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mercredi 29 mars 2023

"Mandat européen d’expulsion": l’UE veut instaurer une reconnaissance des procédures nationales de retour pour lutter contre l‘immigration clandestine

 


Le taux d’expulsion ne cesse de baisser et les négociations relatives à la refonte de la directive dite « retour » trainent en longueur. Face à cette situation, une proposition de recommandation vient d’être présentée, qui consiste à favoriser la reconnaissance dans un autre État membre des procédures d’expulsion prises par les autorités nationales concernant un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier. Cette reconnaissance mutuelle des procédures de retour fait écho à des dispositifs qui existent déjà dans d’autres domaines, notamment en matière judiciaire avec le mandat d’arrêt européen.

L’idée est simple : en vue de faciliter et d'accélérer le processus de retour, l'État membre sur lequel se trouve un migrant appréhendé et qui responsable de son retour d'un ressortissant reconnaît toute décision de retour précédemment délivrée à la même personne par un autre État membre.

La préoccupation majeure à l’heure actuelle est la fuite des migrants, notamment des demandeurs d’asile déboutés. Cette préoccupation se conjugue avec une autre, celle des déplacements illicites de migrants au sein de l’espace Schengen (mouvements dits « secondaires »).



De quoi parle-t-on ? Le morcellement des procédures de retour


Depuis le 7 mars 2023, date à laquelle le règlement du 28 novembre 2018 a commencé à s'appliquer, les États membres sont tenus d'introduire un signalement de retour dans le système d'information Schengen sans délai après l'émission d'une décision de retour.
Grâce au système d'information Schengen, les États membres sont désormais en mesure de voir immédiatement si un ressortissant de pays tiers appréhendé par l'autorité compétente fait déjà l'objet d'une décision de retour émise par un autre État membre.


Or, la valeur ajoutée de cette nouvelle fonctionnalité dans le système d'information Schengen dépend de l'utilisation active et du suivi adéquat des signalements de retour.
Cela requiert une reconnaissance mutuelle des décisions de retour rendues antérieurement par d'autres États membres. Or, pour l’heure, cette reconnaissance mutuelle n’existe pas.

Et plus exactement ? Des dysfonctionnements à tous les étages


L’Union européenne souffre d’un morcellement des procédures de retour. Ces différences entre procédures accroissent la fragmentation des approches nationale.
L'absence de système à l'échelle de l'Union indiquant si un ressortissant de pays tiers appréhendé fait déjà l'objet d'une décision de retour émise par un autre État membre a précédemment entravé le recours à la reconnaissance mutuelle.
Pour aggraver la situation, les obstacles à la coopération et à la communication entre les autorités nationales responsables des procédures d'asile et de retour représentent un défi structurel essentiel pour une processus de retour plus efficace.

Quelle est la solution ? La reconnaissance mutuelle des décisions de retour

Il s’agit de la reconnaissance mutuelle des décisions de retour précédemment rendues dans un autre État membre.
En tant que tremplin vers un système européen commun en matière de retour, la reconnaissance mutuelle des décisions de retour permet de faciliter et d’accélérer les processus de retour pour l'État membre responsable du retour.
En outre, La reconnaissance mutuelle des décisions de retour peut également contribuer à dissuader la migration irrégulière et décourager flux de migrants non autorisés à l'intérieur de l'Union (appelés « mouvements secondaires »).

Quelle est la stratégie ? La mise en œuvre de la recommandation


L’adoption d’un texte de droit non contraignant. Compte tenu des défis persistants dans le domaine du retour, et dans l'attente de la conclusion des négociations législatives, notamment sur la proposition de refonte de la directive « retour », des actions supplémentaires sont recommandées pour améliorer encore l'application dans le cadre juridique existant.
La recommandation permet donc d'améliorer une coopération plus étroite et une solidarité renforcée entre tous les États membres.

Aux fins du suivi de la mise en œuvre de cette recommandation, les États membres sont invités à faire rapport annuellement à la Commission.
Ils doivent indiquer le nombre de décisions de retour d'autres États membres qui ont été mutuellement reconnues.

D’où vient-on ? La directive « retour »

La directive du 28 mai 2001 du Conseil établit un cadre pour la reconnaissance mutuelle. Ce cadre a été complété par la décision  du 24 février 2004 du Conseil fixant les critères et les modalités pratiques de la compensation des déséquilibres financiers résultant de l'application de cette directive du 28 mai 2001.
Depuis lors, la directive « retour » a été adoptée. Elle établit un socle de normes et des procédures communes à appliquer dans les États membres pour le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.


Le 12 septembre 2018, la Commission a présenté une proposition de refonte de la directive « retour ». Cette proposition entend :

  • réduire la durée des procédures de retour,
  • assurer une meilleure articulation entre les procédures d'asile et de retour
  • garantir une utilisation plus efficace des mesures visant à prévenir la fuite.

Quant au nouveau pacte sur la migration et l'asile, il vise à établir un système commun de l'UE en matière de retour qui combine des structures plus solides au sein de l'Union et une coopération plus efficace avec les pays tiers en matière de retour et de réadmission, et ce dans le cadre d'une approche globale de la gestion des migrations.

Et depuis lors ? La communication de février 2021


Le Conseil européen n'a cessé de souligner l'importance d'une politique de l'Union unifiée, globale et efficace en matière de retour et de réadmission.
Il appelle à une action rapide pour garantir des retours effectifs depuis l'Union en accélérant les procédures de retour.


Surtout, il invite les États membres à reconnaître mutuellement leurs décisions de retour.
En réponse, la communication de la Commission du 10 février 2021 intitulée «Renforcer la coopération en matière de retour et de réadmission dans le cadre d'une politique migratoire de l'UE équitable, efficace et globale» a identifié les obstacles qui entravent un retour effectif.
Elle a indiqué que, pour les surmonter, il est nécessaire d'améliorer les procédures qui réduisent la fragmentation des approches nationales, ainsi qu'une coopération plus étroite et une solidarité renforcée entre tous les États membres.


