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vendredi 8 juin 2018

Le Parlement européen rappelle que le maintien des contrôles aux frontières intra-Schengen est coûteux et inefficace contre les menaces



Le Parlement européen vient d’adopter une résolution consacrée à l'espace Schengen particulièrement sévère dans laquelle il condamne le rétablissement abusif des contrôles aux frontières. 
Ces mesures sont inefficaces et coûteuses pour l’économie. D'autres plus efficaces pourraient être prises, par exemple des contrôles plus ciblés sur des points stratégiques.

Il demande également à la Commission européenne d’être plus stricte à l’égard de la construction des murs et, face à ce maintien abusif des contrôles opérés par certains États, d’entreprendre des procédures d’infraction à leur encontre.

Si les Etats membres sont dans le collimateur (par exemple en ce qu’ils n’apportent pas un soutien suffisant à Frontex), les députés dénoncent certains dysfonctionnement : le système Eurosur ou bien encore un système d’évaluation mutuelle insuffisant.

Schengen, un chef d’œuvre en péril


Pour le Parlement européen,  l’espace Schengen est un dispositif unique en son genre et l’une des plus grandes réussites de l’Union européenne, permettant la libre circulation des personnes au sein de l’espace Schengen sans contrôles aux frontières intérieures.

Or, le bon fonctionnement de l’espace Schengen n’a pas encore été rétabli. Il dépend d’abord des États membres, de la confiance qu’ils ont les uns envers les autres, de la solidarité dont ils font preuve à l’égard des pays de première entrée, de l’adoption de mesures adaptées et de leur mise en œuvre, en particulier par les États membres.
Le rétablissement des contrôles aux frontières a des effets catastrophiques sur les économies des États membres. Les coûts :
  • se situent entre 0,05 et 20 milliards d’euros pour les coûts uniques ;
  • atteignent 2 milliards d’euros pour les coûts annuels de fonctionnement.

La perception d’une menace, davantage qu’une menace réelle


D’après le Parlement européen, le rétablissement de contrôles aux frontières intérieures semble lié à une perception de menace à l’ordre public et à la sécurité intérieure, associée au déplacement de personnes et au terrorisme, au nombre de personnes recherchant la protection internationale et à l’arrivée de migrants en situation irrégulière plutôt qu’à une preuve solide de l’existence réelle d’une menace grave ou qu’à un nombre réel d’arrivées.
Ces facteurs incluent également le terrorisme et la présence d’une menace accrue pesant sur l’ordre public et la sécurité intérieure des États membres.

Le défi du rétablissement des contôles aux frontières intérieures


Certains États membres ont réagi aux arrivées de demandeurs d’asile et de réfugiés en rétablissant les contrôles à leurs frontières intérieures, au motif de «réguler» les mouvements de ressortissants de pays tiers en quête d’une protection internationale.
Or l’article 14, paragraphe 1 du code frontières Schengen stipule que la «procédure des frontières normales» ne s’applique pas aux demandeurs d’asile.

En outre, le maintien et le rétablissement de contrôles aux frontières dans la zone Schengen :
  • ont de graves répercussions sur la vie des citoyens européens,
  • altèrent considérablement la confiance dans les institutions européennes;
  • comportent des coûts opérationnels directs et des coûts d’investissement directs pour l’économie.

Le Parlement européen :
  • condamne la réintroduction continuelle de contrôles aux frontières intérieures, qui va à l’encontre des principes fondateurs de l’espace Schengen ;
  • est d’avis qu’un grand nombre de prolongations ne sont pas conformes aux règles en vigueur, et sont par conséquent illégales;
  • regrette que les États membres n’aient pas pris les mesures qu’il fallait pour assurer la coopération avec les autres États membres concernés afin de minimiser les effets de ces mesures;
  • déplore également que les États membres modifient de manière artificielle la base juridique de la réintroduction en vue de la prolonger au-delà de la période maximale autorisée dans les mêmes circonstances factuelles.
  • rappelle que les États membres ont d’autres instruments que les contrôles aux frontières intérieures à leur disposition, comme les contrôles de police ciblés (à condition qu’ils n’aient pas pour objectif le contrôle aux frontières).
    Surtout, ces contrôles peuvent s’avérer plus efficaces que les contrôles aux frontières internes, notamment parce qu’ils sont plus souples et peuvent être adaptés plus facilement à l’évolution des risques.

Le problème des murs

Les députés :
  • condamnent la construction de barrières physiques (et les clôtures), entre les États membre ;
  • invitent la Commission à évaluer de manière approfondie les constructions existantes et à venir.

En effet, les constructions de murs et de clôtures aux frontières extérieures et intérieures de l’UE par différents États membres se multiplient et qu’elles sont utilisées comme moyen de dissuasion pour l’entrée et le transit y compris de demandeurs d’asile sur le sol de l’UE.
Selon le Transnational Institute (TNI), les pays européens ont construit plus de 1 200 kilomètres de murs et de frontières pour un coût d’au moins 500 millions d’euros et que de 2007 à 2010, les fonds de l’UE ont contribué au déploiement de 545 systèmes de surveillance des frontières couvrant 8 279 kilomètres des frontières extérieures de l’UE et 22 347 équipements de surveillance.

L’avenir de la réforme de Schengen de 2016


Depuis mars 2016, la Commission a proposé une série de mesures visant à rétablir le fonctionnement normal de l’espace Schengen.


