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lundi 1 octobre 2018

Suppression en 1 heure de la propagande terroriste : les plateformes en ligne désormais au pied du mur


La Commission européenne vient de serrer la vis à l’égard des médias sociaux pour contrer  la propagande terroriste en ligne en établissant des obligations dans un cadre juridiquement contraignant. Pour ce faire, une proposition de règlement vient d’être présentée afin de réduire davantage l’accessibilité des contenus à caractère terroriste en ligne et de s’attaquer de manière adéquate à un problème en constante évolution. Parmi les mesures phare figurent l’imposition du délai d’une heure après réception d’une injonction de suppression par une autorité nationale.

De quoi parle-t-on ?

Cette proposition vise à établir un cadre juridique clair et harmonisé pour prévenir l'utilisation  des plate-forme web pour la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne.
Elle précise la responsabilité que doivent assumer les fournisseurs de services d’hébergement en ce qui concerne la prise de toutes les mesures pour détecter et supprimer rapidement et efficacement les contenus à caractère terroriste en ligne.

Elle instaure également un certain nombre de garanties nécessaires pour assurer le plein respect des droits fondamentaux tels que la liberté d’expression et d’information dans une société démocratique, outre les possibilités de recours juridictionnel garanties par le droit à un recours effectif.

Quel est le problème ?

Les contenus à caractère terroriste partagés en ligne à de telles fins, qui sont diffusés par des fournisseurs de services d’hébergement qui permettent le chargement de contenus tiers, ont joué un rôle important dans la radicalisation des «loups solitaires» qui, inspirés par ces contenus, ont perpétré plusieurs attentats terroristes récemment en Europe.

Non contents d'avoir abusé des grandes plateformes de médias sociaux, les terroristes ont aussi de plus en plus recours à de plus petits fournisseurs proposant différents types de services d’hébergement à l’échelle mondiale.

Cette utilisation abusive de l’internet soulève la question de la responsabilité sociétale particulière que doivent assumer les plateformes internet pour protéger leurs utilisateurs contre l’exposition à des contenus à caractère terroriste et les risques graves que ces contenus représentent pour la sécurité de la société dans son ensemble.

D’où vient-on ?

Les efforts de lutte contre les contenus à caractère terroriste ont commencé à être déployés au niveau de l’Union en 2015 dans le cadre d'une coopération volontaire entre les États membres et les fournisseurs de services d’hébergement.


Le 1er mars 2018, la Commission a adopté une recommandation sur les mesures destinées à lutter, de manière efficace, contre les contenus illicites en ligne, en s’appuyant sur la communication de la Commission de septembre  et sur les efforts déployés dans le cadre du forum de l’UE sur l’internet.

À la suite d’une série d’attentats terroristes perpétrés dans l’Union et compte tenu du fait que les contenus à caractère terroriste en ligne restent facilement accessibles, le Conseil européen des 22 et 23 juin 2017 a invité le secteur à «[mettre] au point de nouvelles technologies et de nouveaux outils en vue d’améliorer la détection automatique et la suppression des contenus qui incitent à la commission d’actes terroristes. Cela devrait être complété par les mesures législatives appropriées au niveau de l’UE, si nécessaire».

Le Conseil européen du 28 juin 2018 s'est félicité «que la Commission entende présenter une proposition législative. En outre, le Parlement européen, dans sa résolution du 15 juin 2017 sur les plateformes en ligne et le marché unique numérique, a enjoint aux plateformes concernées «de renforcer leurs mesures de lutte contre les contenus en ligne illégaux et dangereux» tout en invitant la Commission à présenter des propositions pour traiter ces problèmes.


Dans le cadre de la préparation de la présente proposition législative, la Commission a consulté toutes les parties intéressées afin de comprendre leurs points de vue et d’envisager une voie à suivre.
D’une manière générale, la plupart des parties intéressées ont indiqué que les contenus à caractère terroriste en ligne représentaient un grave problème de société affectant les internautes et les modèles commerciaux des fournisseurs de services d’hébergement.

Parallèlement, une enquête Eurobaromètre a été réalisée auprès d’un échantillon aléatoire de 33 500 résidents de l’Union, sur les contenus illicites en ligne. Plus généralement, 65 % des répondants à l’enquête Eurobaromètre ont estimé que l’internet n’était pas un lieu sûr pour ses utilisateurs et 90 % estiment qu’il est important de limiter la diffusion de contenus illicites en ligne.

La Commission a également consulté les autorités des États membres et les fournisseurs de services d’hébergement tout au long des mois de mai et juin 2018 concernant des mesures spécifiques pour lutter contre les contenus à caractère terroriste en ligne.

Les consultations avec les États membres ont révélé que, même si les accords volontaires produisent des résultats, nombreux sont ceux qui estiment qu'il est nécessaire d'imposer des obligations contraignantes en matière de contenus à caractère terroriste, un point de vue également exprimé par le Conseil européen dans ses conclusions de juin 2018.
Si, dans l’ensemble, les fournisseurs de services d’hébergement se sont montrés favorables à la poursuite des mesures volontaires, ils ont relevé les effets négatifs potentiels d’une fragmentation juridique émergente dans l’Union.

Champ d’application du texte

Le champ d’application personnel de la proposition inclut les fournisseurs de services d’hébergement qui proposent leurs services dans l’Union, quels que soient leur lieu d’établissement ou leur taille.
Les contenus illicites à caractère terroriste sont définis conformément à la définition des infractions terroristes figurant dans la directive du 15 mars 2017, c'est-à-dire comme des informations utilisées pour encourager et louer la commission d'infractions terroristes, pour encourager la participation à des infractions terroristes et pour fournir des instructions pour ces infractions, et pour promouvoir la participation à des groupes terroristes.

