Le Sénat a publié un rapport dressant le paysage institutionnel du renseignement. Pour le moins que l’on puisse dire, ce paysage est labyrinthique.
Pour y voir plus clair et pour commencer, il est possible de distinguer deux types d’organisme : les services de la communauté de renseignement et ceux chargés de la coordination (même si les sphères se recoupent). La communauté de renseignement (qui compte l'Académie du renseignement et le Coordonnateur national du renseignement) se subdivise en services du « premier cercle » et du « second cercle ».
Il y a d’abord, les services spécialisés de renseignement (au nombre de 6). Ce sont les services du « premier cercle ». Les services dits du « second cercle » sont ceux qui peuvent être autorisés à recourir aux techniques de renseignement. Certains sont évoqués dans ce rapport, mais il ne faut pas oublier d'autres comme le service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée (SIRASCO) et la direction du renseignement de la Préfecture de Police de Paris.
Outre ces membres de la « communauté du renseignement », il convient de mentionner la coordination interministérielle, avec d’un côté, les instances en matière de coordination stratégique et de l’autre les centres de coordination.
Les 6 services du 1er cercle
1. La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE)
Rattachée au ministère de la Défense, la DGSE est le service de renseignement extérieur de la France, avec une double mission de renseignement et d'action. La DGSE détient le monopole de l'action clandestine à l'étranger. Fin 2015, les effectifs de la DGSE, s'élevaient à 6 315 agents. Ils ont été portés à 6 463 fin 2016.
Il convient de noter que les effectifs de la DGSE progressent de manière constante depuis 2008.
2. La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI)
La Direction générale de la sécurité intérieure a été créée en 2014. Elle reprend les missions de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), créée en 2008, elle-même issue de la fusion de la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG), née en 1907, et de la Direction de la surveillance du territoire (DST), créée en 1944.
La DGSI est compétente en matière de contre-espionnage, de lutte contre le terrorisme, de lutte contre les extrémismes ou les séparatismes violents (comme en Corse ou au Pays basque), de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, et de contre-ingérence criminelle ; elle contribue à la surveillance des communications électroniques et radioélectriques.
3. La Direction du renseignement militaire (DRM)
La DRM, service de renseignement des armées, a été créée en 1992. Le rôle de la DRM est donc, à la fois, de garantir aux autorités politiques et aux responsables militaires une autonomie d'appréciation des situations au niveau stratégique et de fournir aux forces engagées en opération le renseignement nécessaire à la planification et à la conduite de la manoeuvre au niveau tactique.
Elle exerce la responsabilité de pilotage de la fonction interarmées du renseignement. À ce titre, elle coordonne l'ensemble des organismes des armées qui contribuent à la recherche et à l'exploitation du renseignement, soit environ 8 000 personnes.
Les effectifs de la DRM ont augmenté au cours de l'année écoulée, passant de 1 640 agents en 2015 à 1 715 en 2016. Dans le cadre de l'actualisation de la loi de programmation militaire 2014-2019, ils devraient atteindre 2 100 personnes en 2019. La DRM recrute à la fois des militaires et des personnels civils ; ces derniers représentent 26 % du personnel en 2016 ; leur effectif devrait atteindre 30 % en 2019.
Afin de relever les défis techniques auxquels elle se trouve confrontée, en particulier dans le domaine de l'imagerie et du renseignement géo-spatial, la DRM a décidé de créer, sur sa base de Creil, un pôle de compétitivité dédié au renseignement d'intérêt militaire. Il regroupera des entreprises (grands groupes, PME et start-up), ainsi que des organismes de recherche et de formation. Les premières entités doivent s'installer dès le début de l'année 2017.
4. La Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD)
La Direction du renseignement et de la sécurité de la défense est le service « dont dispose le ministre de la défense pour assumer ses responsabilités en matière de sécurité du personnel, des informations, du matériel et des installations sensibles ».
La DRSD apporte son concours aux différents échelons de commandement pour l'exercice de leurs responsabilités en matière de sécurité. Son engagement recouvre deux types d'actions permanentes et complémentaires : l'acquisition du renseignement de contre-ingérence et le contrôle des mesures de protection de la sphère « défense ».
L'action de la DRSD s'étend sur l'ensemble des menaces du spectre dit « TESSCo » (pour terrorisme, espionnage, sabotage, subversion et crime organisé), lorsque ces menaces concernent la sphère de défense ;
Elle suit de près des sociétés en lien contractuel avec la défense, auxquelles s'ajoutent celles qui, sans être en lien, présentent un intérêt fort dans le domaine de la défense en raison de leur secteur d'activité .
La loi de programmation militaire 2014-2019 a prévu le renforcement de la DRSD qui comptait 1 500 personnes en 2008. Cette remontée en puissance, amorcée en 2014, a connu une accélération dans le cadre de la lutte antiterroriste et de l'actualisation de la loi de programmation militaire de juillet 2015. Pour la fin de l'année 2016, l'effectif cible est ainsi passé à 1 190 personnes. Il devrait être de 1 307 personnes pour 2017 et de 1 543 personnes pour 2019.
