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mercredi 7 mars 2018

Pour mieux couper les sources de revenus des djihadistes, le Parlement européen suggère de muscler le renseignement financier au sein d’Europol

 

Le Parlement européen vient tout juste d’adopter une résolution destinée à cibler le financement du terrorisme.
Pour lui, les choses sont claires : les mesures actuelles sont insuffisantes.

Il propose en particulier la création d’un  dispositif européen stable de renseignement financier en matière de lutte contre le terrorisme.
Ce dispositif, mis en place, par exemple au sein d’Europol, rassemblerait les services de renseignement des États membres pour renforcer l’échange préventif d’informations sur les soutiens financiers des réseaux terroristes.


Un constat accablant

Les réseaux de communication modernes et le financement participatif constituent une méthode particulièrement efficace et bon marché pour lever des fonds en vue de financer les activités terroristes ou d’assurer la gestion du réseau djihadiste.
Les groupes terroristes ont pu réunir des fonds supplémentaires pour leurs activités grâce à l’hameçonnage (phishing), à l’usurpation d’identité ou à l’achat d’informations concernant des cartes de crédit volées sur des forums en ligne.
Ces financements alimentent des attentats qui nécessitent un apport de fonds important et des attentats non moins dévastateurs qui requièrent des fonds en quantité moindre. Ils financent la propagande pouvant inspirer des attentats commis par des «loups solitaires» qui ne requièrent que très peu de préparation ou de fonds.

En outre, nombre d’organisations internationales à but non lucratif, d’organisations caritatives, d’autres fondations, réseaux et de donateurs privés ayant ou prétendant avoir des objectifs sociaux ou culturels, ont fourni la base des capacités financières de l’EIIL/Daech, d’Al-Qaïda et d’autres organisations djihadistes, et servent de couverture à des pratiques frauduleuses.

Par ailleurs, le réseau mondial de collecte de fonds d’Al-Qaïda repose sur les dons à des organisations caritatives et à des organisations non gouvernementales (ONG), qui communiquent avec les donateurs grâce aux médias sociaux et aux forums en ligne.
Plusieurs applications pour smartphone ont été conçues par les organisations terroristes au cours des dernières années pour maximiser leur portée et encourager les dons des sympathisants, qui sont établis, pour la plupart, dans les pays du Golfe.

De surcroît, l’EIIL/Daech et Al-Qaïda sont devenus autosuffisants financièrement. Ils essaient d’exfiltrer leurs avoirs en Syrie et en Iraq par le biais d’exportations de pétrole, d’investissements dans des entreprises, y compris des entreprises de services monétaires, des passeurs de fonds et des professionnels des services monétaires et de transferts de fonds illégaux. Ils blanchissent le produit :
  • de leurs activités criminelles en achetant des entreprises et des actifs en tous genres ;
  • du vol d’antiquités et du trafic d’œuvres d’art et d’objets en les vendant à l’étranger, y compris sur le marché des États membres.

Quelques idées force

La prise de conscience des liens entre, d’une part, le blanchiment de capitaux et l’évasion fiscale et, d’autre part, la criminalité organisée et le financement du terrorisme, a considérablement augmenté au cours des dernières années. En outre, comme l’a reconnu la Commission, de récentes informations relayées par les médias ont aussi établi un lien entre la fraude à la TVA et aux droits d’accise à grande échelle et la criminalité organisée, y compris le terrorisme.

L’un des éléments essentiels de la lutte contre le terrorisme est l’assèchement de ses sources de financement, y compris celles qui proviennent des circuits dissimulés de fraude et d’évasion fiscale, du blanchiment de capitaux et des paradis fiscaux.

Par ailleurs, les dimensions extérieure et intérieure de la lutte contre le terrorisme sont liées, et que l’assèchement des sources de financement du terrorisme devrait faire partie d’une stratégie élargie de l’Union intégrant les deux dimensions interne et externe de la sécurité.

Enfin, le Parlement européen invite les États membres et la Commission à rédiger un rapport annuel décrivant les progrès accomplis et les mesures prises en matière de lutte contre le financement du terrorisme, en particulier les efforts visant à faire obstacle au financement de l’EIIL/Daech et d’Al-Qaïda.

Renforcer l’échange d’informations

Pour le Parlement européen, l’interruption des sources de financement des réseaux terroristes comme une priorité de premier ordre.
Il est, selon lui, indispensable d’élaborer des stratégies de prévention fondées sur l’échange d’informations.
Cet échange doit porter sur des soupçons entre les services de renseignement au regard de la lutte contre le financement du terrorisme et plus généralement contre les attentats terroristes. Toujours d’après lui, cet échange d’informations devrait être préventif.

