Les canadairs sont une ressources critiques. En France, la flotte a trente ans d’âge en moyenne. Au niveau européen, les capacités développées le sont insuffisamment, du moins dans le module dédié de la réserve européenne de protection civile. Un rapport de la Commission pointe cette carence, de même que d’autres, comme les capacités soutien spécialisé, notamment dans le domaine NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) ou dans celui de l’expertise médicale spécialisée. Toutefois, le rapport, centré les progrès à mener sur le plan des capacités de réaction en matière de protection civile européenne, préconise une série de recommandations, par exemple le développement d’indicateurs de performance ou bien encore un plus grand partnariat public-privé.
De quoi partle-t-on ?
Les implications du paysage dynamique des risques et des menaces, exposées dans divers aperçus généraux des risques et dans l’initiative d’élaboration de scénarios du mécanisme de protection civile de l’Union (le «MPCU»), confirment une tendance déjà observée lors des activations du MPCU. Outre les activations destinées à réagir à des dangers uniques nécessitant de brefs délais de réaction qui occupaient traditionnellement les autorités de protection civile, le MPCU est appelé à apporter un soutien dans des situations d’urgence plus complexes. Les constellations de dangers et de vulnérabilités créent des urgences prolongées qui sont beaucoup plus complexes et ont souvent des effets de grande ampleur.
Sur la base de la compréhension des défis auxquels le MPCU sera confronté à l’avenir et d’une analyse des capacités de réaction existantes disponibles dans le cadre du mécanisme, le présent document formule une série de recommandations visant à développer davantage la capacité de réaction du MPCU.
Pourquoi ce rapport ?
Le paysage dynamique des risques et des menaces auquel l’Europe est exposée oblige déjà le MPCU à adapter les outils à sa disposition à des circonstances imprévues, en aidant les États membres et les États participants d’une manière qui aurait été jugée impensable il y a à peine dix ans. Dans le cadre stratégique plus large d’une union de la préparation, le MPCU et les capacités de réaction dont il dispose peuvent apporter une contribution concrète et opérationnelle à une approche européenne plus proactive, mieux coordonnée et renforcée en matière de gestion des crises.
À cette fin, le présent rapport formule une série de recommandations en vue de réaliser de nouveaux progrès sur le plan des capacités de réaction du MPCU.
Proposition 1 : Combler les déficits en matière de capacités
La réserve européenne de protection civile (ECPP) se compose de modules, d’autres capacités de réaction (y compris des produits de première nécessité) et de catégories d’experts. Tous sont des capacités nationales affectées pour une ou plusieurs années, sur une base volontaire, par les États membres et les États participants au MPCU, qui sont déployées lorsque le MPCU est activé. En tant que l’un des piliers centraux de la capacité de réaction du MPCU, la réserve représente l’engagement des États membres en faveur de la solidarité en cas de catastrophe. En moyenne, les déploiements de l’ECPP représentent environ un quart des capacités déployées lors des activations du MPCU.
Or, les capacités de lutte aérienne contre les feux de forêts sont encore sous-représentées en termes de capacités ECPP enregistrées, les modules fondés sur le recours à des hélicoptères étant totalement absents. Certains types de capacités médicales constituent également un défi pour la réserve. Les laboratoires de biosécurité mobiles sont particulièrement nécessaires, de même que les équipes de soins spécialisées, avec une seule capacité faisant l’objet d’une certification, contre huit prévues. Alors que deux capacités d’évacuation sanitaire (MEDEVAC) font actuellement l’objet d’une certification pour atteindre l’objectif de capacité de l’ECPP, l’évacuation sanitaire et l’évacuation sanitaire de patients souffrant de maladies extrêmement contagieuses constituent toujours une lacune pour ce qui est du MPCU.
Les objectifs les plus récents en matière de capacité de l’ECPP visent également une série de capacités non représentées. Davantage de capacités de réaction devraient être affectées à l’ECPP pour faire face aux incidents de pollution maritime, côtière et des masses d’eau intérieures. Les capacités de réaction portent notamment sur les ponts et la production d’électricité, domaines dans lesquels il est manifestement nécessaire de disposer de capacités logistiques et de capacités de transport. Les nouvelles affectations volontaires des États membres/États participants devraient être accordées en priorité pour combler ces déficits recensés.
