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lundi 27 février 2017

L’Europe veut se doter d’une "super directive" antiblanchiment


L’Union s’est attelée à un chantier d’importance : résoudre l’absence de définition homogène de l’infraction de blanchiment de capitaux.
Or, le phénomène est de grande ampleur. Selon des estimations des Nations unies, le montant total des produits du crime à l'échelle mondiale a atteint près de 2 100 billions (mille milliards) de dollar US en 2009, soit 3,6 % du PIB mondial.

D'après un rapport, le produit des activités criminelles réalisées dans les principaux marchés illicites au sein de l’Union européenne a été estimé à 110 milliards d’euros.
Selon une étude, le montant actuellement en cours de recouvrement dans l’UE ne représente qu’une faible part des produits estimés du crime.

Cette proposition de directive complète les mesures déjà en cours, comme la 5e directive antiblanchiment.

Plus exactement, cette proposition porte sur le volet pénal.
Elle vise à aller plus loin que le cadre juridique international en matière pénale à travers la définition de règles minimales pour définir l’infraction pénale du blanchiment de capitaux, l’application de cette définition aux infractions terroristes, ainsi que le rapprochement des sanctions en la matière.

Pourquoi cette proposition de directive ?

Le financement du terrorisme n'est pas un problème nouveau. Les outils dont dispose d’ores et déjà l’Union européenne pour y répondre sont notamment la législation pénale en vigueur, la coopération entre les autorités répressives et l’échange d’informations pertinentes, ainsi que la législation visant à prévenir et à combattre le blanchiment de capitaux, qui fait l’objet d’un renforcement constant.

Toutefois, le cadre législatif actuel n’est ni complet ni suffisamment cohérent pour être pleinement efficace. Les différences qui existent entre les cadres juridiques des États membres peuvent être exploitées par les criminels et les terroristes, qui peuvent choisir d’effectuer leurs transactions financières là où ils perçoivent que les mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux sont les moins rigoureuses.

Un phénomène transnational et de grande ampleur


D’après le FIU.Net, l’outil d’échange d’informations des cellules de renseignement financier (cellules de renseignement financier (CRF) des États membres de l’UE, qui sont chargées d’analyser les transactions soupçonnées d’avoir des liens avec le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme) .
En 2014, il y a eu 12 076 échanges d’informations, un chiffre qui est passé à 17 149 en 2015. Le nombre de déclarations de transactions suspectes revêtant une dimension transfrontière se situait entre 30 % et 50 % des déclarations de transactions suspectes transmises aux autorités compétentes.

La dimension transfrontière du blanchiment de capitaux sont confirmées :
  • Dans un État membre, les estimations indiquent que 10 à 15 % des cas revêtent une dimension transfrontière.
  • Dans deux États membres, les mêmes estimations sont de 20 %, et dans quelques États membres, elles atteignent 70 %.
  • Cinq États membres estiment que la proportion des enquêtes relatives au blanchiment de capitaux comportant un élément transfrontière est comprise entre 38 % et 50 %.
  • Un État membre a indiqué qu’environ 50 % des infractions pénales principales étaient commises à l’étranger.

Eurojust a enregistré 724 cas de blanchiment d’argent entre 2012 et juillet 2015, ce chiffre étant passé de 193 cas en 2013 à 286 cas en 2015. Entre le 1er janvier et le 30 septembre 2016, Eurojust a enregistré 212 cas.
Sur les 160 réunions de coordination organisées par Eurojust entre janvier et avril 2015, une proportion de 12,5 % ont porté sur le blanchiment de capitaux, soit le double du pourcentage de 2014. La part que représente le blanchiment de capitaux dans les dossiers traités par Eurojust ne cesse de croître.

D’où vient-on ?

Les instruments existants au niveau de l’UE (en particulier la décision-cadre 2001/500/JAI) ont une portée limitée et ne permettent pas d’incriminer globalement les infractions liées au blanchiment de capitaux. Il existe des différences importantes dans les définitions des Etats membres (ce qu’il faut entendre par blanchiment de capitaux, ce qui concerne les infractions principales, c’est-à-dire les activités criminelles sous-jacentes qui sont à l’origine des biens blanchis, ainsi que le niveau des sanctions).

Le programme européen en matière de sécurité adopté en avril 2015 appelait à prendre des mesures supplémentaires dans le domaine du financement du terrorisme et du blanchiment de capitaux. Le 2 février 2016, la Commission a présenté un plan d’action destiné à intensifier davantage la lutte contre le financement du terrorisme.
L’une des mesures clés du plan d’action consistait à examiner une éventuelle proposition de directive visant à introduire des règles minimales relatives à la définition de l’infraction pénale de blanchiment de capitaux (en l’appliquant aux infractions terroristes et à d’autres infractions pénales graves) et de rapprocher les sanctions.

