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jeudi 27 août 2020

Copie de transposition du mandat d'arrêt européen: les Etats ont la moyenne...mais de pas beaucoup!

 


Imprécis, oublis de jurisprudence, carences, clauses abusives, références exagérément nombreuses aux constitutions nationales...voici ce qu'il ressort du 4e rapport de la Commission européenne sur l'évaluation de l'application de la législation européenne sur le mandat d'arrêt européen. Le travail de transposition n'est pas non plus trop mauvais, même s'il y a beaucoup d'améliorations à apporter, par exemple pour mettre fin à des droits exorbitants dont bénéficient les nationaux en vertu de certaines législations nationales.


De quoi parle-t-on ?


La décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres est le premier instrument juridique de l’Union européenne (UE) qui porte sur la coopération en matière pénale fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle. 

Elle a prévu un mécanisme plus efficace veillant à ce que l’ouverture des frontières ne profite pas à ceux qui cherchent à échapper à la justice et a contribué à la réalisation de l’objectif de l’UE visant à maintenir et à développer un espace de liberté, de sécurité et de justice. 


La décision-cadre a remplacé le système d’extradition classique par un mécanisme plus simple et plus rapide de remise des personnes recherchées aux fins de l’exercice de poursuites pénales ou de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté. 

Elle est fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle. La décision judiciaire de l’État membre d’émission doit être reconnue par l’État membre d’exécution sans autre formalité, sauf si des motifs de non-exécution s’appliquent.
Il s’agit d’un instrument largement utilisé pour la coopération judiciaire en matière pénale dans l’UE. 

D’après les statistiques de 2018, on estime qu’en moyenne 54,5 % des personnes recherchées ont consenti à leur remise (contre 62,96 % en 2017), la procédure de remise durant en moyenne 16,41 jours après l’arrestation. Le délai moyen, pour les personnes ne consentant pas à leur remise, avoisine les 45,12 jours. Cela contraste nettement avec les longues procédures d’extradition qui existaient entre États membres, antérieurement à la décision-cadre. 


D’où vient-on ?


En février 2009, la décision-cadre a été modifiée par la décision-cadre de 2009 du Conseil relative aux procès par défaut, qui introduit un motif de non-exécution, précis et commun, des décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès. En outre, les droits procéduraux des personnes arrêtées sur la base d’un mandat d’arrêt européen ont été renforcés par six directives concernant:

  • le droit à l’interprétation et à la traduction ;
  • le droit à l’information ;
  • le droit d’accès à un avocat ;
  • le renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et le droit d’assister à son procès ;
  • les garanties procédurales en faveur des enfants :
  • l’aide juridictionnelle. 


Le Conseil a publié un manuel concernant l’émission du mandat d’arrêt européen afin d’aider les professionnels en 2008 et a procédé à la révision du texte en 2010. La Commission a mis à jour le manuel en 2017. 


Entre mars 2006 et avril 2009, l’application pratique de la décision-cadre a fait l’objet d’un examen par les pairs entre États membres, avec la Commission en tant qu’observateur, dans le contexte de la 4e série d’évaluations mutuelles. Certains aspects de la décision-cadre font actuellement l’objet d’un nouvel examen par les pairs dans le cadre de la 9e série d’évaluations mutuelles, qui évalue certains aspects pratiques et opérationnels du mandat d’arrêt européen. 


Les limitations du contrôle juridictionnel exercé par la Cour de justice et des pouvoirs d’exécution de la Commission dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale ont été levées le 1er décembre 2014. En conséquence, l’interprétation de la décision-cadre a conduit à un nombre sans cesse croissant de demandes de décision préjudicielle à la Cour de justice. Par conséquent, le nombre de renvois préjudiciels relatifs à la décision-cadre a augmenté rapidement, passant d’un total de 12 en 2014 à plus de 50 à la mi-2020. 


Et pourquoi ce rapport ?


Ce rapport évalue comment la décision-cadre a été transposée dans l’ensemble des 27 États membres. La plupart des États membres ont modifié leurs lois nationales de transposition de la décision-cadre à compter du dernier rapport de la Commission de 2011. 

Par conséquent, les recommandations des précédents rapports de la Commission et les recommandations de la 4e série d’évaluations mutuelles concernant la transposition (par exemple, en ce qui concerne la proportionnalité d’un mandat d’arrêt européen émis) ont été prises en considération lors de l’élaboration de ce présent de 2020.
Depuis la publication du dernier rapport de mise en œuvre, la Commission a organisé 5 réunions d’experts avec les États membres afin de leur apporter une aide concernant le fonctionnement pratique de la décision-cadre. 


En mars 2020, un groupe de coordination chargé du mandat d’arrêt européen a été mis en place. Ce groupe de coordination a pour but de renforcer l’échange rapide d’informations et la coopération entre les différents acteurs intervenant dans le fonctionnement de la décision-cadre, à savoir les praticiens et les décideurs des États membres, Eurojust, le RJE, le secrétariat général du Conseil et la Commission. Les échanges au sein du groupe devraient conduire à une application plus uniforme de la décision-cadre. 


Et surtout quel jugement porter ? 


