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lundi 6 novembre 2023

Trafic de drogue : face à l'aggravation de la menace, Europol va cartographier les réseaux criminels les plus dangereux

 


La France subit de plein fouet l’aggravation du trafic de drogue. On ne compte plus les actualités relatant un règlement de compte sanglant, un élu menacé par des groupes criminels, des saisies record ou un jeune abattu. Ce phénomène est devenu un enjeu politique majeur. Le ministre de l’Intérieur a annoncé d’ailleurs il y a quelques semaines, la création d’une "unité d'investigation nationale".
L’Union européenne n’est pas en reste. Il faut dire que le phénomène touche l’ensemble des Etats membres à des degrés divers. C’est la raison  pour laquelle une feuille de route a été présentée qui contient 17 mesures, parmi lesquelles la création d’un partenariat public-privé visant à renforcer la résilience des plateformes logistiques, la création par Europol d’une cartographie visant à identifier les réseaux criminels et la mise en place d’un réseau magistrats spécialisés avec le soutien d'Eurojust.




Un constat alarmant


Le trafic de drogue orchestré par le crime organisé constitue aujourd'hui l'une des menaces sécuritaires les plus graves auxquelles l'Europe est confrontée, et la situation s'aggrave
Une analyse conjointe réalisée par Europol et l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA) a démontré que le trafic de drogue est l'une des principales activités génératrices de profits du crime organisé, estimé à environ un cinquième des recettes mondiales de la criminalité.

La feuille de route note :

  • l’augmentation sans précédent des drogues illicites disponibles en Europe, en particulier de la cocaïne en provenance d'Amérique du Sud.
  • la production et la prolifération de drogues synthétiques en Europe, qui font l'objet d'un trafic mondial, suscitent également une inquiétude croissante.


Un trafic s’aggrave toujours plus

Dans leurs efforts pour réaliser d' importants profits, les réseaux criminels recourent à une violence extrême, à la corruption et à l'intimidation.

Selon les estimations d'Europol, 60 % des réseaux criminels opérant dans l'UE recourent à la corruption pour atteindre leurs objectifs illicites.
Environ 4,1 milliards d' euros d'avoirs criminels ont été saisis en moyenne par an en 2020 et 2021 dans les États membres de l'UE. Cela représente une augmentation substantielle par rapport aux années précédentes, mais cela reste inférieur à 2 % des revenus annuels estimés du crime organisé.

Conséquence très visible de cette menace, la portée mondiale des criminels et leur emprise de fer sur les chaînes d'approvisionnement du trafic de drogue ont conduit à une vague de violence dans les rues. En outre, on estime que 6 200 personnes sont mortes d’une surdose de drogue dans l’UE en 2021.


Quel est le contexte ?

L’UE a adopté une :

  • stratégie pour lutter contre la criminalité organisée pour 2021-2025
  • stratégie et le plan d'action de l'UE en matière de drogue pour 2021-2025.


Avec cette stratégie et ce plan d' action en matière de drogue, l'UE a défini le travail en faveur d'une approche équilibrée et multidisciplinaire visant à réduire l'offre de drogue en améliorant la sécurité, en réduisant la demande de drogue grâce à la prévention, au traitement et à la prévention.

La Commission lancera en 2024 une évaluation externe de la mise en œuvre de la stratégie antidrogue dans le but de présenter le rapport au Parlement européen et au Conseil au printemps 2025.


Une coopération policière dynamique


Au niveau opérationnel, l'UE a renforcé son soutien aux autorités répressives des États membres. La Plateforme multidisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT), est désormais un instrument permanent doté d' un financement accru.

En 2022 déjà, la coopération a conduit à d'excellents résultats opérationnels : 121 arrestations et 12 millions d'euros d'argent liquide saisis. 42 réseaux criminels ont été identifiés et plus de 50 criminels de haut niveau ont fait l'objet d'enquêtes et de poursuites avec le soutien d'Europol et d'Eurojust.
Par ailleurs, le démantèlement des réseaux de communication cryptés Encro Chat, SkyECC et AN0M, soutenu par Europol, a donné lieu à de nombreuses arrestations et saisies.
Europol a soutenu de nombreuses autres enquêtes réussies menées par les États membres, comme l’opération Desert Light en novembre 2022, au cours de laquelle un « super cartel » de trafiquants de cocaïne a été démantelé.

Enfin, six États membres (Belgique, Allemagne, France, Italie, Espagne et Pays-Bas) ont mis en place une coalition contre la grande criminalité organisée, à laquelle participent la Commission, Europol et Eurojust.
La coalition a proposé plusieurs actions opérationnelles importantes d'intérêt commun, qui sont globalement conformes aux stratégies de l'UE et impliquent des agences, organes et cadres de l'UE, tels qu'EMPACT.


