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jeudi 22 février 2024

Bilan en matière de gestion des frontières extérieures : Frontex obtient la moyenne

 


C’est en ces termes qu’il est possible de résumer en substance le rapport d’évaluation de l’agence. Son action est y jugée bénéfique. Les Etats membres sont satisfaits de son intervention opérationnelle et l’implication des nouveaux garde-frontières est jugée utile. Pour toutes ces raisons, aucune refonte législative n’est en vue.
Pour autant, le rapport pointe plusieurs faiblesses, par exemple le système européen de surveillance et de détection des mouvements suspects généré par l’agence, ou bien encore les obstacles en matière de recrutement de profils spécialisés. Il souligne un défi à relever à l’avenir, à savoir la capacité de l’agence de développer une vision stratégique pour anticiper les évolutions sécuritaires.


Que dit le rapport dans les grandes lignes ?

L’évaluation se conclut par un bilan positif en ce qui concerne la pertinence et la valeur ajoutée européenne du règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (le «règlement de 2019»).
L’évaluation a mis en évidence un certain nombre de difficultés qui limitent actuellement l’efficacité du règlement. Certaines dispositions du règlement pourraient certes être plus claires (par exemple, en ce qui concerne les droits fondamentaux), mais la plupart des difficultés recensées ne découlent pas du règlement lui-même; elles résultent plutôt de faiblesses organisationnelles, techniques ou opérationnelles, qui prennent principalement la forme de retards, dans sa mise en œuvre (par exemple, absence de structure de commandement claire pour le contingent permanent, lacunes dans certains profils du contingent permanent).
Enfin, une autre série de problèmes sapant l’efficacité de la mise en œuvre découle de certaines limitations (comme le manque de reconnaissance des pouvoirs exécutifs conférés au contingent permanent dans la législation nationale de certains États membres) ou de l’existence de dispositions de la législation de l’UE qui vont au-delà du règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes lui-même (régissant, par exemple, le traitement des données à caractère personnel par l’Agence).


Un corps européen qui fonctionne bien et qui est apprécié

En dépit des retards, le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes fonctionne bien, compte tenu de l’état actuel de mise en œuvre. Il a largement atteint ses objectifs de la manière escomptée, certaines activités clés devant encore être pleinement mises en œuvre. L’objectif reste d’atteindre d’ici à 2027 le nombre prévu de 10 000 membres du personnel du contingent permanent pleinement opérationnels.

L’Agence a accompli des progrès importants dans le recrutement d’agents de catégorie 1 du contingent permanent, faisant passer le nombre d’agents de catégorie 1 pouvant être déployés de 678 18 à la fin de 2022 à 970 en septembre 2023. L’Agence a donc presque atteint le nombre requis de personnel déployable en 2023.

L’Agence a également déclaré 450 agents de catégorie 2 du contingent permanent détachés et 3 899 agents de catégorie 3 du contingent permanent nommés. L’objectif de 1 500 membres du contingent permanent de catégorie 4 fixé pour 2023 a été atteint.

La réserve de réaction rapide (catégorie 4) a été créée pour répondre à des besoins imprévus avant que le contingent permanent n’atteigne une masse critique. Jusqu’à présent, il n’a pas été nécessaire d’utiliser cette réserve.
La taille des contributions nationales est considérée comme conforme aux capacités nationales. Les contributions individuelles des États membres varient de 0,14 % à 1,5 % des capacités nationales. La répartition actuelle s’est révélée efficace.
Même si la création du contingent permanent en est encore à ses débuts, elle a déjà fait la preuve de sa valeur ajoutée et son soutien opérationnel est apprécié par les États membres.


Un soutien efficace qui répond  pleinement aux besoins opérationnels

Depuis 2019, l’Agence a renforcé son soutien opérationnel aux États membres dans divers domaines relevant de son mandat, répondant ainsi en grande mesure à leurs besoins. Le nombre d’opérations conjointes menées entre 2020 et 2023 n’a cessé d’augmenter.
En 2023, l’Agence a lancé 24 opérations conjointes, contre 15 en 2020, 19 en 2021 et 20 en 2022, et elle comptait 2 874 personnes déployées à la mi-octobre 2023, contre 1 122 en 2020. Au cours de la période soumise à évaluation, l’Agence a pris de plus en plus d’initiatives en proposant un soutien opérationnel aux États membres sur la base de sa propre analyse des priorités opérationnelles.

Frontex a également continué d’accroître le soutien aux États membres dans les activités liées aux retours. En 2022, l’Agence a apporté un soutien au retour effectif de 24 868 ressortissants de pays tiers, soit une augmentation de 36 % par rapport à l’année précédente.


