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lundi 30 octobre 2023

Lutte contre la migration clandestine : l’UE renforce son mécanisme punitif face aux pays non coopératifs

 


Si la lutte antiblanchiment prévoit un dispositif efficace de sanctions à l’égard de pays non coopératifs, la gestion des migrations n’en est qu’à ses débuts sur ce point. Il semble qu’un saut qualitatif néanmoins soit en en vue concernant les pays disposant de facilités en matière de visas.
Ces facilités sont un avantage qu’il est possible de retirer et à cet égard, une proposition de règlement est sur la table visant à revoir le dispositif actuel de mécanisme de suspension des visas. L’idée centrale ? Mettre en place un dispositif plus réactif et davantage punitif à l’égard des pays facteurs d’immigration ou sources de menace hybride.


De quoi parle-t-on ?

La sécurité et les frontières extérieures des États membres ont été profondément affectées par des événements géopolitiques récents, ce qui démontre qu’une ingérence étrangère peut faire peser de graves menaces sur la sécurité des États membres.
En octobre 2021, le Conseil européen a adopté des conclusions invitant la Commission à proposer des changements au cadre juridique de l’UE, afin d’assurer une réaction appropriée aux attaques hybrides.
Le mécanisme de suspension de l’exemption de visa ferait partie des moyens utilisés par l’UE pour réagir aux menaces hybrides, telles que l’instrumentalisation étatique des migrants.

Le mécanisme de suspension, établi par le règlement du 14 novembre 2018, est destiné à prévenir l’utilisation abusive du régime d’exemption de visa.
Ce mécanisme permet la suspension temporaire de l’exemption de visa en cas d’accroissement soudain et substantiel de la migration irrégulière ou des risques pour la sécurité.
Cependant, compte tenu des problèmes croissants que pose la migration irrégulière ainsi que des menaces pesant sur la sécurité de l’UE, il est devenu manifeste que ce mécanisme devait encore être renforcé et amélioré.

D’où vient-on ? Le mécanisme de suspension de l’exemption de visa

Le règlement du 14 novembre 2018 prévoit aussi la possibilité de suspendre temporairement l’exemption de l’obligation de visa. Ce mécanisme de suspension a été introduit pour la première fois en 2013, dans le but principal de permettre une suspension temporaire de l’exemption de visa en cas d’accroissement soudain et substantiel de la migration irrégulière.
Le mécanisme a ensuite été révisé en 2017, pour qu’il soit plus facile aux États membres de notifier les circonstances conduisant à une éventuelle suspension, et à la Commission de déclencher le mécanisme de suspension de sa propre initiative.

Quel est le contexte ?

En 2019, le nombre de voyageurs qui se sont déplacés entre l’UE et les pays tiers exemptés de visa s’élevait à 364,8 millions, soit 7 % de plus qu’en 2018.
Cependant, le suivi par la Commission des régimes d’exemption de visa de l’UE, notamment les rapports qu’elle établit dans le cadre du mécanisme de suspension de l’exemption de visa, a révélé que cette exemption pouvait aussi être source d’importants problèmes en matière de migration et de sécurité.

Le régime d’exemption de visa peut entraîner un accroissement de l’immigration irrégulière, du fait du dépassement de la durée de séjour autorisée par des voyageurs exemptés de l’obligation de visa ou en raison du nombre élevé de demandes d’asile introduites par des ressortissants de pays tiers bénéficiant de l’exemption et pour lequel le taux de reconnaissance est faible («demandes d’asile infondées»).
De plus, dans certains cas, un alignement insuffisant sur la politique de l’UE en matière de visas peut transformer un pays tiers exempté en une plateforme de transit pour l’entrée irrégulière dans l’Union.


La nécessité d’abaisser les seuils

Plusieurs États membres ont estimé, lors des discussions au Conseil, qu’il y avait lieu d’abaisser ces seuils.
En effet, le mécanisme de suspension créé par le règlement du 14 novembre 2018 a été déclenché à deux reprises:

  • la première fois en mai 2019, à la suite d’une notification d’un État membre faisant état d’un accroissement du nombre des demandes d’asile infondées et des infractions pénales graves commises par des ressortissants d’un pays tiers bénéficiant de l’exemption de visa;
  • la seconde fois en 2022, à la suite d’une analyse de la Commission qui a conduit à la suspension temporaire de l’exemption de visa dont bénéficiait un pays tiers, en raison de l’application d’un programme de citoyenneté par investissement qui exposait les États membres à un risque accru en matière de sécurité intérieure et d’ordre public.


