et d'amphétamine (un précurseur).
Ces demandes ont été formulées à l'initiative de la Pologne, suite à l'apparition dans le pays de laboratoires clandestins de cathinones de synthèse à grande échelle et aux inquiétudes liées à la production d'amphétamine par des voies de synthèse alternatives.

Compte tenu du caractère novateur de cette démarche au niveau de l'UE, l'EUDA a rapidement élaboré, en concertation avec la Commission européenne, un cadre transitoire pour l'évaluation des précurseurs de drogues. Ce cadre comprenait des définitions et des schémas de processus, un état des lieux des lacunes en matière de connaissances et des sources de données existantes.

Fin janvier 2025, l'EUDA a remis à la Commission européenne le dernier des neuf rapports d'évaluation des précurseurs, pour examen par les États membres. 
Ces rapports analysent les données disponibles sur les substances et évaluent leur utilisation licite dans l'UE ainsi que l'ampleur de leur utilisation dans la production de drogues illicites. 
Il est important de noter que ces rapports mettent également en lumière les impacts et les conséquences potentiels du classement de ces substances chimiques, afin d'éclairer la prise de décision. 
Ces rapports font partie du nouveau service relatif aux précurseurs de médicaments mis en place par l'EUDA dans le cadre de la nouvelle réglementation.


Appui aux réponses politiques et opérationnelles face aux défis liés à la sécurité des drogues

Les analyses de l'EUDA ont également été présentées à de nombreuses autres occasions, notamment lors des réunions du Groupe de haut niveau sur la drogue (HDG), du COSI, du Conseil du Centre d'analyse et d'opérations maritimes – Stupéfiants (MAOC-N), du Conseil du programme Drogues d'Europol, d'EMPACT, du Groupe européen d'experts sur les précurseurs, de la Conférence d'Europol sur les drogues, de Lisbon Addictions et de la Semaine européenne de lutte contre la criminalité à Bruxelles, organisée par la Commission européenne en juin. 
Toutefois, l'événement le plus important organisé par l'EUDA dans ce domaine a été la première Conférence européenne sur la violence liée à la drogue, qui s'est tenue les 26 et 27 novembre à Bruxelles.
L'EUDA a en outre apporté son soutien à diverses réunions techniques et politiques, notamment celles d'importants groupes de travail de la Commission, tels que le Forum Internet de l'UE et la Coalition mondiale contre la menace des drogues de synthèse.


La contribution de l’agence au projet de coopération policière EMPACT

L’Agence a continué de contribuer aux principaux documents et initiatives politiques de l’UE, tels que la stratégie et le plan d’action de l’UE en matière de drogues 2021-2025 et les plans d’action opérationnels (PAO) EMPACT du cycle politique de l’UE sur la criminalité organisée et la grande criminalité internationale. 
Dans la limite des ressources disponibles, l’Agence a mené à bien toutes ses missions au titre du PAO EMPACT 2024 sur le cannabis, la cocaïne et l’héroïne, et du PAO sur les drogues de synthèse et les NPS. L'Agence a également contribué à la planification et à la rédaction des plans d'action opérationnels (PAO) pour 2025. 
Parmi ses contributions majeures aux PAO EMPACT figurent les modules récemment publiés sur l'héroïne et les autres opioïdes, les facteurs déclencheurs et facilitateurs, les nouvelles substances psychoactives (NPS) et les principaux enseignements pour les politiques et les pratiques de la quatrième édition de l'analyse approfondie conjointe OEDT-Europol sur les marchés de la drogue dans l'UE.


Un partenariat étroit EUDA-Collège européen de police


Par ailleurs, l'EUDA, en collaboration avec son partenaire, l'Agence de l'Union européenne pour la formation des services répressifs (CEPOL), a continué d'organiser et de dispenser des formations aux professionnels des forces de l'ordre. Malheureusement, la CEPOL a été victime d'une cyberattaque durant l'été, ce qui a entraîné l'annulation de nombreuses activités prévues pour le second semestre. Malgré ce revers, 1 462 agents de l’UE et de pays tiers ont participé à des formations (cours, webinaires, modules d’e-leçon) au cours du premier semestre 2024.
Par ailleurs, 40 agents de pays tiers, financés par des projets d’assistance technique mis en œuvre par l’EUDA, ont suivi des formations CEPOL et EUDA sur la lutte contre la drogue.


