Voici le cœur de la réforme d’asile et d’immigration : la mise en place d’un mécanisme européen de solidarité sous forme de répartition des migrants. L’objectif poursuivie par ce projet de règlement ? Soulager le pays soumis à une pression migratoire en montrant qu’il n’est pas seul dans l’épreuve, tout en n’imposant pas ce système aux autres pays de l'UE qui n'en veulent pas. La contrepartie est alors une prise en charge des procédures complexes d’expulsion.
Les choses ne sont pas gagnées pour autant. Certains Etats membres freinent déjà des quatre fers ce projet.
Un mécanisme de solidarité activé après un débarquement
Dans les situations de pression migratoire, les contributions que les États membres apportent à titre de solidarité pourront prendre la forme d’une relocalisation ou d’une prise en charge des retours. Les États membres pourront également contribuer à des mesures de renforcement des capacités des autres États membres dans le domaine de l’asile, de l’accueil et du retour, ainsi que sur le plan de la dimension extérieure.
Le système est complété par une nouvelle conception de la solidarité, fondée sur une structure qui permet d’évaluer en temps réel la situation dans les États membres et dans l’Union. En outre, des règles de procédure sont définies pour faciliter la relocalisation et la prise en charge des retours, qui sont des instruments de solidarité.
D’où vient-on ?
La Commission a proposé en 2016 un système selon lequel l’État membre désigné comme responsable de l’examen d’une demande de protection internationale sur la base de la hiérarchie des critères de responsabilité. Or, les États membres n’ont pas pu se mettre d’accord sur une vision commune et les négociations se sont enlisées.
Pour sortir de l’impasse actuelle et définir un cadre plus large et plus solide pour les politiques de migration et d’asile, la Commission :
- retirer la proposition de 2016.
- abroge et remplace le règlement Dublin III de 2013.
Le principe : l’activation d’un mécanisme dual de solidarité
Dans les situations de pression migratoire, les contributions que les États membres apportent à titre de solidarité pourront prendre la forme :
- d’une relocalisation
- d’une prise en charge des retours.
Les États membres pourront également contribuer à des mesures de renforcement des capacités des autres États membres dans le domaine de l’asile, de l’accueil et du retour, ainsi que sur le plan de la dimension extérieure. Ils seront tenus d’apporter une contribution calculée à partir d’une clé de répartition fondée à moitié sur le PIB et à moitié sur la taille de la population. La part de l’État membre bénéficiaire sera incluse dans la clé de répartition afin de garantir que tous les États membres donnent effet au principe du partage équitable des responsabilités.
La relocalisation s’applique aux demandeurs d’une protection internationale qui ne sont pas soumis à la procédure à la frontière.
Un mécanisme de solidarité après un débarquement
Le mécanisme de solidarité se met en place entre les États membres de débarquement et les autres Etats membres. Concrètement, il s’agit de répondre aux besoins des États membres de débarquement :
- pour relocaliser les demandeurs qui ne font pas l’objet de la procédure à la frontière
- pour parer aux besoins de capacité des États membres concernés.
Pou ce faire un rapport annuel sur la gestion de la migration est élaboré. Il établira :
- des projections à court terme prévues sur tous les itinéraires de débarquement
- des prévisions concernant les mesures de solidarité nécessaires.
Ce rapport indiquera également :
- la part des mesures de solidarité obligatoires incombant à chaque État membre,
- précisera le nombre total de ressortissants hors UE concernés par les mesures de solidarité.
La création d’une réserve de solidarité
Une fois le rapport établi, les autres États membres indiqueront le type de mesures de solidarité qu’ils entendent prendre: des mesures de relocalisation des demandeurs ou des mesures dans le domaine du renforcement des capacités ou de la dimension extérieure.
Tout au long de l’année, à mesure que les débarquements auront lieu, la Commission puisera dans la réserve de solidarité et préparera des listes de répartition des personnes à relocaliser vers les États membres contributeurs à partir de chaque débarquement ou groupe de débarquements.
Si les contributions des États membres sont suffisantes, une réserve de solidarité est créée destinée à soutenir l’État membre de débarquement face aux difficultés qu’il rencontre.
Une solidarité obligatoire dans les situations de pression migratoire
Si les indications données par les États membres ne répondent pas aux besoins recensés, la part de chaque État membre est fixée par la Commission via un acte d’exécution en fonction de la clé de répartition pour la relocalisation.
Si les réserves de solidarité risquent d’être insuffisantes en raison d’une augmentation des débarquements, la Commission une quantité supplémentaire de mesures de relocalisation est prévues en faveur des États membres bénéficiaires, qui devrait être plafonnée à 50 % de la quantité fixée initialement.
Une alternative : une solidarité sous forme d’une prise en charge des retours
Dans le cadre de cette prise en charge, un État membre s’engagera à aider un autre État membre soumis à une pression migratoire en menant, à partir du territoire de l’État membre bénéficiant d’une mesure de solidarité obligatoire et en étroite coordination avec lui, les activités nécessaires au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier qui auront été identifiés. À cette fin, l’État membre prenant en charge des retours
- fournira des conseils en matière de retour et de réintégration,
- soutiendra le retour volontaire et la réintégration des migrants,
- mènera ou soutiendra le dialogue politique avec les pays tiers pour faciliter la réadmission et veillera à la délivrance d’un document de voyage valable.
Les activités relevant de la prise en charge des retours s’ajoutent à celles menées par Frontex. Elles comprennent notamment des activités que Frontex ne peut pas mettre en œuvre en vertu de son mandat par exemple, apporter un soutien diplomatique à l’État membre bénéficiaire dans ses relations avec les pays tiers.
