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jeudi 11 avril 2024

Europol dénombre plus de 800 réseaux criminels dangereux – la France bien placée

 


Ce rapport aurait pu faire la une des médias tant le sujet est grave et concerne au premier chef la France. Pourtant, il n’en est rien et cela est pour le moins regrettable. L’office européen de police s’est livré à un travail méticuleux d’identification des réseaux criminels les plus menaçants en Europe. On y apprend que 820 groupes criminels sévissent, pour la plupart transnationaux. Leur trafic privilégié ? La drogue. Leur centre de commandement ? Dubaï. Le chiffre d’affaires des plus actifs ? Un milliard d’euros.
Quant à la France ? Elle est abondamment citée par le rapport.


Deux tiers des groupes sont plurinationaux

Les 821 réseaux criminels les plus menaçants touchent l'ensemble des 27 États membres de l'UE.
La majorité d’entre elles ont une portée qui s’étend au-delà de l’UE, en particulier dans les pays voisins de l’UE, voire au-delà.
Cette portée mondiale se reflète également dans la composition de ces groupes puisque 112 nationalités sont représentées.
68 % des réseaux sont à cet égard composés de membres de plusieurs nationalités.
76 % des réseaux criminels les plus menaçants sont présents ou actifs dans deux à sept pays.

Selon Europol, les réseaux criminels composés uniquement de membres français sont majoritairement actifs dans le trafic de cocaïne et de cannabis. Ils se livrent également à l’extorsion, au racket et à la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Ils opèrent principalement en France, mais ils ont également des connexions avec plus de 15 autres pays, dont la Belgique, les Pays-Bas, le Portugal et l'Espagne, ainsi que les Émirats arabes unis.


Des structures mi-pyramidales, mi en réseau


La configuration organisationnelle des réseaux criminels est très diversifiée. Certains sont composés de seulement 3 membres, tandis que d’autres en comptent plus de 100.
Plus de la moitié des réseaux criminels les plus menaçants ont une structure hiérarchique, avec différents niveaux de pouvoir et de responsabilités, une division claire des tâches et des systèmes internes de contrôle et de discipline.
L’autre moitié de ces réseaux criminels l’est de manière plus fluide, soit autour d’un noyau central, soit de manière lâche et décentralisée.


Dubaï, la nouvelle capitale de la grande criminalité

Environ 6 % des réseaux criminels recensés par Europol disposent d’une direction qui coordonne les opérations en dehors de l’UE – un choix délibéré de s’éloigner de la portée des forces de police si nécessaire.
6 % d'entre eux ont des dirigeants à distance installés en dehors de l'UE ; les endroits les plus courants sont les Émirats arabes unis et, dans une moindre mesure, la Turquie et le Royaume-Uni.
Europol précise que des enquêtes sur les communications cryptées utilisées ont révélé que Dubaï est devenu un centre de coordination à distance où résident des membres de haut niveau et d'autres acteurs criminels, tels que des courtiers et des organisateurs, pour coordonner les activités des réseaux criminels et entraver les activités de détection des forces de police.


Des organisations criminelles qui brassent des millions

La plus grande partie (56 %) des réseaux criminels comptabilisés par l’office européen de police disposent ou sont en mesure d'obtenir d'abondantes ressources financières pour soutenir leurs activités criminelles.
En général, les revenus criminels annuels estimés varient de plusieurs millions à plusieurs dizaines de millions d'euros.
Europol pense qu’ils génèrent des centaines de millions de fonds illicites, dont une poignée atteint jusqu’à un milliard d’euros.

Europol ajoute que bien qu'il soit souvent impossible de connaître le nombre exact de membres, ils se situent souvent entre 8 et 38 membres.
Certains des réseaux criminels les plus menaçants recrutent parmi les jeunes des couches de la population considérée comme vulnérable, même des mineurs, et les exploitent pour exécuter des tâches liées au trafic de drogue notamment.


La corruption pratiquée par ces organisations qui gangrènent les Etats membres

71 % des réseaux se livrent à la corruption pour faciliter des activités criminelles ou entraver les procédures judiciaires.
Les réseaux criminels utilisent la corruption pour faciliter leurs activités dans le trafic de drogue (héroïne, cannabis, cocaïne), la fraude à la TVA, et aux subventions, l'extorsion et le racket, les matchs truqués, la criminalité environnementale (trafic de déchets et d'animaux sauvages) et le trafic d'armes à feu. Les enquêtes sur Sky ECC ont montré à quel point la corruption est profondément enraciné dans de nombreux pays  que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’UE.
La corruption cible à la fois les secteurs privé et public. Certains réseaux criminels ont accès à des individus corrompus dans plusieurs organisations et plateformes, souvent via plusieurs canaux. Stratégiquement placés le long des routes et des processus criminels, ces individus corrompus font désormais partie du réseau.


L’extorsion, une spécialité française ?

