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mercredi 3 avril 2024

Expulsion: l’Europe entend faire preuve d’une plus grande fermeté

 


C’est en tout cas la volonté affichée dans le dernier rapport sur l’immigration et force est de constater à ce sujet un passage à la vitesse supérieure : coopération avec les pays tiers aux fins d’amélioration de la réadmission (c’est-à-dire le rapatriement par ces pays tiers de migrants expulsés d’Europe), déploiement d’une palette de sanctions en cas de mauvaise collaboration et mise en œuvre d’un éventail de mesures de retours volontaires et d’intégration… avec Frontex comme cheville ouvrière du dispositif.



Le retour des migrants en situation irrégulière : la mise en œuvre de la feuille de route

La feuille de route concernant les retours, élaborée récemment, fournit un cadre souple qui repose actuellement sur cinq actions clés, à savoir: des actions d’identification conjointes conduisant à la délivrance de documents de voyage, avec le soutien de Frontex, pour sept destinations prioritaires (Iraq, Bangladesh, Pakistan, Tunisie, Nigeria, Sénégal et Gambie); des aides au retour volontaire, une réintégration durable et des opérations de retour conjointes menées avec Frontex; l’adoption de décisions de retour simultanément à l’adoption de décisions négatives en matière d’asile; la reconnaissance mutuelle des décisions de retour et le suivi de leur exécution; et la hiérarchisation des retours des migrants en situation irrégulière qui représentent une menace pour la sécurité.

Le rapport sur l’immigration précise que le succès de la feuille de route repose sur l’échange de bonnes pratiques. Des ateliers spécifiques, organisés par Chypre, les Pays-Bas et la Belgique, sont mis en place à cet effet. Des réunions de coordination menées par Frontex seront inscrites à l’agenda du premier semestre 2024 pour chaque pays tiers prioritaire, afin d’aider les États membres à gérer leurs cas de retours.

La reconnaissance mutuelle des décisions de retour constitue un autre moyen d’améliorer l’efficacité de l’UE dans son ensemble. Les recommandations de la Commission de mars 2023 ont débouché sur un recours accru aux signalements relatifs aux retours dans le système d’information Schengen par les États membres: plus de 200 000 nouveaux signalements ont ainsi été introduits par les États membres en six mois.



Soutenir les retours volontaires et la réintégration

Le financement de l’UE et Frontex aident les États membres en matière de retour et de réintégration, notamment en encourageant les retours volontaires et en maintenant les rapatriés potentiels dans le processus de retour. Il s’agit notamment d’apporter une aide pratique, par exemple en réservant des vols, en payant les services d’escortes pour les retours forcés et en collaborant avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans le domaine de la réintégration.



Frontex partie prenante à la réintégration des migrants

Selon le rapport sur l’immigration, les retours en provenance de l’UE sont soutenus à la fois par des programmes bilatéraux des États membres et par les services conjoints de réintégration de Frontex, qui apportent une aide à la réintégration des rapatriés dans plus de 35 pays tiers (environ 50 pays tiers seront concernés dans un avenir proche). Depuis leur lancement en avril 2022, ces services ont soutenu plus de 5 500 bénéficiaires, et le rythme s’est accéléré en 2023.

Les services ont été utilisés par 24 États membres et pays associés à l’espace Schengen, soit la totalité des pays tiers relevant de leur champ d’application. Selo n le rapport, la fourniture régulière d’une aide à la réintégration, en particulier pour les cas de retours forcés, a été saluée par les pays partenaires et a contribué à faciliter la conduite et l’acceptation des opérations de retour.
Il est possible de citer à titre d’exemple l’aide de 13 millions d’euros en faveur de la réintégration durable des rapatriés en provenance de l’UE au Maroc, en Égypte et en Tunisie, constituant à la fois une assistance directe aux rapatriés eux-mêmes et un soutien structurel aux autorités nationales responsables.


17 000 migrants bénéficiaires de mesures de retours volontaires

D’après le rapport sur l’immigration, l’aide aux retours volontaires assistés en provenance des pays partenaires et à la réintégration durable dans les pays d’origine est un autre objectif clé. Depuis 2021, l’UE a consacré près de 400 millions d’euros à l’aide aux retours volontaires et à la réintégration des rapatriés en provenance des pays de transit d’Afrique subsaharienne. Entre août 2022 et janvier 2024, l’UE a soutenu plus de 17 000 migrants au moyen de mesures de retours volontaires et de réintégration substantielle dans le cadre de ce programme.


Dans le cadre d’un programme de retours volontaires en provenance d’Afrique du Nord, dont le montant s’élève à 68 millions d’euros, le nombre de migrants renvoyés chaque année a presque triplé entre 2020 et 2023 (pour atteindre plus de 13 000 en 2023) et une aide importante a été apportée à la protection en amont des retours.


L’arme des visas contre les pays non coopératifs


En vertu du code des visas, la coopération des pays tiers en matière de réadmission est évaluée régulièrement par la Commission qui fait rapport au Conseil. Si la coopération en matière de réadmission est insuffisante et tenant compte des relations globales de l’Union avec le pays tiers concerné, la Commission a la possibilité de proposer des mesures restrictives en matière de visas.
Le rapport note à ce sujet la coopération s’est amélioré avec des partenaires tels que l’Iraq, le Bangladesh et la Gambie. En revanche, une nouvelle proposition de mesures restrictives en matière de visas a été adoptée pour l’Éthiopie.