Le Parlement européen :
  • accueille favorablement, cette proposition visant à modifier le code frontières Schengen eu égard aux règles applicables à la réintroduction temporaire des contrôles aux frontières intérieures;
  • insiste sur la nécessité de fixer des règles claires et rappelle que ces changements devraient uniquement répondre aux nouveaux défis et aux menaces diffuses qui pèsent sur la sécurité intérieure sans encourager le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures;
  • estime que ces mesures doivent être prises prudemment afin de ne pas entraver  la libre circulation, notamment en mettant en place des garanties procédurales substantielles (limitation temporelle stricte quant à la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures).

Pour autant, il :
  • s’inquiète de ce que la proposition de la Commission sur la réintroduction des contrôles aux frontières internes repose sur une évaluation du «risque perçu» et non sur des preuves rigoureuses et solides de l’existence d’une menace sérieuse,
  • propose que l’«évaluation des risques» proposée soit entièrement confiée à l’État qui réintroduit les contrôles aux frontières.

Renforcer Frontex


Le Parlement européen souligne la nécessité pour les États membres  :
  • de respecter les engagements à fournir suffisamment de ressources humaines et d’équipements techniques pour les opérations conjointes comme pour le parc d’équipements techniques de réaction rapide,
  • de consacrer les ressources suffisantes à la mise en œuvre de l’évaluation de la vulnérabilité; - est préoccupé par les ressources et la planification financière de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes.

Le problème des sauvetages en mer

Le Parlement européen : déplore le grand nombre de décès et de disparitions survenus en Mer Méditerranée au cours des dernières années;
  • estime que l’Union doit apporter une réponse permanente dans les opérations de recherche et de sauvetage;
  • juge indispensable d’intégrer des aspects et des capacités de recherche et de sauvetage maritime dans toutes les planifications de surveillance des frontières maritimes et dans la mise en œuvre de ces opérations par Frontex, comme le prévoit un règlement de 2014;
  • rappelle que les autorités nationales de garde-frontières doivent aussi lui fournir les ressources nécessaires pour ses opérations, en particulier en matière de recherche et de sauvetage ;
  • estime que la coopération au niveau national entre les divers services répressifs, l’armée, les gardes-frontières, les douanes et les autorités de recherche et de sauvetage en mer est souvent inadaptée, ce qui donne lieu à une connaissance parcellaire des situations et à une faible efficacité.
De graves lacunes concernant l’évaluation de Schengen 

Le Parlement européen :
  • insiste sur la gravité des constats établis par le mécanisme d’évaluation de Schengen et appelle les États membres à mettre en œuvre les recommandations qui leur ont été adressées;
  • insiste fermement pour que la Commission ne renouvelle plus les demandes de dérogation à Schengen si l’État membre concerné n’a pas mis en œuvre les recommandations qui lui ont été adressées dans le cadre du mécanisme d’évaluation de Schengen.
  • demande à la Commission et aux États membres de consacrer des ressources suffisantes à la mise en œuvre et au suivi des évaluations Schengen;
  • estime que si le mécanisme d’évaluation de Schengen devait être révisé, pour :
    • combler les retards importants entre la visite sur place et la mise en œuvre des décisions et des plans d’action,
    • permettre des mesures correctives rapides de la part des États membres;
    • faire que les visites inopinées dans le cadre du mécanisme d’évaluation de Schengen aient davantage de valeur si elles sont véritablement réalisées de manière inattendue (sans le préavis de 24 heures).
De graves lacunes concernant l’évaluation de la vulnérabilité

Le Parlement européen :
  • met également en lumière l’évaluation de la vulnérabilité et invite les États membres à donner suite aux recommandations émises par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes;
  • demande à la Commission et aux États membres de consacrer des ressources suffisantes à la mise en œuvre et au suivi des évaluations de la vulnérabilité.

Le système Eurosur sur la sellette


Les députés :
  • constatent une non-conformité manifeste, dans la plupart des États membres, en ce qui concerne la mise en place des centres nationaux de coordination prévue dans le règlement relatif au système européen de surveillance des frontières (Eurosur);
  • invitent la Commission à adopter une proposition législative modifiant le règlement relatif à Eurosur, étant donné les défaillances importantes constatées dans la mise en œuvre de l’actuel règlement ;
  • considèrent qu’une telle proposition devrait encourager une meilleure utilisation d’Eurosur en vue de lancer et de soutenir des opérations d’échange d’informations, d’analyse de risques, de recherche et de secours.

L’enjeu des bases de données


Le Parlement européen :
  • s’inquiète de l’absence de mise en œuvre de certaines dispositions de la réglementation régissant certains domaines du contrôle aux frontières extérieures, tels que la consultation systématique des bases de données lors des contrôles frontaliers;
  • s’inquiète également de l’indisponibilité occasionnelle de certaines bases de données telles que le SIS et le VIS à certains points de passages frontaliers;
  • constate ntla mise en place d’autres systèmes d’information à grande échelle, et l’objectif d’améliorer leur interopérabilité tout en instaurant les garde-fous nécessaires, notamment à l’égard de la protection des données et de la vie privée.

Élargir au plus vite l’espace Schengen

Les députés  réaffirment leur soutien :
  • à l’adhésion immédiate de la Bulgarie et de la Roumanie à l’espace Schengen,
  • à celle de la Croatie dès que ce pays remplira les critères d’adhésion.


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr 


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