Le constat est sans appel : la mobilisation des stocks pour gérer la crise est loin d’être efficace. L’absence de masques lors de la crise Covid-19 en a été l’illustration. Les raisons sont nombreuses : une approche purement nationale des constitutions des stocks et l’absence de coordination entre Etats membres, un défaut de vision tous-risques ou encore une inclusion insuffisante du secteur privé. Face à cela, une stratégie de constitution de stocks à l’échelle de l’UE a été présentée.
Sept domaines prioritaires sont identifiés, en particulier une meilleure coopération civile-militaire et le développement de la prospective, de l’anticipation et de la planification strategique. Surtout, certaines mesures sont à noter comme la mise en place d’un réseau européen de constitution de stocks, la promotion de mécanismes d’acquisitions centralisées et/ou conjointes, le renforcement de rescEU en tant que réserve de capacités de réaction à l’échelle de l’UE, l’alignement des sites de stockage sur la mobilité militaire de l’UE, ou bien encore l’étude des possibilités d’acquisitions conjointes et d’entreposage partagé dans le monde entier.
De quoi parle-t-on ?
Cette stratégie a pour objectif général d’améliorer l’accès aux biens essentiels en toutes circonstances. Elle permettra d’améliorer l’interopérabilité des systèmes de constitution de stocks tant au niveau national qu’au niveau de l’UE tout au long du cycle de constitution des stocks (planification, achat, gestion et déploiement des stocks). Elle vise à garantir la préparation matérielle, c’est-à-dire l’état de préparation, la disponibilité et l’accessibilité des biens essentiels dans le cadre d’une réaction efficace aux crises et aux conflits.
Dans le même temps, elle soutient aussi l’autonomie stratégique de l’UE, en réduisant les dépendances et les vulnérabilités et en renforçant la production de biens essentiels dans l’UE.
Pourquoi cette stratégie ?
Aujourd’hui, le paysage des risques auquel l’UE est confrontée est de plus en plus hostile et complexe, marqué par des tensions géopolitiques croissantes, des conflits, une augmentation des effets du changement climatique et la dégradation de l’environnement, ainsi que par les cybermenaces et les menaces hybrides résultant de l’activité accrue des hacktivistes, des cybercriminels et des groupes instrumentalisés par des États.
En outre, les défis géopolitiques sont souvent liés entre eux et ont une incidence sur les relations de l’UE avec différentes parties du monde, y compris pour ce qui est des chaînes d’approvisionnement. Les répercussions potentielles des risques augmentent constamment et ont, au fil du temps, des conséquences et des effets indirects de plus en plus importants, ce qui se traduit à terme par une menace globale plus élevée pour la sécurité et la disponibilité des approvisionnements essentiels.
Quel est le problème ?
L’approche actuelle en matière de constitution de stocks reste fragmentée et l’expérience a montré que le cadre de l’UE comporte un certain nombre de lacunes importantes et étroitement liées.
Une compréhension commune limitée des biens essentiels nécessaires à la préparation aux crises dans un contexte d’évolution rapide du paysage des risques, qui entrave la coopération intersectorielle et transfrontière.
Un partage d’informations et une coordination limités entre l’UE et les États membres, ainsi qu’entre les secteurs civil et militaire. En conséquence, il manque une réelle vue d’ensemble des efforts de constitution de stocks déployés par les États membres dans l’UE, ce qui se traduit par une utilisation non optimale des ressources, des capacités et de l’expertise disponibles.
Un potentiel sous-exploité de coopération avec le secteur privé par-delà les secteurs et les frontières.
Des cadres nationaux ou sectoriels qui ne reflètent pas suffisamment le rôle que les outils d’action extérieure et de coopération peuvent jouer dans le renforcement de la préparation matérielle au niveau national et de l’UE, par exemple en ce qui concerne la sécurité des chaînes d’approvisionnement.
D’où vient-on et où va-t-on ?