Le mécanisme du code des visas ne couvre que les pays soumis à l’obligation de visa. Pour les 64 pays avec lesquels l’UE a mis en place un régime d’exemption de visa, le mécanisme de suspension de l’exemption de visa offre une garantie contre toute utilisation abusive du régime d’exemption de visa qui peut conduire à une migration irrégulière.
Alors que ce mécanisme peut avoir un puissant effet dissuasif, il n’a été activé qu’une seule fois.
Le rapport insiste sur le fait la réforme en cours de ce mécanisme doit aboutir  pour rendre son utilisation plus aisée. Cet usage permettra de lutter contre un plus grand nombre d’abus en matière d’exemption de visa, comme l’augmentation des arrivées irrégulières due à l’absence d’alignement sur la politique de l’UE en matière de visas, ou les menaces hybrides, telles que l’instrumentalisation des migrants par des États. La réforme prévoit également des règles plus strictes pour les abus liés aux demandes d’asile non fondées (en 2023, 23 % de l’ensemble des demandes d’asile dans l’UE provenaient de pays exemptés de l’obligation de visa).


Une arme complétée par des sanctions commerciales

Un autre outil potentiel pour garantir la coopération en matière de retour et de réadmission pourrait être le système de préférences généralisées révisé (règlement SPG).
La Commission a proposé une nouvelle disposition dans le règlement, qui introduirait un nouveau critère de retrait du traitement tarifaire préférentiel accordé unilatéralement par l’UE, lequel se fonderait sur des lacunes graves dans la mise en œuvre de l’obligation de réadmission des ressortissants nationaux. Cela inciterait davantage les pays tiers à respecter leurs obligations internationales et favoriserait une meilleure gestion de la migration. Le règlement fait actuellement l’objet de négociations.


De nouveaux projets pilotes

Le rapport sur l’immigration indique que de nouveaux projets pilotes menés au niveau de frontières extérieures importantes (Bulgarie-Turquie, Roumanie-Serbie) ont permis de renforcer la gestion des frontières extérieures, d’intensifier la coopération avec les pays voisins et de garantir des procédures rapides en matière d’asile et de retour. Selon le rapport, ces projets ont déjà produit des résultats tangibles: la Bulgarie, par exemple, a doublé sa capacité d’accueil d’agents du contingent permanent de Frontex, qui ont vu leur nombre passer de 124 à 264.
De même, depuis mars 2023, la Roumanie et la Serbie ont exécuté plus de 400 missions de patrouille conjointes. Les deux projets ont été prolongés au-delà de la période initiale de mise en œuvre (mars-octobre 2023). Au vu de ces résultats, la Bulgarie et la Roumanie transformeront cette action en une coopération à long terme afin de renforcer la gestion des frontières et de la migration. Ces deux pays ont signé à cet effet des cadres de coopération. Cette expérience qualifiée de "réussie" selon le rapport, pourrait servir de fondement à des cadres de coopération plus étendus, y compris au niveau régional.


Remettre de l’ordre dans la gestion ses arrivées

Une coopération structurelle s’est engagée prêter assistance aux personnes en détresse en mer. Cette coopération s’opère par l’intermédiaire du groupe européen de contact en matière de recherche et de sauvetage. Celui-ci, créé en 2021 en tant que plateforme de dialogue structuré entre les États membres de l’UE, les pays associés à l’espace Schengen et les autres parties prenantes concernées, examine la mise en œuvre du cadre juridique et les pratiques en matière de recherche et de sauvetage, qui évoluent constamment.


D’après le rapport sur l’immigration, le mécanisme de solidarité volontaire a été mis en place pour soutenir les États membres sous pression, notamment en raison des arrivées en mer. La Commission coordonne ce mécanisme, avec l’aide de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, en évaluant les besoins des États membres de première entrée et en contrôlant le respect des engagements pris tant en matière de relocalisation que de solidarité financière.
Parallèlement à la concrétisation de plus de 4 000 relocalisations à ce jour, ce mécanisme temporaire a permis de tirer des enseignements pour la mise en œuvre du mécanisme permanent, structuré et prévisible à mettre en place en vertu du pacte, dans le cadre duquel la relocalisation est l’une des formes possibles d’aide aux États membres sous pression.


Réduire le nombre de mouvements secondaires illégaux


Afin d’accompagner la lutte contre les mouvements secondaires, c’est-à-dire intra-Schengen, la Commission a présenté des bonnes pratiques concernant la mise en œuvre de la feuille de route de Dublin, dans le but d’améliorer la communication entre les États membres, de renforcer le respect du droit de l’UE et de limiter le nombre de fuites.


Selon le rapport sur l’immigration, l’objectif général est d’améliorer le niveau des transferts au titre du règlement de Dublin et de limiter ainsi les mouvements non autorisés entre les États membres. Pour atteindre les buts et objectifs de la feuille de route de Dublin, les États membres doivent continuer à la mettre en œuvre en priorité et allouer les ressources humaines et financières nécessaires aux unités «Dublin».  


synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 

 

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