Or, la notification adressée à la Commission par un État membre en mai 2019 montrait que les seuils de déclenchement du mécanisme de suspension n’avaient pu être atteints, malgré l’accroissement signalé des demandes d’asile infondées et des infractions pénales graves commises par des ressortissants d’un pays tiers bénéficiant de l’exemption de visa qui étaient enregistrés dans cet État membre.

La lourdeur de la procédure

En 2022, le déclenchement du mécanisme a conduit, pour la première fois, à la suspension d’une exemption de visa pour un pays tiers.
Cette expérience a mis concrètement en évidence la difficulté de déclencher le mécanisme, en raison de la lourdeur de sa procédure, et a démontré une nouvelle fois la difficulté d’atteindre les seuils requis par les règles actuelles, au détriment de l’objectif de réagir rapidement pour prévenir les risques de migration irrégulière et les risques pour la sécurité résultant du régime d’exemption de visa.

Le 30 mai 2023, la Commission a adopté une communication relative au suivi des régimes d’exemption de visa de l’UE. Cette communication examine le fonctionnement des régimes d’exemption de visa de l’UE et recense les principaux problèmes qu’ils posent dans les domaines de la migration irrégulière et de la sécurité.

Après l’adoption, le 30 mai 2023, de la communication de la Commission relative au suivi des régimes d’exemption de visa de l’UE, les États membres se sont déclarés tout à fait favorables à l’adaptation des seuils du mécanisme de suspension et à l’élargissement des motifs de suspension, notamment pour y inclure le non-alignement des politiques en matière de visas — en particulier dans les cas où cela pourrait faire naître des risques en matière de migration ou de sécurité

Quelles sont les modifications prévues ?


La proposition prévoit de :

  • Élargir les motifs de suspension pour inclure es pays tiers sans visa qui mettent en œuvre des programmes de citoyenneté par investisseurs ;
  • Élargir les motifs de suspension pour inclure les pays tiers qui ne sont pas pleinement alignés sur la politique des visas de l’UE. Il devrait être possible de déclencher le mécanisme de suspension pour prévenir de tels risques de migration irrégulière, en particulier lorsque le pays tiers concerné se situe à proximité immédiate de l’UE.
  • Augmenter la durée de la procédure pour laisser plus de temps aux mesures correctives. Une nouvelle procédure d'urgence est introduite pour réagir plus rapidement en cas de contestation soudaine du régime d'exemption de visa
  • Renforcer les obligations de surveillance et de reporting de la Commission envers tous les pays sans visa où des difficultés sont identifiées.



Et quelles sont les avancées concrètes ?

Outre les motifs existants, la proposition élargit le motif de suspension lié à l’ordre public et à la sécurité prévu, de manière à inclure explicitement les menaces pour l’ordre public et la sécurité des États membres qui découlent de menaces hybrides, telles que les situations d’instrumentalisation étatique des migrants visant à déstabiliser ou à affaiblir la société et les principales institutions.

Une nouveauté introduite par la proposition à savoir la possibilité pour la Commission d’envisager différents seuils lorsqu’elle décide s’il faut suspendre une exemption de visa en cas d’accroissement substantiel de la migration irrégulière, des demandes d’asile infondées ou des infractions pénales graves commises par des ressortissants de ce pays tiers, après une évaluation au cas par cas. La Commission devrait évaluer en particulier s’il existe des circonstances particulières, dans les cas notifiés par les États membres ou dans sa propre analyse, qui justifieraient l’application de seuils inférieurs ou supérieurs à ceux indiqués dans le règlement.

Une procédure d’urgence est introduite qui permettrait à la Commission de suspendre une exemption de visa en adoptant un acte d’exécution immédiatement applicable, lorsqu’elle estime qu’il existe des raisons d’urgence impérieuses requérant une prompte action qui ne pourrait être assurée dans le cadre de la procédure ordinaire, notamment pour éviter un afflux massif de ressortissants de pays tiers arrivant dans un État membre de manière irrégulière, à partir du territoire d’un pays tiers exempté de l’obligation de visa pour l’Union, ou pour éviter une atteinte grave à l’ordre public ou à la sécurité intérieure des États membres.

 synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


 

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