Cinq de ces réseaux criminels les plus menaçants se livrent à des activités d'extorsion et de racket comme seule activité criminelle. Ces réseaux Chypriotes, Français et Italien.
Europol précise que l'extorsion et le racket sont plus souvent liés aux principales activités criminelles, telles que le trafic de drogue et la fraude. Dans certains cas, il existe également des liens avec des crimes violents tels que des meurtres, des enlèvements et des vols.

Europol précise en outre que la moitié des réseaux criminels les plus menaçants sont presque tous (96 %) des réseaux qui blanchissent eux-mêmes leurs produits du crime.
Europol précise que des activités de blanchiment d’argent ont lieu dans plus de 80 pays.
Les réseaux criminels les plus menaçants sont actifs dans les 27 États membres de l’UE et comptent parmi leurs membres des ressortissants de chacun de ces 27 pays.
En examinant la portée géographique des opérations de blanchiment d'argent de ces réseaux, 49 % des réseaux criminels les plus menaçants blanchissent de l'argent uniquement dans l'UE, 32 % blanchissent de l'argent à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'UE, et 19 % blanchissent de l'argent uniquement en dehors de l'UE.


La construction, l’hôtellerie et la logistique infiltrées par les organisations

86 % des réseaux criminels les plus menaçants ont recours à des structures commerciales légales. La majorité infiltre ces structures à un niveau élevé ou crée leurs propres d’entre ells. Les secteurs les plus vulnérables à l’infiltration du crime organisé comprennent la construction, l’hôtellerie et la logistique. Les entreprises légales jouent également un rôle clé dans le blanchiment de produits illicite.

Europol ajoute que 34 % des réseaux criminels les plus menaçants sont actifs depuis plus de 10 ans.
Pendant de si longues périodes, ils sont capables de maintenir leur influence et leur pouvoir, même si leurs dirigeants et leurs membres sont détenus. Ils sont souvent au courant des initiatives des forces de police et appliquent activement des contre-mesures.


La France, cible de choix des cambrioleurs

73 des réseaux criminels les plus menaçants se livrent à la criminalité organisée contre les biens comme seule activité principale, principalement les cambriolages et les vols (33) et dans la délinquance automobile (19). Dix réseaux se livrent également à la traite (criminalité forcée) ou au trafic de drogue dans le cadre de leur principal portefeuille criminel.
Les pays les plus touchés par les réseaux auteurs de cambriolages et de vols sont la France, l'Italie, Malte, le Portugal et l'Espagne. Les nationalités les plus représentées dans ces réseaux sont celles croate, géorgienne, italienne et roumaine. Les réseaux sont décrits comme des groupes mobiles du crime organisé (MOCG) basés notamment sur des clans ou des familles. Certains sont également actifs dans d’autres types de délits contre les biens, dans la traite des êtres humains ou dans le trafic de drogue.


Le trafic de drogue, une activité de prédilection

La majorité des réseaux criminels les plus menaçants ont tendance à exercer un contrôle de bout en bout sur la majorité de leurs activités ou sur la majeure partie du processus criminel.
82 % des réseaux traitent une activité criminelle principale, soit seulement 18 % de polycriminel.
A ce propos, le trafic de drogue constitue l'une de leurs principales activités criminelles.
68 % des réseaux recourent à la violence et à l'intimidation. Le recours à la violence s’applique particulièrement au trafic de drogue.
Les réseaux criminels les plus menaçants se livrant à des activités de trafic de drogue ont été signalés par presque tous les États membres de l'UE. Les opérations de trafic de drogue sont le plus souvent localisées en Belgique, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Espagne ; et hors UE en Albanie, au Brésil, en Colombie, en Équateur et au Royaume-Uni.

La plupart des réseaux de trafic de drogue (113) sont spécialisés dans le trafic de cocaïne, une autre part s'adonnant au polytrafic (111), traitant de différents types de drogues. Ils combinent le plus souvent le trafic de cocaïne et de cannabis ou le trafic de cocaïne, de cannabis et de drogues de synthèse. Le trafic de cannabis constitue la seule activité principale de 44 des réseaux criminels les plus menaçants. Le nombre de réseaux criminels les plus menaçants spécialisés dans les autres types de drogues (synthétiques, héroïne, précurseurs) est assez limité : 9 réseaux sont spécialisés dans le trafic de drogues de synthèse, 6 dans le trafic d'héroïne et 12 dans d'autres substances liées à la drogue (principalement des précurseurs ou des produits chimiques essentiels) pour la production de médicaments).


Le trafic d'armes à feu couplée au trafic de drogue

Les cinq réseaux criminels les plus menaçants se livrent au trafic d'armes à feu comme seule activité criminelle. Le plus souvent, elle est liée aux principales activités criminelles comme le trafic de drogue.
D’après Europol, la disponibilité d’armes à feu sur le marché noir accroît également les risques pour la sécurité des citoyens, par exemple en cas de fusillades publiques.
Selon les renseignements disponibles, la plupart des armes à feu illégales en circulation dans l'UE proviennent de son sein. Ils sont détournés de l'approvisionnement légal, importés clandestinement de conflits dans les régions voisines (par exemple les Balkans occidentaux), réactivés ou convertis à partir d'armes à feu non létales ou fabriqués dans des ateliers clandestins.


