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samedi 20 février 2021

Europol va fournir une expertise criminelle sur les mégadonnées aux juges français et au Procureur européen

 


Le règlement Europol fait peau neuve. Une proposition est sur la table qui étend les prérogatives de l’office en adaptant ses compétences aux évolutions que connaît les menaces criminelles, notamment en lui permettant de mieux répondre aux innovations technologiques.
L’idée essentielle ? Compte tenu de l’évolution de la situation en matière de sécurité, Europol doit disposer des capacités et des outils nécessaires pour aider efficacement les États membres à lutter contre les formes graves de criminalité et le terrorisme.


Un contexte évolutif

Depuis que le règlement Europol de 2016 est devenu applicable, l’importance opérationnelle des missions de l’Agence a considérablement évolué.
Par exemple, le soutien opérationnel fourni par le Centre européen de la lutte contre le terrorisme d’Europol a été multiplié par cinq ces dernières années (passant de 127 dossiers opérationnels soutenus en 2016 à 632 dossiers en 2019).
Le Centre est aujourd’hui impliqué dans la quasi-totalité des grandes enquêtes antiterroristes menées dans l’UE.

Or, les criminels exploitent les avantages offerts par la transformation numérique, les nouvelles technologies, la mondialisation et la mobilité, notamment l’interconnectivité et le flou qui caractérise désormais les frontières entre le monde réel et le monde numérique.
À cela s'ajoute la crise de la COVID-19, puisque les criminels ont rapidement saisi les opportunités d’exploiter la crise en adaptant leurs modes opératoires ou en développant de nouvelles activités criminelles.

Il existe un besoin social urgent de lutter contre les formes graves de criminalité préparées ou commises au moyen de services transfrontières offerts par des parties privées, notamment les actes de cybercriminalité.
Si le train de mesures concernant les preuves électroniques répond en partie à ce défi, il existe des situations dans lesquelles le soutien d’Europol est nécessaire pour lutter efficacement contre ces menaces.
C’est le cas de la cybercriminalité et les formes de criminalité facilitées par les technologies de l’information et de la communication.

Une accélération des événements

Dans ses conclusions de décembre 2019, le Conseil a reconnu «la nécessité opérationnelle urgente pour Europol de demander et de recevoir directement des données auprès de parties privées» et a appelé la Commission à envisager d’adapter le calendrier du réexamen du règlement Europol.
Le Parlement européen a également adopté, en juillet 2020, une résolution dans laquelle il a réclamé le renforcement d’Europol. Il a déclaré que «le renforcement du pouvoir d’Europol de demander l’ouverture d’enquêtes transfrontières, notamment en cas d’agressions graves contre les lanceurs d’alertes et les journalistes d’investigation qui jouent un rôle essentiel dans la dénonciation de faits de corruption, de fraude, de mauvaise gestion et d’autres actes répréhensibles commis dans les secteurs public et privé, devrait constituer une priorité» . 

Une réponse à des besoins opérationnels urgents

En réponse aux besoins opérationnels pressants et aux appels des colégislateurs en faveur d'un soutien renforcé d'Europol, la Commission a annoncé, dans son programme de travail pour 2020, une initiative législative visant à «renforce[r] [...] le mandat d’Europol afin d’intensifier la coopération policière opérationnelle».

Il s’agit également d’une action clé de la stratégie de l’UE pour l’union de la sécurité adoptée en juillet 2020, conformément à l’appel lancé dans les orientations politiques selon lequel «[a]ucun aspect ne doit être négligé lorsqu’il s’agit de protéger nos concitoyens».

Enfin, dans une déclaration commune du 13 novembre 2020 sur les attentats terroristes perpétrés récemment en Europe, les ministres de l’intérieur de l’UE «invit[ent] la Commission à présenter une proposition de révision du mandat d’Europol, assortie d’une base juridique solide pour le traitement de vastes ensembles de données.
Europol et, en particulier, son Centre européen de la lutte contre le terrorisme sont d’une importance fondamentale pour aider efficacement les États membres à prévenir et à poursuivre les crimes terroristes, et doivent être renforcés».

Dans les grandes lignes, quelles sont les nouveautés apportées par la réforme ?

