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dimanche 10 octobre 2021

Lutte antifraude : les défaillances des Etats membres savonnent la planche du Parquet européen

 


Les Etats membres ont mal transposé la directive destinée à muscler la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Or, la faiblesse des mesures législatives pour appliquer les dispositions pénales du texte savonne la planche du Parquet européen. C’est le constat qui ressort d’un rapport sur la mise en œuvre de la directive. Résultat,  les États membres doivent prendre prendre rapidement les mesures législatives qui s’imposent sous peine d’entraver l’action du Parquet européen dont l’efficacité des enquêtes et des poursuites dépend d’un cadre harmonisé.


De quoi parle-t-on ?

La «directive PIF» correspond à la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal. Elle établit des normes communes pour les législations pénales des États membres. 

Ces normes communes visent à protéger les intérêts financiers de l’UE en harmonisant les définitions, les sanctions et les délais de prescription de certaines infractions pénales portant atteinte à ces intérêts. 

Les infractions pénales (les «infractions PIF») sont :

  • la fraude, notamment la fraude transfrontière à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) entraînant un préjudice d’un montant total d’au moins 10 millions d’euros ;
  • la corruption; 
  • le blanchiment de capitaux; 
  • le détournement. 

En outre, les pouvoirs du Parquet européen sont définis par référence à la directive PIF, telle qu’elle est mise en œuvre par le droit national. La directive PIF facilite également le recouvrement, au moyen du droit pénal, des fonds européens détournés.


D’où vient-on ?

La «directive PIF» a été adoptée :

  • le 5 juillet 2017, dans le cadre de la stratégie antifraude globale de la Commission ;
  • sur le fondement de l’article 83, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

La directive remplace la convention de 1995 relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes et ses protocoles (la «convention PIF»). 

Le délai de transposition de la directive en droit national a expiré le 6 juillet 2019. À cette date, seuls 12 États membres avaient notifié la transposition complète de la directive. En conséquence, la Commission a engagé des procédures d’infraction à l’encontre des 14 États membres participants restants et leur a adressé des lettres de mise en demeure en septembre 2019. En avril 2021, le nombre de transpositions complètes notifiées avait grimpé à 26, ce qui signifie que tous les États membres liés par la directive ont désormais notifié sa transposition complète en droit national. 


Quel est le bilan global de la mise en œuvre ?

Il ressort de l’évaluation que la transposition de la directive doit encore être améliorée, notamment pour garantir la transposition cohérente des définitions de certaines infractions pénales.

En outre, la Commission a relevé, dans un quart des États membres, un certain nombre de problèmes de conformité relatifs à la responsabilité des personnes morales et aux sanctions à l’encontre des personnes physiques (articles 6, 7 et 9). Pour ce qui est des sanctions à l’encontre des personnes physiques (article 7), la Commission a également recensé des problèmes de conformité dans un quart des États membres. Certains des problèmes en question peuvent compromettre le caractère effectif, dissuasif et proportionné de ces sanctions.

Les dispositions relatives à l’exercice de la compétence (article 11) et aux délais de prescription (article 12) doivent aussi être transposées correctement.

Il est également indispensable que les États membres communiquent à la Commission européenne des données statistiques sur les procédures pénales et leurs résultats (article 18, paragraphe 2). Ces informations sont essentielles pour déterminer si la directive PIF permet de protéger les intérêts financiers de l’Union.


Un point faible : des définitions pénales mal transposées

Les problèmes de conformité tiennent principalement à des lacunes dans la législation nationale transposant les définitions pénales des articles 3, 4 et 5 en ce qui concerne: 

  • la définition de la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union (article 3) dans environ la moitié des États membres;
  • la définition des aspects de l’article 4, paragraphe 1 (blanchiment de capitaux), de l’article 4, paragraphe 2 (corruption) et de l’article 4, paragraphe 3 (détournement) dans plusieurs États membres; 
  • la définition d’«agent public» (article 4, paragraphe 4) dans environ la moitié des États membres; et 
  • le fait d’inciter à commettre l'une quelconque des infractions pénales visées aux articles 3 et 4 et de s'en rendre complice, ainsi que la tentative de commettre les infractions visées à l’article 3 ou à l’article 4, paragraphe 3 (article 5) dans quelques États membres.

La Commission a également mis le doigt sur des problèmes de conformité dans quelques États membres en ce qui concerne l’exercice d'une compétence établie sur le fondement du principe de territorialité et du principe de la personnalité active (article 11, paragraphe 1). En outre, quelques États subordonnent la poursuite d'infractions PIF à des conditions qui ne sont pas conformes à l’article 11, paragraphe 4. Un problème de transposition de l’article 12 mis en évidence dans certains États membres concerne la disposition prévoyant un délai de prescription pour l’exécution d’une peine infligée à la suite d’une condamnation définitive pour une infraction pénale visée aux articles 3, 4 ou 5: ce délai est inférieur aux cinq ans requis par la directive PIF. 

Enfin, sur la base des informations transmises, la Commission a constaté que seuls quelques États membres avaient inclus dans leur législation une obligation explicite et spécifique de lui communiquer annuellement des données statistiques (article 18, paragraphe 2). En l’absence de données suffisantes, il pourrait être plus difficile pour la Commission d’évaluer ultérieurement si la directive a atteint son objectif général de renforcement de la protection des intérêts financiers de l’Union.


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


 

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