Le chiffre présenté dans cette communication de la Commission européenne donne le vertige. Pour lutter contre ce phénomène et, de manière plus générale, contre toute atteinte aux intérêts financiers de l’UE, une «stratégie antifraude» vient d’être présentée. Cette stratégie, qui renforce les pouvoirs de l’office de lutte antifraude intervient au moment où la directive antfraude (directive PIF) de 2017 est en cours de ratification et le Procureur européen, chargé de poursuivre d’éventuels fraudeurs, est en cours de constitution.
Parmi les points forts à relever, l’accroissement des pouvoirs de l’Office de lutte antifraude (dont les compétences seront renforcées par ailleurs, par un règlement en cours de négociation).
De quoi parle-t-on ?
La stratégie antifraude révisée de la Commission définit une approche globale de la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE et guide la Commission, ses services et ses agences exécutives dans l’exercice de leurs responsabilités juridiques, politiques et de gestion respectivement, aux fins de la protection du budget de l’UE.
Elle ne s’adresse pas directement aux États membres, mais la Commission les invite à prendre également les mesures appropriées pour prévenir, détecter et corriger la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, conformément aux obligations leur incombant en vertu du traité.
Afin de se préparer à une nouvelle génération de programmes de dépenses dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027, la Commission actualise, par la présente communication, la «stratégie antifraude de la Commission» (CAFS) de 2011. 2019 aura donc pour objectifs prioritaires de doter la Commission d’une capacité d’analyse renforcée aux fins de la prévention et de la détection et d’un système de surveillance plus centralisé pour son action de lutte contre la fraude.
Le plan d’action accompagnant la stratégie :
- s’adresse aux services de la Commission et aux agences exécutives,
- vise à améliorer la coopération en matière de lutte contre la fraude et les flux de travail dans tous les domaines, comme la coopération de la Commission et d’autres organes de l’UE avec l’OLAF et avec le Parquet européen en voie de création,
- poursuit également les travaux entrepris au titre de la stratégie antifraude de 2011, notamment en garantissant le caractère rigoureux des procédures de passation de marchés publics et en encourageant la coopération internationale.
D’où vient-on ?
Le 24 juin 2011, la Commission a adopté la stratégie de lutte contre la fraude qui est toujours en vigueur aujourd’hui. Il s’agit d’un document de politique interne contraignant pour les services de la Commission et les agences exécutives dans le cadre de la lutte qu'ils mènent contre la fraude et la corruption portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne.
Cette stratégie antifraude de 2011 comprenait 2 instruments:
- une communication décrivant les objectifs stratégiques et les principales mesures opérationnelles pour les atteindre,
- un plan d’action interne de la Commission, plus détaillé.
La stratégie antifraude de 2011 définissait 3 priorités:
- i) l’introduction de dispositions antifraude dans les propositions de la Commission relatives aux programmes de dépenses relevant du cadre financier pluriannuel 2014-2020;
- ii) l’élaboration d’approches stratégiques antifraude au niveau des services de la Commission
- iii) la révision des directives relatives aux marchés publics.
Où en est-on et où va-t-on ?
Une évaluation de la «Stratégie antifraude de la Commission» 2011 a conclu qu’en tant que cadre d'action de la Commission, cette stratégie reste pertinente et efficace pour protéger le budget de l’UE. Pour autant, il convient de l’adapter pour tenir compte de l'évolution de la situation (nouveaux régimes de financement et nouvelles tendances de la fraude, développement des outils informatiques, etc.).
Afin de se préparer à une nouvelle génération de programmes de dépenses dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027, la Commission actualise la stratégie antifraude de 2011.
La stratégie antifraude de 2019 prend également en considération deux ajouts importants à la législation antifraude de l’UE, adoptés en 2017:
- i) la directive PIF qui établit des normes communes plus strictes pour les législations pénales des États membres, afin de protéger les intérêts financiers de l’UE,
- ii) le règlement instituant le Parquet européen par le biais d’une coopération renforcée entre, à ce stade, 22 États membres. Dès qu’il sera opérationnel (en 2021), il poursuivra plus efficacement les infractions pénales qui portent atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne.
En ce qui concerne les objectifs prioritaires, des indicateurs de résultat devraient être établis d’ici 2020. Ils devraient être affinés au fur et à mesure de l’avancement de la mise en œuvre de la stratégie antifraude de 2019 et complétés sur la base de l’expérience concrète et des résultats d’analyses ultérieures.
Comme pour la stratégie antifraude de 2011, la Commission rendra régulièrement compte de la mise en œuvre de la stratégie de 2019 et, en temps opportun, de l’élaboration d’indicateurs pertinents dans le cadre des rapports annuels sur la protection des intérêts financiers de l’UE.
La stratégie antifraude de 2019 sera à nouveau actualisée après l’examen à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Entretemps, le plan d’action sera revu et ajusté si nécessaire.