Proposition 2 : Renforcer la coordination entre les États membres/États participants
La décision d’offrir et d’enregistrer des capacités dans le cadre de l’ECPP continuent de relever de la seule appréciation des États membres/États participants. Ce processus volontaire est inhérent à l’ECPP et devrait être maintenu. Toutefois, des efforts coordonnés visant à accroître la couverture des objectifs de capacité grâce aux ressources de l’ECPP renforceraient la capacité de réaction du MPCU. Les discussions régionales sur les offres prévues à l’intention de l’ECPP peuvent fournir des possibilités de partage des coûts grâce au développement de modules multinationaux et promouvoir une répartition géographique plus équilibrée des types de capacité pertinents dans la zone couverte par le MPCU, en fonction du profil de risque local/régional.
Proposition 3 : Accroître l’aide
En cas d’activation du MPCU, les capacités de l’ECPP qui sont déployées peuvent bénéficier d’un cofinancement de 75 % des coûts admissibles liés au transport et au fonctionnement de la capacité. L’augmentation du financement du transport et de l’exploitation des capacités de l’ECPP jusqu’à 100 %.
Proposition 4 : Développer les capacités polyvalentes et multi-usages
rescEU est l’autre pilier de la capacité de réaction du MPCU. Il s’est rapidement imposé comme un atout opérationnel, avec 231 déploiements entre 2019 et 2024. Il a apporté une aide vitale dans un large éventail de scénarios de catastrophes, allant de la libération de stocks dans le cadre de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine et du tremblement de terre de 2023 en Turquie et en Syrie à la COVID-19, et procède au déploiement régulier de capacités de lutte aérienne contre les feux de forêts pendant la saison des incendies en Europe.
Cela étant, il est probable que rescEU soit activé à l’avenir dans le cadre d’un nombre toujours plus élevé et diversifié d’urgences. Dans cette perspective, il convient d’accorder une attention particulière aux capacités polyvalentes et multi-usages qui peuvent apporter un soutien dans de nombreux scénarios différents. Dans la mesure du possible, les capacités qui peuvent être prêtées et restituées pour répondre à d’autres situations d’urgence seraient une option préférable.
Proposition 5 : Favoriser l’émergence de capacités soutien spécialisé
Les scénarios élaborés dans le cadre du MPCU soulignent également la nécessité de viser simultanément l’identification et le développement de capacités spécialisées clés dont le développement en quantité nécessaire au niveau national n’est pas rentable. Le développement de capacités de lutte aérienne contre les feux de forêts et de capacités dans le domaine CBRN sont les exemples les plus notables d’objectifs mis en œuvre avec succès dans le cadre de cette approche ces dernières années. L’initiative relative à l'élaboration de scénarios au titre du MPCU fournit diverses indications sur les besoins futurs potentiels dans d’autres domaines CBRN ou dans celui de l’expertise médicale spécialisée liée à des risques spécifiques, y compris le traitement des blessures de guerre et/ou des catastrophes entraînant un grand nombre de victimes.
Proposition 6 : Opérer un renforcement proactif
Le MPCU a investi une part importante de son budget (3,2 milliards d’euros au cours de la période 2019-2024) dans le développement des capacités que les États membres/États participants et la Commission considéraient comme suffisamment critiques. Ces investissements dans rescEU devraient se poursuivre et être renforcés dans la mesure du possible afin que le MPCU puisse apporter à l’avenir un soutien aux États membres/États participants dans les situations d’urgence à grande échelle qui dépassent les capacités nationales.
Proposition 7 : Réaliser une reconstitution des stocks après le déploiement
Si les stocks, et plus généralement les capacités de rescEU, sont censés fournir une aide rapide lorsqu’ils sont mobilisés, leur disponibilité opérationnelle devrait être rapidement rétablie après leur déploiement. Cette disponibilité requiert notamment un engagement budgétaire à remplacer régulièrement les équipements endommagés et à reconstituer les stocks épuisés. Le rôle stratégique de rescEU en tant que pilier de la préparation du MPCU s’en trouverait renforcé et le risque d’achats ad hoc réactifs au niveau de l’UE serait évité.