À la suite des recommandations formulées dans le rapport Niinistö, la stratégie pour une union de la préparation prévoit une stratégie de constitution de stocks à l’échelle de l’UE. Cette stratégie de constitution de stocks à l’échelle de l’UE adopte une approche globale de la constitution de stocks et porte sur l’ensemble du cycle, de l’anticipation au suivi des chaînes d’approvisionnement, en passant par des mesures visant à renforcer la sécurité de l’approvisionnement, la gestion de la constitution de stocks et le déploiement.
Ces dernières années, l’UE a adopté plusieurs initiatives, stratégies et actes législatifs pertinents pour renforcer l’autonomie stratégique, la sécurité intérieure et économique, la compétitivité, la défense et la résilience, ainsi que pour remédier aux vulnérabilités et aux dépendances de la chaîne d’approvisionnement.
Tels que :
- la stratégie européenne de sécurité intérieure (ProtectEU),
- la stratégie en matière de sécurité économique,
- le livre blanc sur l’avenir de la défense européenne, la boussole pour la compétitivité de l’UE,
- la stratégie européenne pour la résilience dans le domaine de l’eau,
- le plan d’action pour une économie circulaire,
- le règlement sur les situations d’urgence dans le marché intérieur et la résilience du marché intérieur (SURMI),
- le règlement sur les matières premières critiques,
- le mécanisme de protection civile de l’Union (MPCU),
- la directive sur les stocks de pétrole (qui fait actuellement l’objet d’une révision),
- le règlement sur le stockage de gaz,
- le futur acte législatif sur les médicaments critiques,
- la stratégie sur les contre-mesures médicales.
Où va-t-on ?
À l’avenir, la Commission entamera avec les États membres, le SEAE, le Parlement européen et les parties prenantes un dialogue aux fins de l’examen et de la mise en œuvre des actions initiales prévues dans la présente stratégie. Le réseau de constitution de stocks de l’UE et les axes de travail de la task‑force en matière de préparation permettront d’approfondir l’analyse des lacunes et des besoins, d’orienter la mise en œuvre des mesures et de recenser les nouveaux besoins d’action. En parallèle, la stratégie de constitution de stocks de l’UE viendra compléter les initiatives sectorielles en matière de préparation. En 2026, la Commission fera le point sur la mise en œuvre de la présente stratégie.
Quelle logique sous-tend la stratégie ?
La stratégie s’inspirera des principes sous-jacents de solidarité, de transparence, de responsabilité et d’accès équitable aux ressources dans l’ensemble de l’UE, qui sont essentiels pour garantir l’égalité de tous, en particulier dans les situations de crise.
Dans le sillage de la stratégie pour une union de la préparation, la stratégie de constitution de stocks reflète un changement d’état d’esprit se traduisant par l’abandon d’une approche réactive et sectorielle de la gestion des crises au profit d’une approche proactive, souple et mieux intégrée en matière de préparation.
Quels principes sous-tendent la stratégie ?
La présente stratégie s’appuie sur les cadres sectoriels existants de l’UE et suit les principes de la stratégie pour une union de la préparation:
- une approche «tous risques»,
- une approche pangouvernementale, qui rassemble toutes les parties prenantes concernées, à tous les niveaux de gouvernance (local, régional, national et européen,
- une approche englobant l’ensemble de la société, qui favorise une culture inclusive de la préparation matérielle associant tous les acteurs concernés à la sécurité de l’approvisionnement, en particulier le secteur privé.
Axe 1 de la stratégie : améliorer la coordination entre les Etats membres et avec l’UE
Actions clés:
- la Commission mettra en place un réseau européen de constitution de stocks avec les États membres. Ce réseau servira d’enceinte de discussion et aura un rôle consultatif. Le réseau devrait formuler des recommandations sur des questions telles que les exigences en matière de volume, les systèmes de supervision connexes et la coordination des exigences minimales.
- compte tenu des systèmes sectoriels existants, la Commission étudiera la faisabilité de la mise en place d’une plateforme pour des échanges de données sécurisés et détaillés entre l’UE et les États membres sur les stocks d’urgence, en s’appuyant sur les capacités du centre de coordination de la réaction d’urgence.
- la Commission continuera à promouvoir des mécanismes d’acquisitions centralisées et/ou conjointes dans tous les secteurs, en s’appuyant sur des modèles tels que l’accord de passation de marchés pour les contre-mesures médicales.
