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mercredi 23 février 2022

"Code de coopération policière": le "cadre Prüm" est refondu

 


Une réforme quelque peu technique pour les non initiés est à l’œuvre. Elle n’en reste pas moins importante. L’enjeu ? Revoir les règles relatives à l'échange automatisé de données aux fins de la coopération policière dans le cadre de «Prüm». Avec cette proposition de règlement, il s’agit d'accélérer cet échange et de contribuer à l'identification des criminels.

Le nouveau cadre de «Prüm», comprend :

  • l'ajout d'images faciales de suspects et de criminels condamnés
  • l’inclusion de dossiers de police à l'échange automatisé de données,
  • la mise en place d'un routeur central auquel les bases de données nationales peuvent se connecter.




Un maillon du « code de coopération policière »

Cette proposition fait partie du paquet législatif destiné à composer le "code de coopération policière".
Ce code comprend une recommandation relative à la coopération policière opérationnelle et de nouvelles règles en matière de partage d'informations. il contribuera à améliorer les opérations transfrontières, établira des canaux et des délais clairs pour l'échange d'informations et accordera un rôle renforcé à Europol.
En outre, des règles révisées sur l'échange automatisé de certaines catégories de données permettront d'établir le lien beaucoup plus efficacement entre les actes criminels commis dans l'UE. C’est tout l’objet d’une telle proposition.



De quoi parle-t-on ?

L’objectif général de cette proposition est d’améliorer, de rationaliser et de faciliter l’échange d’informations aux fins de la prévention et de la détection des infractions pénales et terroristes ainsi que des enquêtes en la matière entre les services répressifs des États membres, mais aussi avec Europol en tant que plateforme centrale d’information sur la criminalité dans l’Union.

Le mécanisme de Prüm II repose sur le cadre Prüm actuellement en place, en le renforçant et en le modernisant. Il :

  • permettra l’interopérabilité avec d’autres systèmes d’information de l’Union;
  • garantira que toutes les données pertinentes dont disposent les services répressifs d’un État membre peuvent être utilisées par les services répressifs des autres États membres;
  • permettra également à Europol d’apporter son soutien aux États membres au titre du cadre Prüm.


Qu’est-ce que « Prüm » ?

Le traité relatif à l’approfondissement de la coopération transfrontalière, aussi appelé «traité de Prüm», a été signé par 7 pays européens le 27 mai 2005. D’autres pays ont adhéré ultérieurement au traité (Bulgarie, Roumanie, Slovénie, Finlande, Hongrie, Estonie, Slovaquie).
Le 23 juin 2008, d’importantes parties du traité ont été transposées en droit européen avec l’adoption de la décision 2008/615/JAI du Conseil. Au même moment, le Conseil a adopté la décision 2008/616/JAI concernant la mise en œuvre de la décision 2008/615/JAI (considérées ensemble, ces deux décisions sont appelées les «deux décisions Prüm»).


Adoptées en 2008 dans le but de soutenir la coopération policière et judiciaire transfrontalière en matière pénale, ces deux décisions Prüm prévoient l’échange automatisé de données spécifiques (profils ADN, empreintes digitales et données relatives à l’immatriculation des véhicules) entre les autorités chargées de la prévention et de la détection des infractions pénales ainsi que des enquêtes en la matière.
Or, il subsiste encore des lacunes dans le domaine de l’échange d’informations.

Ainsi, le cadre Prüm ne dispose d’aucune composante ou base de données centrale au niveau de l’Union et il n’est utilisé que dans le cadre d’enquêtes en matière pénale.
Il permet aux autres États membres d’accéder aux sous-ensembles dépersonnalisés des bases de données nationales de profils ADN et d’empreintes digitales des services répressifs de tous les États membres connectés. Cet accès est accordé uniquement aux points de contact nationaux.
Alors que la réponse comportant le résultat (concordance ou non-concordance) est fournie en quelques secondes ou minutes, il peut s’écouler des semaines, voire des mois, avant de recevoir les données à caractère personnel correspondantes liées à la concordance.


Quels sont les 4 objectifs de cette proposition ?


Cette proposition vise à :

  • fournir une solution technique pour un échange automatisé efficace de données. Cette initiative prévoit la création d’une nouvelle architecture qui permette un échange de données plus facile et plus rapide entre les États membres et qui garantisse un niveau élevé de protection des droits fondamentaux ;
  • faire en sorte qu’un plus grand nombre de données (en ce qui concerne les catégories de données) provenant des bases de données nationales des autres États membres soient mises à la disposition de l’ensemble des services répressifs;
  • faire en sorte que les données (en ce qui concerne les sources de données) provenant des bases de données d’Europol soient mises à la disposition des services répressifs;
  • fournir aux services répressifs un accès efficace aux données réelles correspondant à une «concordance» qui sont disponibles dans la base de données nationale d’un autre État membre.



Pourquoi une révision du dispositif actuel Prüm?

Il ressort de l’évaluation des décisions Prüm que leur mise en œuvre au cours des dix dernières années a été lente et que tous les États membres n’ont pas pris les mesures nécessaires pour les appliquer.
En conséquence, un certain nombre de connexions bilatérales n’ont pas été établies et il est impossible d’interroger les bases de données de certains États membres.

