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samedi 19 décembre 2020

Panorama européen de la traite des êtres humains : la France en tête de classement

 

 

Ce nouveau rapport sur l’état de la traite est inquiétant : le phénomène a progressé au sein de l’Union alors que l’impunité reste en partie de mise. La France est en tête de classement : elle a enregistré le plus grand nombre de poursuites pour traite d’êtres humains, et elle fait partie du top 5 des pays dont les ressortissants sont victimes de traite.



Quelle est la situation actuelle ?


La traite des êtres humains est une forme de criminalité particulièrement lucrative, synonyme d’immenses profits pour les criminels, mais d’un lourd tribut pour la société. On estime que la traite génère chaque année dans le monde 29,4 milliards d’euros de bénéfices (selon une estimation prudente), et coûte à l’Union, sur une année seulement, 2,7 milliards d’euros.

Les criminels ont profité des occasions offertes par la pandémie de COVID-19 pour générer des profits considérables et intensifier leurs activités criminelles. Ils ont changé leurs modes opératoires et font désormais de plus en plus de publicité sur l’internet et exploitent de plus en plus fréquemment les victimes dans des installations privées.


Europol avertit que la traite des êtres humains risque de s’accélérer avec la récession économique. Elle indique qu’il est probable que la demande de traite à des fins d’exploitation par le travail et d’exploitation sexuelle augmente. Outre les domaines habituels d’exploitation (prostitution, mendicité et vol, textile et agriculture), des secteurs tels que la construction, le tourisme, la restauration, les soins infirmiers et les services domestiques sont de plus en plus touchés par la traite des êtres humains.

Des victimes de la traite : quels profils ?

Le nombre total de victimes enregistrées est en augmentation par rapport à la période précédente. Le nombre réel de victimes est probablement bien plus élevé, car nombre d’entre elles ne sont pas connues.
Pour ce qui est de la nationalité des victimes de la traite des êtres humains, les cinq premiers pays de l’Union concernés étaient, en chiffres absolus, la Roumanie, la Hongrie, la France, les Pays-Bas et la Bulgarie. Hors États membres de l’Union, les cinq pays qui comptaient le plus de ressortissants parmi les victimes de la traite dans l’Union étaient le Nigeria, la Chine, l’Ukraine, le Maroc et l’Inde. 


Comment les réseaux s’adaptent et se professionnalisent ?

Les réseaux de trafiquants font preuve de plus en plus de professionnalisme et d’expertise. Les groupes criminels organisés qui jouent un rôle dans la traite des êtres humains disposent de réseaux criminels bien structurés et opèrent au niveau international, en s’appuyant parfois sur une réserve de passeurs transfrontaliers et des groupes spécialisés.

Les méthodes utilisées par les trafiquants ont changé: ils ont désormais largement recours à l’internet et aux médias sociaux et ont déployé de nouvelles technologies à de nombreuses étapes de la chaîne de la traite des êtres humains. Les technologies de l’information et de la communication sont utilisées pour le recrutement des victimes, l’organisation de leur transport et de leur hébergement, la publicité des services des victimes, la communication entre les criminels, le contrôle des victimes et le transfert des produits des crimes. 


Pourquoi une impunité persistante ?


Dans l’Union, l’impunité des auteurs persiste, et le nombre de poursuites et de condamnations à l’encontre des trafiquants reste faible. En 2017-2018, on a dénombré dans l'UE 11 788 suspects, 6 163 poursuites et 2 426 condamnations pour des infractions liées à la traite des êtres humains. Le faible nombre de poursuites et, plus encore, la rareté des condamnations de trafiquants dans l’Union par rapport au nombre d’enquêtes indiquent que la poursuite en justice des auteurs reste un défi. Parmi les difficultés auxquelles se heurtent les autorités répressives et judiciaires figurent

  • la difficulté à prouver les éléments complexes de l’infraction;
  • la difficulté à garantir suffisamment de ressources et de connaissances pour les enquêtes financières;
  • les difficultés de la coopération transfrontière et internationale.

Au sein de l’Union, la France est le pays qui a enregistré le plus grand nombre de poursuites pour traite d’êtres humains, suivie par la Belgique, la Roumanie, l’Autriche et la Bulgarie. C’est également la France qui comptait le plus grand nombre de condamnations pour des infractions liées à la traite des êtres humains dans l’Union.

Une traite réalisée avant tout à des fins d’exploitation sexuelle  

L’exploitation sexuelle reste l’objectif premier de la traite des êtres humains dans l’Union. Toutefois, plusieurs États membres ont fait état d’une intensification de la traite à des fins d’exploitation par le travail. Dans l’Union, près des trois quarts des victimes étaient des femmes ou des filles, principalement utilisées à des fins d’exploitation sexuelle.

Parmi les environnements à haut risque figurent la prostitution, les agences et services dits d’«escorts», les services de massage, les bars et les boîtes de nuit. Les organisations de la société civile ont signalé une accélération du phénomène de traite à des fins d’exploitation sexuelle via l’internet et de nouveaux moyens technologiques, utilisés pour recruter et vendre les victimes, principalement des femmes et des filles, ainsi que pour piéger les enfants.

Malgré les efforts concrets, les organisations de la société civile continuent de souligner que trop peu d’importance est accordée à la traite à des fins d’exploitation sexuelle dans l’Union. C’est le cas ce qui concerne les enquêtes et la prise en considération de la dimension sexospécifique de cette criminalité.

