S'il est un hasard tragique qui mérite d’être révélé, c'est bien celui-ci. Au moment où l’effroi suscité par meurtre d'un enseignant décapité saisissait l’hexagone, un rapport sur la robustesse de la législation française venait tout juste d’être rendu. Plus exactement, ce rapport fait état de la transposition de la directive renforçant la répression des infractions terroristes adoptée à la suite des attentats de 2015.
Dans l’ensemble les efforts mis en œuvre par les États membres de l’UE pour respecter la directive sont notables. C’est le cas de la France dont la législation est pratiquement conforme à la directive. Néanmoins, ce rapport a relevé plusieurs problèmes potentiels liés à cette transposition de la directive. A ce sujet, il note quelques lacunes dans le droit français.
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De quoi parle-t-on ?
Ce rapport évalue dans quelle mesure les États membres ont pris les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive (UE) 2017/541 relative à la lutte contre le terrorisme. Il décrit d’abord le niveau de transposition général de la directive par les États membres et fait ensuite apparaître les domaines dans lesquels cette transposition est encore problématique.
Le 15 mars 2017, le Parlement européen et le Conseil ont adopté une directive dont le but de renforcer la décision-cadre 2002/475/JAI en allongeant la liste des infractions liées au terrorisme et d’inclure des mesures qui répondent plus précisément aux besoins des victimes du terrorisme.
La directive complète également le cadre législatif en matière de droits des victimes du terrorisme. Ces victimes ont le droit de faire appel à des services d’aide spécialisée professionnels immédiatement après un attentat et aussi longtemps que nécessaire.
La directive est un instrument juridique global qui établit des règles minimales concernant
- la définition des infractions et sanctions pénales dans le domaine des infractions terroristes
- des mesures en matière de protection à apporter aux victimes du terrorisme
Les États membres liés par la directive sont désormais tenus d’ériger en infraction pénale les comportements tels que le fait de voyager à des fins de terrorisme ou le fait de recevoir un entraînement au terrorisme, de même que le financement du terrorisme. Cette définition harmonisée des infractions terroristes sert de référence pour l’échange d’informations et la coopération entre les autorités nationales.
D’où vient-on et où va-t-on ?
Le colégislateur a adopté la directive le 15 mars 2017. Le délai pour intégrer ces règles dans le droit national était fixé au 8 septembre 2018.
7 États membres – l’Allemagne, la France, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Slovaquie et la Suède – ont notifié avoir transposé la directive dans les temps, deux autres (la Finlande et les Pays-Bas) l’ont fait peu après.
Le 22 novembre 2018, la Commission a lancé des procédures d’infraction à l’encontre de 16 États membres pour défaut de communication de l’adoption d’une législation nationale destinée à transposer intégralement la directive .
Fin juillet 2020, 15 de ces États ont déclaré avoir achevé la transposition
Tous les États membres ont adopté, en partie du moins, une législation spéciale aux fins de la transposition de la directive, à l’exception de la France et de l’Italie, qui considéraient que la législation existante suffisait pour transposer la directive.
Sur les 25 États membres liés par la directive, 23 ont adopté une nouvelle législation pour transposer la directive.
En septembre 2021, la Commission évaluera la directive plus globalement et présentera un rapport au Parlement européen et au Conseil, dans lequel elle évaluera la valeur ajoutée de la directive au regard de la lutte contre le terrorisme. Cette évaluation portera également sur l’incidence de la directive sur les droits et libertés fondamentaux, y compris sur la non-discrimination, l’état de droit et le niveau de protection et d’assistance offert aux victimes du terrorisme.
Un motif d’insatisfaction : la qualification d’infractions terroristes
La Commission salue les efforts déployés par les États membres pour se conformer à la directive. Dans l’ensemble, la transposition de la directive par les États membres peut être considérée comme satisfaisante. Néanmoins, la Commission a relevé plusieurs problèmes potentiels liés à la transposition des infractions terroristes.
Le fait de ne pas qualifier d’infractions terroristes les infractions visées à l’article 3, point 1, lorsqu’elles sont commises dans l’un des buts énoncés à l’article 3, point 2, constitue un autre motif de préoccupation. Il importe que ces infractions soient considérées en elles-mêmes comme des infractions terroristes, de manière à pouvoir, par exemple, accuser d’infractions terroristes leurs auteurs isolés. En outre, il est important de proposer une qualification commune des infractions terroristes afin de permettre d’activer efficacement les instruments de coopération en matière répressive, comme la décision 2005/671/JAI du Conseil. Enfin, il est important pour les victimes d’infractions terroristes qu’elles soient reconnues comme telles.
Il ne s’agit donc pas seulement d’ériger en infraction pénale certains actes en particulier, mais bien de faire en sorte que ces actes soient qualifiés d’infractions terroristes dans la législation nationale.
En outre, la directive ajoute les armes radiologiques à la fabrication, la possession, l’acquisition, le transport, la fourniture ou l’utilisation d’armes chimiques, biologiques ou nucléaires. Or la législation française ne semble pas inclure certains types d’armes, comme les armes radiologiques. Toujours en France, la législation ne semble pas inclure la recherche concernant certaines armes et elle ne semble pas intégrer leur développement.
Trois autres motifs d’insatisfaction
Deuxième motif d’insatisfaction : la transposition incomplète ou incorrecte de l’article 9 relatif au fait de voyager à des fins de terrorisme. Ceci pourrait influencer la façon de mener les enquêtes et les poursuites à l’encontre des personnes qui commettent cette infraction; autrement dit, certains actes risquent de rester impunis. Ce risque pourrait apparaître, par exemple, lorsque la législation nationale contient une définition plus restrictive des personnes qui voyagent ou des territoires dans lesquels elles se rendent.
Troisième motif d’insatisfaction : pour des raisons similaires, la transposition incomplète ou incorrecte de l’article 11 sur le financement du terrorisme est préoccupante. La législation nationale ne couvre pas systématiquement le financement de toutes les infractions visées aux articles 3 à 10, ainsi que le prévoit la directive, ce qui réduit le champ des poursuites pour certains actes.
Quatrième motif d’insatisfaction : la transposition des dispositions particulières en faveur des victimes du terrorisme présente des lacunes qui pourraient avoir pour conséquence que les victimes du terrorisme ne reçoivent ni assistance ni soutien adaptés à leurs besoins spécifiques.
synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
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