Axe 2 de la stratégie : développer la prospective, l’anticipation et la planification strategique
Actions clés:
- la Commission recensera les mécanismes sectoriels de suivi des chaînes d’approvisionnement et intégrera les évaluations des risques pour la sécurité de l’approvisionnement et des vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement dans l’évaluation globale des risques et des menaces au niveau de l’UE (action clé dans le cadre de la stratégie pour une union de la préparation). Le futur pôle européen de coordination des crises anticipera et surveillera les risques liés aux crises transsectorielles.
Axe 3 de la stratégie : combler les lacunes grace à la constitution de stocks stratégiques a l’échelle de l’UE
Actions clés:
- la Commission renforcera rescEU en tant que réserve de capacités de réaction à l’échelle de l’UE. RescEU sera élargi pour couvrir davantage de capacités et sur la base d’une évaluation des lacunes,
- la Commission veillera à la reconstitution des stocks rescEU après déploiement, en adoptant une approche proactive du développement des capacités de rescEU.
Axe 4 de la stratégie : renforcer une infrastructure de transport et de logistique solide et interoperable
Actions clés:
- la Commission facilitera la coopération entre le réseau des points de contact nationaux pour les transports, qui a vocation à améliorer la coordination dans le secteur des transports, et le réseau de constitution de stocks de l’UE.
- la Commission s’emploiera à promouvoir la préparation aux crises conformément au plan d’urgence de l’UE pour les transports,
- la Commission et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), ainsi que les États membres, s’efforceront d’améliorer l’alignement des sites de stockage sur la mobilité militaire de l’UE.
Axe 5 de la stratégie : améliorer la cooperation civile-militaire
Actions clés:
- en collaboration avec le SEAE, la Commission facilitera les discussions au sein du réseau de constitution de stocks de l’UE pour échanger les bonnes pratiques en matière de coopération civile‑militaire, en particulier pour examiner la manière dont les stocks civils pourraient tenir compte des besoins et des exigences militaires.
- en collaboration avec le SEAE, la Commission étendra la coopération en matière de personnel qui existe avec l’OTAN, en particulier dans le cadre du dialogue structuré sur la résilience, aux fins de la préparation matérielle et de la constitution de stocks.
Axe 6 de la stratégie : promouvoir la coopération public-privé
Actions clés:
- Le réseau de constitution de stocks de l’UE recensera et cartographiera les bonnes pratiques, les solutions innovantes et les mesures d’incitation qui encourageront les entreprises à contribuer au renforcement de la résilience et à l’approvisionnement en biens essentiels.
- Un volet de travail spécifique de la task‑force public‑privé en matière de préparation prévue dans le cadre de la stratégie pour une union de la préparation consistera à discuter des critères à utiliser pour cartographier les principales entreprises européennes participant à la production de biens essentiels.
Axe 7 de la stratégie : favoriser la coopération dans le cadre de l’action extérieure
Actions clés:
- L’Union européenne et ses États membres devraient renforcer la collaboration en matière de préparation aux crises, par exemple dans le domaine des urgences sanitaires, avec les pays voisins, les pays partenaires qui partagent les mêmes valeurs et les organisations internationales.
- La Commission collaborera avec les États membres en vue d’une coordination plus étroite des stocks et étudiera les possibilités d’acquisitions conjointes et d’entreposage partagé dans le monde entier, en coopération et concertation avec les autorités régionales chargées de la réaction aux catastrophes afin de faciliter l’acheminement rapide et optimal de produits humanitaires essentiels.
synthèse du rapport par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
A lire sur securiteinterieure.fr :
- Protection civile européenne: les capacités de lutte aérienne contre les feux de forêts sont insuffisantes
- Protection civile : face aux menaces, un rapport préconise de renforcer la capacité de l’UE pour faire face aux crises
- Protection civile : l’UE va développer sa réserve stratégique de matériel médical
- Sécurité civile : pour aller au-delà de la "capacité européenne de réaction d’urgence" existante, l’UE veut se doter de sa propre réserve ("rescEU")
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