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samedi 10 octobre 2020

Plan antidrogue : l'Europe tire une nouvelle bordée contre les organisations criminelles transnationales

 


Le marché de la drogue se développe et se diversifie. Et la situation ne fait que s’aggraver. Pourtant, les réponses nationales sont peu efficaces ou inappropriées, voir contreproductives.
L'Europe lâche donc une bordée contre la criminalité. Le nouveau Programme accompagné d'un plan d'action  déclare un changement de paradigme dans sa politique antidrogue. Ce programme 2020-2025 entend s’attaquer aux importantes organisations criminelles transnationales qui tirent profit de ce marché juteux. Il s'agit d'assurer un meilleur contrôle des vecteurs de diffusion et de développer des stratégies de prise en charge de publics vulnérables, en insistant sur une politique par l’efficacité à partir de données probantes.


Pourquoi ce plan d’action ?


Le marché des drogues illicites dans l’UE est estimé à une valeur au détail minimale de 30 milliards d’euros par an, ce qui représente une importante source de revenus pour les organisations criminelles dans l’UE.
Les organisations criminelles, dont plus d’un tiers interviennent directement sur les marchés de la drogue, ont également une très grande capacité d’adaptation.
La pandémie de COVID-19 n’a eu que peu d’incidences sur la circulation d’importantes quantités de drogue entre les États membres. 


En outre, la disponibilité de la drogue en Europe reste élevée tant pour les drogues naturelles que pour les drogues de synthèse.
Le marché européen de la drogue se caractérise de plus en plus par l’accès de la population à une grande variété de drogues très pures et très puissantes dont le prix, en termes réels, est généralement équivalent ou inférieur à celui observé au cours des dix dernières années.
Le marché de la cocaïne est le deuxième plus gros marché de drogues illicites de l’UE, après celui du cannabis. 


De quoi parle-t-on ?


Conformément à la nouvelle stratégie 2020-2024 sur l’union de la sécurité, la Commission entend intensifier considérablement l’action de l’Union européenne (UE) en matière de lutte contre les drogues illicites grâce à un vigoureux nouveau programme antidrogue de l’UE.
Ce programme antidrogue audacieux pour induire des changements concrets et ambitieux intensifie les efforts dans toutes les dimensions de la politique antidrogue, en particulier sur le plan sécuritaire où il est plus vigoureux et prévoit des mesures concrètes pour remédier aux lacunes constatées précédemment.


Le programme antidrogue de l’UE propose un train complet de mesures de sécurité renforcées axées sur tous les aspects du trafic illicite de drogue, depuis les organisations criminelles jusqu’à la gestion des frontières extérieures, en passant par la distribution et la production illicites dans l’UE.
Il s’intéresse à la prévention et à la sensibilisation aux effets nocifs des drogues, y compris leur lien avec les actes criminels violents et d’autres formes de criminalité. 


Il est tout aussi important de s’attaquer aux dommages liés à la drogue. Il s’agit de veiller à ce que les personnes qui ont besoin d’aide aient accès à un traitement efficace et à ce qu’il existe un cadre solide d’atténuation des risques et des dommages.
Le programme antidrogue de l’UE s’accompagne d’un plan d’action antidrogue qui couvre les activités et mesures opérationnelles concrètes visant à faciliter la mise en œuvre des huit priorités stratégiques.

L’évaluation de la stratégie antidrogue 2013-2020 de l’UE a confirmé qu’il convient de poursuivre la lutte contre le phénomène de la drogue et les problèmes qu’il entraîne, aux niveaux national, européen et international. Parmi les constatations de cette évaluation : les aspects liés à la sécurité et à la santé dus aux marchés des drogues illicites restent essentiels pour aborder des éléments plus larges et horizontaux du phénomène de la drogue.