5. La Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DGDDI)
La Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières a été créée dans sa forme actuelle depuis 2007 et a été placée sous l'autorité de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).
Elle lutte contre la contrebande et la fraude organisée en conduisant des opérations destinées à saisir des marchandises et des sommes d'argent et en identifiant des filières en vue de leur démantèlement. Elle a ainsi pour mission de collecter des renseignements à caractère commercial, économique et financier, et portant sur les fraudes en général. Enfin, la DNRED participe également à la lutte contre le terrorisme et au démantèlement des circuits financiers qui l'alimentent. Le nombre d'agents de la DNRED est resté stable de 2013 à 2016. Au 31 décembre 2016, il s'élève à 760 personnes.
6. Le service Tracfin
Institué par décret du 9 mai 1990 portant création d'une cellule de coordination chargée du traitement du renseignement et de l'action contre les circuits financiers clandestins, le service Tracfin participe à la protection de l'économie nationale et a pour mission de lutter contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Le service est passé de 72 agents en 2010 à 132 agents en 2016, dont six agents de liaison mis à disposition de Tracfin par leur administration d'origine.
Tracfin est une structure opérationnelle, destinataire unique et exclusif des déclarations de soupçon susceptibles de concerner le blanchiment du produit d'infractions passibles de plus d'un an d'emprisonnement, les fraudes aux finances publiques ou le financement du terrorisme.
Ces déclarations émanent aujourd'hui de plus de 40 professions assujetties au dispositif de lutte anti-blanchiment, soit près de 200 000 professionnels sur le territoire national.
Tracfin a connu une forte progression de son volume d'activité en 2015 tant par le nombre d'informations reçues que par le nombre d'informations externalisées.
Le service a reçu 45 266 informations (+18 % par rapport à 2014) dont 43 231 déclarations de soupçon émanant des professionnels déclarants. Sur cette même période, le service a réalisé 10 556 enquêtes, soit une hausse de 8 % par rapport à 2014.
Exemple de services du 2e cercle
1. Le Service central du renseignement territorial (SCRT)
Le SCRT (pas de page officielle sur le site du ministère de l'Intérieur) assure le recueil des renseignements les plus importants provenant des services départementaux du renseignement territorial (SDRT) ou des antennes de renseignement territorial (ART).
Le SCRT réalise, sous le double timbre de la Police et de la Gendarmerie nationales, des notes de synthèse destinées aux décideurs politiques et opérationnels, ainsi qu'aux principaux services de renseignement concernés par les thématiques abordées.
Ce service est également doté d'une division nationale de recherche et d'appui qui gère les surveillances humaines et techniques.
Depuis 2015, le SCRT s'est vu reconnaître une compétence en matière de prévention du terrorisme. Dans ce cadre, le service se doit d'évaluer précisément la nature de la menace.
Depuis la création de la SDIG en 2008, date à laquelle le service était passé de 3 900 à 1 400 agents.
2. La sous-direction de l'anticipation opérationnelle (SDAO) de la Gendarmerie
La SDAO ((pas de page officielle sur le site de la Gendarmerie) est chargée du pilotage du renseignement opérationnel au sein de la Gendarmerie nationale en s'appuyant sur la base de données de sécurité publique (BDSP), alimentée par tous les militaires de l'institution au cours de l'exécution de leur mission, et sur la chaîne du renseignement opérationnel formée par les cellules et par les bureaux de renseignement (respectivement situés dans les départements et dans les régions).
La SDAO pilote le recueil, l'exploitation et l'analyse du renseignement de défense, de sécurité nationale et d'ordre public nécessaires à l'exécution des missions de la Gendarmerie.
3. Le tout nouveau Bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP)
Le BCRP a notamment pour missions de piloter la politique de renseignement pénitentiaire définie par le Garde des Sceaux. Inauguré en avril 2017, 47 personnes vont composer ce bureau central. Elles pourront s’appuyer sur un réseau composé de plus de 400 personnels (analystes veilleurs, investigateurs numériques, délégués locaux ou régionaux du renseignement pénitentiaire).
Le renseignement pénitentiaire a pour missions de recueillir et d'analyser l'ensemble des informations utiles à la sécurité des établissements et des services pénitentiaires, assurer le suivi régulier et individualisé des personnes détenues le justifiant et surveiller en liaison avec les autres services compétents de l'État, notamment du ministère de l'intérieur, l'évolution de certaines formes de criminalité et de radicalisation violente.
Le ministère de la justice s'emploie à détecter les mouvements de repli identitaire et de radicalisation, et à gérer la détention des personnes concernées.
Et la coordination interministérielle ?
