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jeudi 15 avril 2021

Seulement un tiers des clandestins sont effectivement renvoyés et dont un tiers sur une base volontaire: l’expulsion, toujours le talon d’Achille de la politique migratoire

 


La Commission européenne a remis sa première évaluation annuelle de la coopération en matière de réadmission avec les pays non UE. Les chiffres sont édifiants : sur le nombre total de personnes qui doivent être renvoyées, seul un tiers d’entre elles retournent effectivement chez elles et, parmi elles, moins de 30 % le font sur une base volontaire. Plusieurs raisons expliquent ces résultats peu satisfaisants en matière de retour et de réadmission comme la longueur des procédures et les difficultés à prévenir les fuites.


Il existe malgré tout des signes encourageants. Par exemple, la coopération de près d’un tiers des pays couverts par cette évaluation fonctionne bien. Le rapport préconise dès lors toute une série de pistes, par exemple un cadre commun pour les retours volontaires ou encore des mesures de rétorsion imposées à un pays partenaire qui bénéficie de mesures favorables en matière de visas.

De quoi parle-t-on ?

Cette présente communication expose les conclusions générales de la première évaluation annuelle de la coopération des pays partenaires en matière de réadmission.

Afin de faire progresser concrètement la coopération en matière de réadmission, en octobre 2018, le Conseil européen  a recommandé de mobiliser les moyens d’incitation nécessaires en faisant appel à l’ensemble des politiques, instruments et outils pertinents de l’UE, y compris la politique des visas. Le code des visas révisé impose à la Commission d’évaluer chaque année le niveau de coopération avec les pays tiers en matière de réadmission et d’en rendre compte au Conseil.

Dans ce contexte, la Commission a réalisé sa première évaluation factuelle au titre du code des visas. Cette évaluation est fondée sur des données quantitatives et qualitatives fournies par les États membres et les pays associés à l’espace Schengen et sur les données collectées par Eurostat et Frontex sur les retours et les arrivées irrégulières.

Le processus de collecte des données et sa portée géographique ont été définis en accord avec le Conseil. Il a donné lieu à l’évaluation des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à une obligation de visa de court séjour et à propos desquels plus de 1 000 décisions de retour ont été prises en 2018.

Quel est l’enjeu ?

Le nouveau pacte sur la migration et l’asile prévoit une approche globale de la migration, qui regroupe tous les volets stratégiques pertinents en vue de créer un système durable et à long terme au sein de l’Union européenne.

Ce nouveau pacte souligne l’importance de partenariats globaux, équilibrés, adaptés et mutuellement bénéfiques en matière de migration avec des pays non UE. La réadmission effective constitue un élément important dans ce cadre. 


Il ouvre la voie à un système commun de l’UE en matière de retour, dans lequel une approche uniforme et cohérente garantirait que les retours satisfont aux objectifs généraux de la politique de l’UE en matière de migration et d’asile. Pour ce faire, il est nécessaire d’améliorer les procédures qui réduisent la fragmentation des approches nationales et de renforcer la coopération et la solidarité entre tous les États membres.

Quel est le panorama actuel ?


Des accords spécifiques contribuent à faciliter la réadmission et à clarifier le système tant pour l’Union que pour le pays tiers. À ce jour, l’Union a conclu 18 accords et 6 arrangements  en matière de réadmission. Des négociations concernant des accords de réadmission sont en cours avec le Nigeria, la Tunisie, le Maroc et la Chine.

Des dispositions relatives à la réadmission sont également présentes dans des accords plus généraux de l’UE avec certains pays tiers ou régions, comme l’accord succédant à l’accord de Cotonou entre l’UE et 79 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), au sujet duquel des négociations ont été récemment menées à terme. Les États membres disposent également d’instruments de réadmission bilatéraux avec des pays tiers.

Les financements de l’Union prévus dans le prochain cadre financier pluriannuel (CFP), notamment le fonds «Asile, migration et intégration» (FAMI), l’instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas (IGFV), l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI), y compris l’objectif de 10 % pour les actions liées à la migration, et l’instrument d’aide de préadhésion (IAP III).

Une bonne coopération avec les pays non-UE

L’évaluation de la coopération des pays tiers en matière de réadmission repose sur un ensemble complet d’indicateurs afin d’évaluer les pratiques tout au long du processus de réadmission – de l’identification des migrants en situation irrégulière à la délivrance des documents de voyage jusqu’au retour effectif.

Sur la base de l’évaluation, et tandis que les contextes dans les pays partenaires varient grandement, il semble que la coopération de près d’un tiers des pays couverts par l’évaluation de 2020 fonctionne bien avec la plupart des États membres.

Les données et informations des États membres confirment que tous les accords de réadmission conclus au niveau de l’UE présentent une valeur ajoutée importante en facilitant la coopération en matière de réadmission. C’est également le cas de quatre des six arrangements en matière de réadmission. Les instruments de réadmission bilatéraux des États membres, qui contribuent à structurer la coopération de la même façon, sont dans l’ensemble respectés par les pays tiers.

