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mercredi 2 juin 2021

Traite des êtres humains, une activité lucrative qui rapporte en Europe 14 milliards d’euros aux criminels

 



C’est le montant faramineux que ce commerce juteux rapporte aux organisations criminelles. Face à ce fléau l’UE se mobilise. Dans le sillage d’un rapport du Parlement européen , un nouveau programme est sur la table avec comme mesure centrale une évaluation prochaine de la directive « traite des êtres humains » qui est l’outil législatif central du dispositif de lutte. Une révision du texte est envisageable avec à la clé, la possibilité d’ériger en infraction pénale, l’utilisation de services fournis par des personnes exploitées.


De quoi parle-t-on ?

Cette stratégie définit des grandes priorités en vue d’une lutte plus efficace contre la traite des êtres humains. Elle propose des mesures concrètes, qui seront élaborées en respectant pleinement les droits fondamentaux et qui permettront de déceler et de faire cesser les cas de traite à un stade précoce, de s’attaquer aux criminels en faisant de cette forme de criminalité, qui est actuellement une infraction très lucrative à faible risque, une infraction peu lucrative à haut risque, ainsi que de protéger les victimes et de les aider à reconstruire leur vie.

Étant donné que la traite des êtres humains est une forme particulièrement grave de criminalité organisée, cette stratégie est étroitement liée à la stratégie de l’UE en visant à lutter contre la criminalité organisée pour la période 2021-2025.
Si les priorités globales et les actions clés de la stratégie de lutte contre la criminalité organisée s’appliquent à la traite des êtres humains, cette stratégie répond aux aspects spécifiques de la criminalité liée à la traite des êtres humains.


Avec cette stratégie, la Commission européenne définit un cadre politique pour protéger les personnes vulnérables face à la traite des êtres humains, pour donner des moyens d’agir aux victimes, pour traduire les auteurs en justice et pour protéger nos communautés. La Commission précise que les femmes et les enfants sont au cœur de cet engagement.

L’Union en première ligne

Selon la Commission européenne, la traite des êtres humains est un phénomène mondial qui touche chaque pays et chaque région, et qui persiste dans l’Union européenne également. Selon les dernières données disponibles, entre 2017 et 2018, plus de 14 000 victimes enregistrées étaient à déplorer dans l’Union européenne.
Le nombre réel de victimes est probablement bien plus élevé, car nombre d’entre elles demeurent inconnue. Près de la moitié des victimes de la traite des êtres humains dans l’Union européenne sont des ressortissants de l’Union et le nombre de personnes victimes de la traite au sein de leur propre État membre est élevé.
Dans l’Union, la majorité des victimes sont des femmes et des filles, victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle.


Les enfants représentent près d’une victime sur quatre de la traite des êtres humains dans l’Union.
La majorité des trafiquants dans l’Union sont des citoyens de l’Union et près de trois quarts des auteurs sont des hommes. Cette forme de criminalité génère des profits élevés pour les criminels. Dans l’Union, le coût économique est estimé, sur une année seulement, à 2,7 milliards d’euros.

Une activité qui rapporte dans le monde 30 milliards d’euros de bénéfices


D’après le document, la demande alimente toutes les formes d’exploitation des personnes en situation vulnérable, dont les trafiquants profitent, en particulier dans les secteurs et environnements à haut risque. Il en résulte des revenus considérables pour les groupes criminels organisés et pour les individus qui tirent avantage et tirent profit de l’exploitation du corps des victimes de la traite ainsi que des services et du travail qu’elles fournissent.
On estime que la traite des êtres humains a généré en 2015 dans le monde 29,4 milliards d’euros de bénéfices.

Dans l’Union, sur une année seulement, les recettes criminelles de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, qui est le type de traite le plus répandu, atteindraient quelque 14 milliards d’euros. Ce montant ne tient pas compte de la traite à des fins d’exploitation par le travail et d’autres formes d’exploitation.

Les victimes sont acheminées vers l’Union dans le cadre de flux migratoires mixtes sur tous les itinéraires. Le trafic de migrants est souvent étroitement lié à d’autres formes de criminalité organisée, telles que la traite des êtres humains.
La situation migratoire actuelle au niveau régional et mondial accroît les risques de traite des êtres humains, les trafiquants abusant des procédures d’asile, notamment en faisant légaliser leur propre statut et celui de leurs victimes.