Proposition 8 : Assureer un prépositionnement temporaire pour un déploiement efficace
Entre autres, les feux de forêts constituent une situation particulière permettant de combiner les capacités et les compétences du MPCU au profit des États membres/États participants, avant qu’une catastrophe ne se produise. Le MPCU dispose des capacités de réaction nécessaires pour aider un État membre/État participant à lutter contre les feux de forêts. Un recours plus proactif au prépositionnement temporaire afin d’améliorer l’efficacité des déploiements de capacités. Le prédéploiement des capacités se ferait en étroite coordination avec les autorités compétentes en matière de protection civile et sur la base d’une demande d’aide. Les coûts opérationnels y afférents pourraient également être pris en compte de manière proportionnelle.
Proposition 9: Accroître l’efficacité des déploiements rescEU
rescEU a été conçu pour aider un État membre/État participant touché lorsque les capacités nationales ne sont pas en mesure d’apporter une aide suffisante ou efficace. rescEU fournit une assistance lorsque les capacités globales existantes au niveau national et celles qui ont été préalablement engagées par les États membres en faveur de l’ECPP ne sont pas en mesure de garantir une réaction efficace.
Dans la pratique, cela signifie que la disponibilité des capacités nationales des États membres/États participants en vue de répondre à une demande d’aide doit être déterminée avant que les capacités de rescEU disponibles soient prises en considération. Cette modalité peut entraîner des retards inutiles dans la fourniture d’une aide aux populations touchées. On estime que 710 000 foyers ont été touchés par des coupures de courant après la tempête Éowyn de janvier 2025 et que plus de 133 000 bâtiments du pays n’avaient toujours pas d’électricité cinq jours plus tard. Alors que le Danemark et le Luxembourg étaient en mesure de répondre à la demande d’aide en mettant à disposition cinq générateurs, la mobilisation effective des générateurs disponibles dans les stocks de rescEU n’a pu intervenir qu’après que les États membres/États participants ont déclaré un déficit de capacités nationales mobilisables permettant de répondre à la demande de l’Irlande.
Proposition 10 : Préférer une approche du développement des capacités fondée sur les performances
L’approche mesurant les progrès en matière de développement des capacités sur la base d’indicateurs de performance devrait être maintenue et étendue. Le suivi et l’analyse continus des capacités du MPCU dans son ensemble, ainsi que leur comparaison avec le contexte dans lequel le MPCU se trouve, permettront de garantir qu’il exploite la capacité de réaction la plus appropriée pour soutenir efficacement les États membres/États participants dans les situations d’urgence.
Proposition 11: Chercher à créer des capacités du MPCU complétant celles nationales dans toute l’Europe
Les urgences de grande ampleur telles que la pandémie de COVID-19 ont montré que, dans des cas spécifiques, une vue d’ensemble des capacités nationales spécifiques peut jouer un rôle important dans l’amélioration de l’efficacité globale du MPCU (par exemple pour les lits de soins intensifs ou le traitement des grands brûlés). Tout en respectant le rôle premier des autorités nationales dans la gestion des catastrophes, la capacité du MPCU à soutenir rapidement les États membres/États participants en cas de besoin pourrait tirer parti d’un meilleur partage d’informations sur la disponibilité des principales capacités nationales, y compris les stocks. Une meilleure connaissance à l’échelle de l’UE de la disponibilité des stocks clés est particulièrement importante pour la mise en œuvre d’une stratégie de constitution de stocks à l’échelle de l’UE.
Proposition 12 : Améliorer l’appréciation intersectorielle de la situation du Centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC)
Bien que la surveillance sectorielle ait lieu au niveau de l’UE ou au niveau national pour les services critiques tels que l’énergie et les transports, il n’existe actuellement aucune appréciation commune de la situation, combinant divers aperçus sectoriels et les dangers en temps réel afin de contribuer à l’évaluation des incidences potentielles au niveau européen. Les informations relatives à une perturbation majeure des infrastructures ne parviennent à l’ERCC que par l’intermédiaire des autorités de protection civile du pays touché ou des communiqués dans les médias. L’ERCC devrait continuer d'accorder son soutien aux États membres dans la gestion des conséquences intersectorielles des crises et renforcer cet appui, sur la base d’une planification accrue ainsi que d’une analyse et d’une appréciation de la situation plus complètes. Une première étape vers une approche plus intégrée consisterait à incorporer dans le Global Situation System (GSS) des données non classifiées et actualisées provenant des autorités nationales de protection civile. Cette intégration profiterait de la même manière à l’ERCC et aux autorités nationales de protection civile et fournirait au MPCU un tableau de situation commun au niveau européen. En conséquence, un ERCC renforcé serait systématiquement connecté aux systèmes de surveillance sectoriels existants, afin d’améliorer son appréciation de la situation, tout en fournissant des informations sur d’éventuelles perturbations des services critiques aux États membres/États participants.
