Pages

jeudi 4 janvier 2024

La coopération policière et l’évaluation conjointe des risques à la sécurité intérieure comme substituts au rétablissement des contrôles aux frontières intra-Schengen

 

 
Développer des mesures alternatives au rétablissement des contrôles aux frontières entre Etats membres de l’espace Schengen. C’est l’objectif de cette recommandation qui entend renforcer la sécurité de cet espace, sans freiner la libre circulation des honnêtes gens. Le texte prévoit l’établissement de points contacts permanents pour lutter contre les menaces à la sécurité intérieure. Ces points seront chargés de communiquer une analyse des risques permettant de déterminer les mesures les plus appropriées pour répondre à différents types de menaces graves identifiées. Parmi celles-ci figurent les déplacements intra-Schengen de migrants irréguliers. L'une des préoccupations est de lutter contre ces mouvements non autorisés qui s'opèrent à grande échelle. Le texte préconise aussi d’assurer une reconnaissance de la décision d’expulsion et lors que ce n’est pas possible, de prendre les mesures nécessaires permettant d’« évaluer le risque de fuite », comprenez la mise en rétention le cas échéant.



D'où vient-on?

Depuis 2022, les contrôles aux frontières intérieures constituent un sujet récurrent de discussions au sein du Conseil Schengen. Ils sont aussi au cœur du cycle Schengen.
Le rapport sur l’état de Schengen 2023 définit la priorité consistant à renforcer la sécurité intérieure de l’espace Schengen afin de lutter contre la criminalité organisée et le trafic de drogue. Comme expliqué dans le rapport sur l'état de Schengen 2023, le dialogue avec les États membres a mis en évidence que les États membres continuent d'être confrontés à de graves menaces pour leur sécurité intérieure et leur politique publique, qui nécessitent des mesures.



Quel est le cadre juridique ?


Avec la proposition du 14 décembre 2021 de modification du code frontières Schengen, la Commission a proposé d'élargir les types de mesures pouvant être utilisées comme alternative aux contrôles aux frontières intérieures. Ces mesures portent sur les mesures susceptibles de faire face à des menaces grave. à la sécurité intérieure ou à l’ordre public. Les mesures proposées s'appuient sur la  recommandation du 12 mai 2017 de la Commission relative aux contrôles de police et à la coopération policière transfrontalière. De telles mesures démontrent, à ce titre, qu'il est nécessaire de prendre des mesures supplémentaires pour promouvoir le recours à des mesures alternatives aux contrôles aux frontières intérieures, en réponse aux menaces à la sécurité intérieure ou à l’ordre public.


Où en est-on?

Récemment, la situation aux frontières intérieures a également fait l'objet de deux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne :

  • dans un arrêt de la Cour NW du 26 avril 2022 concernant les délais de réintroduction temporaire des contrôles aux frontières intérieures en réponse à une menace grave pour sécurité intérieure ou d'ordre public de même nature que ceux énoncés dans le code frontières Schengen.
  • dans un arrêt du 21 septembre 2023 concernant les règles applicables aux migrants en situation irrégulière qui se présentent au point de passage frontalier où sont effectués les contrôles aux frontières intérieures réintroduits dehors.


Les menaces contre la sécurité intérieure et l'ordre public dans l'espace Schengen sont en constante évolution, et compte tenu des arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne, la Commission estime qu'il convient de réexaminer la recommandation du 12 mai 2017 et de la compléter, sur la base des enseignements tirés depuis son adoption en 2017 et du dialogue mené par le coordinateur Schengen.


Axe 1 : limiter la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures


Les États membres devraient :

  • limiter le recours aux contrôles systématiques comme mesure de dernier recours uniquement dans des situations exceptionnelles;
  • privilégier les contrôles mobiles sur le territoire des États membres par rapport aux contrôles statiques en lieux fixes;
  • renforcer l'utilisation des technologies modernes et de l'information des passagers pour une approche fondée sur les données et fondée sur les risques afin de mieux cibler les contrôles.


Le texte recommande de maintenir une coopération étroite avec la Commission et de participer aux consultations organisées visant à examiner la proportionnalité de la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures, ainsi que la menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure, tout en tenant pleinement compte de la jurisprudence de la Cour de justice.


Axe 2 :  établir des points contacts permanent pour lutter contre les menaces à la sécurité intérieure

Les États membres devraient établir des points de contact permanents au sein des autorités chargées de réagir aux menaces graves pesant sur l'ordre public ou la sécurité intérieure.
De tels points de contact permanents devraient être établis tant au niveau national qu'au niveau local. Ils devraient  suivre l'évolution des menaces, notamment en échangeant entre elles des produits d'analyse des risques et des renseignements concernant, par exemple:

  • les menaces terroristes ;
  • le trafic d’armes ;
  • les itinéraires de déplacement de migrants non autorisés ;
  • le trafic de drogue ;
  • le trafic de migrants 
  • les faux documents.