Des avances notables


Le document souligne que la lutte contre la traite des êtres humains est, depuis longtemps, une priorité pour l’Union européenne.
Au fil des ans, des progrès ont été réalisés à bien des égards. La coopération entre les principaux acteurs, y compris au niveau politique, entre les services répressifs et les autorités judiciaires, dans des contextes nationaux et transnationaux, a débouché sur des poursuites et des condamnations et a permis d’améliorer l’identification des victimes ainsi que l’assistance et le soutien qui leur sont fournis.
Des campagnes de sensibilisation, des programmes d’éducation et des initiatives de formation ont été menés pour réduire les risques de nouvelles victimes de la traite des êtres humains. Des études et des rapports ont permis d’améliorer les connaissances sur ce phénomène, contribuant ainsi à l’élaboration de stratégies de lutte appropriées.


 
Une impunité persistante


En dépit des progrès accomplis, la traite des êtres humains continue de représenter dans l’Union européenne une grave menace qui, chaque année, met en danger des milliers de personnes, en particulier des femmes et des enfants.
Les trafiquants profitent des inégalités sociales ainsi que de la vulnérabilité économique et sociale des personnes; ces facteurs ayant été exacerbés par la pandémie de COVID-19, il est plus facile pour les auteurs de trouver des victimes.
Par ailleurs, la pandémie a entravé l’accès des victimes à la justice, à une assistance et à un soutien et a enrayé la réaction de la justice pénale face à cette forme de criminalité. De plus, les trafiquants sont passés à un nouveau modèle économique de recrutement et d’exploitation en ligne des victimes, ce qui complique la tâche des autorités répressives et judiciaires.

Malgré les initiatives de prévention qui ont été prises, la demande de services fournis par des victimes exploitées n’a pas diminué. Dans l’Union, l’impunité des auteurs persiste, et le nombre de poursuites et de condamnations à l’encontre des trafiquants reste faible .
Il est possible que les règles minimales adoptées pour les victimes ne tiennent pas suffisamment compte de leurs besoins réels.
Il reste difficile d’enquêter sur les affaires transfrontières de traite d’êtres humains, car cela nécessite des ressources, de la coordination et une bonne communication entre les autorités compétentes.


1e axe:: Favoriser la prévention et la protection


La Commission:

  • continuera à aider les États membres à mettre en œuvre la directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains, notamment au moyen de financements spécifiques, en particulier en ce qui concerne les aspects liés à la dimension de genre et aux enfants;
  • lancera une étude pour l’évaluation de la directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains et, en fonction des résultats de cette évaluation, envisagera une révision de cette directive.


2e axe: Réduire la demande qui alimente la traite des êtres humains


La Commission:

  • évaluera la possibilité de modifier les dispositions de la directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains en ce qui concerne la possibilité d’ériger en infraction pénale l’utilisation de services fournis par des personnes exploitées dans le cadre de la traite des êtres humains;
  • examinera les moyens de renforcer l’efficacité de la directive relative aux sanctions à l’encontre des employeurs;
  • présentera une proposition législative sur la gouvernance d’entreprise durable afin de favoriser chez les entreprises un comportement durable et responsable à long terme;
  • fournira des orientations en matière de devoir de diligence concernant le travail forcé, dans le droit fil des orientations et principes internationaux en matière de devoir de diligence;
  • organisera, en collaboration avec les États membres et des organisations de la société civile, une campagne de prévention ciblant les secteurs et environnements à haut risque.


La Commission invite les États membres à:

  • continuer à mettre l’accent, dans le cadre de leurs initiatives en matière de prévention et de réponses de leur justice pénale, sur toutes les formes d’exploitation, y compris la traite à des fins d’exploitation sexuelle;
  • se prévaloir pleinement du soutien des agences compétentes de l’Union (telles qu’Europol, Eurojust, le CEPOL et Frontex) et intensifier le renforcement des capacités de leurs acteurs opérationnels, en matière d’identification des victimes potentielles de la traite des êtres humains;
  • améliorer les capacités des inspections du travail et des partenaires sociaux et faciliter la coopération interservices pour l’identification des victimes de la traite et pour la poursuite en justice des auteurs;
  • coopérer avec les agences de l’Union, en particulier avec Europol et avec l’Autorité européenne du travail, afin de lutter contre l’exploitation par le travail;
  • élaborer de nouvelles initiatives public-privé avec des entreprises dans les secteurs et environnements à haut risque;
  • encourager les initiatives en matière de devoir de diligence dans la chaîne d’approvisionnement mondiale des produits.