Une exploitation par le travail dans un large éventail d’activité


La traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail concerne 15 % des victimes au total. L’exploitation par le travail touche principalement les hommes (68 %), même si, dans certains secteurs, les victimes sont essentiellement des femmes (notamment le travail domestique, les activités de soins ou les services de nettoyage). Les États membres ont également indiqué que ce type de traite concernait de plus en plus d’enfants.

Les rapports montrent que les victimes ont été exploitées dans le secteur agricole (y compris pour le travail saisonnier), des agences d’emploi privées, l’industrie de la construction, l’hôtellerie, les secteurs du nettoyage, du travail domestique et des services de soins, des maisons de soins, des magasins de nuit, des bars, des stations de lavage de voitures, des entreprises de collecte et de recyclage des déchets, le secteur forestier, le secteur du textile et de l’habillement, ainsi que dans les secteurs de la fabrication, de la transformation et de l’emballage alimentaires. 

Malgré les progrès accomplis dans l’identification des victimes de la traite à des fins d’exploitation par le travail, les organisations de la société civile indiquent que les inspections du travail et le contrôle des normes en matière d’emploi doivent encore être améliorés.

Pour combattre et prévenir ce type de traite, plusieurs États membres ont déclaré avoir adopté des mesures au sujet de la responsabilité des entreprises et des personnes morales, du devoir de diligence dans la chaîne d’approvisionnement et de la relation entre les entreprises et les droits de l’homme (par exemple, la Grèce, les Pays-Bas et l’Autriche). 


L’odieuse traite des enfants a le vent en poupe


La présence persistante d’enfants parmi les victimes de la traite des êtres humains est alarmante. Dans l’Union, les enfants représentent près d’un quart de l’ensemble des victimes. La grande majorité d’entre eux étaient des filles (78 %). Près de 75 % des enfants victimes dans l’UE étaient des citoyens de l’Union. Les filles représentaient près des trois quarts (69 %) des enfants victimes provenant de pays tiers. Plus de 60 % des enfants victimes de la traite dans l’Union l’étaient à des fins d’exploitation sexuelle.

Les enfants migrants, et en particulier ceux qui ne sont pas accompagnés, courent encore aujourd’hui un risque plus élevé de traite et d’exploitation le long des routes migratoires en direction et à l’intérieur de l’Union. Les trafiquants se servent fréquemment des centres d’accueil pour repérer les victimes potentielles et organiser leur transport vers des lieux d’exploitation.


Les enfants principales victimes de mendicité forcée


Cette forme d’exploitation auraient augmenté dans certains États membres (à savoir la Bulgarie, la Croatie, la Grèce, les Pays-Bas et la Pologne) et touchent souvent les enfants. La traite à des fins de criminalité forcée est associée à des infractions mineures, à la criminalité organisée contre les biens, comme le vol à la tire ou le vol à l’étalage, ou encore au vol simple. Elle est également liée à des formes de criminalité plus complexes, telles que le vol qualifié et la fraude, ou la vente et le trafic de drogues.

Les deux formes d’exploitation se distinguent par les nombreux déplacements qu’elles exigent entre les pays. Les rapports montrent que les victimes de la traite à des fins de mendicité forcée sont, entre autres, des personnes souffrant de toxicomanie et d’alcoolisme, des personnes atteintes d’une incapacité physique, des personnes qui appartiennent à des minorités ethniques (y compris celles qui sont issues de communautés roms marginalisées) ou des personnes en difficulté financière.

Les victimes de la traite à des fins de criminalité forcée et de mendicité forcée sont généralement plus jeunes que les victimes d’autres formes d’exploitation. L’identification et la reconnaissance des victimes de la traite et de l’exploitation à ces fins se heurtent encore à de nombreux écueils. 


Traite à des fins de mariage forcé, de vente de bébés et vente d’organes


Les victimes de la traite à des fins de mariage forcé et de mariage de complaisance sont parfois également victimes d’autres formes de traite – notamment d’exploitation sexuelle et/ou d’exploitation par le travail. Les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables face à ces types de traite. Il est apparu que de nombreuses victimes étaient issues des communautés roms marginalisées. En outre, au vu de la vulnérabilité des femmes et des filles migrantes face à ces types de traite, un lien a été établi avec la migration.

Europol a également signalé d’autres tendances émergentes, telles que celle des groupes criminels organisés qui se livrent à la traite des êtres humains à des fins d’adoptions illégales . La traite à des fins de multiples formes d’exploitation figurait elle aussi parmi les modèles émergents. Les femmes et les filles semblent particulièrement touchées par ce phénomène. 

Des cas de traite à des fins de vente de nouveau-nés, de vente d’organes, de traite de citoyennes de l’Union dans le but de vendre leurs bébés à naître et de traite de citoyens de l’Union exploités financièrement par la fraude ont été signalés. Certaines organisations de la société civile se sont inquiétées de voir apparaître des formes de traite des êtres humains à des fins de gestation pour autrui.


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr 



A lire sur securiteinterieure.fr la synthèse des textes sur la traite  :

 

A lire le paquet législatif sur le "Pacte des migrations et de l'asile" :

 

A lire sur securiteinterieure.fr la synthèse du paquet législatif  du "Pacte des migrations et de l'asile":

 


 

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