Et quel est le contexte ? Un terrain vierge ?

Pas vraiment. Des instruments d’appui existent déjà. Ces outils sont notamment le coordinateur des retours de l'UE et le réseau de haut niveau pour les retours guidé par une stratégie opérationnelle sur les retours.
Un soutien opérationnel est également disponible par l'intermédiaire des agences compétentes de l'Union, notamment Frontex, l'Agence de l'Union européenne pour l'asile et l'Agence des droits fondamentaux.


A cet égard, Frontex joue un rôle central en tant que bras opérationnel du système commun de l'UE pour les retours et fournit une assistance aux États membres à toutes les phases du processus de retour. D’ailleurs, les autorités nationales en matière de retour font partie du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, qui est chargé d'assurer la mise en œuvre effective du dispositif européen intégré de la gestion des frontières.

A cet égard, la recommandation incite les États membres devraient à bénéficier du soutien fourni par Frontex, notamment :

  • l'aide à l'identification des personnes renvoyées et à l'obtention de documents de voyage,
  • l'organisation des opérations de retour,
  • le soutien au départ volontaire et à la réintégration.



L’objectif ? Faciliter la procédure d’expulsion

Pour garantir des retours plus rapides à proximité des frontières extérieures, la recommandation inique que les États membres devraient:

  • mettre en place des équipes mobiles d'assistance réunissant toutes les autorités compétentes pour le retour volontaire et forcé et les services d'assistance comme :  des interprètes, des services de santé, des conseils juridiques et des travailleurs sociaux;
  • utiliser les procédures accélérées prévues dans les accords de réadmission conclus entre l'Union ou les États membres et des pays tiers ;
  • introduire un signalement de retour dans le système d'information Schengen lorsqu'il n'est pas possible d'exécuter le retour immédiatement.


L’idée centrale ? Expulser plus efficacement les déboutés de l’asile

La recommandation invite les États membres, concernant tout demandeur débouté du droit d’asile soit expulsé. Pour ce faire, il s'agit:

  • d'établir un canal de communication direct et standard entre les autorités chargées de l'asile et du retour pour une coordination entre les deux procédures,
  • de rendre dans le même acte, ou dans des actes séparés (au même moment ou directement après), une décision de retour et une décision rejetant une demande de protection internationale
  • de prévoir la possibilité d'introduire un recours contre la décision rejetant la demande d’asile et la décision de retour en même temps devant la même juridiction,
  • de prévoir la possibilité de faire appel dans le même délai de ces deux décisions,
  • de recourir à des outils innovants tels que la vidéoconférence pour garantir qu'un recours puisse être exercé depuis un pays tiers.


Une préoccupation majeure ? Lutter contre les risques de fuite

La recommandation préconise une approche globale, comprenant les principaux outils d'évaluation et de prévention du risque de fuite.
Il s’agit de faciliter et de rationaliser l'évaluation de ce risque dans des cas individuels, pour renforcer l'utilisation d'alternatives efficaces à la détention et pour garantir une capacité de détention suffisante - lorsque la détention est utilisée comme mesure de dernier recours.
Afin d'établir un processus rationalisé et coordonné, les États membres devraient mettre en place:

  • des critères objectifs d'évaluation de l'existence du risque de fuite dans chaque cas individuel;
  • des alternatives efficaces à la détention adaptées aux différents niveaux de risque de fuite ;
  • de la détention en tant que mesure de dernier recours et pour une durée aussi courte que possible.


Lorsqu’il y a des raisons de croire qu'un ressortissant de pays tiers peut prendre la fuite les États membres devraient prévoir un large éventail d'alternatives à la rétention comme:

  • l'obligation de se présenter régulièrement aux autorités, allant de toutes les 24 heures à une fois par semaine;
  • l'obligation de remettre le passeport;
  • l'obligation de résider dans un lieu désigné par les autorités, par exemple une résidence privée,ou un centre dédié;
  • le dépôt d'une garantie financière adéquate;
  • l'utilisation de technologies innovantes.


 

Le recours au numérique ? L’utilisation de systèmes informatiques

Les États membres sont invités à mettre en place, sans délai, un système informatique complet de gestion des dossiers de retour.
Ce système est développé sur la base du modèle développé par Frontex.
Il vise à garantir la disponibilité en temps utile des informations sur l'identité et la situation juridique des ressortissants de pays tiers faisant l'objet d'une décision de retour.

Il s’agit de permettre de :

  • contrôler et suivre les cas individuels,
  • de tenir à jour un tableau de la situation nationale en matière de retour.

Les États membres devraient également tirer pleinement parti des systèmes de gestion des dossiers de réadmission qui ont été mis en place pour favoriser la mise en œuvre d'accords ou d'arrangements de réadmission avec des pays tiers. 

 

Et le retour volontaire ? La carotte comme alternative au bâton

Afin d'inciter et d'encourager les retours volontaires, les possibilités offertes par la directive « retour » pourraient être utilisées. 

Il s’agit :

  • d’envisager de s'abstenir d'émettre une interdiction d'entrée à l'encontre des ressortissants de pays tiers qui coopèrent avec les autorités et qui participent à une aide au retour volontaire et programme de réintégration.
  • de mettre en place des structures de conseil en matière de retour et de réintégration afin de leur fournir des informations et des conseils le plus tôt possible
  • d’orienter les ressortissants de pays tiers vers un programme d'aide au retour volontaire et à la réintégration. Les États membres devraient veiller à ce que des informations sur le retour soient également fournies pendant la période d'asile.


traduction et synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

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