Les étapes concrètes en situation de pression migratoire
1e étape : Évaluation de la pression migratoire et réaction de solidarité
- un État membre informe la Commission qu’il estime être soumis à une pression migratoire, notamment lorsque ces arrivées résultent d’opérations de recherche et de sauvetage,
- la Commission évalue la situation en tenant compte des conditions particulières et détermine ses besoins globaux.
2e étape : Présentation d’un « plan de réaction de solidarité »
Lorsque le rapport sur la pression migratoire indique la nécessité de mettre en œuvre d’autres mesures de solidarité pour renforcer les capacités en matière d’asile, d’accueil ou de retour, , les États membres contributeurs pourront faire figurer de telles mesures dans leur plan de réaction de solidarité en lieu et place d’une relocalisation ou d’une prise en charge des retours.
Les mesures peuvent prendre différentes formes, par exemple :
- une aide se traduisant par un renforcement des capacités d’accueil,
- un financement destiné à gérer la situation en matière d’asile et de migration dans un pays tiers donné qui génère des flux migratoires vers un État membre.
- une aide financière sur les infrastructures pour améliorer l’exécution des retours,
- une aide financière sur le matériel ou les moyens de transport permettant la réalisation des opérations de retour.
3e étape : la définition de la clé de répartition
Dans un délai de deux semaines à compter de la soumission des plans de réaction de solidarité, la Commission adopte un acte d’exécution qui fixe le nombre total de personnes devant être relocalisées et/ou faire l’objet d’une prise en charge aux fins du retour. Il établira la part de chaque État membre à partir d’une clé de répartition. L’acte d’exécution précise également les mesures relatives :
- au renforcement des capacités,
- au soutien opérationnel,
- à la dimension extérieure qu’un État membre contributeur devra prendre en lieu et place de relocalisations ou d’une prise en charge de retours.
La Commission convoquera aussi un forum sur la solidarité Dans les situations de pression migratoire, si les contributions indiquées par les États membres dans leur plan de réaction de solidarité ne répondent pas aux besoins recensés dans l’évaluation de la pression migratoire, qui permettra aux États membres de revoir leurs choix de contributions dans leur plan de réaction de solidarité.
4e étape : Procédure de relocalisation
Le règlement proposé définit les obligations :
- de l’État membre bénéficiaire qui portent notamment sur :
- l’identification et l’enregistrement des personnes concernées aux fins de la relocalisation,
- le fait que les personnes concernées ne présentent pas de danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public.
- de l’État membre de relocalisation.
- lorsque la personne est un demandeur d’asile, de mener la procédure de détermination de l’État membre responsable si elle n’a pas été effectuée dans l’État membre bénéficiaire,
- lorsque la personne bénéficie d’une protection internationale, l’État membre de relocalisation doit automatiquement accorder le statut respectif accordé par l’État membre bénéficiaire, afin de garantir que cette personne conserve son statut et les droits correspondants même si elle est relocalisée vers un autre État membre.
Un soutien financier européen à la relocalisation
La proposition prévoit des incitations financières à la relocalisation. Une contribution financière :
- de 10 000 euros sera accordée pour chaque personne relocalisée (y compris après la prise en charge du retour si celui-ci n’a pas abouti),
- de 12 000 euros lorsque la personne relocalisée sera un mineur non accompagné.
En outre, une contribution financière de 500 euros sera accordée pour couvrir les frais de transfert de personnes liés à la relocalisation et aux procédures prévues par le présent règlement.
Le mécanisme de Dublin en arrière fond
Le demandeur est tenu de présenter sa demande :
- dans l’État membre de première entrée irrégulière,
- en cas de séjour régulier, dans l’État membre de séjour, comme cela a été proposé en 2016; le demandeur doit alors être présent dans cet État membre pendant la procédure de détermination et, par la suite, dans l’État membre désigné comme responsable. L’objectif est d’éviter les déplacements non autorisés. Cette modification établit clairement que les demandeurs n’ont le droit de choisir ni l’État membre de dépôt de la demande, ni l’État membre responsable de l’examen de la demande.
Des délais de procédure plus courts
Le règlement fixe des délais plus courts applicables aux différentes étapes de la procédure afin d’accélérer la procédure de détermination et de permettre un accès plus rapide des demandeurs à la procédure d’asile.
L’expiration des délais n’entraînera un transfert de responsabilité entre les États membres que dans certains cas. Il semble que ces transferts aient encouragé le contournement des règles et l’obstruction de la procédure.
Si le demandeur s’enfuit d’un État membre afin d’échapper au transfert vers l’État membre responsable, l’État membre procédant au transfert pourra utiliser le temps restant du délai de six mois pour effectuer le transfert à partir du moment où le demandeur sera de nouveau à la disposition des autorités.
synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
A lire le paquet législatif :
- communication sur un nouveau pacte sur la migration et l'asile
- proposition
de règlement visant à faire face aux situations de crise et aux cas de
force majeure dans le domaine de la migration et de l’asile
- proposition de règlement instituant une procédure commune en matière de protection internationale
- proposition modifiant le règlement instituant Eurodac
- proposition de règlement sur le filtrage
- proposition de règlement sur la gestion de l'asile et des migration
A lire sur securiteinterieure.fr la synthèse du paquet législatif :
- L’UE dégaine l’arme "anti-abus" de certains demandeurs d’asile
- Le "mécanisme de solidarité en situation de crise" pour prévenir un éventuel nouvel afflux migratoire massif prend forme
- Un outil numérique pour tracer les flux de migrants intra-Schengen
- Filtrer les migrants: l’UE impose une procédure commune préalable de contrôles sanitaires et sécuritaires
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