L’ injonction de suppression et ses suites

Afin d’assurer la suppression des contenus illicites à caractère terroriste, le règlement introduit une injonction de suppression pouvant être émise en tant que décision administrative ou judiciaire par une autorité compétente d’un État membre. Dans de tels cas, le fournisseur de services d’hébergement est tenu de supprimer les contenus ou d'en bloquer l’accès dans un délai d’une heure.

En outre, le règlement harmonise les exigences minimales applicables aux signalements envoyés par les autorités compétentes des États membres et par les organes de l’Union (tels qu’Europol) aux fournisseurs de services d’hébergement.

Enfin, le règlement impose aux fournisseurs de services d’hébergement, le cas échéant, de prendre des mesures proactives proportionnées au niveau de risque et de supprimer le matériel terroriste de leurs services, y compris en déployant des outils de détection automatisés.

Des obligations imposées aux Etats membres et aux  fournisseurs de services 


La proposition précise que les États membres peuvent recourir aux canaux mis en place par Europol pour assurer la coordination en ce qui concerne les injonctions de suppression et les signalements. En outre, elle oblige les États membres :
  • à veiller à ce que leurs autorités compétentes disposent de la capacité nécessaire pour combattre les contenus à caractère terroriste en ligne.
  • à s'informer mutuellement et de coopérer les uns avec les autres,
  • à désigner des points de contact joignables 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour faciliter le traitement des signalements et des injonctions de suppression.

Enfin, les États membres devront mettre en place des sanctions dissuasives pour les cas de non-respect d'une injonction de suppression d'un contenu à caractère terroriste en ligne. Un fournisseur de services d'hébergement qui omettrait systématiquement de se conformer aux injonctions de suppression pourrait s'exposer à une sanction financière allant jusqu'à 4 % de son chiffre d'affaires global de l'exercice précédent.

Des obligations imposées aux  fournisseurs de services 

La proposition impose aux fournisseurs de services d'hébergement :
  • de désigner des points de contact joignables 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour faciliter le traitement des signalements et des injonctions de suppression;
  • de rendre compte plus en détail des mesures prises et d’informer les services répressifs lorsqu’ils décèlent des contenus qui constituent une menace pour la vie ou la sécurité.
  • de conserver les contenus qu’ils suppriment en guise de garantie :
    • contre la suppression erronée
    • pour faire en sorte que des éléments de preuve potentiels ne soient pas perdus pour des enquêtes et des poursuites. 

La transparence et le contrôle seront garantis au moyen de rapports de transparence annuels que les fournisseurs de services d'hébergement sont tenus de produire sur la manière dont ils combattent les contenus à caractère terroriste, ainsi qu'au moyen de rapports réguliers sur les mesures proactives qui auront été prises.
Enfin, la proposition impose une obligation de vigilance à tous les fournisseurs de services d'hébergement, pour qu'ils se prémunissent d'une utilisation abusive de leurs plateformes à des fins de diffusion de contenus à caractère terroristes en ligne.
Selon le risque de diffusion de ces contenus via leurs plateformes, ils devront aussi prendre des mesures proactives – telles que l'utilisation de nouveaux outils – afin de mieux protéger celles-ci et leurs utilisateurs d'une utilisation abusive à visée terroriste.

Des protections spécifiques en matière de droits fondamentaux

Les mesures destinées à réduire les contenus à caractère terroriste en ligne sont assorties d’un certain nombre de garanties essentielles pour assurer la pleine protection des droits fondamentaux. La proposition :
  • prévoit l'obligation de mettre en place des dispositifs de recours et de réclamation pour permettre aux utilisateurs de contester la suppression de leurs contenus ;
  • instaure des obligations de transparence pour les mesures prises à l'encontre de contenus à caractère terroriste par les fournisseurs de services d’hébergement, afin de garantir que ces derniers assument leurs responsabilités à l’égard des utilisateurs, des citoyens et des pouvoirs publics.

En outre, les autorités nationales émettrices de l’injonction de suppression sont tenues :
  • de justifier le délai de suppression d’une heure fixé pour cette mesure.
  • d’expliquer pourquoi les contenus peuvent être considérés comme revêtant un caractère terroriste. Bien que la responsabilité de la suppression des contenus identifiés dans un signalement reste de la compétence du fournisseur de services d’hébergement, cette décision est facilitée par es contenus par cette autorité compétente.

Pour ce qui est des mesures proactives, les fournisseurs de services d’hébergement demeurent responsables de l’identification, de l’évaluation et de la suppression des contenus, et sont tenus de mettre en place des garanties pour s'assurer que les contenus ne sont pas supprimés par erreur, y compris via un examen humain, en particulier si une plus grande contextualisation est nécessaire.

Par ailleurs, contrairement au scénario de base dans lequel les entreprises les plus touchées mettent en place des outils automatisés sans supervision publique, la conception des mesures ainsi que leur mise en œuvre devraient faire l’objet d’un rapport aux organes compétents des États membres. Cette obligation réduit les risques de suppressions par erreur, tant pour les entreprises qui mettent en place de nouveaux outils que pour celles qui les utilisent déjà.

De surcroît, les fournisseurs de services d’hébergement sont tenus de prévoir des dispositifs de réclamation conviviaux permettant aux fournisseurs de contenus de contester les décisions de suppression de contenus et de publier des rapports sur la transparence à l’intention du grand public.

Enfin, si des contenus et des données connexes sont supprimés par erreur en dépit de ces garanties, les fournisseurs de services d’hébergement sont tenus de les conserver pendant une période de 6 mois pour pouvoir les rétablir et afin de garantir l’efficacité des procédures de réclamation et de réexamen, en vue de protéger la liberté d’expression et d’information.


Synthèse du texte et du communiqué par Pierre Berthelet, auteur de securiteinterieure.fr


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