4 principes directeurs de la politique antidrogue de l’UE 


Le programme antidrogue de l’UE repose sur :

  • le respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, solidarité, état de droit, sécurité et droits de l’homme.
  • une approche pluridisciplinaire
  • l'intégration à l’action extérieure de l’UE.
  • des réponses scientifiques reposant sur des données probantes et promotion de l’innovation 


Priorité n° 1 : perturber les marchés de la drogue 


  • perturber et démanteler les grandes organisations criminelles liées à la drogue qui présentent un risque élevé et opèrent dans les États membres de l’UE, en sont issues ou les ciblent, et s’attaquer à leurs liens avec d’autres menaces pesant sur la sécurité  
  • mettre l’accent sur le suivi, le gel et la confiscation des gains énormes tirés du trafic de drogue et des infractions connexes, afin de priver les organisations criminelles de la capacité de commettre d’autres délits et d’infiltrer l’économie légale.
  • envisager des mesures visant à limiter l’utilisation criminelle d’instruments permettant le commerce de la drogue, tels que les équipements des laboratoires destinés à la production de drogue, les armes à feu, les documents falsifiés et la technologie de cryptage.
  • rechercher une coopération structurée avec les pays et régions d’origine et de transit des drogues et avec les organisations régionales concernées, notamment par un soutien ciblé supplémentaire et des programmes de coopération associant systématiquement les agences de l’UE concernées, en particulier Europol et l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT). 


Priorité n° 2 : Détection des grandes quantités de drogues et de précurseurs à l’entrée / sortie de l’UE  


  • les principaux ports, aéroports et points d’entrée et de sortie terrestres de l’UE dont on sait qu’ils sont utilisés comme plaques tournantes pour le trafic de gros de stupéfiants devraient figurer sur une liste prioritaire en ce qui concerne les actions ciblant le trafic de drogue.
  • les mesures devraient inclure l’amélioration de l’analyse des risques en matière douanière pour les conteneurs et les cargaisons, le profilage, le partage du renseignement et une coopération efficace au sein des agences de l’UE et entre ces agences et les services répressifs, les services douaniers et les services de contrôle aux frontières des États membres.
  • il importe d'accorder une attention particulière à l’amélioration et à l’extension des mesures de lutte contre la corruption en rapport avec ces plaques tournantes, ainsi qu’à la détection de tout effet de déplacement résultant d’interventions efficaces.
  • la coopération internationale dans le domaine du trafic maritime et aérien restera un élément clé pour l’amélioration du renseignement et des capacités opérationnelles en temps réel des États membres et des agences de l’UE chargées de la sécurité des frontières.
  • la priorité doit être accordée aux frontières aériennes et maritimes. Il convient de renforcer et d’étendre les activités telles que celles menées par le Centre d’opération et d’analyse maritime de lutte contre le trafic de drogue (MAOC-N).

 

Priorité n° 3 : Renforcer l’efficacité de la surveillance des circuits logistiques

 

  • améliorer et de mieux coordonner le suivi et l’analyse des menaces que posent l’accessibilité aux drogues par l’intermédiaire des plateformes de médias sociaux, d’applications, des marchés internet et des cryptomarchés, ainsi que l’utilisation des paiements en ligne (y compris de cryptomonnaies) et des communications numériques cryptées.
  • assurer une surveillance plus stricte des envois contenant des substances illicites est nécessaire, en étroite coopération avec les services postaux et les services express.
  • assurer une sensibilisation accrue pour renforcer la surveillance et les enquêtes ciblées, fondées sur les risques, des ports maritimes et fluviaux d’importance secondaire, des aérodromes locaux/de petite taille et des gares ferroviaires. 


Priorité n° 4 : éradiquer la culture illégale 


  • renforcer les investissements dans la surveillance et la recherche sont nécessaires pour mieux comprendre dommages globaux causés à l’environnement.
  • permettre aux services répressifs de renforcer les mesures adoptées pour mieux combattre la culture de plantes servant à fabriquer des drogues illicites.
  • lutter contre la culture, dans les pays tiers, de plantes servant à fabriquer des drogues illicites susceptibles d’avoir des répercussions sur l’Union européenne, en particulier la culture de pavot somnifère destiné à la production d’héroïne et la culture de coca destinée à la production de cocaïne, en s’engageant davantage en faveur des mesures de développement de substitution:
  • remédier aux causes profondes des économies reposant sur les drogues illicites grâce à une approche intégrée qui combine des mesures ayant trait au développement rural, à la lutte contre la pauvreté et au développement socio-économique. 