La résolution du Parlement européen du 25 octobre 2016 sur la lutte contre la corruption et le suivi de la résolution de la commission a également souligné que la participation à des activités criminelles peut être liée à des actes terroristes et a préconisé un renforcement de la législation de l’UE qui vise à combattre la criminalité organisée et le blanchiment de capitaux afin d’assurer l’efficacité de la lutte contre le terrorisme.

Un exemple de difficulté concrète

Au niveau opérationnel, les différences observées dans les définitions, le champ d’application des infractions liées au blanchiment de capitaux et les sanctions prévues à cet égard affectent la coopération policière et judiciaire transfrontière entre les autorités nationales et l’échange d’informations.
Par exemple, les différences observées dans le champ d’application des infractions principales sont telles qu’il est difficile pour les cellules de renseignement financier (CRF) et les autorités répressives d’un État membre de coordonner leur action avec d’autres États membres de l’UE pour combattre le blanchiment de capitaux transfrontière (notamment en ce qui concerne le blanchiment de capitaux lié aux infractions fiscales).
Les praticiens, y compris des agences telles qu’Europol et Eurojust, ont indiqué que les disparités relevées dans la pratique législative des États membres lorsqu’il s’agit d’ériger en infraction le blanchiment de capitaux constituaient un obstacle à l’efficacité de la coopération policière et des enquêtes transfrontières.

Une proposition de "super directive"


La présente proposition vise à mettre en œuvre les obligations internationales découlant de la convention de Varsovie, ainsi que les recommandations du Groupe d’action financière en ce qui concerne l’incrimination du blanchiment de capitaux.

La convention de Varsovie est la convention internationale la plus complète dans le domaine du blanchiment de capitaux. À maints égards, cette convention va au-delà des exigences de la recommandation 3 du GAFI.
Cependant, elle a été signée par 26 États membres de l’UE, parmi lesquels 17 seulement l’ont ratifiée à ce jour. L’UE l’a signée mais pas encore ratifiée. La présente proposition de directive serait une étape importante sur la voie de la ratification de la convention de Varsovie.

La proposition de directive va au-delà de la recommandation du GAFI et de la convention de Varsovie en rendant obligatoire la criminalisation de l'acquisition, de la détention ou de l'utilisation des biens provenant d’une activité criminelle, ce qui, dans la convention de Varsovie, constitue une possibilité sous réserve des principes constitutionnels et des concepts fondamentaux du système juridique de chaque pays.

Un socle de sanctions et d’infractions

Cette proposition établit le niveau minimal des sanctions maximales. Aux termes de la décision-cadre 2001/500/JAI, pour certains types d’infractions de blanchiment de capitaux, la peine maximale encourue ne peut être inférieure à quatre ans. La présente proposition fixe également à quatre années d’emprisonnement le seuil minimal de la peine maximale, à tout le moins pour les cas graves.
En outre, cette proposition érige en infraction les activités d’auto-blanchiment, c’est-à-dire les cas dans lesquels la personne qui blanchit le bien provenant d’activités criminelles est également l’auteur de l’infraction principale sous-jacente, bien que l’auto-blanchiment soit limité à la conversion ou au transfert et à la dissimulation ou au déguisement.

Enfin, cette disposition impose aux États membres d’ériger en infraction l’autoblanchiment. Selon Eurojust, le fait que l’«auto-blanchiment» ne soit pas érigé en infraction dans tous les pays concernés est susceptible de compliquer la tâche de certains États membres lorsqu’il s'agit de prouver l'existence d'une infraction passible de poursuites pénales, de détecter les flux de l’«argent noir» et d’enquêter à leur sujet.

Tout en permettant aux États membres de maintenir des approches différentes à l’égard des infractions de blanchiment de capitaux, cette proposition de directive fournit des définitions relatives aux «activités criminelles» qui constituent des infractions principales commises aux fins du blanchiment de capitaux.

La recommandation 3 du GAFI qui impose à chaque pays, quelle que soit l’approche adoptée pour caractériser les infractions principales, d’inclure un éventail d’infractions au sein de chacune des catégories désignées d’infractions.
Toutefois, ces catégories sont simplement énumérées et ne sont définies ni par le GAFI ni par le Conseil de l’Europe dans la convention de 2005, ce qui peut entraîner des différences importantes entre les États membres en ce qui concerne l'éventail des infractions principales.

Enfin, outre les grandes catégories d’infractions énumérées dans la liste des infractions principales sous-jacentes établie par le GAFI et la convention de Varsovie, la liste figurant dans la présente proposition comprend la cybercriminalité et les infractions relevant d’une législation communautaire qui définit les infractions principales.


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

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