La fraude, l’un des activités des groupes criminels


La fraude est la deuxième activité la plus importante des réseaux criminels les plus menaçants. Un cinquième de ces réseaux se livrent à la fraude comme principale activité criminelle, s’engageant parfois stratégiquement dans d’autres domaines de la criminalité.
La fraude aux accises constitue la seule activité principale de 34 des réseaux criminels  les plus menaçants. Dix-huit des réseaux criminels les plus menaçants se spécialisent dans la fraude à la TVA, y compris la fraude carrousel. Ils contrôlent généralement de bout en bout le processus. D'autres types de fraude, comme la fraude aux subventions et la fraude à l'importation douanière, constituent l'unique activité principale de 15 des réseaux criminels les plus menaçants et 8 réseaux combinent différents types de fraude.


Parmi les réseaux criminels les plus menaçants, 31 se livrent à des activités de contrefaçon. Pour la plupart d’entre eux, il ne s’agit pas de leur seule activité, mais d’un élément d’un portefeuille criminel plus large. La contrefaçon de produits est souvent associée à la fraude aux accises.
Les réseaux criminels se livrant à la contrefaçon comme seule activité criminelle consistent généralement à contrefaire des biens (5) ou de l'argent (5). Deux réseaux spécialisés le sont pour l’un en contrefaçon de produits pharmaceutiques et pour l’autre dans le piratage de contenu numérique. Les pays les plus touchés par la contrefaçon sont la Belgique et la France. Ces groupes sont composés principalement de ressortissants grecs et moldaves.


La France, haut lieu au trafic de traite des êtres humains

57 des réseaux criminels les plus menaçants se livrent au trafic de migrants. 48 d’entre eux sont uniquement actifs dans ce domaine, tandis que les 9 autres se livrent également à d’autres activités criminelles, principalement le trafic de drogue et la traite (travail et exploitation sexuelle, criminalité forcée).
D’après Europol, parmi les réseaux criminels les plus menaçants signalés, 55 se livrent à la traite comme (l'une de) leurs principales activités. La traite à des fins d'exploitation sexuelle constitue l'unique activité principale de 18 réseaux criminels, la traite à des fins d'exploitation économique pour 13 réseaux et 5 réseaux sont spécialisés dans d'autres formes de traite. 19 réseaux criminels combinent la traite avec d'autres types de criminalité, tels que le trafic de drogue, la criminalité organisée contre les biens et le trafic de migrants. La fraude en matière de documents et d’identité facilite souvent les activités de traite.
Les pays les plus touchés par la traite à des fins d’exploitation sexuelle sont la France et l’Allemagne. Les nationalités les plus représentées dans les réseaux pratiquant cette forme de traite sont la Bulgarie, la Roumanie, la Serbie et l’Ukraine.


Criminalité liée aux espèces sauvages : la France, à la fois victime du trafic et pays de nationalité des trafiquants

Neuf des réseaux criminels les plus menaçants se spécialisent dans les cyberattaques comme activité principale. Une poignée d’autres s’engagent dans ce domaine pour soutenir leurs activités de fraude et de blanchiment d’argent. Les Russes et les Ukrainiens sont les nationalités les plus représentées au sein de ces réseaux.
Quatre réseaux criminels spécialisés dans les délits liés aux déchets et à la pollution, trois d’entre eux se livrant à des délits liés aux espèces sauvages comme seule activité criminelle. En outre, 12 réseaux se livrent à la criminalité environnementale dans le cadre de leur portefeuille criminel plus large, principalement parallèlement au trafic de drogue.
Les réseaux impliqués dans la criminalité liée aux espèces sauvages sont ceux impliquant la France, le Portugal et l'Espagne, et concernent le trafic illicite de civelles. Les criminels impliqués dans ce domaine sont principalement des ressortissants chinois, français et espagnols.


L’IA, nouvelle parade contre la police ?

Europol indique la majorité des réseaux criminels les plus menaçants ont une bonne compréhension des techniques utilisés par la police et utilisent des contremesures adéquates. Les réseaux criminels utilisent principalement des technologies telles que des applications ou des appareils cryptés (EncroChat ou SkyECC) sur lesquels ils utilisent un langage codé pour communiquer.
Un élément récurrent pour éviter d’être détecté et poursuivi est la contre-observation et l’infiltration des forces de l’ordre, y compris l’identification des informateurs et des agents infiltrés. Cela va souvent de pair avec un investissement pour contrer les poursuites judiciaires en collusion avec des avocats qui donnent accès à des informations confidentielles et se livrent à des procédures excessives d’appel et à la subornation de témoin.
Pour Europol, le recours à l’intelligence artificielle pourrait à l’avenir faciliter davantage le moyen pour les criminels de contrecarrer les efforts des forces de police.

synthèse et traduction par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 

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