L’importance de la fraude
Même si les montants et les chiffres fluctuent d’année en année, il est clair que le niveau de fraude connue et signalée nécessite une action soutenue de l’UE.
Dans le domaine des ressources propres traditionnelles (RPT), la fraude douanière – découlant de la contrebande, des fausses déclarations ou de la sous-évaluation – cause un préjudice considérable au budget de l’Union européenne. En 2017, le taux de détection des fraudes dans les RPT (0,30 %) dépassait le taux de détection des fraudes dans le volet des dépenses du budget (0,29 %).
Dans le domaine de la TVA, on estime que la fraude transfrontière, telle que la «fraude à l’opérateur défaillant» ou la «fraude de type carrousel», génère des pertes budgétaires d’environ 50 milliards d’euros par an . La majeure partie de ces pertes est toutefois supportée par les États membres.
Dans le domaine de la fraude portant sur les recettes, le préjudice causé par la criminalité organisée est très important. En outre, ces groupes sont également actifs dans la fraude aux marchés publics et aux subventions.
Enfin, la surfacturation des coûts par le biais de fausses déclarations et/ou de faux documents justificatifs figure parmi les formes de fraude détectées les plus fréquentes.
Principes de la stratégie antifraude de 2019
La nouvelle stratégie met l’accent sur l’approche globale requise pour lutter contre la fraude à l’échelle de l’Union. Cette approche globale couvre l’ensemble du cycle antifraude et consiste à:
- améliorer la prévention, la détection et les conditions d'enquête sur la fraude
- garantir une réparation adéquate et un niveau de dissuasion suffisant, en appliquant des sanctions proportionnées et dissuasives
- à promouvoir une communication interne et externe efficace sur la lutte de l’UE contre la fraude.
Priorités de la stratégie
Ces priorités sont :
- Tolérance zéro pour la fraude
- Lutte contre la fraude en tant que partie intégrante du contrôle interne
- Rapport coût/efficacité des contrôles
- Intégrité professionnelle et compétence du personnel de l’UE
- Transparence quant à l’utilisation des fonds de l’UE
- Prévention de la fraude, notamment étanchéité des programmes de dépenses à la fraude
- Capacité d’enquête effective et échange d’informations en temps opportun
- Correction rapide (ce qui inclut le recouvrement des fonds détournés et les sanctions judiciaires/administratives)
- Bonne coopération entre les acteurs internes et externes, en particulier entre l’UE et les autorités nationales compétentes, et entre les services de l’ensemble des institutions et organes concernés de l’UE
Objectif nº 1: améliorer l’analyse des données antifraude
En ce qui concerne le volet des dépenses du budget, la Commission gère déjà deux bases de données d’une importance cruciale pour la lutte contre la fraude:
- la base de données du système de détection rapide et d’exclusion (EDES) qui enregistre les sanctions administratives imposées aux entreprises non fiables
- le système de gestion des irrégularités (IMS), géré par l’OLAF, qui permet aux États membres de signaler les irrégularités et les fraudes.
la qualité et l’exhaustivité des données récupérées,
l’analyse de la nature ou des méthodes de détection des fraudes.
De développer des connaissances spécifiques et comparables sur le cadre antifraude dans les différents États membres.
Une nouvelle fonction d’analyse du renseignement alimentera l’ensemble du processus en explorant de manière proactive le paysage en matière de fraude et de lutte contre celle-ci, afin de détecter les nouveaux risques de fraude transversaux ou sectoriels.
En particulier, la Commission a l’intention d’utiliser de manière plus étendue les outils de notation des risques dans la gestion directe ainsi que d’étudier et de promouvoir leur utilisation dans la gestion indirecte et partagée.
L’objectif est également de constituer une communauté d’experts dans ce domaine, d’améliorer la collaboration entre tous les acteurs concernés.
Objectif nº 2: « muscler » l’Office de lutte antifraude (OLAF)
Dans le cadre de la stratégie antifraude 2011, les services de la Commission et les agences exécutives ont adopté des stratégies antifraude pour leurs domaines de responsabilité respectifs. L’OLAF fournit des orientations méthodologiques et, sur demande, des conseils adaptés pour ces stratégies.
Or le rôle de soutien de l’OLAF demeure consultatif, ce qui signifie que les approches adoptées par les services peuvent diverger. Concrètement, il s’agit de :
- fusionner les stratégies antifraude des services de la Commission et des agences exécutives ayant des profils similaires en stratégies antifraude communes.
- faire en sorte que les projets de stratégies fasse l’objet d’un examen obligatoire par l’OLAF. Toute recommandation de l’OLF non suivie devra être justifiée par écrit.
- faire en sorte que l’OLAF assure le suivi de la mise en œuvre des stratégies. Toute recommandation formulée non mise en œuvre devrait, là encore, être justifiée.
synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
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- le fil des articles sur l'OLAF
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