17 Etats membres poursuivis pour mauvaise transposition. Voici ce qui ressort du nouveau rapport sur la directive « Protection des intérêts financiers » de l’UE par le droit pénal. Ce rapport intervient au moment où le Parquet européen vient de démarrer ses activités et où l’argent du fonds de relance européen (facilité pour la reprise et la résilience (FRR)) est mis à disposition des Etats membres. Or, cette manne financière aiguise les appétits des fraudeurs et notamment ceux des organisations criminelles. Il importe donc que les outils de répression pénale soient efficaces, notamment du point de vue du droit européen.
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Ce document destiné à faire le point sur la transposition de cette directive harmonisant au niveau européen les dispositifs pénaux d’incrimination et de sanctions pénales. Il identifie plusieurs points faibles : un seuil trop élevé concernant la fraude à la TVA, une définition trop vague des dépenses relatives aux marchés publics et des délais de prescription variables selon les droits nationaux
Un tel rapport met aussi en lumière l’absence d’informations disponibles. Il souligne que, compte tenu de la quantité limitée d’informations transmise par les Etats membres, il est difficile d’évaluer la pertinence et l’efficacité des dispositions de la directive PIF et la nécessité d’une révision de la directive sur cette base.
De quoi parle-t-on ?
La directive (UE) 2017/1371 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal (la «directive PIF») a été adoptée le 5 juillet 2017.
Cette directive remplace la convention de 1995 relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes et ses protocoles (la «convention PIF»).
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La directive PIF fait donc partie des instruments juridiques de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Elle est également une composante de la stratégie antifraude globale de la Commission
La directive PIF a été adoptée dans le but de renforcer la protection des intérêts financiers de l’Union. Elle apporte une valeur ajoutée en établissant:
- des règles minimales communes relatives à la définition des infractions pénales
- des sanctions pour lutter contre la fraude et les autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union.
Que dit la directive ?
La directive PIF fixe des normes minimales communes concernant les législations pénales des États membres. Ces normes communes visent à protéger les intérêts financiers de l’UE en harmonisant les définitions, les sanctions et les délais de prescription de certaines infractions pénales portant atteinte à ces intérêts.
L’harmonisation a également une incidence sur la portée des enquêtes et des poursuites menées par le Parquet européen, car la compétence matérielle de ce dernier est définie par référence à la directive PIF, telle qu’elle est mise en œuvre par le droit national.
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Étant donné que la directive PIF impose aux États membres d’ériger en infraction pénale les infractions liées à la fois aux recettes et aux dépenses du budget de l’Union, sa transposition a une incidence :
- sur les ressources propres de l’UE (droits de douane et TVA),
- sur les politiques de fond dans lesquelles les dépenses de l’UE sont utilisées pour atteindre ces objectifs d'action.
Une transposition correcte de la directive est donc essentielle non seulement pour la protection du budget de l’Union, mais aussi pour toutes les politiques de l’Union auxquelles des fonds de l’UE sont affectés, et elle est particulièrement importante dans le contexte de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR).
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Pourquoi ce rapport ?
Chaque année, la Commission, en coopération avec les États membres de l’UE, adresse un rapport au Parlement européen et au Conseil.
Ce rapport présente les mesures prises pour protéger le budget de l’Union et combattre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE.
Les pays de l’UE sont légalement tenus de signaler toutes les irrégularités — frauduleuses ou non — à la Commission européenne, qui rassemble ensuite les informations dans ce rapport annuel.
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Le précédent rapport, celui de 2021 ?
Le délai de transposition de la directive en droit national a expiré le 6 juillet 2019.
La Commission était tenue de présenter un premier rapport de mise en œuvre au Parlement européen et au Conseil deux ans après le délai de transposition. Le rapport en question a été adopté en septembre 2021.
Il a conclu que tous les États membres avaient transposé les dispositions principales de la directive PIF.
Cependant, il a également souligné la nécessité d’améliorer la transposition de la directive, notamment pour assurer une transposition cohérente des définitions des infractions pénales, de la responsabilité des personnes morales et des personnes physiques, et des sanctions à leur encontre.