Axe 3 : utiliser ces points de contacts pour limiter les contrôles aux frontières intérieures

Le texte recommande d'organiser régulièrement des réunions bilatérales des points de contact en vue de :

  • suivre l'évolution des menaces graves, notamment en échangeant leurs analyses de risques et leurs renseignements concernant ces menaces graves;
  • examiner la proportionnalité de la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures et adapter ces mesures à l'évolution des menaces graves.

Cela concerne notamment le lieu, la fréquence et l'intensité des contrôles, en vue d'éviter la fermeture des routes transfrontalières, ce qui pourrait avoir un impact sur le fonctionnement des communautés transfrontalières et du marché intérieur.


Axe 4: développer des analyses communes de risques en matière de sécurité intérieure

Les États membres devraient développer davantage leur capacité à mettre en œuvre des mesures conjointes et complémentaires, fondées sur une coopération transfrontalière bilatérale ou multilatérale.En particulier, les États membres devraient:

  • réexaminer et ajuster les accords et arrangements bilatéraux prévoyant une coopération transfrontalière en matière répressive;
  • développer une analyse commune des risques permettant de déterminer les mesures les plus appropriées pour répondre à différents types de menaces graves à l'ordre public ou à la sécurité intérieure.

Par exemple, les États membres pourraient envisager de développer une approche adaptée à chaque tronçon de frontière intérieure. Une telle approche adaptée pourrait ainsi servir à lutter contre les mouvements non autorisés à grande échelle de migrants irréguliers, ainsi que contre les menaces liées au terrorisme et au trafic de drogue.


Axe 5 : développer les patrouilles communes pour renforcer la sécurité et éviter les contrôles aux frontières

Le texte indique que les États membres devraient garantir les ressources, les équipements et les compétences nécessaires aux patrouilles conjointes et aux brigades mixtes.
Ces patrouilles conjointes et brigades mixtes devraient, en particulier, être dotées de pouvoirs lui permettant de prendre des mesures liées à :

  • la détection et à la saisie d'armes à feu et d’armes légères et de petit calibre dissimulées dans des véhicules;
  • l'identification des individus considérés comme constituant une menace sérieuse pour la sécurité intérieure.

Ces patrouilles conjointes et brigades mixtes devraient être autorisées à opérer dans une zone définie aussi large que nécessaire, compte tenu des conditions locales, déterminées sur la base de l'analyse des risques, sans exclure les zones frontalières intérieures, pour autant qu'elles ne soient pas équivalentes à des contrôles aux frontières.


Axe 6 : démanteler les filières de passeurs

Les États membres devraient prendre les mesures nécessaires pour :

  • accroître les enquêtes conjointes sur les cibles de grande valeur identifiées et les réseaux criminels à haut risque ;
  • établir et utiliser des patrouilles conjointes ciblées ;
  • partager systématiquement des informations sur les tendances avec les autres États membres concernés ainsi qu'avec Frontex et Europol.


Europol et Eurojust devraient soutenir les enquêtes conjointes par le biais de groupes opérationnels dédiés dans le cadre de la plateforme multidisciplinaire européenne contre la criminalité organisée («EMPACT»).


Axe 7 : expulser davantage grâce à la reconnaissance mutuelle

Les États membres devraient lutter efficacement contre et décourager les mouvements non autorisés à grande échelle identifiés. Au motif que ces mouvements peuvent constituer une menace sérieuse pour l'ordre public ou la sécurité intérieure, les États membres devraient :

  • reprendre les ressortissants de pays tiers qui ont transité par leur territoire avant d'être appréhendés dans un autre État membre,
  • appliquer les dispositions des accords ou arrangements bilatéraux existants au 13 janvier 2009, mentionnés par la directive retour, notamment entre États membres voisins.


Lorsqu'un ressortissant d'un pays tiers n'est pas repris par un autre État membre et si ce ressortissant d'un pays tiers fait déjà l'objet d'une décision de retour émise par un autre État membre, les États membres devraient prendre des mesures pour :

  • assurer la reconnaissance de la décision de retour précédemment conformément à une recommandation de 2023.
  • contacter l'État pour évaluer le risque de fuite lorsqu'il n'est pas possible de reconnaître cette décision de retour. 


synthèse et traduction par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 

A lire aussi sur securiteinterieure.fr :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

remarques et suggestions à formuler à securiteinterieure [à] securiteinterieure.fr

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.