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mercredi 10 janvier 2018

Sécurité civile : pour aller au-delà de la "capacité européenne de réaction d’urgence" existante, l’UE veut se doter de sa propre réserve ("rescEU")


Un nouveau pas dans la création d’une véritable sécurité civile européenne a été franchi avec la présentation d’une proposition de décision et d'une communication. Retour sur ce projet majeur qui a marqué la fin de l'année 2017.
Alors de quoi parle-t-on ? L’objectif est de réagir aux catastrophes et de remédier aux déficits de capacité récurrents en mettant sur pied un double système de capacité de réaction :
  • une réserve spéciale de capacités de réaction dont la Commission aura le commandement et le contrôle (rescEU), qui serait complémentaire à la réserve européenne existant en matière de protection civile ;
  • une modernisation de cette réserve européenne actuelle.
La réforme engagée entend aussi  mettre davantage l’accent sur les actions de prévention dans le cadre du cycle de gestion des risques de catastrophe en :
  • établissant un réseau européen de connaissances sur la protection civile ;
  • centralisant les plans nationaux de prévention des risques.

D’où vient-on ?

Depuis 2013, plusieurs catastrophes, notamment l’impact humanitaire de la crise des réfugiés et des migrants, le manque de moyens disponibles lors des saisons d’incendies de forêts de 2016 et 2017, cette dernière ayant été particulièrement longue et intense, causant la mort de plus de 100 personnes, et les graves conséquences d’une série d’ouragans dans les Caraïbes et de fortes tempêtes et inondations dans l’UE, ont constitué un véritable test de résistance pour le Mécanisme de protection civile.
Ce dernier a été particulièrement mis à l’épreuve lors des urgences de grande ampleur qui ont frappé simultanément plusieurs États membres.

Dans ces circonstances, le caractère volontaire des contributions apportées par les États membres pour faire face aux catastrophes a trop souvent montré ses limites et les déficits dont souffrent certaines capacités de réaction critiques, décrits dans le rapport sur les déficits de capacités publié au début de 2017 , sont devenus par trop manifestes.
L’exemple le plus frappant dans ce contexte a été l’impossibilité, pour la capacité collective de l’UE, de répondre à l’ensemble des 17 demandes d'aide pour lutter contre des incendies de forêts, dont dix seulement ont pu être satisfaites, parfois avec des retards qui ont réduit la vitesse de réaction.

Réaction de l’UE à ce jour 

Le mécanisme de protection civile de l’Union (MPCU) est à la disposition des États membres et des pays tiers, qui peuvent l’activer lorsqu’une catastrophe survient et que leurs capacités nationales sont insuffisantes.
Il fonctionne sur une base volontaire: un État membre ou un pays tiers introduit une demande d’assistance par l’intermédiaire du Centre européen de coordination de la réaction d’urgence (ERCC) et d’autres États membres décident ou non de lui proposer leur aide.

Pour assurer une certaine prévisibilité, une «réserve volontaire de moyens d’intervention» a été constituée.
Les États membres fournissent les moyens d’intervention que la Commission peut requérir, mais ils ne sont pas tenus de proposer leur aide et, souvent, ils ne sont pas en mesure de le faire, tout particulièrement lorsque plusieurs États membres sont confrontés simultanément aux mêmes catastrophes.

Au cours des dernières années, le changement climatique et d’autres phénomènes ont mis à mal la capacité des États membres à s’entraider, les capacités de chacun ayant souvent atteint leurs limites.
Par ailleurs, les incitations pour que les États membres proposent leur aide par l’intermédiaire du mécanisme de protection civile de l’Union sont très faibles, le budget de l’UE ne finançant qu’une partie des coûts de transport.

