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samedi 31 octobre 2020

Le "mécanisme de solidarité en situation de crise" pour prévenir un éventuel nouvel afflux migratoire massif prend forme

 


 

Agir avant afin de ne plus être submergé. C’est bien tout l’enjeu de la crise sanitaire, notamment des vagues épidémiques de Covid-19. C’est aussi vrai en matière migratoire. Tirant le bilan de la crise de 2015 et de la situation géopolitique actuelle particulièrement instable, une proposition de règlement est sur la table pour prendre les devants et agir de manière précoce.  


Cette proposition de règlement instaure un mécanisme de solidarité en situation de crise. Concrètement, il s’agit pour les États membres de s’aider mutuellement, soit en matière de répartition des demandeurs d’asile, soit dans l’exécution de l’expulsion des demandeurs d’asile déboutés. Un point à noter : si la procédure de retour n’est pas concluante dans un délai donné, les migrants seraient transférés sur le territoire de l’État membre qui s’était engagé à prendre en charge l’opération d’expulsion.

D’où vient-on ?


En septembre 2019, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé un nouveau pacte sur la migration et l’asile, qui prévoit une approche globale en ce qui concerne les frontières extérieures, les régimes d’asile et de retour, l’espace Schengen de libre circulation et la dimension extérieure. 


Des événements récents, tels que la pandémie de COVID-19 et la crise politique survenue à la frontière gréco-turque en mars 2020, ont également mis en lumière des domaines dans lesquels il est indispensable de garantir la résilience à l’aide de règles spécifiques susceptibles d’être appliquées dans des cas de force majeure.

Le texte constate que dans des situations de crise, l’efficacité de la réaction peut être fortement influencée par une anticipation et une préparation efficaces, en passant d’un mode réactif à un mode fondé sur la préparation et l’anticipation. C’est un aspect qui fait toujours défaut au niveau de l’UE et qui est nécessaire dans le cadre des efforts visant à rendre plus résilient et plus réactif le système actuel de gestion des migrations. 


Un réagencement des textes juridiques


Cette présente proposition, ainsi que la proposition modifiant la proposition de règlement de 2016 sur les procédures d’asile, la nouvelle proposition de règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, la proposition visant à mettre en place une procédure de filtrage et la proposition modifiant la proposition de règlement Eurodac, établissent le cadre législatif qui met en pratique cette approche globale de la gestion de l’asile et de la migration. 


En ce qui concerne les personnes déplacées en provenance de pays tiers qui courent un risque élevé de violence aveugle en raison de situations exceptionnelles de conflit armé, qui ne sont pas en mesure de retourner dans leur pays d’origine et qui ont besoin d’une forme de protection rapide à leur arrivée dans l’UE, le document de travail des services de la Commission conclut également que les mesures existantes visant à accorder un accès rapide à la protection ne semblent plus adaptées à leur finalité. Ainsi ce document de travail conclut-il que la directive relative à la protection temporaire ne répond plus à la réalité actuelle des États membres et qu’elle doit être abrogée.

De quoi parle-t-on ?


Cet instrument de crise couvre des situations exceptionnelles d’afflux massif de ressortissants de pays hors UE ou d’apatrides arrivant de manière irrégulière dans un État membre, d’une ampleur et d’une nature telles qu’elles rendraient inopérant le système d’asile, d’accueil ou de retour d’un État membre et risqueraient d’avoir de graves répercussions sur le fonctionnement du régime d’asile européen commun et du système de gestion de la migration de l’Union, ou d’entraîner l’impossibilité d’appliquer ces systèmes.
Il traite également des cas de force majeure dans le domaine de la gestion de l’asile et de la migration au sein de l’Union.


Le mécanisme de solidarité établi par le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration est flexible et réactif dans sa conception de manière à pouvoir s’adapter aux différentes situations résultant des divers défis migratoires auxquels sont confrontés les États membres.

Il fixe des mesures de solidarité parmi lesquelles les États membres peuvent choisir de contribuer. Cette nouvelle approche de la solidarité offre un soutien constant et varié aux États membres soumis à des pressions ou à un risque de pression. Il comprend un processus spécifique visant à tenir compte des spécificités des débarquements à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage (SAR). 

Dans le même ordre d’idées, les règles de procédure fixées dans le nouveau règlement sur les procédures d’asile renforceront l’efficacité et la cohérence globales des systèmes de gestion de l’asile et de la migration.