Une agence à la gouvernance saine et dont le soutien s’étend

En 2022, Frontex a renforcé son engagement opérationnel dans les pays partenaires en élargissant sa zone opérationnelle et en renforçant sa capacité opérationnelle. En octobre 2023, Frontex comptait près de 600 membres du personnel déployés dans le cadre de dix opérations conjointes dans huit pays tiers 12 . Une nouvelle opération («Joint Operation North Macedonia») a été lancée en 2023 sur la base de l’accord sur le statut entre la Macédoine du Nord et l’Union européenne, qui est entré en vigueur en avril 2023.

L’analyse de la structure de gouvernance de Frontex montre qu’il existe une répartition claire des tâches entre le conseil d’administration et le directeur exécutif. La structure de contrôle de l’Agence, qui associe le Parlement européen, le Conseil et la Commission, est également claire et efficace.


Pas d’augmentation d’effectifs, ni de modification réglementaire

L’évaluation note que le règlement de 2019 reste pertinent pour faire face à la situation actuelle et à son évolution future aux frontières extérieures de l’UE
Bien que ce processus nécessite des efforts considérables de la part de l’Agence et des États membres, les résultats du réexamen, compte tenu également de la situation actuelle aux frontières extérieures de l’UE, ne justifient pas d’ajustements à ce stade.
La taille et la composition du contingent permanent, ainsi que les contributions annuelles à fournir par les États membres, telles que définies dans les annexes du règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, restent justifiées et proportionnées.

La mise en place du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes nécessite également des efforts importants de la part des États membres et certains sont confrontés à des difficultés pour renforcer leurs propres capacités.
Les contributions au contingent permanent définies par le règlement semblent dans l’ensemble suffisantes pour atteindre les objectifs du règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, étant donné que l’Agence a pu répondre à la quasi-totalité des demandes d’assistance urgentes des États membres.


Droits fondamentaux : pas de renforcement de la responsabilité

L’évaluation attire l’attention sur la question de savoir dans quelle mesure Frontex peut être tenue responsable des actes des États membres et comment les actions de l’Agence pourraient contribuer efficacement à garantir que les États membres hôtes respectent les droits fondamentaux dans le cadre des activités conjointes, telles que les opérations conjointes.

Si l’article 46 constitue un outil essentiel à la disposition de l’Agence, il ne devrait être utilisé qu’en dernier recours, étant donné que l’évaluation suggère que la présence de Frontex peut contribuer de manière positive à un meilleur respect global des droits fondamentaux.
Par conséquent, l’évaluation conclut qu’à ce stade, il n’est pas nécessaire de modifier l’article 46.


Premier écueil : un système EUROSUR à optimiser
 
Le système EUROSUR n’est toujours pas en mesure d’apporter une connaissance complète et entièrement actualisée de la situation aux frontières extérieures de l’UE. Cela s’explique principalement par des problèmes de mise en œuvre, tels que le fait que tous les États membres ne signalent pas les événements se produisant aux frontières avec la même exhaustivité ou la même régularité.

A ce sujet, en ce qui concerne la connaissance de la situation, il sera envisagé de prendre des mesures qui fournissent un tableau de situation et une analyse des risques précis, complets et actualisés.
Cet objectif peut être atteint, par exemple, en incluant mieux les données d’évaluation de la vulnérabilité dans les produits d’analyse des risques et en poursuivant le développement d’EUROSUR.
Ces mesures feront l’objet d’une réflexion plus approfondie afin que ces produits analytiques puissent mieux soutenir la prise de décision opérationnelle.


Deuxième écueil : une dimension « Retour » à prendre davantage en considération

Outre la gestion des frontières extérieures, le règlement de 2019 charge explicitement Frontex de fournir une assistance technique et opérationnelle dans la mise en œuvre des mesures de retour. Or, il ressort de l’évaluation que la coopération entre l’Agence, les autorités nationales chargées des procédures de retour et la Commission européenne peut encore être améliorée.

Une autre constatation est que les autorités chargées des procédures de retour ne sont pas encore suffisamment représentées au sein du conseil d’administration.
À l’heure actuelle, les États membres au sein du conseil d’administration continuent d’être représentés principalement par leurs autorités nationales chargées de la gestion des frontières, qui ne sont souvent pas compétentes en matière de retour.
Les activités de retour occupent une place de plus en plus importante dans le nouveau mandat de l’Agence.
En conséquence, il est essentiel que le conseil d’administration assure un pilotage stratégique approprié des questions liées aux retours, avec la possibilité d’envisager également des discussions lors des réunions de la table ronde de haut niveau.