L’évaluation générale montre un niveau plutôt satisfaisant de mise en œuvre de la décision-cadre dans un nombre important d’États membres. Toutefois, l’évaluation des mesures nationales d’exécution a également mis en évidence certains problèmes de conformité dans certains États membres. S’il n’est pas remédié à ces irrégularités, ces dernières limiteront l’efficacité du mandat d’arrêt européen.
En effet, s’il faut reconnaître les efforts accomplis à ce jour par les États membres, le degré de mise en œuvre de la décision-cadre n’est toujours pas satisfaisant dans certains États membres. 

Il ressort à la fois de cette évaluation, des statistiques sur le mandat d’arrêt européen et de l’analyse comparative avec les précédents rapports que certains États membres n’ont pas donné suite à certaines des précédentes recommandations de la Commission et à celles résultant de la 4e série d’évaluations mutuelles. De plus, il semblerait que certains États membres n’ont pas encore exécuté certains arrêts de la Cour de justice.

Quelles sont les carences observées ?


Certains États membres font également référence aux constitutions nationales. Toutefois, les renvois aux constitutions nationales pourraient aller au-delà de la décision-cadre. Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, les États membres ne peuvent exiger d’un autre État membre un niveau de protection national des droits fondamentaux plus élevé que celui assuré par le droit de l’Union.


En outre, un petit nombre d’États membres ne mentionne pas explicitement les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux dans leurs dispositions d’exécution, étant donné que leurs lois constitutionnelles les obligent à respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux.


Malgré l’absence de disposition analogue dans la décision-cadre, la plupart des États membres prévoient explicitement un motif de non-exécution obligatoire, tiré de la violation des droits fondamentaux (comme la race, la nationalité, la religion ou les opinions politiques).
Par ailleurs, un petit nombre d’États membres n’ont pas explicitement conféré un pouvoir d’appréciation à leurs autorités judiciaires d’émission compétentes afin d’examiner le point de savoir si, au regard des spécificités de chaque espèce, l’émission d’un mandat d’arrêt européen revêt un caractère proportionné. 


Quelles sont les autres exemples relevés ?


Quelques États membres prévoient un champ d’application plus étroit pour examiner la proportionnalité des mandats d’arrêt européens qui peuvent être émis par leurs autorités judiciaires (par exemple, en imposant des seuils plus élevés; en exigeant qu’une peine de quatre mois reste à purger ou en exigeant qu’un mandat d’arrêt européen doive être dans l’intérêt de la justice). 


Par ailleurs, la décision-cadre ne régit pas la remise pour des infractions punies d’une peine d’un niveau inférieur au seuil fixé par le texte, lorsque celles-ci sont accessoires aux infractions principales qui atteignent ce seuil. Dans la pratique, certains États membres ont décidé de permettre la remise dans de tels cas, d’autres non. 


De plus, certains États membres ont adapté explicitement le champ d’application conformément à la décision-cadre de 2009 du Conseil relative à des mesures de contrôle en tant qu’alternative à la détention provisoire, selon laquelle un mandat d’arrêt européen peut également être émis lorsque le seuil de 12 mois n’est pas atteint, si une mesure de contrôle n’a pas été respectée.
En outre, un petit nombre d’États membres ont imposé des conditions supplémentaires,  par exemple,

  • en exigeant que l’infraction qui fait l’objet d’un contrôle de la double incrimination doive être punie d’une peine de prison de 12 mois à la fois dans l’État membre d’émission et celui d’exécution;
  • en exigeant qu’elle soit classée en tant que délit ou en tant que crime conformément au droit de l’État membre d’exécution;
  • en ne prenant pas en compte les circonstances aggravantes lors de l’examen du seuil d’au moins 12 mois;
  • en imposant une exigence relative au mandat d’arrêt européen à des fins d’exécution indiquant qu’une peine de quatre mois doit être purgé


Une transposition très imparfaite


L’évaluation indique que plus de la moitié des États membres ont prévu des motifs de non-exécution supplémentaires (par exemple, fondés sur les droits fondamentaux, les infractions politiques, le principe de proportionnalité, les seuils supplémentaires dans les États membres d’exécution, l’exigence relative à la préparation au procès ou l’indication de culpabilité, si une personne recherchée ne consent pas, le danger pour la sécurité, l’ordre public ou d’autres intérêts essentiels de l’État membre d’exécution).
En outre, certains États membres ont prévu des exigences et des restrictions supplémentaires s’appliquant à leurs ressortissants nationaux (par exemple, le contrôle de la double incrimination de leurs ressortissants nationaux). 


La décision-cadre octroie plusieurs droits procéduraux à la personne recherchée. Ainsi, la personne recherchée a le droit d’être informée de l’existence et du contenu du mandat d’arrêt européen, ainsi que de la possibilité qui lui est offerte de consentir à sa remise et elle a le droit de bénéficier des services d’un conseil et d’un interprète.  

Or, dans quelques États membres, les exigences n’ont été transposées que partiellement ce droit. Par exemple, aucune disposition explicite n’exige que la personne recherchée soit informée de la possibilité qui lui est offerte de consentir à sa remise ou la personne recherchée n’est informée qu’à son arrivée au centre de détention.


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr 



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