Un rapport d’information vient d’être approuvé pointant la capacité de financement des terroristes et le constat est alarmant, notamment face aux faibles montants obilisés pour commettre une attaque. 23 recommandations sont formulées pour renforcer la lutte à tous les niveaux d’action (national, européen et international).
Selon les rapporteurs, la France apparaît aujourd’hui comme l’un des chefs de file de la lutte contre phénomène. Cette volonté affirmée s’explique, d’après eux, par la robustesse de son dispositif que par le portage politique de ce sujet sur la scène internationale.
Ces recommandations s’inscrivent d’ailleurs dans le sillage de l’importance conférence d’avril 2018 à Paris dénommée « No money for terror ».
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Aperçu du phénomène actuel de financement
Les ressources financières dont disposent les organisations terroristes constituent l’un des pans du financement du terrorisme, qui correspond au « macro-financement » du terrorisme, par opposition au « micro-financement », qui désigne le financement direct des actes terroristes.
Selon un récent rapport, établi par Interpol, le RHIPTO et la Global Initiative Against Transnational Organized Crime, les ressources des 7 principaux groupes rebelles / terroristes actifs dans le monde s’établiraient selon les dernières données connues entre 1 et 1,39 milliard de dollars.
L’État islamique, organisation terroriste réputée être la « plus riche », a connu une chute drastique de ses revenus par rapport au pic atteint en 2014, estimé à 1,9 milliard de dollars.
Les revers connus par l’État islamique imposent le recours à des modes de financement plus diversifiés.
Comme évoqué, le groupe a déjà réinvesti plusieurs centaines de millions d’euros dans l’économie réelle, lui permettant ainsi de conserver d’importantes réserves.
Pis encore, il est fort probable que l’organisation se tourne toujours plus à l’avenir vers des sources de financement criminelles telles que les extorsions, les pillages et les enlèvements.
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Par ailleurs, si le coût des attaques du 11 septembre 2001 a pu être estimé entre 350 et 400 000 dollars, et celui de l’attaque de l’hôtel Mariott de Bali en 2002 à 74 000 dollars, la majorité des attaques terroristes perpétrées aujourd’hui, tout particulièrement en Europe, ont été réalisées avec peu voire très peu de moyens.
Aujourd’hui, un attentat sur le sol européen coûte moins de 10.000 euros, voire moins de 1.000 euros. ne étude, parue en 2014 et portant sur 40 cellules djihadistes européennes, entre 1994 et 2013, a ainsi mis en avant un autofinancement de ces groupes dans 90 % des cas.
Cet autofinancement a pour caractéristiques de mêler flux illégaux, liés à des actes de délinquance de droit commun, et détournement de flux légaux.
Et que fait l’UE ?
Le dispositif pivot élaboré par l’Union européenne en matière de lutte contre le financement du terrorisme est toutefois passé par l’adoption de quatre directives « anti-blanchiment » en 1991, 2001, 2005 et 2015. La dernière actualisation de cet outil, la directive 2018/843 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux ou du financement du terrorisme ou 5e directive anti-blanchiment, a été adoptée le 30 mai 2018, et sa transposition doit intervenir d’ici le 10 janvier 2020.
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En outre, depuis 2016, l’Union européenne a adopté ou révisé plusieurs instruments visant à doter les États membres d’un socle commun en matière de lutte contre le financement du terrorisme et, dans une certaine mesure, d’harmoniser les dispositions nationales.
La directive 2017/541 relative à la lutte contre le terrorisme érige en infraction pénale des actes tels que l’entraînement ou les voyages à des fins terroristes, l’organisation ou la facilitation de ce type de voyage, ou encore le fait de fournir ou de réunir des fonds à des fins terroristes.
Sur la base de l’article L. 421-2-2 du code pénal, la France a estimé être en conformité avec les dispositions de la directive.
La directive 2018/1673 visant à lutter contre le blanchiment de capitaux au moyen du droit pénal s’inscrit également dans la lutte contre le financement du terrorisme dans la mesure où elle vise à perturber et bloquer l’accès des criminels aux ressources financières, y compris celles utilisées pour des activités terroristes.
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Il faut également mentionner un projet de directive portant sur les échanges d’informations entre cellules de renseignement financier et autorités répressives devrait entrer en vigueur d’ici mai 2019.
Ce projet, auquel la France a activement contribué, vise principalement à renforcer la coopération entre les services répressifs et les CRF au sein de l’Union européenne, et à faciliter les échanges d’informations entre Europol et les CRF.
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Enfin, l’UE a adopté en 2016 le règlement 2016/1375, qui vise à établir une « liste noire ».
Il s’agit du « recensement des pays tiers à haut risque présentant des carences stratégiques » en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Sur cette base, une liste de pays est proposée aux États membres par la Commission européenne.
La version actuelle de la liste comporte 16 États et territoires, et la dernière proposition de révision, qui portait le total à 23, a fait l’objet d’un rejet quasi unanime de la part des États membres.
L’objection, qui portait avant tout sur la méthodologie retenue, enjoint la Commission à proposer une nouvelle réévaluation de cette « liste noire », qui impose des contrôles renforcés sur les opérations financières impliquant des clients ou des établissements financiers situés dans les pays inscrits.
Quelles sont les 23 recommandations de l’Assemblée nationale ?