Les résultats de l’évaluation ont également montré que la suite donnée aux concordances repose sur le droit national et ne relève par conséquent pas du champ d’application des décisions Prüm.
Les différences entre les règles et procédures nationales peuvent entraîner, dans plusieurs cas, des délais importants avant que les autorités compétentes ne reçoivent des informations à la suite d’une concordance.
Cet état de fait nuit au fonctionnement du mécanisme de Prüm ainsi qu’à l’échange efficace d’informations entre les États membres en diminuant la possibilité d’identifier les criminels et de détecter les liens transfrontaliers entre les infractions.


D’où vient-t-on ?


Dans ses conclusions sur la mise en œuvre des décisions Prüm dix ans après leur adoption, le Conseil a souligné l’importance de la consultation et de la comparaison automatisées de profils ADN, de données dactyloscopiques et de données relatives à l’immatriculation des véhicules pour lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontière.
Le Conseil a également demandé à la Commission d’envisager de réviser les décisions Prüm en vue d’en élargir le champ d’application et de mettre à jour les exigences techniques et juridiques nécessaires.

Dans sa récente stratégie Schengen, la Commission a annoncé plusieurs mesures visant à approfondir la coopération policière et l’échange d’informations entre les services répressifs afin de renforcer la sécurité dans un espace sans frontières intérieures, intrinsèquement interdépendant.
Conjuguée à la proposition de directive relative à l’échange d’informations entre les services répressifs des États membres, la présente proposition contribue à la réalisation des objectifs de cette stratégie en garantissant que les services répressifs d’un État membre ont accès aux mêmes informations que celles dont disposent leurs homologues d’un autre État membre.


Une nouvelle étape dans l’interopérabilité

La proposition s’inscrit dans le paysage plus large des systèmes d’information de l’Union à grande échelle qui a considérablement évolué depuis l’adoption du cadre Prüm.
Il s’agit des trois systèmes d’information centraux de l’Union qui sont en service, à savoir le système d’information Schengen (SIS), le système d’information sur les visas (VIS) et le système Eurodac.
En outre, 3 nouveaux systèmes sont actuellement en phase de développement:

  • le système d’entrée/de sortie (EES),
  • le système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) ,
  • le système centralisé permettant d’identifier les États membres détenant des informations relatives aux condamnations concernant des ressortissants de pays tiers et des apatrides (ECRIS-TCN).

Tous ces systèmes actuels et futurs sont reliés par le cadre pour l’interopérabilité des systèmes d’information de l’Union pour la sécurité, les frontières et la gestion des migrations, qui a été adopté en 2019 et dont la mise en place est en cours.


Une structure centralisée sans centre


La proposition prévoit la création de routeurs centraux [le routeur Prüm II et le système d’index européen des registres de la police (EPRIS)] qui feraient chacun office de point de connexion entre les États membres.
Il s’agit d’une approche hybride entre une solution décentralisée et une solution centralisée, sans qu’aucune donnée ne soit stockée au niveau central.

Une telle approche impliquera que les bases de données nationales de chaque État membre seront toutes connectées au routeur central au lieu d’être connectées les unes aux autres.
Ces routeurs serviraient de courtiers de messages qui transmettraient les opérations de recherche et les réponses aux systèmes nationaux, sans créer de nouveaux processus de traitement de données, élargir les droits d’accès ou remplacer les bases de données nationales.

Cette approche permettrait aux services répressifs de disposer d’un accès rapide et contrôlé aux informations dont ils ont besoin pour s’acquitter de leurs tâches, conformément à leurs droits d’accès. Le routeur faciliterait la mise en œuvre par les États membres des échanges de données existants et futurs au titre du cadre Prüm.


De nouvelles catégories de données


L’échange automatisé de catégories de données supplémentaires, telles que des images faciales et des registres de la police, est crucial pour l’efficacité des enquêtes en matière pénale et pour l’identification des criminels.
L’introduction de ces catégories de données supplémentaires n’entraînerait pas le stockage de nouvelles catégories de données, car les États membres les collectent déjà en vertu du droit national et les stockent dans des bases de données nationales.

L’échange de ces nouvelles catégories de données constituerait un nouveau traitement de données.
Il serait toutefois limité à la mesure nécessaire pour réaliser son objectif. Il ne permettrait de comparer les données qu’au cas par cas.

 

Et Europol ?

Grâce cette proposition, Europol fera partie intégrante du cadre Prüm. L'office :

  • permettra aux États membres de vérifier automatiquement les données biométriques obtenues auprès de pays tiers et détenues par Europol ;
  • pourrait également vérifier les données obtenues auprès de pays tiers par rapport aux bases de données nationales des États membres.

Ces deux aspects de la contribution d’Europol prévus dans le nouveau cadre Prüm, conformément aux missions d’Europol, garantiraient qu’aucune faille n’apparaisse en ce qui concerne les données relatives à la grande criminalité et au terrorisme reçues de pays tiers.


Quel coût ?

  • S’agissant de l’agence européenne eu-LISA, selon les estimations, un budget supplémentaire de 16 millions d’euros et de 10 postes supplémentaires seraient nécessaires pour l’ensemble de la période du cadre financier pluriannuel (CFP).
  • S’agissant d’Europol, selon les estimations, un budget supplémentaire de 7 millions d’euros et de 5 postes supplémentaires seraient nécessaires pour l’ensemble de la période du CFP.

 

synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


 

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