Troisième écueil : une réponse imparfaite concernant les profils spécialisés

L’évaluation note que la composition actuelle du contingent permanent doit être affinée pour correspondre davantage aux besoins opérationnels. Il existe des lacunes dans la disponibilité de certains experts et profils spécialisés.

Le réexamen conclut que l’évolution des tendances migratoires nécessite un déploiement souple et flexible de l’aide aux États membres, afin de combler les lacunes et de contribuer à gérer des situations inattendues.
Dans ce contexte, l’augmentation récente de la migration irrégulière met également en évidence la nécessité de lutter plus efficacement contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains. En outre, les défis en matière de sécurité, qui vont du terrorisme aux menaces hybrides, sont en augmentation, comme en témoignent les derniers attentats en Europe.
Des cas d’instrumentalisation de la migration, qui sont des tentatives pour déstabiliser l’UE et ses États membres, ont également été signalés.
Pour ce faire, l’Agence doit davantage se tourner vers l’avenir et mieux prévoir les nouvelles tendances.
Les États membres, quant à eux, doivent répondre efficacement aux demandes de déploiement de personnel de l’Agence. Cela exige également que les profils spécifiques de certains membres du contingent permanent, qui définissent leur rôle opérationnel, puissent être adaptés à l’évolution de la situation.


Quatrième écueil : des points à clarifier concernant le statut

En outre, il convient de remédier à certaines limitations découlant du statut des fonctionnaires de l’UE qui ont une incidence sur l’efficacité du déploiement du personnel de catégorie 1 du contingent permanent, telles que les conditions de travail.
Le siège de l’Agence à Varsovie ne devrait compter qu’un nombre très limité de membres du contingent permanent affectés à des fonctions de soutien.

Les actions garantissant un niveau satisfaisant de formation répondant aux besoins opérationnels, en particulier pour la catégorie 1 du contingent permanent et l’efficacité des procédures de recrutement, sont particulièrement importantes.
En outre, il est aussi nécessaire d’examiner plus avant comment remédier à certains problèmes découlant du statut des fonctionnaires de l’UE, ou de ses règles d’exécution, pour le personnel du contingent permanent de catégorie 1 afin que le personnel statutaire en uniforme de l’Agence soit pleinement opérationnel.

Outre les problèmes recensés concernant sa formation, le personnel statutaire est également confronté à d’autres difficultés qui l’empêchent de faire pleinement usage de ses compétences.
Ces questions doivent également être abordées afin de garantir que le contingent permanent fonctionne de manière professionnelle et efficace.
Par exemple, les procédures d’accès aux bases de données nationales, les problèmes linguistiques et la dépendance à l’égard de l’État membre hôte dans plusieurs domaines administratifs et procéduraux limitent la capacité du personnel à travailler de manière indépendante.


Un défi à venir : le renforcement de la coopération avec Europol

 
La coopération de Frontex avec d’autres agences de l’UE, telles qu’Europol, et avec des pays tiers a été entravée dans une certaine mesure par des retards dans la mise en œuvre d’un cadre approprié de protection des données à caractère personnel permettant un échange efficace d’informations.
Les règles nécessaires en matière de protection des données ont été adoptées par le conseil d’administration de Frontex au début de 2024.

La coopération entre Frontex et Europol en particulier doit être intensifiée afin de renforcer la lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains.
La conclusion d’un arrangement de travail entre les deux agences, qui est en cours de négociation, facilitera notamment le transfert de données à cette fin.


Un autre défi à venir : le renforcement d’une vision stratégique


Le rapport indique qu’il importe de continuer à suivre l’évolution des besoins opérationnels afin de veiller à ce que le contingent permanent reste apte à réagir à la situation en constante évolution aux frontières extérieures de l’UE.
En outre, il est essentiel que l’Agence et les États membres mettent en œuvre le cycle stratégique d’orientation politique pluriannuel pour la gestion européenne intégrée des frontières et le processus connexe de planification intégrée des opérations et de planification d’urgence.

En outre, l’évaluation souline le fait qu’il est essentiel de garantir une vision stratégique à long terme, une planification et une prévisibilité pour les investissements clés dans les capacités au sein de l’Agence et des États membres.
À cette fin, il est clairement nécessaire d’élaborer et de mettre à jour régulièrement la feuille de route sur les capacités et les plans nationaux de développement capacitaire. Le processus de planification intégrée du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes doit également être élaboré et mis en œuvre.
Cette étape est essentielle pour garantir des déploiements rapides et flexibles en fonction des besoins opérationnels.


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

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