Il existe deux instances capitales en matière de coordination stratégique : le Coordonnateur national du renseignement, pour la coordination de l'action des services de renseignement, en prévention ou en entrave, et le SGDSN, pour la coordination interministérielle en matière de protection.
Pour optimiser la performance de l'appareil de renseignement, il est apparu nécessaire de créer, au sein de certains départements ministériels, des centres de coordination destinés à améliorer la circulation de l'information. 4 grandes structures de ce type sont en place : l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste, la cellule HERMES, la cellule INTERSERVICES et enfin, l'État-major opérationnel de prévention du terrorisme.
1. Le Coordonnateur national du renseignement
Depuis 2008, le Coordonnateur national du renseignement est chargé, en tout premier lieu, de la remontée du renseignement aux plus hautes instances de l'État.
Il conseille le Président de la République sur les questions de renseignement. Il l'informe, ainsi que le Premier ministre, par des points de situation quotidiens et par des synthèses de renseignement.
Il coordonne la communauté du renseignement. À ce titre, il coordonne l'action des services et hiérarchise leurs priorités, notamment à travers le plan national d'orientation du renseignement (PNOR).
Il réunit régulièrement les directeurs des services spécialisés de renseignement. Il favorise la mutualisation de leurs investissements. Enfin, il pilote des fonctions transverses, notamment la formation au travers de la présidence du Comité d'orientation et d'évaluation (COE) de l'Académie du renseignement.
2. Le SGDSN
Le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale anime et coordonne les travaux interministériels relatifs à la politique de défense et de sécurité nationale et aux politiques publiques qui y concourent. Il élabore la planification interministérielle de défense et de sécurité nationale (comme Vigipirate) et coordonne la préparation des mesures de défense et de sécurité nationale incombant aux départements ministériels.
Le Conseil national du renseignement étant une formation spécialisée du Conseil de défense et de sécurité nationale, le SGDSN apporte son concours au Coordonnateur national du renseignement, et il en assure le secrétariat.
3. L'UCLAT
L'Unité de coordination de la lutte antiterroriste a été créée en 1984 et elle est placée sous l'autorité du Directeur général de la police nationale. Elle procède, pour le ministre de l'Intérieur, à l'actualisation permanente de la menace terroriste en réunissant des correspondants issus d'un certain nombre de départements ministériels (en particulier le ministère de la Défense), des représentants de la Coordination nationale du renseignement et des représentants du SGDSN.
4. La cellule HERMES
Placée sous l'autorité du Directeur du renseignement militaire, la cellule HERMES joue désormais un rôle essentiel de conseil pour le chef d'état-major des armées et pour le ministre de la Défense. Elle a été créée le 1er octobre 2014, sur proposition de la Direction du renseignement militaire. Sa mission est de coordonner et d'animer les échanges en matière de renseignement d'intérêt militaire, dans une logique d'appui à la planification et à la conduite des opérations.
À ce titre, la cellule HERMES regroupe les 6 services spécialisés de renseignement et le Commandement des opérations spéciales (COS). La DGSE contribue notamment à son fonctionnement en transmettant des données et en fournissant une expertise.
5. La cellule INTERSERVICES
La cellule INTERSERVICES a été créée en juin 2015 à l'initiative de la DGSI. Elle a pour mission d'organiser la mise en commun des renseignements obtenus sur les organisations terroristes sunnites qui visent la France, et également d'accroître la capacité de réponse opérationnelle à cette menace.
Elle regroupe les 6 services spécialisés de renseignement, la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris et le Service central du renseignement territorial - auquel la Gendarmerie nationale est très étroitement associée. La DGSI, en tant que chef de file en matière de lutte contre le terrorisme sur le territoire national, assure le pilotage de la cellule qui, hébergée par la DGSI, travaille au profit de tous les services qui la composent.
6. L'EMOPT
L'État-major opérationnel de prévention du terrorisme a été créé le 9 juillet 2015. Il est placé directement sous l'autorité du ministre de l'Intérieur et il rassemble tous les services du ministère contribuant à la lutte contre le terrorisme.
L'EMOPT regroupe la DGSI, le Renseignement territorial, la police judiciaire, la Préfecture de police de Paris et la Gendarmerie. La coordination avec l'UCLAT se fait par le biais de la participation d'un membre de cette unité à l'État-major opérationnel.
L'EMOPT centralise la remontée des signaux faibles de tout le territoire - en particulier ceux qui ont été identifiés par le Service central du renseignement territorial et par la Sous-direction de l'anticipation opérationnelle de la Gendarmerie nationale.
Il supervise l'action des préfets qui transmettent les informations concernant les personnes suspectes de radicalisation à partir des données recueillies localement par les services déconcentrés de l'État (ou par le numéro vert mis en place par l'UCLAT).
synthèse du rapport par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
A lire sur securiteinterieure.fr, les synthèses d'autres rapports du Sénat
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