Pourquoi ce règlement ?

 
Compte tenu de l’ensemble plus large de mesures qu’il conviendrait d’appliquer dans le cadre de l’approche globale de gestion de l’asile et de la migration, l’Union et ses États membres devraient être mieux préparés afin d’éviter qu’une situation de crise ne se produise dans le domaine de la migration et de l’asile. 


Toutefois, il ne peut être exclu qu’une situation de crise se produise compte tenu des différents facteurs qui échappent au contrôle de l’Union et de ses États membres, ainsi que le montrent les expériences récentes. Comme le révèle également notre expérience de la crise des réfugiés de 2015, l’Union a besoin d’une approche structurée pour gérer la crise afin d’éviter de devoir apporter des réponses ad hoc.

Il convient donc que le cadre législatif applicable dans ce domaine soit complété par un instrument garantissant que l’Union dispose de règles spécifiques permettant de faire face efficacement à une situation exceptionnelle de crise, de façon à compléter le mécanisme de solidarité obligatoire et les procédures qui seraient normalement applicables. 

Ces règles prévoiraient des règles de procédure et des dérogations appropriées ainsi qu’un déclenchement rapide de la solidarité au profit d’un ou de plusieurs États membres afin de répondre à des situations de crise d’une ampleur telle qu’elles mettent également à rude épreuve des systèmes de gestion de l’asile et de la migration bien conçus et fonctionnels.

Solidarité obligatoire en situation de crise 


La proposition introduit des règles spécifiques concernant l’application, en situation de crise, du mécanisme de solidarité. Il s’agit de mesures obligatoires sous la forme d’une relocalisation ou d’une prise en charge des retours. Ces règles spécifiques prévoient un champ d’application plus large pour la relocalisation obligatoire de manière à englober :

  •  tous les demandeurs, qu’ils soient ou non soumis à la procédure à la frontière, les migrants en situation irrégulière,
  • les personnes bénéficiant d’une protection immédiate au titre du présent règlement. 


En outre, des délais raccourcis sont fixés pour le déclenchement de la procédure ayant trait au mécanisme de solidarité obligatoire prévue dans le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration. L’obligation de transférer le migrant en situation irrégulière vers le territoire de l’État membre de prise en charge sera enclenchée si la personne concernée n’a pas été renvoyée ou n’a pas été éloignée dans un délai de 4 mois (au lieu des 8 mois prévus dans le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration).
Un acte d’exécution détermine :

  • le nombre de personnes à relocaliser et/ou faisant l’objet d’une prise en charge des retours depuis l’État membre en situation de crise,
  • la répartition de ces personnes entre les États membres sur la base d’une clé de répartition fondée pour 50 % sur la population et pour 50 % sur le PIB, telle que définie dans la proposition de règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration. 


Fromage ou dessert : une solidarité en matière de retour


Le mécanisme de solidarité en situation de crise renforce la possibilité pour les États membres de s’aider mutuellement dans l’exécution des retours. Les États membres qui prennent en charge les retours s’engagent à renvoyer les migrants en situation irrégulière pour le compte d’un autre État membre. Ils mènent toutes les activités nécessaires directement depuis le territoire de l’État membre bénéficiaire, par exemple :

  • en fournissant des conseils en matière de retour,
  • en animant un dialogue politique avec des pays tiers,
  • en soutenant les programmes d’aide au retour volontaire et à la réintégration.

Si la procédure de retour ne devait pas aboutir dans un délai de 8 mois, les migrants en situation irrégulière seraient transférés sur le territoire de l’État membre de prise en charge en vue de finaliser l’exécution du retour. L’obligation de transférer le migrant en situation irrégulière s’enclenche si la personne concernée n’est pas renvoyée ou éloignée dans un délai de 4 mois. Cette prise en charge des retours en situation de crise prévue dans la présente proposition diffère donc de celle contenue dans le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration.


La proposition contient également des dispositions relatives aux situations de crise qui permettent de déroger, dans certains cas, aux dispositions :

  • du règlement sur les procédures d’asile (par exemple en prolongeant de 8 semaines la durée de l’examen d’une demande d’asile).
  • relatives à l’enregistrement des demandes de protection internationale en appliquant un délai plus long de 4 semaines.
  • prévues d dans la directive «retour», pour permettre aux autorités sous pression d’accomplir leurs tâches.

