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lundi 8 octobre 2018

Frontex 3.0 : l'agence connaît une nouvelle réforme !

 

L’encre est à peine sèche qu’une nouvelle réforme de Frontex est déjà sur les rails.
La raison ? La volonté de renforcer le corps européen de garde-frontières. Le constat est accablant : l’agence européen de sécurisation des frontières extérieures de l’UE souffre d’un manque cruel de personnel et de moyens malgré la création du « Corps européen de garde-frontières ».

La proposition de règlement entend donc muscler ce Corps en le dotant de 10.000 agents opérationnels et en créant un mécanisme de mise en commun obligatoire.
En outre d’autres évolutions sont prévues comme l’instauration d’antennes de Frontex dans les États membres, l’extension des pouvoirs d’assistance de l’agence en matière d’expulsion ou en matière de collaboration avec les pays non UE (à ce propos un accord d'assistance technique et opérationnelle a été signé entre Frontex et l'Albanie le 5 octobre 2018).



D’où vient-on ?


Le règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, qui a été mis en place très rapidement après la crise migratoire de 2015, est entré en vigueur le 6 octobre 2016
Dans ses conclusions de juin 2018, le Conseil européen a confirmé la nécessité d’un contrôle plus efficace des frontières extérieures de l’UE en renforçant le rôle d’appui de Frontex.

En outre, la résolution du Parlement européen du 30 mai 2018 sur le rapport annuel sur le fonctionnement de l’espace Schengen :
  • insiste sur la nécessité de mettre rapidement et pleinement en place la stratégie de gestion intégrée des frontières (GIF) ;
  • s’est également déclaré pleinement conscient des incohérences qui touchent la mise en œuvre de la stratégie GIF dans les États membres ;
  • a souligné que la pleine mise en œuvre de la stratégie GIF dans tous les États membres est essentielle au bon fonctionnement de l’espace Schengen. 

Le problème principal : un manque de personnel et de moyens

La réserve de réaction rapide obligatoire, constituée de 1 500 gardes-frontières, était l’une des nouveautés du règlement de 2016.
Or, cette réserve ne peut être activée que pour des interventions rapides aux frontières, un type très spécifique d’intervention permettant de faire face aux situations d’urgence.

Afin d’offrir un appui opérationnel aux États membres de première ligne dans le cadre d’opérations conjointes régulières — qui constituent le type le plus courant d’opérations —, l’Agence continue de dépendre entièrement de la mise en commun volontaire des ressources humaines et techniques des États membres.

Bien que les États membres aient largement anticipé cette tendance et aient mis un nombre supplémentaire de gardes-frontières et d’experts à la disposition de l’Agence, la plupart des opérations conjointes de l’Agence qui ont eu lieu au cours de la période 2015-2018 ont malheureusement été sérieusement affectées par des écarts persistants, rendant l’appui de l’Agence partiellement inefficace.


L’Agence s’efforce de compenser les contributions insuffisantes des États membres et le manque de flexibilité dans le redéploiement en développant et en utilisant ses propres capacités, notamment par la mise en commun et le déploiement de «membres d’équipe détachés» (MED) en tant que contribution propre aux activités opérationnelles. Ce système volontaire et complémentaire s’est toutefois révélé largement insuffisant.

Les enseignements tirés des opérations de l’Agence montrent qu’il est clairement nécessaire de disposer d’un personnel permanent et dûment formé de l’Agence qui peut être déployé à tout moment et n’importe où.
Ils confirment également qu’il existe une inégalité dans les déploiements par les États membres, un manque de formation commune, un manque de compétences linguistiques suffisantes et un manque de culture opérationnelle commune qui entravent globalement la coopération sur le terrain.

Enfin, de façon analogue aux lacunes persistantes dans la mise en commun des ressources humaines, l’Agence fait régulièrement face à des pénuries importantes de contributions des États membres sous forme d’équipements techniques.
S’il apparaît difficile de mettre en place un mécanisme de mise en commun obligatoire fondé sur l’égalité de participation de tous les États membres, l’unique solution viable consiste à continuer à développer les propres capacités techniques de l’Agence par l’acquisition des actifs nécessaires en tenant compte de l’enveloppe ambitieuse prévue à cette fin dans la proposition de la Commission relative au prochain cadre financier pluriannuel.

Une première réponse de nature financière

Pour le prochain cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, la Commission a proposé de tripler les financements destinés à la gestion des migrations et des frontières, qui atteindraient 34,9 milliards d’euros contre près de 13 milliards au cours de l’actuelle période.

