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lundi 12 novembre 2018

Lutte antiblanchiment : Europol va avoir accès aux registres centralisés des comptes bancaires



Un nouveau pas est franchi dans la lutte antiblanchiment grâce à la proposition de directive destinée à faciliter l’utilisation des informations financières dans le cadre de la lutte contre ce phénomène.
Retour sur ce texte en cours de discussion qui permet aux autorités nationales en charge de l’enquête et des poursuites d’accéder plus rapidement, dans le cadre d'une affaire de dimension transnationale, aux informations contenues dans les registres centralisés des comptes bancaires (ou dans les systèmes d'extraction de données établis par la 4e directive anti-blanchiment). Il s'agit en France du fichier FICOBA.

2 nouveautés sont à noter :
  • une meilleure collaboration entre ces autorités et les cellules nationales de renseignement financier (ou CRF) et entre les CRF
  • un accès d'Europol aux registres centralisés des comptes bancaires

Cette proposition doit être lue en lien avec les travaux menés en matière de surveillance prudentielle et de surveillance anti-blanchiment qui se traduit par une révision des statuts de l'Autorité bancaire européenne, de l'Autorité européenne des assurances et de l'Autorité européenne des marchés financiers.


Quel est le problème ?

À l'heure actuelle, la plupart des autorités nationales en charge de l’enquête et des poursuites n’ont pas d’accès direct aux informations relatives à l’identité des titulaires de comptes bancaires stockées dans les registres centralisés des comptes bancaires ou dans les systèmes d'extraction de données.

De tels registres et systèmes sont actuellement opérationnels dans 15 États membres, mais ces autorités nationales (et pas toutes) n'y ont un accès direct que dans 6 États membres seulement.
Par conséquent, elles demandent le plus souvent ces informations par le biais de demandes générales envoyées à tous les établissements financiers de leur État membre ou, si un accès indirect leur a été accordé, par le biais d’une demande adressée à un intermédiaire.

Une demande générale implique que l’autorité doit attendre la réponse de chaque établissement financier, ce qui risque réellement d'occasionner des retards importants susceptibles d’être préjudiciables aux enquêtes pénales.
Il en résulte également des conséquences pour la coopération transfrontalière. Le temps nécessaire pour obtenir des informations financières auprès des banques de différents États membres est très variable et peut retarder davantage la coopération.

D’où vient-on ?

En décembre 2017, les colégislateurs de l’Union sont convenus d’apporter un certain nombre de modifications importantes à la 4e directive anti-blanchiment (5e directive antiblanchiment). Ces modifications comprennent l’établissement obligatoire, dans tous les États membres, de registres nationaux centralisés des comptes bancaires ou de systèmes d'extraction de données auxquels les cellules de renseignement financier (CRF) et les autorités de lutte contre le blanchiment des capitaux auraient accès.


En outre, le Parlement européen, regrettant «que les stratégies des États membres pour lutter contre la criminalité financière ne soient pas plus harmonisées», a appelé l’Union à répondre à la nécessité d’un meilleur échange d’informations et d’une coordination plus étroite entre les autorités nationales concernées, afin d’obtenir de meilleurs résultats, notamment en adoptant la législation de l’Union indispensable.


Enfin, la coopération entre CRF et entre les CRF et les autorités nationales en charge de l’enquête et des poursuites est déjà réglementée par la 4e directive anti-blanchiment.
Or, tant les CRF que les autorités nationales en charge de l’enquête et des poursuites continuent d’être confrontées à des obstacles dans leurs échanges.
Les 28 CRF au sein de l’UE ont présenté, en décembre 2016, un rapport conjoint qui recensait ces obstacles et proposait des solutions.


Le document de travail de la Commission sur l’amélioration de la coopération entre les CRF, publié en juin 2017 , fait le point sur les résultats du rapport conjoint et identifie les problèmes qui pourraient être résolus par des recommandations et une coopération renforcée dans le cadre des travaux réalisés par le forum des CRF de l’Union, et d’autres problèmes qui nécessiteraient des solutions réglementaires.

Où va-t-on ?

La proposition prévoit de présenter au Parlement européen et au Conseil un rapport sur la mise en œuvre de la directive, 3 ans après la date de transposition, et tous les 3 ans par la suite.