Une prise en compte de la pandémie du Coronavirus


Afin de permettre aux États membres et à l’Union de faire face efficacement aux cas de force majeure, telle que la situation provoquée par la pandémie de COVID-19, le règlement prévoit également la possibilité pour un État membre de prolonger :

  • les délais fixés dans le règlement sur les procédures d’asile pour l’enregistrement des demandes de protection internationale
  • les délais prévus dans le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration applicables pour :
    • l’envoi des requêtes aux fins de prise en charge par l’État membre responsable,
    • pour l’exécution du transfert vers l’État membre responsable.


Un renforcement des capacités assuré dans le cadre de la protection civile 


Contrairement aux dispositions en matière de solidarité contenues dans la proposition de règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, le règlement ne prévoit pas de mesures de solidarité dans le domaine du renforcement des capacités, du soutien opérationnel et de la coopération avec les pays tiers, étant donné que ces mesures sont à plus long terme et sont donc mieux adaptées à des situations de pression.
Dans la mesure où, en période de crise, il est nécessaire d’améliorer rapidement la situation provoquée par la présence d’un afflux massif de personnes, il convient que ce règlement se concentre sur ces aspects de la solidarité.
Tout besoin émergeant dans le domaine du renforcement des capacités, du soutien opérationnel et de la coopération avec les pays tiers serait couvert par le mécanisme de l’UE pour la préparation et la gestion de crise en matière de migration [plan de préparation et de gestion de crise en matière de migration et mécanisme de protection civile de l’Union (MPCU)]. 


Procédure de déclenchement


Pour que les règles spécifiques en matière de solidarité soient applicables, la Commission doit établir:

  • soit qu’un État membre est confronté à une situation de crise due à une situation exceptionnelle d’afflux massif dont l’ampleur et la nature sont telles qu’elle rend inopérant le système d’asile, d’accueil ou de retour de l’État membre concerné,
  • soit qu’un État membre est confronté au risque imminent qu’une telle situation se produise.

Les États membres sont tenus de présenter une demande motivée à la Commission lorsqu’ils estiment se trouver dans une situation de crise, jugent nécessaire l’application d’une procédure de gestion de crise :

  • soit en matière d’asile,
  • soit en matière de retour.

Le filtrage des ressortissants de pays hors UE s’effectue conformément aux règles établies dans le règlement relatif au filtrage. Il devrait être effectué avec la possibilité de prolonger de 5 jours supplémentaires le délai initial de 5 jours spécifié dans ce règlement.


Procédure de gestion de crise en matière d’asile


Les États membres peuvent déroger à la procédure d’asile à la frontière établie par le règlement sur les procédures d’asile. Ils peuvent statuer, dans le cadre d’une procédure à la frontière, sur le fond d’une demande lorsque la nationalité du demandeur présente un taux de reconnaissance à l’échelle de l’UE inférieur ou égal à 75 %, outre les motifs déjà prévus par le règlement sur les procédures d’asile.
Le taux de reconnaissance seuil de 75 % diffère du taux de reconnaissance seuil de 20 % prévu dans le règlement sur les procédures d’asile, lequel constitue un motif d’accélération. 


En outre, le règlement prévoit la possibilité pour les États membres de reporter l’enregistrement des demandes de protection internationale de 4 semaines au maximum, par dérogation au règlement sur les procédures d’asile. 


Dans des cas de force majeure, le règlement permet aux États membres de prolonger de 4 semaines le délai d’enregistrement des demandes de protection internationale, par dérogation à l’article 27 de la proposition de règlement sur les procédures d’asile.

Procédure de gestion de crise en matière de retour

 
Le règlement prévoit la possibilité pour les États membres de déroger à certaines dispositions de la procédure de retour à la frontière établie par le règlement sur les procédures d’asile et certaines dispositions de la directive «retour».

Les dispositions dérogatoires :

  • prolongent la durée maximale de la procédure de retour à la frontière, d’un délai supplémentaire de 8 semaines. Cette durée comprend le cas échéant la rétention en dernier ressort
  • introduisent de nouveaux cas spécifiques et bien ciblés, outre ceux prévus dans la proposition de refonte de la directive «retour», dans lesquels l’existence d’un risque de fuite peut être présumée dans des cas particuliers, sauf preuve du contraire.


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr 



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