4e axe: Briser le modèle criminel pour mettre fin à l’exploitation des victimes


La Commission:

  • améliorera la collecte et l’enregistrement de données relatives à la traite des êtres humains afin de veiller à ce que des informations fiables et comparables soient disponibles;
  • facilitera la création d’un groupe de réflexion composé de procureurs spécialisés dans la lutte contre la traite des êtres humains;
  • renforcera la coordination des services répressifs dans les affaires transfrontières et internationales et soutiendra des réponses coordonnées multipartites, notamment en finançant des exercices de simulation;
  • renforcera la coopération entre les services répressifs et les autorités judiciaires des États membres au moyen de projets opérationnels concrets au titre du Fonds pour la sécurité intérieure;
  • mènera un dialogue avec le secteur privé et avec le secteur numérique et encouragera l’échange de bonnes pratiques avec le soutien des agences de l’Union.


Les États membres sont invités à:

  • utiliser pleinement les instruments de coopération opérationnelle existants, tels que les équipes communes d’enquête, avec le soutien d’Europol, et poursuivre la coopération opérationnelle dans le cadre de l’EMPACT;
  • échanger systématiquement des données sur les enquêtes concernant des affaires de traite d’êtres humains avec le soutien d’Europol;
  • améliorer les capacités numériques des services répressifs et le savoir-faire nécessaire pour suivre l’évolution des technologies.


5e axe: Protéger et soutenir les victimes

La Commission:

  • renforcera les capacités et l’échange de bonnes pratiques en matière d’identification des victimes de la traite des êtres humains, en particulier dans les groupes vulnérables, notamment au moyen d’un financement spécifique pour la formation des policiers, des travailleurs sociaux, des membres des services d’inspection et des garde-frontières;
  • facilitera les programmes de réinsertion et d’autonomisation des victimes et les échanges de bonnes pratiques;
  • permettra d’apporter un soutien financier ciblé aux refuges spécialisés destinés aux victimes de la traite des êtres humains (installations spécialisées pour les femmes et les enfants victimes de la traite), par l’intermédiaire du Fonds «Asile, migration et intégration» et du Fonds pour la sécurité intérieure;
  • veillera, dans les pays tiers partenaires, au financement d’ONG et de centres de ressources pour les migrants destinés à soutenir les victimes sur le plan psycho-social ;
  • renforcera les partenariats avec les pays hors UE afin de veiller à ce que les droits des victimes soient garantis à toutes les étapes du processus de retour et à ce que les victimes bénéficient à leur retour d’une assistance et d’une protection spécifiques.


6e axe: Dimension internationale


La Commission:

  • adoptera un plan d’action de l’UE contre le trafic de migrants (2021-2025);
  • intensifiera la coopération avec les pays tiers d’origine et de transit des victimes ainsi qu’avec les partenaires régionaux et internationaux;
  • utilisera les dialogues consacrés aux droits de l’homme et à la sécurité pour coopérer avec les pays partenaires;
  • renforcera la coopération avec le Conseil de l’Europe et son groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains;
  • soutiendra l’engagement systématique, par le service européen pour l’action extérieure, des délégations de l’Union dans certains pays au moyen d’une communication, d’actions et d’un échange d’informations réguliers et ciblés.


La Commission invite les États membres à:  

  • améliorer l’échange d’informations et de renseignements en matière pénale sur la traite des êtres humains, les formes de criminalité connexes et les réseaux criminels,
  • faciliter la coopération opérationnelle et judiciaire transfrontière et internationale dans les pays touchés par la traite des êtres humains, notamment dans les Balkans occidentaux, dans les pays du voisinage, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est.



synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


 

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