Une participation au partenariat public-privé « Alliance des ports européens »

L’EUDA a contribué, selon les besoins, à la mise en œuvre des actions pertinentes de la feuille de route de l’UE, conçue pour intensifier la lutte contre le trafic de stupéfiants et les réseaux criminels, et adoptée par la Commission européenne en octobre 2023. Cette feuille de route définit 17 actions ciblées réparties dans quatre domaines prioritaires. La Commission a travaillé en étroite collaboration avec les États membres et ses partenaires pour atteindre les objectifs fixés.
Parmi les initiatives phares de cette feuille de route figure le lancement, par la Commission européenne et la présidence belge du Conseil de l’UE, du partenariat public-privé « Alliance des ports européens » à Anvers le 24 janvier. L'alliance rassemble les acteurs publics et privés concernés par la lutte contre le trafic de drogue et l'infiltration criminelle des plateformes logistiques. Les ports européens sont particulièrement vulnérables au trafic de drogue et à l'exploitation par des réseaux criminels à haut risque. Cette initiative a été lancée en coopération avec les États membres de l'UE, les autorités portuaires, les associations européennes, les agences de l'UE (Europol, EUDA) et des représentants des douanes et des forces de l'ordre.


Une agence à portée internationale

L’EUDA a fourni une expertise technique et des conseils à ses principaux partenaires, notamment la Commission européenne. 
Cela a inclus l’élaboration de notes d’information sur des sujets tels que la situation et les marchés des drogues en Colombie, en Équateur, au Brésil, au Sénégal et au Mexique ; la surveillance du darknet dans l’UE, en envisageant des actions préparatoires et des actions futures ; les ports maritimes : surveillance des points d’entrée des drogues illicites dans l’UE (afin d’appuyer le suivi et l’évaluation des actions mises en œuvre dans le cadre de cette Alliance des ports de l’UE pour lutter contre le trafic de drogue et la criminalité organisée).

Pour mener à bien ses missions et atteindre ses objectifs, l'EUDA s'appuie sur ses autres partenaires européens et internationaux. Au cours de l'année, l'Agence a activement contribué aux travaux du réseau des agences de la Justice et des Affaires intérieures (JAI) et à plusieurs sous-réseaux du Réseau des agences de l'UE (EUAN), dont elle est membre. 
Concernant la coopération avec les pays tiers, l’Agence a poursuivi sa collaboration avec les pays candidats et candidats potentiels à l’adhésion à l’UE, ainsi qu’avec les pays partenaires de la Politique européenne de voisinage (PEV), dans le cadre des projets IPA8 (Instrument de coopération technique en matière d’assistance de préadhésion) et EU4MD II (Surveillance des drogues II). Pour la première fois, l’EUDA a publié des fiches d’information spécifiques pour chacun des partenaires des Balkans occidentaux dans le cadre du projet IPA8.


Une extension de l’activité de l’agence au monde entier et à la société civile


L’Agence a entamé sa troisième année de collaboration avec le Programme de coopération entre l’Amérique latine, les Caraïbes et l’Union européenne sur les politiques en matière de drogues (COPOLAD III), avec une série de sessions de formation et d’événements organisés avec les pays d’Amérique latine et des Caraïbes.
En 2024, l’EUDA a poursuivi le renforcement de sa coopération bilatérale avec des pays tiers clés par la négociation et la signature d’accords de travail. Quatre nouveaux accords ont été signés avec la Colombie, l’Équateur, le Chili et le Monténégro, tandis qu’un accord modifié a été signé avec l’Ukraine.