Le nouveau règlement permet à Europol de :

  • coopérer efficacement avec les parties privées, en remédiant au manque de coopération effective entre les parties privées et les services répressifs;
  • soutenir les États membres et leurs enquêtes grâce à l'analyse d’ensembles de données vastes et complexes, en relevant le défi que représentent les mégadonnées pour les services répressifs;
  • introduire dans le système d’information Schengen des données relatives à la participation présumée d’un ressortissant de pays tiers. 

En outre, le texte renforce:

  • le rôle joué par Europol en matière de recherche et d’innovation, en comblant les lacunes concernant l’action répressive; 
  • la coopération d’Europol avec les pays tiers;
  • le fait qu’Europol peut, dans les cas particuliers où elle considère qu’une enquête pénale devrait être ouverte,

Par ailleurs, il consolide et intensifie :

  • la coopération d’Europol avec le Parquet européen;
  • le cadre de protection des données applicable à Europol;
  • le contrôle parlementaire et la responsabilité d’Europol.


Comment s’organise juridiquement la réforme ?

Cette initiative législative dénommée « Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) » modifie le règlement (UE) 2016/794. Elle est basée sur l’article 88 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Une telle initiative est liée à une proposition législative modifiant le règlement (UE) 2018/1862 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine de la coopération policière.


Une meilleure coopération avec le privé pour lutter contre les contenus terroristes


La proposition établit des règles afin qu’Europol puisse échanger des données à caractère personnel avec des parties privées. C’est le cas notamment des contenus à caractère terroriste en ligne.
À cette fin, Europol devrait avoir la possibilité :

  • de recevoir des données à caractère personnel provenant de parties privées,
  • d’informer ces parties privées des informations manquantes,
  • de demander aux États membres de réclamer des informations complémentaires à d’autres parties privées.

Ces règles offrent également à Europol la possibilité d’agir en tant que canal technique pour les échanges entre États membres et parties privées.

Réagir aux crises : contrôler la circulation en cas d’attaque terroriste

Europol pourra échanger des données à caractère personnel avec des parties privées.
L’initiative législative établit des règles permettant à l’office d’aider les États membres à prévenir la diffusion à grande échelle, via les plateformes en ligne, de contenus terroristes relatifs à des événements réels, en cours ou récents.
À cet effet, Europol aura la possibilité d’échanger des données à caractère personnel avec des parties privées, y compris des hachages, des adresses IP ou des adresses URL en rapport avec de tels contenus.

Europol comme analystes des mégadonnées au service du Procureur européen

Europol pourra soutenir les enquêtes pénales menées dans les États membres ou par le Parquet européen, en analysant des ensembles de mégadonnées.
L’initiative législative établit de nouvelles règles visant à permettre à Europol, de traiter des données recueillies par les autorités nationales ou le Parquet européen.
Ces données pourraient inclure des informations fournies par un pays tiers de confiance dans le cadre d’une enquête pénale donnée.

Favoriser toujours davantage la recherche et l’innovation

Europol pourra :

  • aider la Commission à déterminer les principaux thèmes de recherche,
  • aider à établir et à mettre en œuvre les programmes-cadres de l’Union
  • aider les États membres à utiliser les technologies émergentes pour lutter contre la criminalité
  • soutenir le filtrage de cas spécifiques d’investissements directs étrangers dans l’Union concernant des entreprises qui fournissent des technologies utilisées ou en cours de développement par Europol (ou les États membres) en matière de lutte contre la criminalité.


Quelles clarifications apporte enfin la proposition ?


Le texte clarifie et codifie certains éléments, notamment concernant la possibilité pour Europol de :

  • soutenir les unités spéciales d’intervention des États membres par l’intermédiaire du réseau ATLAS, qui sert de plateforme de coopération pour 38 unités spéciales d’intervention d’États membres et de pays associés,
  • soutenir les États membres en coordonnant la riposte des services répressifs aux cyberattaques,
  • faciliter et appuyer une réponse coordonnée, cohérente, pluridisciplinaire et interagences aux menaces liées aux formes graves de criminalité par l’intermédiaire de la plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles,
  • préciser qu’Europol peut également demander aux autorités d’un État membre d’ouvrir une enquête sur une forme de criminalité portant atteinte à un intérêt commun qui fait l’objet d’une politique de l’Union, sans que la forme de criminalité en question doive nécessairement revêtir une dimension transfrontière,
  • préciser que les membres du personnel d’Europol peuvent, dans le cadre de procédures pénales menées dans les États membres, fournir des éléments de preuve dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions ou de leurs activités.


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


 

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