France a organisé en avril 2018 une grande conférence portant spécifiquement sur la lutte contre le financement du terrorisme, « No money for terror », qui a débouché sur l’adoption d’une feuille de route en dix points, l’Agenda de Paris.
Ce rendez-vous, qui a permis de réunir au plus haut niveau plus de 70 États et organisations, doit connaître sa seconde édition en novembre 2019 en Australie.
L’engagement de la France sur ce sujet reste entier, avec la présentation le 28 mars 2019 au Conseil de sécurité des Nations unies d’une résolution contraignante, adoptée à l’unanimité, sur la lutte contre le financement du terrorisme.
Les recommandations de ce rapport de l’Assemblée nationale font en partie écho à l’Agenda de Paris. Elles se lisent comme une feuille de route opérationnelle qui associe à de grandes priorités affirmées à Paris en avril 2018.
Axe 1 : œuvrer en faveur d’une réponse internationale renforcée et toujours plus efficace
- 1) Agir en faveur d’une mise en application élargie et effective des outils internationaux existants et d’un respect accru des normes en vigueur (veiller à ce que l’ensemble des Etats signataires de la convention de 1999 pour la répression du financement du terrorisme intègrent dans le droit national le délit de financement du terrorisme, œuvrer en faveur d’un recours accru aux réseaux de coopération policière AMON et CARIN) ;
- 2) Renforcer le recours aux listes de sanctions et aux listes de gels d’avoirs, la mise en œuvre d’une liste nationale de gels d’avoirs étant une obligation au sens de la résolution 1373 ;
- 3) Élargir et renforcer le réseau international des cellules de renseignement financier, avec des cellules de renseignement financier dotées de suffisamment de moyens et de prérogatives, à l’instar du droit de communication total ;
- 4) Promouvoir le développement des outils opérationnels qui ont prouvé leur efficacité, comme le Ficoba ou le registre des bénéficiaires effectifs ;
- 5) Renforcer la coopération internationale avec les pays touchés par les conflits armés et le djihadisme ;
- 6) Renforcer la lutte contre les trafics transnationaux mobilisés dans le financement du terrorisme.
Axe 2 : Renforcer l’assistance internationale aux États les plus vulnérables
- 7) Faire de l’assistance technique aux États les plus vulnérables une priorité de la lutte contre le financement du terrorisme international, via une action en bilatéral et une aide publique française au développement et via un soutien renforcé aux outils multilatéraux ;
- 8) Faire de l’assistance technique et opérationnelle un pilier de l’action du GAFI.
Axe 3 : renforcer l’harmonisation européenne, en droit et plus encore dans les faits
- 9) Renforcer l’homogénéisation des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme existantes, à l’instar de l’encadrement des plafonds de paiement en espèces ou de l’asujettissement des acteurs de la finance participative aux obligations de vigilance ;
- 10) Renforcer les moyens opérationnels de l’Union européenne sur la lutte contre le financement du terrorisme, en gardant ouverte la possibilité de se doter d’un « TFTS » européen, apte à couvrir les échanges inter-bancaires intra-européens ;
- 11) Renforcer l’efficacité des dispositifs de gels d’avoirs au niveau européen, notamment en mettant en œuvre des mesures empêchant le contournement des gels décidés au niveau national;
- 12) Plaider en faveur d’une agence de supervision européenne compétente en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, qui pourrait favoriser l’harmonisation des pratiques de contrôle et éventuellement se substituer à un superviseur national en cas de défaillance grave.
Axe 4 : au plan national, œuvrer pour une pleine application des outils existants
- 13) Maintenir un engagement gouvernemental à assurer à Tracfin des moyens suffisants pour répondre à la menace terroriste et à ses évolutions ;
- 14) Améliorer la mise en œuvre des contrôles appliqués lors de la délivrance des prêts à la consommation, qui font partie des outils légaux pouvant être détournés à des fins terroristes ;
- 15) Augmenter le niveau d’exigence des contrôles appliqués aux cartes prépayées, avec des prises d’identité plus systématiques ;
- 16) Étendre les prérogatives des services de la douane en matière de lutte contre le financement du terrorisme.
- 17) Renforcer les capacités opérationnelles des banques à mettre en œuvre leurs obligations de vigilance ;
- 18) Ouvrir une réflexion sur l’échange d’informations entre le secteur financier et les autorités en charge de la lutte contre le financement du terrorisme ;
- 19) Renforcer l’engagement des pouvoirs publics face au problème du derisking, via la diffusion d’une charte pour les banques et une aide renforcée aux ONG dans leur prise en compte des risques liés au financement du terrorisme.
Axe 6 : Renforcer la vigilance sur certains secteurs et outils
- 20) Renforcer la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme dans le secteur de l’art et des antiquités ;
- 21) Assujettir les sites de cagnotte en ligne aux obligations de vigilance de la 5e directive, au même titre que les plateformes de financement participatif ;
- 22) Adopter une approche plus prudente dans la règlementation des cryptoactifs ;
- 23) Renforcer la transparence des associations à but non lucratif, dans le respect du principe de liberté d’association, par exemple en étendant les obligations annuelles de publication comptable aux associations les plus exposées aux risques liés au financement du terrorisme, et en mettant en œuvre un dispositif incitant les acteurs du culte à se constituer sous la forme d’associations cultuelles soumises aux dispositions de la loi de 1905, en quittant le statut associatif de la loi 1901.
synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
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