Le règlement de l’EUDA mentionne expressément les organisations de la société civile (OSC) parmi les parties prenantes concernées avec lesquelles l’Agence devrait coopérer à l’avenir dans l’accomplissement de ses missions. 
À cette fin, en 2024, l’EUDA a intensifié son dialogue avec les représentants des OSC afin d’identifier des domaines concrets et de développer des méthodes appropriées pour une future collaboration. 
Dans ce cadre, l’EUDA a participé à une réunion du Forum de la société civile sur les drogues (CSFD) et a organisé des consultations dédiées aux OSC afin d’engager des discussions sur la mise en place d’un cadre de collaboration systématique et structuré.


L’alliance des points focaux nationaux

Pour accomplir ses missions, l'Agence s'appuie sur de nombreux partenaires, notamment le réseau Reitox des points focaux nationaux, qui joue un rôle essentiel dans le maintien du système de surveillance de base de l'UE. 
Reconnaissant l'importance du réseau Reitox, le règlement de l'EUDA renforce également le rôle des points focaux nationaux. En 2024, les point focal belge, néerlandais et italien ont obtenu la certification Reitox, rejoignant ainsi plusieurs autres points focaux nationaux certifiés.
En 2024, les points focaux nationaux ont poursuivi la mise en œuvre de la deuxième feuille de route du cadre de développement Reitox (2021-2025). 
Les travaux ont progressé en vue de la définition d'une nouvelle Alliance Reitox, un document stratégique qui remplacera le cadre opérationnel précédent du système Reitox (2003) à compter de 2025 et orientera le réseau en tant que principal partenaire de l'EUDA dans les États membres pour les années à venir. 


Surveillance du marché des stupéfiants et identification des nouvelles tendances


Afin d’appuyer l’effort d’analyse global mené dans le domaine de la sécurité, les travaux se sont poursuivis en 2024 pour améliorer la qualité et la disponibilité des données essentielles sur l’approvisionnement, en étroite collaboration avec les programmes nationaux de lutte contre la drogue Reitox et le partenaire européen de l’Agence, Europol.
Cette surveillance de base a été complétée par de nouvelles sources de données et des approches de surveillance innovantes, telles que les informations en sources ouvertes (OSI) et la surveillance du darknet, qui ont pris une importance croissante ces dernières années. Des rapports réguliers de surveillance OSI ont été produits pour alimenter l’analyse de l’EUDA. 
Par ailleurs, les données relatives aux marchés du darknet ont été analysées et intégrées aux rapports réguliers de l’EUDA, tandis que des tableaux de bord nationaux sur les stupéfiants du darknet, basés sur les données de Darkcloud, ont continué d’être élaborés et transmis aux États membres participant au projet.
L’année 2024 a toutefois été marquée par le début, le 2 juillet, du nouveau mandat de l’EUDA, qui a engendré des tâches supplémentaires. 
La plus importante dans ce domaine est la collecte et l’analyse par l’Agence des « informations et données sur les précurseurs de drogues et sur le détournement et le trafic de précurseurs de drogues » (article 6 du règlement EUDA).


Surveillance des précurseurs de drogues

Dès le début de son nouveau mandat, l'EUDA s'est fortement impliquée dans le domaine des précurseurs de drogues. En très peu de temps, l'Agence a mis en place une expertise interne en la matière, couvrant à la fois les précurseurs de drogues illicites contrôlées et ceux des NPS (nouvelles substances psychoactives). Des compétences analytiques spécialisées ont été recrutées et les travaux de définition des procédures opérationnelles requises ont été lancés.
Parallèlement, l'EUDA a participé activement à l'échange d'informations et à la collaboration avec ses partenaires (notamment Europol, la Commission européenne, l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) et le Groupe Pompidou du Conseil de l'Europe) sur les précurseurs de drogues et les substances apparentées.
À la demande de la Commission européenne, l'EUDA a réalisé les premières évaluations de précurseurs, portant sur neuf substances.

 

synthèse et traduction par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


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