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vendredi 16 février 2024

Immigration clandestine: un rapport critique sévèrement le mécanisme d'expulsion ainsi que la coopération avec les Britanniques

 


La Cour des Comptes note que que la France peine à développer des dispositifs de coopération opérationnelle avec ses voisins, en particulier avec les Britanniques. Quant à l’éloignement des migrants à expulser, il subit un enchaînement d’obstacles structurels. La Cour indique qu'en moyenne, une journée de rétention s’élève plus de 600 € et une expulsion à plus de  4000 €.



Empêcher les traversées : un taux d’échec important malgré les sommes investies

La sécurisation accrue des infrastructures terrestres sur le littoral français a fortement limité les possibilités de passage : les intrusions via le lien fixe transmanche  sont passées de 62 051 en 2015 à 20 en 2022. Cela a entraîné un report des flux migratoires irréguliers vers le vecteur maritime.
La France a accepté de mettre en œuvre un dispositif de prévention des traversées, en échange d’un financement britannique. Entre 2018 et 2022, la France a perçu un total de 222 M€.

En conséquence du Brexit et de ces accords, des renforts importants ont été affectés à la zone Nord.
Pourtant, le taux de mise en échec des traversées varie peu. entre 2021 et 2022, le taux de mise en échec des traversées varie peu et il s’établit autour de 56 %., il s’établit autour de 56 %.


Une coordination encore décevante avec le Royaume-Uni

Malgré la déclaration commune des ministres de l’intérieur français et britannique du 14 novembre 2022, qui se sont engagés à améliorer le travail de démantèlement de la criminalité organisée et des réseaux, la Cour a constaté que les Britanniques ne communiquent pas de renseignements exploitables sur les départs des « small boats » et donnent des informations de premier niveau, très générales et non recoupées. Concernant les conditions d’arrivées des migrants, les références ou numéros de série des bateaux et des moteurs, les nationalités, les informations semblent très parcellaires. Selon la Cour des comptes, la relation entre la France et le Royaume-Uni est donc déséquilibrée en termes d’échanges d’informations et de renseignements.


La gestion des étrangers en situation irrégulière : des administrations et des juridictions sous pression

D’après la Cour des Comptes, les administrations et juridictions chargées de la gestion administrative des personnes en situation irrégulière peinent à assurer leurs missions. En effet, la mise en œuvre des réformes législatives et réglementaires est conditionnée à la
« capacité à faire » des administrations concernées, en fonction de leurs moyens et de leur organisation.
La plupart des préfectures sont surchargées, commettent régulièrement des erreurs de droit face à un cadre juridique particulièrement complexe, et rencontrent des difficultés à respecter les délais légaux. En outre, elles n’assurent quasiment plus la défense contentieuse de leurs décisions devant les juridictions administratives. Celles-ci sont également saturées par ce contentieux de masse, qui a représenté 41 % des affaires des juridictions administratives en 2021.

Identifier et suivre : des trous dans le réseau
 
La population des étrangers en situation irrégulière est, par   définition, difficile à suivre. Néanmoins, les personnes en situation irrégulière « apparaissent » dans de nombreuses procédures administratives lors de leur parcours migratoire. Une douzaine de systèmes d’information visent à contrôler les frontières et les étrangers qui les franchissent.
Or, ces systèmes d’information sont insuffisamment interconnectés, ce qui ne permet pas aux préfectures de disposer d’une vision complète du parcours de chacun, de son entrée à la sortie du territoire, d’autant que le logiciel AGDREF3 de gestion des étrangers en France est obsolète. Un rapprochement de ces différents systèmes d’information apparaît dès lors nécessaire.
Par ailleurs, les logiciels du ministère de l’intérieur communiquent insuffisamment avec les bases de données des autres ministères : le prononcé d’une obligation de quitter le territoire français n’est pas automatiquement transféré aux organismes de sécurité sociale ou aux bailleurs sociaux, ce qui peut entraîner le versement indu de prestations sociales.