…enfin presque, car il y a beaucoup d’obstacles

Pour près d’un autre tiers, le niveau de coopération est moyen et des améliorations sont nécessaires concernant certains États membres, tandis que pour le dernier tiers, le niveau de coopération doit être amélioré avec la plupart des États membres concernés.
Si les instruments de réadmission bilatéraux des États membres sont dans l’ensemble respectés par les pays tiers, le niveau de coopération varie malgré tour en fonction de l’instrument.

En outre, la coopération est rarement établie avec les États membres qui ne disposent pas d’un tel instrument. Cela peut donner lieu à un affaiblissement général du niveau de coopération pour l’Union européenne dans son ensemble. 


Enfin, pour un certain nombre de pays tiers, très peu d’États membres ont mis en place un quelconque type d’instrument de coopération.
L’évaluation indique que les principaux obstacles sont l’identification des migrants en situation irrégulière et la délivrance des documents de voyage. Une fois que ces processus ont été menés à terme avec succès, l’organisation des vols et le retour effectif se déroulent généralement sans problème.

Quelles sont les difficultés rencontrées par le processus d’expulsion ?

Les cadres juridiques et administratifs en matière de retour des États membres varient considérablement, chaque système national présentant des failles et de bonnes pratiques.  

Les principaux obstacles à une politique efficace en matière de retour sont notamment :

  • les hiatus importants entre les procédures d’asile et de retour,
  • la longueur des procédures, notamment au stade du recours,
  • les difficultés à prévenir les fuites,
  • l’insuffisance des ressources et des infrastructures
  • la capacité limitée des administrations à assurer le suivi des décisions de retour.

La pandémie de COVID-19 a rendu encore plus complexe le fonctionnement des opérations de retour et de réadmission.

Et plus précisément ?

Malgré la préférence générale des États membres pour les retours volontaires, des difficultés persistent pour fournir une aide suffisante aux migrants en situation irrégulière souhaitant quitter le territoire sur une base volontaire.

On observe actuellement une grande différence entre le nombre de décisions de retour rendues et le nombre de demandes de réadmission dans des pays tiers.
Les États membres ont tendance à ne pas lancer le processus de réadmission lorsqu’ils ne sont pas certains que le pays partenaire coopérera pour identifier ses ressortissants et leur délivrer de nouveaux documents. 


En outre, des obstacles peuvent surgir à différents stades du processus – par exemple, lorsque les États membres donnent suite à une décision de retour en adressant une demande de réadmission ou une demande d’identification et de délivrance de nouveaux documents au pays tiers concerné.

En outre, le refus, par certains pays, des personnes faisant l’objet d’une décision de retour et n’étant pas volontaires soulève également des préoccupations.
Le refus de vols charters, notamment lorsque le nombre de personnes faisant l’objet d’une décision de retour est élevé, ou l’imposition de conditions supplémentaires pour les opérations de retour compromettent ou retardent encore le processus de retour.

Quels sont les solutions envisagées ?

Dans ce rapport, La Commission préconise de:

  • surveiller systématiquement la mise en œuvre des règles en matière de retour, notamment au moyen du mécanisme d’évaluation de Schengen et, le cas échéant, de procédures d’infraction s’agissant de la mise en œuvre des procédures de retour telles que l’adoption des décisions de retour et leur application effective;
  • adopter une stratégie de retour volontaire et de réintégration, qui contribuera à mettre en place un cadre commun pour les retours volontaires et la réintégration. Il s’agit d’établir un système de retour volontaire cohérent dans l’ensemble des États membres de l’UE ;
  • renforcer la capacité de l’Union à soutenir la réintégration durable des personnes faisant l’objet d’une décision de retour ;
  • en liaison avec le haut représentant et les États membres, dialoguera de manière proactive avec les pays partenaires, à la lumière de l’évaluation de la coopération en matière de réadmission ;
  • favoriser de nouveaux dialogues sur la migration si nécessaire, tout en accordant une place plus importante à la migration dans les dialogues politiques; Elle envisagera de lancer de nouvelles négociations et de trouver des solutions pratiques de coopération afin d’accroître le nombre de retours effectifs;
  • présenter une proposition au Conseil relative à des mesures plus restrictives ou plus favorables en matière de visas conformément au code des visas;
  • proposer un nouveau plan d’action contre le trafic de migrants pour la période 2021-2025, qui stimulera la coopération entre l’UE et les pays tiers ;
  • s’efforcer d’utiliser les financements de l’Union de manière plus cohérente, plus stratégique et plus flexible. 


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


 

A lire sur securiteinterieure.fr  : 

 

A lire sur securiteinterieure.fr la synthèse du paquet législatif sur le "pacte des migrations et d’asile":

 

 

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