Toutefois, dans la plupart des opérations, le transport d’un point A à un point B n’est pas ce qui coûte le plus: les frais opérationnels sont bien plus élevés que les coûts de transport.
Par exemple, les frais de transport d’un grand hôpital de campagne ne représentent qu’une infime partie de ses frais de fonctionnement, qui sont d’environ 6 millions d’euros par mois.
De même, l’envoi d’un avion de la France vers le Portugal est peu coûteux par rapport au coût d’exploitation de cet avion sur place pendant plusieurs jours. Le budget de l’UE ne finance pas les coûts d’exploitation de ces moyens d’intervention.
En conséquence, le mécanisme de protection civile de l’Union ne produit généralement pas les résultats escomptés.
Ainsi, sur les 17 demandes introduites cette année concernant des incendies de forêt, une aide n’a réellement été fournie que dans 10 cas et la réaction a parfois été trop lente.

Cette situation montre  que les incitations existantes ne suffisent pas pour mettre en place une capacité de protection civile de l’UE forte et prête à être utilisée pour contribuer à la réaction en cas de catastrophe dans d’autres États membres.
En résumé, les catastrophes de grande ampleur qui se sont produites cette année ont prouvé que le mécanisme de protection civile de l’Union, tel qu’il est structuré et fonctionne aujourd’hui, a manifestement atteint ses limites.

Coût budgétaire de la réforme

L’enveloppe financière destinée à la mise en œuvre du mécanisme de l’Union pour la période couverte par le cadre financier pluriannuel 2014-2020 s’élève à 368,4 millions d’euros. Ce montant est constitué de contributions d'un montant de :
  • 223,8 millions d’euros provenant de la rubrique 3 «Sécurité et citoyenneté» ;
  • 144,6 millions d’euros provenant de la rubrique 4 «L’Europe dans le monde».
En outre, les coûts liés à l'administration et aux ressources humaines sont couverts par la rubrique 5 pour un montant total de quelque 52,2 millions d’euros.
La  proposition vise, au total, à une augmentation globale de 280 millions d’euros de l’enveloppe financière allouée au Mécanisme de protection civile pour la période 2018-2020.

1ère mesure :  la création d’une réserve spéciale de moyens: rescEU

La Commission peut se doter de ses propres capacités opérationnelles et à mettre en place un dispositif permettant de garantir un accès rapide à ces capacités afin de créer une réserve spéciale de moyens qui aidera à remédier aux déficits qui existent au niveau national.
rescEU sera dotée de capacités d'urgence spécifiques permettant de faire face, selon le cas, aux incendies de forêts, aux inondations, aux tremblements de terre et aux urgences sanitaires.

À la suite de discussions avec les États membres, un hôpital de campagne pouvant être déployé rapidement dans ou en dehors de l’Union dans le cadre du Corps médical européen devrait également être prévu pour faire face aux épidémies telles que celles d’Ebola ou de Zika.
Mettre ces capacités à disposition au niveau de l’UE permettra aussi de réaliser des économies d’échelle et de réduire les coûts par rapport à ce que représenterait l’acquisition des mêmes capacités par les différents États.

RescEU sera composé de capacités qui permettront à l’UE de faire face aux catastrophes qui ont le plus affaibli le tissu social européen ces dernières années, telles que des avions destinés à la lutte contre les feux de forêt, du matériel de pompage de grande capacité, des équipes de recherche et de sauvetage en milieu urbain et un renforcement des capacités en matière de risques pour la santé publique, comme des hôpitaux de campagne et des équipes médicales d’urgence.
Cette capacité de protection civile européenne viendra compléter les capacités de réaction nationales existantes qui contribuent déjà à une réaction européenne coordonnée.

rescEU serait composé de capacités louées ou prises en crédit-bail au moyen d’accords de l’UE ou achetées grâce à un financement intégral de l’UE. Tous les frais liés à ces capacités seraient entièrement couverts par le financement de l’UE, la Commission conservant le contrôle opérationnel de ces moyens d’intervention et décidant de leur déploiement.

Durant les opérations, l’État ayant demandé de l’aide devrait garantir que les actions menées avec les capacités et les équipes de rescEU sont conformes au déploiement opérationnel convenu avec la Commission.
Il est prévu que la Commission facilite les discussions avec les entreprises de manière à accélérer la production des capacités qui ne sont pas immédiatement disponibles sur le marché, telles que les avions bombardiers d’eau.