Une feuille de route pour aller plus loin

La feuille de route définit 17 actions dans quatre domaines prioritaires : renforcer la résilience des plateformes logistiques avec une alliance portuaire européenne, démanteler les réseaux criminels, accroître les efforts de prévention et renforcer la coopération avec les partenaires internationaux. Ces actions doivent être mises en œuvre en 2024 et 2025.

Cette feuille de route se concentre sur quatre domaines prioritaires pour une action accrue.

  • renforcer la résilience des plateformes logistiques contre l’exploitation par des criminels
  • renforcer les capacités des autorités policières et judiciaires
  • mettre fortement l’accent sur la prévention
  • favoriser la coopération internationale.


Axe 1 : renforcer la résilience des plateformes logistiques contre l’exploitation par des criminels

Premièrement, les criminels utilisent des plateformes logistiques dans l’UE et dans les pays tiers pour mener leurs activités illégales et ciblent les personnes vulnérables pour mener des activités criminelles.
L’UE doit donc renforcer la résilience des plateformes logistiques contre l’exploitation par des criminels. Cela doit être fait en étroite coopération les uns avec les autres, car les criminels sont constamment à la recherche du maillon le plus faible.

  • Action 1 : Mobiliser la communauté douanière contre le trafic de drogue
  • Action 2 : Renforcer les opérations de maintien de l’ordre dans les ports
  • Action 3 : Un partenariat public-privé contre le trafic de drogue et l'infiltration criminelle


Axe 2 : renforcer les capacités des autorités policières et judiciaires

Deuxièmement, les réseaux criminels sont dynamiques et font de plus en plus appel à des prestataires de services criminels spécialisés, attirant ainsi davantage d’acteurs.
Les arrestations individuelles sont indispensables mais pas suffisantes : il est essentiel de renforcer les capacités des autorités policières et judiciaires à démanteler les réseaux criminels, à bouleverser leurs modèles économiques et à confisquer leurs bénéfices.

  • Action 4 : Cartographier les réseaux criminels qui représentent les plus grandes menaces pour la société
  • Action 5 : Développer un réseau de procureurs et de juges spécialisés pour démanteler les réseaux criminels
  • Action 6 : Faciliter les enquêtes financières
  • Action 7 : Faciliter les enquêtes numériques
  • Action 8 : Libérer le potentiel des alertes du système d’information Schengen
  • Action 9 : Vers un cadre juridique plus solide contre la criminalité organisée


Axe 3 : mettre fortement l’accent sur la prévention

Pour empêcher que les personnes et les entreprises ne soient exploitées par des réseaux criminels, nous devons nous attaquer aux causes profondes de la criminalité organisée et prendre des mesures contre les activités criminelles comme solution permanente.
Cela nécessite non seulement des efforts de la part des autorités répressives, mais également de la part des municipalités et des communautés locales.

  • Action 10 : Prévenir les activités du crime organisé grâce à des mesures administratives
  • Action 11 : Lutter contre la prolifération des précurseurs de conception
  • Action 12 : Empêcher les réseaux criminels de recruter des enfants et des jeunes
  • Action 13 : Améliorer la sécurité publique et la santé publique dans les zones touchées par la consommation et la vente de drogues et la criminalité liée à la drogue


Axe 4 : favoriser la coopération internationale

Enfin, la criminalité organisée a toujours été un phénomène mondial, mais les récents développements technologiques ont permis aux criminels d'opérer à l'échelle mondiale et de gérer leurs activités illicites depuis l'extérieur de l'UE.
La coopération internationale est donc essentielle pour perturber les routes d’approvisionnement criminelles et soutenir l’amélioration de la coopération policière et judiciaire.

  • Action 14 : Renforcer le soutien aux opérations opérationnelles de lutte contre le trafic de drogue en Afrique de l’Ouest
  • Action 15 : Renforcer la coopération de l'UE avec les pays d'Amérique latine et des Caraïbes dans la lutte contre la criminalité organisée
  • Action 16 : Forger des alliances pour faire face aux menaces liées aux drogues synthétiques
  • Action 17 : Renforcer la coopération répressive et judiciaire avec les juridictions peu coopératives



Exemple d’action : Mobiliser la communauté douanière contre le trafic de drogue


Par l'intermédiaire de l'Alliance des ports européens et financé au titre du programme Douane, la Commission mettra en place un cadre qui facilitera une gestion efficace des risques et des contrôles douaniers liés à la contrebande de drogues illicites et de précurseurs de drogues afin de garantir la coopération des autorités douanières, ainsi que de la Commission qui proposera leur mise en œuvre aux États membres, en combinant les outils de gestion des risques européens et nationaux.
Dans la continuité de cette action et à partir de mi-2024, la Commission mettra en place une nouvelle équipe d'experts dans le cadre du programme Douane. 