Proposition 13 : Etendre le MPCU aux scénarios de conflit/de guerre
L’objectif premier du MPCU était d’atténuer les effets des risques naturels ou accidentels sur les populations humaines et l’environnement. Toutefois, le paysage des risques et des menaces a été fondamentalement modifié par la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. Il est nécessaire de renforcer la coordination civile et militaire, au-delà de la coordination d’activités distinctes en cas d’urgence pour définir une approche globale mettant en place des dispositifs de préparation civile et militaire complets.
Proposition 14 : Développer les partenariats avec le secteur privé
Se doter d’un système de protection civile solide» appelle à encourager les partenariats avec les parties prenantes du secteur privé au niveau de l’UE et au niveau national.
Plusieurs initiatives pourraient être explorées pour élargir l’interface entre la gestion publique des catastrophes et le secteur privé.
- Formalisation et extension des possibilités offertes par les plateformes de dons privées hébergées et gérées par les États membres qui procéderont au contrôle de la qualité des articles donnés.
- Élaboration de dispositifs d’urgence avec les partenaires industriels pertinents.
- Renforcement du partage d’informations bidirectionnel sur les dangers et les risques entre les institutions, le monde universitaire et les entreprises privées, y compris le secteur de l’assurance.
- Amélioration de l’accès aux experts techniques
Proposition 15 : Favorer les plateformes de dons
Les plateformes de dons qui permettent d’acheminer l’aide en nature émanant du secteur privé ou de pays tiers vers une population touchée via le MPCU ont démontré leur efficacité, en ce qu’elles accroissent la valeur ajoutée du MPCU. Le développement de l’initiative relative aux plateformes en une capacité plus large de création de plateformes génériques permettrait au MPCU de mieux répondre aux besoins d’un pays touché, tout en ouvrant la voie à de nouvelles manières de collaborer avec le secteur privé et avec des partenaires partageant les mêmes valeurs lors de futures situations d’urgence.
Proposition 16 : Mener à bien une constitution de stocks
Les stocks actuels de rescEU sont limités aux articles essentiels aux interventions médicales et CBRN, à la production d’électricité d’urgence et aux abris, et leur extension à d’autres éléments susceptibles d’aider les acteurs/autorités de gestion des catastrophes à fournir une aide immédiate en cas d’urgence devrait être envisagée. Idéalement, la constitution de stocks devrait se concentrer sur les biens non périssables qui peuvent être prêtés et utilisés dans diverses situations d’urgence.
Les efforts de constitution de stocks du MPCU représentent la contribution du secteur de la gestion des crises à la stratégie plus large de l’UE en matière de constitution de stocks, actuellement en cours d’élaboration en vue de son adoption en juin 2025.
synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
A lire sur securiteinterieure.fr :
- Protection civile : face aux menaces, un rapport préconise de renforcer la capacité de l’UE pour faire face aux crises
- Crise
sanitaire, accident nucléaire, menaces hybrides, cyberattaques: la
situation sécuritaire mondiale s'aggrave et converge avec d’autres
risques
- Protection civile : un sauf qualitatif majeur est en vue
- Guerre en Ukraine : le déploiement d’un mécanisme de sécurité civile de l’UE, un outil au sein duquel l’influence de la France va déclinant
- Protection civile : l’UE va développer sa réserve stratégique de matériel médical
- La réduction accrue des risques de catastrophe et la protection des infrastructures critiques au menu de la sécurité civile européenne
- Le mécanisme de sécurité civile de l’Union a été activé pour aider la France à lutter contre la pollution marine
- De la marée noire en Grèce aux cyclones tropicaux dans les Caraïbes, le Mécanisme européen de protection civile est largement utilisé
- Sécurité civile : pour aller au-delà de la "capacité européenne de réaction d’urgence" existante, l’UE veut se doter de sa propre réserve ("rescEU")
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
remarques et suggestions à formuler à securiteinterieure [à] securiteinterieure.fr
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.