Des centres de rétention sous pression

Entre 2019 et 2022, 5 % des étrangers en situation irrégulière titulaires d’une obligation de quitter le territoire français ont été placés dans l’une des 1 717 places disponibles en CRA. Près de la moitié des personnes placées en centre de rétention administrative ont été effectivement éloignées, ce qui rend la rétention indispensable à l’efficacité de l’éloignement forcé.

La faible exécution des mesures d’éloignement a conduit le ministère de l’intérieur à prioriser les moyens déployés pour l’éloignement forcé sur les individus qui présentent une menace à l’ordre public ou ont fait l’objet d’une condamnation pénale récente.
Depuis août 2022, ces personnes sont placées de manière prioritaire en rétention administrative : elles représentaient plus de 90 % des retenus à la fin de l’année 2022, contre moins de 50 % six mois auparavant. Le changement rapide des profils placés en rétention a des conséquences importantes sur la gestion des centres de rétention administrative : le délai moyen de rétention s’est allongé, les dégradations et incidents ont augmenté.
Certes, le ministère a engagé un plan de construction de nouvelles places en centre de rétention administrative pour atteindre 3 000 lits, mais il se heurte à des difficultés pour affecter des nouveaux personnels sur ces métiers peu attractifs.
Par ailleurs, la Cour des comptes évalue le coût de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière à environ 1,8 Md€ par an, porté à 90 % par le ministère de l’intérieur. Le coût d’une journée de rétention s’élève à 602 € tandis qu’un éloignement forcé effectif coûte en moyenne 4 414 €.

Expulser : le parcours du combattant

Malgré l’existence d’une rétention administrative, seule une petite minorité – autour de 10 % – des obligations de quitter le territoire français sont exécutées. Plusieurs obstacles expliquent ce faible taux d’exécution. L’administration peine à démontrer l’identité des étrangers en situation irrégulière, qui souvent ne possèdent pas de document d’identification ou l’ont détruit à dessein.
De nombreux pays d’origine sont réticents à délivrer un laissez-passer consulaire à leurs ressortissants, pourtant indispensable à leur éloignement en l’absence de passeport. La mise en œuvre de l’éloignement forcé, qui s’effectue majoritairement par vol commercial, se heurte fréquemment au refus d’embarquement de la personne étrangère ou de la compagnie aérienne.

L’aide au retour : une occasion manquée

Pour ces profils expulsables, l’aide au retour volontaire peut être l’une des réponses possibles. Elle vise à encourager le départ d’une personne étrangère en situation irrégulière de manière non coercitive, en lui versant une somme d’argent allant jusqu’à 2 500 €. Avec 4 979 retours aidés exécutés en 2022, la France accuse un retard notable par rapport à ses voisins européens (26 545 en Allemagne en 2022), en particulier à cause de paramètres trop rigides en matière de publics éligibles, de montant de l’aide et de durée de séjour en France. L’aide au retour volontaire est pourtant nettement moins coûteuse qu’un éloignement forcé. Malgré la réforme récente, la Cour recommande d’assouplir ce dispositif pour le rendre plus attractif.

Une coordination interministérielle à parfaire

La Cour des comptes note que l’immigration irrégulière affecte en réalité un vaste nombre de ministères. La politique de lutte contre l’immigration clandestine conduite par le ministère de l’intérieur a des conséquences importantes pour d’autres domaines de l’action publique situés en aval, comme l’hébergement d’urgence, le travail ou la santé. À l’inverse, le ministère de l’intérieur est lui-même tributaire des actions menées par d’autres administrations, comme la délivrance des visas et l’organisation du contentieux.
La constitution de la direction générale des étrangers en France (DGEF) en 2013 a concentré sur le ministère de l’intérieur l’essentiel des moyens d’actions et des pouvoirs, entraînant la suppression des services chargés de la politique migratoire dans les autres ministères. Dans ce contexte, la coordination interministérielle, en particulier avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, est insuffisamment développée.

synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 
A lire sur securiteinterieure.fr  les 2 autres parties du rapport:

 

A lire aussi sur securiteinterieure.fr : 

 

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