Conformément aux dispositions de la 5e directive anti-blanchiment, la Commission évaluera, d’ici juin 2019, le cadre de coopération des CRF avec les pays tiers et les obstacles et possibilités de renforcement de la coopération entre les CRF au sein de l’Union, y compris la possibilité de créer un mécanisme de coordination et de soutien.

Pourquoi cette directive ? 

Les directives antiblanchiment ne fixent pas les conditions précises dans lesquelles les autorités des États membres en charge de l’enquête et des poursuites peuvent utiliser les informations financières.
En cause ? L’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui constitue leur base juridique.

Quelles sont les avancées prévues dans ce texte ?

La proposition facilite également la coopération entre CRF et entre les CRF et les autorités nationales en charge de l’enquête et des poursuites. Elle :
  • définit le type d’informations (informations financières, analyse financière, informations en matière répressive) qui peut être demandé par les autorités nationales en charge de l’enquête et des poursuites et par les CRF ;
  • dresse la liste complète des infractions pénales pour lesquelles chaque autorité peut échanger des informations, toujours au cas par cas, autrement dit pour un cas spécifique faisant l’objet d’une enquête ;
  • prévoit les délais dans lesquels les CRF doivent échanger les informations et impose l’utilisation d’un canal de communication sécurisé afin d’améliorer et d’accélérer leurs échanges ;
  • exige des États membres qu’ils désignent toutes les autorités nationales en charge de l’enquête et des poursuites habilitées à demander des informations. 

Un accès facilité aux comptes bancaires

La proposition prévoit un accès direct des autorités nationales en charge de l’enquête et des poursuites aux registres centralisés nationaux des comptes bancaires ou aux systèmes d'extraction de données. Sont inclues également :
  • les autorités fiscales et les autorités anticorruption ;
  • les bureaux de recouvrement des avoirs chargés du dépistage et de l’identification des avoirs criminels aux fins de leur éventuel gel et confiscation.
  • Europol qui a d’un accès indirect grâce aux unités nationales des États membres.

Europol ne mène pas à d'enquêtes pénales, mais appuie les actions des États membres.
Faute d’avoir accès aux informations financières, notamment celles contenues dans les registres nationaux centralisés des comptes bancaires et dans les systèmes d'extraction de données, Europol n'est pas en mesure d’exploiter pleinement ses capacités analytiques. 
Ces limitations ont été soulignées et exposées dans le rapport d’Europol intitulé «From suspicion to action», publié en 2017.
Chaque cellule de renseignement financier national réponde aux demandes d'informations financières et d’analyse financière formulées par Europol. L’échange d’informations a lieu par voie électronique via  le SIENA.

L’instauration de registres centralisés des comptes bancaires

La proposition prévoit que les autorités gérant les registres centralisés des comptes bancaires consignent dans un journal tout accès aux informations relatives à ces comptes. Sont consignés :
  • la référence du dossier national;
  • la date et l’heure de la requête ou de la recherche;
  • le type de données utilisées pour lancer la requête ou la recherche;
  • les résultats de la requête ou de la recherche;
  • le nom de l’autorité qui a consulté le registre;
  • les identifiants de l’agent qui a effectué la requête ou la recherche et ceux de l’agent qui l’a ordonnée.
Les journaux sont régulièrement contrôlés par les délégués à la protection des données des registres centralisés des comptes bancaires et par l’autorité de contrôle compétente instituée en application d'une directive de 2016.

Une meilleure collaboration entre CRF (cellule nationale de renseignement financier)

Chaque CRF est tenue de répondre aux demandes d’informations financières ou d’analyse financière formulées par  ses autorités nationales d’enquête et de poursuite et réciproquement.
Lorsqu’une CRF reçoit une demande d'échange d'informations financières elle est tenue d'y répondre en moins de 3 jours.

Dans des cas exceptionnels dûment justifiés, ce délai peut être prorogé de 10 jours au maximum.
Dans des cas exceptionnels et urgents, le délai est réduit à 24 heures.
Une demande formulée en vertu et sa réponse sont transmises en utilisant le réseau dédié de communications électroniques sécurisées FIU.net.
Ce réseau assure une communication sécurisée et est en mesure de créer une trace écrite dans des conditions permettant de garantir l’authenticité.


Synthèse du proposition de directive et du communiqué par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


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