En outre, la Commission a proposé de soutenir financièrement la dotation en équipements et la formation de la composante nationale du corps européen de garde-frontières.
À cet égard, le 12 juin 2018, la Commission a proposé, pour un montant total de 20,9 milliards d’euros, la création du Fonds «Asile et migration», d’un fonds pour la gestion des frontières et d’un fonds pour la sécurité intérieure.

Le cœur de la proposition : un véritable corps européen permanent de garde-frontières et de garde-côtes  

La Commission propose de doter l’Agence de son propre bras opérationnel efficace et efficient en instaurant, d’ici 2020, le corps européen permanent de garde-frontières et de garde-côtes constitué de 10 000 agents opérationnels.
Le corps européen permanent de garde-frontières et de garde-côtes devrait se composer de trois catégories de personnel opérationnel:
  • des agents employés par Frontex (catégorie 1);
  • des agents détachés obligatoirement auprès de l’Agence par les États membres pour une longue durée (catégorie 2) et 3) des agents mis à disposition obligatoirement par les États membres dans le cadre d’un déploiement de courte durée (catégorie 3).
La caractéristique essentielle de cette nouvelle approche est l’inclusion du personnel statutaire de l’Agence en tant que membres du corps européen permanent des garde-frontières et des garde-côtes disposant de tous les pouvoirs requis pour exécuter des tâches de contrôle et de retour, y compris celles qui exigent des pouvoirs exécutifs.

Le deuxième élément essentiel du corps européen permanent de garde-frontières et de garde-côtes est le caractère obligatoire des contributions à court et long terme des États membres au corps européen permanent de garde-frontières et de garde-côtes.

La proposition intègre tous les mécanismes existants de constitution de réserve: le mécanisme actuel de conférence annuelle d’annonce d’engagements pour des activités se tenant aux frontières extérieures de l’Union, la réserve de réaction rapide obligatoire pour les interventions rapides aux frontières et 2 réserves de spécialistes des questions de retour et d’agents d’escorte pour les opérations de retour.

Une 2e avancée : l’instauration d’un cycle stratégique 

La proposition vise à structurer l’orientation politique de la gestion intégrée des frontières en établissant un cycle stratégique pour la gestion intégrée des frontières nationales et de l’Union.
Ce cycle pluriannuel établira un processus interopérable, unifié et continu offrant des orientations stratégiques à tous les acteurs concernés au niveau de l’Union et dans les États membres dans le domaine de la gestion des frontières et des retours afin de pouvoir mettre en œuvre la gestion intégrée des frontières de l’Union d’une manière cohérente, intégrée et méthodologique.

Le cycle débutera par une orientation politique de la gestion intégrée des frontières de l’Union qui prendra la forme d’un acte délégué de la Commission, lequel sera ensuite mis en œuvre par la stratégie technique et opérationnelle préparée par Frontex et les stratégies nationales préparées par les États membres.
L’exécution de ces trois étapes sera évaluée en vue préparer le cycle suivant.

3e avancée : nouveau un cadre de gouvernance pour l’échange d’informations

EUROSUR devient un cadre de gouvernance pour l’échange d’informations et la coopération entre les autorités nationales responsables de la gestion des frontières et l’Agence en s’appuyant sur les différents systèmes d’information utilisés par les États membres et l’Agence et en élargissant et en développant le rôle et les compétences des centres de coordination nationaux.


Afin de mieux soutenir les différentes composantes de la gestion intégrée des frontières, le champ d’application d’EUROSUR évoluera de la surveillance des frontières vers le contrôle des frontières en passant par la communication des mouvements secondaires et les frontières aériennes.
Plus exactement, la proposition élargit l’actuel champ d’application d’EUROSUR de la surveillance des frontières terrestres et maritimes au contrôle des frontières (en ajoutant des contrôles aux postes-frontières et une surveillance des frontières aériennes, qui faisaient jusqu’ici l’objet d’une communication volontaire par les États membres).

EUROSUR sera utilisé pour les opérations frontalières et la planification intégrée. EUROSUR améliorera également la coopération opérationnelle et l’échange d’informations avec les pays tiers et les tiers.


Si l’Agence continuera d’utiliser les services des satellites d’observation de la Terre dans le cadre du programme spatial Copernicus pour surveiller les zones frontalières, mais elle développera de nouveaux services de fusion EUROSUR avec d’autres agences de l’UE et des partenaires internationaux.

Une telle coopération interagence devrait, par exemple, être mise en place dans le domaine de la surveillance des frontières aériennes entre l’Agence, le gestionnaire de réseau du Réseau européen de gestion du trafic aérien (EUROCONTROL) et l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA).