En outre, à partir de 2024, elle utilisera le programme d'instruments de contrôle douanier pour soutenir cette priorité de l'UE en allouant plus de 200 millions d'euros pour financer des équipements de pointe qui peuvent aider les autorités douanières à numériser les conteneurs.
Cela comprend un soutien aux laboratoires des douanes qui recevront également des équipements pour analyser les drogues et relever les défis croissants liés aux précurseurs de synthèse.

En outre, pour renforcer la résilience des plateformes logistiques, la Commission rassemblera tous les acteurs publics et privés concernés dans un partenariat public-privé : États membres, autorités locales, autorités répressives, y compris les douanes, agences de l'UE et opérateurs privés dans les ports.

Autre exemple d’action : créer une cartographie criminelle et un réseau judiciaire

Europol, avec le soutien des États membres, mènera un exercice de cartographie début 2024 pour identifier les réseaux criminels qui représentent les plus grandes menaces, qu'ils opèrent dans des pays de l'UE ou hors UE. 
La cartographie améliorera considérablement le tableau des renseignements sur la criminalité, qui alimentera des évaluations spécifiques des menaces et aidera à prioriser les enquêtes.

Afin de renforcer l'échange d'informations et la coopération entre les autorités judiciaires sur les enquêtes transfrontalières complexes sur la criminalité organisée, un réseau de procureurs et de juges spécialisés des États membres devrait être créé avec le soutien d'Eurojust.
Le réseau constituera un centre d'expertise spécialisée soutenant les autorités judiciaires et facilitant l'échange d'expertise, de bonnes pratiques et d'autres connaissances en matière d'enquête et de poursuites contre la criminalité organisée.
Ils favoriseront le dialogue entre les différentes autorités nationales concernées, fourniront un forum pour discuter des problèmes juridiques et pratiques et promouvront le recours à Eurojust dans les affaires de criminalité organisée transfrontalière.

Autre illustration encore : revoir le droit existant

Concernant spécifiquement le trafic de drogue, la décision-cadre du Conseil du 25 octobre 2004 fixant des dispositions minimales sur les éléments constitutifs des actes criminels et les sanctions dans le domaine du trafic illicite de drogue 49 sera évaluée en 2024.
Les règles, notamment celles relatives aux sanctions pénales, pourraient être amendées, modernisées et renforcées.
Une réflexion plus approfondie devrait avoir lieu au niveau de l'UE pour déterminer si d'autres mesures pourraient être pertinentes pour limiter la capacité des membres de réseaux criminels à accéder au marché intérieur de l'UE

A partir de 2024, la Commission prévoit de proposer des moyens innovants pour accélérer et élargir l’approche actuelle de planification des précurseurs de drogues.
La gamme de substances classées sera étendue à des dérivés clairement identifiés et à des produits chimiques associés qui peuvent facilement être convertis ou utilisés comme substituts lors d'une production illicite.

De surcroît, la Commission s'efforcera d'accélérer la procédure d'adoption des futurs actes délégués répertoriant des substances supplémentaires, en travaillant main dans la main avec le Parlement européen et le Conseil.
La Commission proposera de mettre en œuvre cette nouvelle approche dans toute la mesure possible dans le cadre juridique existant de l'UE lors de l'inscription de substances supplémentaires.

Dernier exemple d’action : favoriser les bonnes pratiques
 

Selon la feuille de route, l’échange de bonnes pratiques et d'orientations entre tous les États membres devrait être encore renforcé pour aider les États membres à mettre en place des cadres nationaux pour appliquer l'approche administrative.
La Commission élaborera des orientations pratiques en 2024 sur l'utilisation d'outils administratifs et l'échange d'informations dans la lutte contre l'infiltration criminelle.
Ce travail s'appuiera sur l’expérience du Centre régional d'information et d'expertise de l'UE (un projet financé par l'UE soutenant l'approche administrative transfrontalière entre la Belgique, l'Allemagne et les Pays-Bas) du Réseau européen sur l'approche administrative et d'EMPACT.

En s’appuyant sur l’expérience du réseau européen de prévention de la criminalité, du réseau de sensibilisation à la radicalisation et d’EMPACT, la Commission renforcera l’échange de connaissances et de bonnes pratiques en matière de prévention de la criminalité.
En collaboration avec les États membres, le réseau de prévention de la criminalité de l'UE et d'autres parties prenantes, la Commission réunira des praticiens et des décideurs politiques en matière de prévention de la criminalité pour une conférence de haut niveau sur la prévention de la criminalité en 2024 et présentera un recueil de bonnes pratiques en matière de prévention du recrutement dans la criminalité organisée.

 synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


 

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