2e mesure :  le renforcement de la capacité européenne de réaction d’urgence

Les États membres peuvent affecter au préalable à cette réserve des capacités de réaction nationales (par exemple, détection et échantillonnage dans les domaines chimique, biologique, radiologique et nucléaire, purification de l’eau, lutte terrestre contre les incendies de forêts, sauvetage de victimes d'inondations au moyen de bateaux et autres capacités telles que des laboratoires mobiles).
Cette capacité restera une pièce maîtresse du Mécanisme de protection civile et sera rebaptisée «réserve européenne de protection civile».

 La  proposition revoit le système d’incitation à affecter des moyens à la réserve européenne de protection civile en relevant les taux de cofinancement : en particulier que les moyens affectés à la réserve européenne de protection civile bénéficieront d’une couverture à 75 % de tous les frais encourus lors des opérations du Mécanisme de protection civile au sein de l’Union, notamment des coûts d’adaptation, de réparation et de transport ainsi que des coûts opérationnels.

 (cliquez sur l'image pour agrandir)

Pour simplifier le système et rendre les moyens disponibles plus prévisibles, aucune aide financière ne sera plus accordée pour des moyens qui ne font pas partie de la réserve. Autrement dit, le mécanisme de protection civile de l’Union devrait cesser de cofinancer l’utilisation de moyens qui sont fournis sur une base ad hoc, sans qu’il soit possible de prévoir leur disponibilité réelle en cas de catastrophe.
Enfin, la proposition renforce les incitations à mettre des capacités en commun (par exemple, la couverture, par la Commission, des coûts de transport de l'aide «à mettre en commun» d’un État membre vers un autre ainsi que des coûts de transit et d’entreposage de l’aide mise en commun dans les pays tiers).

3e mesure : la centralisation des plans de prévention des risques

La proposition actuelle comprend une disposition habilitant la Commission à demander et à surveiller la mise en œuvre de plans de prévention et de préparation, ainsi qu’à établir des rapports à ce sujet. Les États membres devraient communiquer à la Commission leurs plans de gestion des risques pour le 31 janvier 2019 au plus tard.
Pour garantir que tous les États membres mettent en place des mesures de prévention efficaces et que rescEU ne se substitue pas aux capacités nationales, la Commission pourra exiger des plans de prévention et de préparation spécifiques d'un ou de plusieurs États membres.

Les plans de prévention devront prévoir, outre des actions de prévention à court terme, des efforts de prévention à plus long terme visant à s’adapter, de manière générale, aux effets de plus en plus marqués du changement climatique.
De plus, la planification des scénarios pour l’avenir devrait s’appuyer sur des évaluations des risques et des déploiements de capacités, pour renforcer les liens concrets entre prévention, préparation et réaction.
Les États membres élaborent des plans de prévention et de préparation et les envoient à la Commission pour le 31 janvier 2019 au plus tard, afin de lui permettre d’examiner ces plans et d’aider les États membres nécessitant un soutien supplémentaire.

4e mesure : l’établissement d’un réseau européen de connaissances sur la protection civile 

La proposition ouvre la voie à la création d’un réseau européen de connaissances sur la protection civile qui, en collaboration avec le centre de connaissance en matière de gestion des risques de catastrophe, devrait renforcer le volet «formation» du mécanisme de protection civile de l’Union, fondé sur une coopération étroite avec les structures nationales compétentes.

Le réseau  devrait prendre la forme d’un réseau paneuropéen de centres spécialisés de formation et d’exercice, au sein duquel :
  • les bonnes pratiques européennes et internationales seraient diffusées,
  • l’interopérabilité et les mesures d’appui au pays hôte seraient renforcées
  • des exercices conjoints de l’UE seraient entrepris.
À terme, ce réseau européen de connaissances sur la protection civile contribuera à favoriser la coopération et la compréhension mutuelle et à bâtir une culture européenne commune de préparation aux catastrophes.

Synthèse du texte par securiteinterieure.fr


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