Enfin, afin de mieux répondre aux situations de crise dans lesquelles la situation au niveau d’un tronçon de frontière est telle que le fonctionnement de l’espace Schengen est menacé, un quatrième niveau d’impact supplémentaire — «critique» — est créé dans EUROSUR. Le niveau d’impact «critique» déclenchera automatiquement une réponse par le corps permanent de l’Agence.

4e avancée : la possibilité de création d’antennes

Pour faciliter son travail dans les États membres qui accueillent ses activités opérationnelles aux frontières extérieures et ses activités liées aux retours, l’Agence aura la possibilité d’établir des antennes qui seront situées dans ces États membres pour la période pendant laquelle ses activités opérationnelles sont en cours.

Ces antennes serviront d’interface entre l’Agence et les États membres d’accueil, assureront la coordination, la communication et l’appui logistique et veilleront à la bonne exécution de tous les processus liés à ces activités opérationnelles.
Elles seront installées à proximité géographique des zones dans lesquelles se déroulent les activités opérationnelles.

5e avancée : l’inclusion du FADO 

Enfin, se fondant sur les conclusions du Conseil du 27 mars 2017, la Commission propose d’intégrer le système FADO (Faux documents et documents authentiques en ligne) dans le cadre du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes.
Le FADO est un système européen d’archivage d’images conçu pour l’échange d’informations entre les États membres concernant les documents authentiques et les faux documents.
Il est géré actuellement par le Secrétariat général du Conseil.

6e avancée : une meilleure cohérence de l’action avec l’Agence européenne pour l’asile

En lien avec la proposition de règlement relatif à l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, la Commission propose d’élargir les possibilités de déclenchement du recours aux équipes d’appui à la gestion des flux migratoires ; leur déploiement est soumis à une demande de l’État membre concerné, mais il n’est plus limité à des conditions de défis migratoires disproportionnés.


La Commission sera chargée d’assurer la coordination sur le terrain ainsi que la coordination des demandes des États membres et l’évaluation des besoins.
Ces modifications renforcent et solidifient également la coopération entre ces 2 agences dans le déploiement d’équipes d’appui à la gestion des flux migratoires, en particulier dans les centres de crise et les centres contrôlés.

7e avancée : une meilleure collaboration avec les pays hors UE

La proposition renforce la coopération de Frontex avec les pays tiers.
Cela comprend le déploiement du corps lorsqu’un tel appui apparaît nécessaire pour protéger les frontières extérieures et la gestion efficace de la politique migratoire de l’Union.

Frontex offrira une assistance technique et opérationnelle aux pays tiers.
Les opérations de Frontex pourraient se dérouler à n’importe quelle frontière du pays tiers concerné, le cas échéant, avec l’accord du ou des États membres limitrophes de la zone opérationnelle.

En outre, la proposition améliore l’échange d’informations avec les pays tiers dans le cadre d’EUROSUR par l’intermédiaire des centres de coordination nationaux.

8e avancée : un renforcement de Frontex sur les retours

La proposition améliorera également la capacité d’échanger des informations et aidera les États membres dans le domaine des retours. Elle est, par ailleurs, présentée en même temps qu’une révision de la directive «Retour» visant à aider les États membres à accroître l’efficacité des retours et à parvenir à une politique de retour européenne plus efficace et cohérente.
La proposition élargit les tâches de Frontex en incluant :
  • une assistance technique et opérationnelle dans la mise en œuvre des procédures de retour,
  • une assistance au développement et à l’exploitation de systèmes de gestion des retours et de systèmes d’échange d’informations. 


Frontex sera en mesure de fournir une assistance dans les activités de retour de pays tiers, notamment par l’organisation d’opérations de retour mixtes avec la participation d’un ou de plusieurs États membres.

9e avancée : des améliorations du point de vue de la gouvernance

Enfin, la proposition traite également plusieurs aspects des questions de gouvernance et d’administration de Frontex:
  • le rôle du directeur exécutif se voit consolider en le mandatant de proposer à l’État membre concerné des activités opérationnelles concrètes de Frontex lorsqu’elles sont justifiées par les résultats de l’évaluation de la vulnérabilité.
  • 3 directeurs exécutifs adjoints seront nommés au lieu d’un seul. Ces trois directeurs exécutifs adjoints auront chacun un domaine de responsabilité spécifique.
  • la responsabilité de la Commission dans le cadre de la gouvernance de Frontex devrait être alignée sur les principes de l’approche commune de 2012 concernant les agences décentralisées de l’Union.

Synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr



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