Enfin, le rapport a souligné que les dispositions relatives à l’exercice de la compétence et aux délais de prescription devaient être transposées correctement.
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Que dit le rapport actuel de 2022 ? Une transposition (très) imparfaite
Tous les États membres ont transposé les dispositions principales de la directive PIF. Cependant, il est nécessaire d’améliorer la transposition de la directive, notamment pour assurer une transposition cohérente des définitions des infractions pénales, de la responsabilité des personnes morales et des personnes physiques, et des sanctions à leur encontre.
Les États membres doivent aussi intensifier leurs efforts pour transposer correctement les dispositions concernant l’exercice de la compétence et les délais de prescription. Cela conduit à l’ouverture de procédures d’infraction à l’encontre de 17 États membres au jour de la publication du rapport.
Premier point faible, un seuil trop élevé concernant la fraude à la TVA
En ce qui concerne le seuil relatif à la TVA, il a été constaté qu’en raison du seuil de 10 millions d’euros, le rapport indique qu’un nombre important d’activités frauduleuses ne sont pas couvertes par la directive PIF.
En outre, les États membres dotés d'une économie plus modeste sont confrontés à un plus grand nombre d’affaires dans lesquelles le montant du préjudice n’atteint pas ce seuil des 10 millions d’euros. De plus, il existe un volume important d’activités frauduleuses liées à la TVA qui concernent le territoire de deux États membres ou plus, mais qui entraînent un préjudice total inférieur à 10 millions d’euros.
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Par ailleurs, les autorités d’enquête compétentes ne disposent souvent pas d’une vision complète de la nature de l’activité criminelle au stade initial de l’enquête. Le fait d'attendre jusqu’à ce que le seuil de 10 millions d’euros soit atteint peut avoir un effet préjudiciable sur l’enquête.
Enfin, le seuil pourrait créer un manque de clarté quant à la question de savoir s'il appartient aux autorités nationales ou au Parquet européen de prendre en charge une affaire de fraude à la TVA et quand l’affaire devrait être transférée au Parquet européen.
Deuxième point faible, une définition trop vague des dépenses relatives aux marchés publics
Selon le rapport, la directive PIF ne contient aucune définition des dépenses relatives aux marchés publics.
Bien que l’intention du législateur puisse être déduite d’autres dispositions de la directive PIF, la référence croisée actuelle à un autre acte législatif de l’Union figurant dans les considérants pourrait conduire à un certain niveau d’incertitude quant à la portée de la définition de la fraude en matière de passation de marchés publics lorsque des pouvoirs adjudicateurs nationaux gèrent des fonds de l’UE.
Troisième point faible : des délais de prescription variables selon les droits nationaux
Toujours d’après le rapport, d’autres problèmes dans les affaires transfrontières peuvent résulter du manque d’uniformité des règles nationales applicables aux délais de prescription.
Cette situation peut permettre à des opérateurs économiques impliqués dans la même activité frauduleuse de bénéficier de régimes différents en fonction des États membres dans lesquels les poursuites ont lieu.
Par conséquent, toujours selon le rapport, l’exigence minimale prévue dans la directive PIF peut ne pas être suffisante pour permettre que l'enquête, les poursuites, le jugement, la décision judiciaire et l’exécution des peines pour toutes les infractions PIF puissent intervenir d’une manière uniforme dans tous les États membres en ce qui concerne les délais de prescription.
synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
A lire également sur le site de l'UE :
- la fiche thématique de la Commssion sur la lutte contre la fraude et protection des intérêts financiers de l’Union européenne
- la page générale réalisé par les rapports annuels sur la protection des intérêts financiers de l’Union européenne
Pour les deux autrs volets de cette trilogie, voir:
- Alors que le crime organise lorgne toujours plus sur l’argent européen, l’Office européen de lutte anti-fraude accroit sa coopération avec le Parquet européen, Europol et Frontex
- Lutte antifraude : un rapport européen préconise l’utilisation de l'intelligence artificielle dans la protection des intérêts financiers de l’UE
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