Priorité n° 5 : Prévenir la consommation de drogues


  • accorder la priorité aux mesures de prévention et de soutien fondées sur des données probantes
  • cibler les groupes sur la base d’approches dont l’efficacité a été démontrée.
  • accorder une attention aux groupes considérés comme particulièrement vulnérables (jeunes vivant dans des familles dont les parents ont connu des problèmes de toxicomanie, ceux qui souffrent de troubles mentaux, ceux qui souffrent de différentes formes de syndrome de fatigue/douleur chronique, ainsi que les sans-abri, les migrants et les jeunes aux prises avec le système de justice pénale)
  • lutter contre l’exploitation des groupes vulnérables et des toxicomanes par les organisations criminelles.
  • mener des actions de sensibilisation ciblées, y compris en promouvant l’adoption de modes de vie sains auprès des jeunes, des enfants et des groupes vulnérables. 


Priorité n° 6 : Améliorer l’accès à des options thérapeutiques 


  • réduire les obstacles qui entravent l’accès au traitement en tenant compte des principales caractéristiques du groupe cible, comme les facteurs démographiques (âge, sexe, niveau d’études et milieu culturel), les facteurs liés à la situation des personnes (pauvreté, situation familiale, cercle social et contexte migratoire, par ex.) et les facteurs individuels (santé physique et mentale et bien-être psychologique).
  • mieux recenser et éliminer les obstacles rencontrés par les femmes (violence domestique, les traumatismes, la stigmatisation, les problèmes de santé mentale et physique, ainsi que les problèmes liés à la grossesse et à la garde des enfants).
  • reconnaître la diversité des consommateurs de drogues. Des mesures devraient être prises pour proposer des services tenant compte de cette diversité et reflétant les besoins des différents groupes concernés en matière de consommation problématique de drogues. 


Priorité n° 7 : Accroître l’efficacité des interventions de réduction des risques et des dommages 


  • les programmes d’échange d’aiguilles et de seringues, le traitement de substitution aux opiacés, les salles de consommation et d’autres mesures innovantes de réduction des dommages à l’efficacité avérée, ainsi que l'accessibilité des dépistages du virus de l’hépatite C (VHC) peuvent constituer des interventions efficaces pour prévenir la transmission d’infections à diffusion hématogène chez les consommateurs de drogues par injection.
  • l’usage détourné de médicaments délivrés sur ordonnance peut concerner des personnes de tous horizons, issues de différents milieux et communautés (médicaments de substitution destinés au traitement de la dépendance aux opioïdes, médicaments psychoactifs, en particulier des analgésiques).
  • il y a lieu de poursuivre les efforts de recherche et de développement dans le domaine l’emprise de stupéfiants afin de recenser et d’évaluer les réponses politiques et opérationnelles efficaces, y compris le développement de méthodes de dépistage et d’outils moins onéreux de détection de drogues.
  • il est nécessaire d’intensifier les efforts et d’intégrer la mise en œuvre de solutions de remplacement efficaces aux sanctions coercitives contre les délinquants toxicomanes. Il convient de recueillir des données plus complètes et approfondies dans ce domaine.
  • les réponses actuelles ne permettent manifestement pas encore de réduire efficacement les surdoses. Il est impératif de garantir la disponibilité de la naxolone et d’en promouvoir une utilisation appropriée pour lutter contre les surdoses ou intervenir lorsqu'elles se produisent. 


Priorité n° 8 : réduire la demande et limiter l’offre dans les prisons


Il importe d’assurer la continuité du traitement, de la réadaptation et de la guérison des délinquants toxicomanes tant en prison qu'après leur sortie de prison, et, enfin, de faciliter leur réinsertion sociale.
neutraliser les filières d’approvisionnement en drogues (ainsi que d'autres objets illégaux) dans les prisons et repérer les personnes intervenant dans ces filières devraient constituer une priorité. Dans ce contexte, la collaboration avec les services répressifs, le partage d’informations, la lutte contre la corruption, l’utilisation du renseignement et le dépistage des drogues pourraient jeter les bases d'une intervention efficace.



synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr 

 

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