Le Parlement européen invite dès lors :
  • les services de renseignement des États membres à coopérer en instaurant un dispositif européen stable de renseignement financier en matière de lutte contre le terrorisme dans le cadre des structures existantes (par exemple Europol) en vue d’éviter la création d’une agence supplémentaire ;
    • à la transmission rapide des données à forte valeur ajoutée collectées par une agence nationale de sécurité devraient être transmises rapidement dès l’instant où elles sont enregistrées dans le système central ;
    • à faire en sorte que les informations concernées doivent notamment recenser les banques, et les entités commerciales au sein et hors de l’Union, ainsi que les pays tiers dont l’action de lutte contre le terrorisme est défaillante;
  • les pays de l’UE et hors UE à contribuer au financement de programmes qui favorisent l’échange de bonnes pratiques entre leurs services de renseignement.
    Il s’agit de se concentrer en particulier sur les enquêtes et les analyses des méthodes de recrutement et de transfert des financements des terroristes et des organisations terroristes;
  • recommande la publication trimestrielle d’évaluations de la menace rassemblant les renseignements et les informations collectés par Europol et par le Centre de situation et du renseignement de l’Union européenne (INTCEN).

En outre, le Parlement européen insiste sur l’importance d’assurer une chaîne d’attribution qui permette aux services de renseignement de déterminer si une opération présente un risque sérieux d’être utilisée aux fins d’une infraction terroriste.

Améliorer le volet police-justice

Le Parlement européen :
  • invite les États membres de l’Union à améliorer la surveillance des organisations suspectes impliquées dans certaines activités, comme le trafic illicite, le commerce de contrebande, la contrefaçon et les pratiques frauduleuses. Il s’agit de:
    • constituer des équipes communes d’enquête avec Europol;
    • de faciliter l’accès des services répressifs aux données concernant les opérations suspectes. Il invite les États membres à améliorer la formation et la spécialisation des enquêteurs à cet effet;
  • invite la Commission à soutenir et à financer l’élaboration de programmes de formation pour les autorités répressives et judiciaires.

Améliorer le renseignement financier

Le Parlement européen :
  • suggère d’élaborer des stratégies de prévention complètes fondées sur l’échange d’informations essentielles et sur la coopération renforcée entre les cellules de renseignement financier, les services de renseignement et les autorités répressives ;
  • invite les services de renseignement des États membres à renforcer la coordination de leur action et à coopérer en instaurant un dispositif européen stable en matière de lutte contre le terrorisme.
    Ce dispositif de renseignement financier serait créé dans le cadre des structures existantes (par exemple Europol) en vue d’éviter la création d’une agence supplémentaire, pour renforcer l’échange préventif d’informations sur les soutiens financiers des réseaux terroristes;
  • appelle à la création de ce dispositif de renseignement financier destiné à créer une base de données commune contenant les informations relatives aux physiques et morales ainsi qu’aux opérations suspectes;
  • salue la proposition de la Commission de créer des registres des comptes bancaires et de faciliter l’accès à ceux-ci par des cellules de renseignement financier;
  • prend note du fait que la Commission présentera prochainement une initiative visant à étendre l’accès des autorités répressives à ces registres ;
  • invite les États membres à mieux exploiter le réseau informel des cellules de renseignement financier européennes (FIU.net) en s’appuyant sur les travaux menés par Europol.

Concernant le dernier point, il s’agit d’adopter des mesures réglementaires pour faire face aux enjeux découlant de la diversité des statuts des cellules de renseignement financier.
L’idée est de faciliter la coordination et l’échange d’informations parmi les cellules de renseignement financier qu’entre ces dernières et les autorités répressives.

Le but est de faire partager les informations concernées sur la plate-forme européenne de renseignement en matière de lutte contre le terrorisme.
Cette plate-forme européenne institutionnalisée au sein des structures existantes, consacre l’existence était jusqu’ici informelle.
Elle entend centraliser des informations aujourd’hui éparpillées entre les 28 États membres et permette aux États membres de fournir des informations sur leur niveau d’implication et leurs progrès en matière de lutte contre le financement du terrorisme.

Se concentrer sur le secteur des banques

Le Parlement européen :
  • demande aux États membres de prendre les mesures législatives nécessaires pour que les banques surveillent rigoureusement les opérations relatives aux cartes de débit prépayées.
    Il s’agit de s’assurer que ces opérations ne puissent être rechargées que par virement bancaire et depuis un compte dont le titulaire est identifiable ;
  • invite en outre les États membres à prendre les dispositions nécessaires pour faciliter au mieux l’ouverture d’un compte bancaire pour toutes les personnes présentes sur leur territoire.

Mieux surveiller et réglementer le transfert de fonds  

Le Parlement européen invite les États membres à davantage surveiller et réglementer les pratiques traditionnelles en matière de transfert de fonds (comme l’hawala ou le fei ch’ien chinois, entre autres) ou les systèmes informels de transfert de fonds.
Un règlement relatif aux contrôles d’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union est à cet égard en cours.
Il prévoit d’instaurer une obligation, pour les agents chargés des opérations, de déclarer aux autorités compétentes toutes les opérations importantes réalisées dans le cadre de ces systèmes.

Il invite également les États membres à instaurer un système de contrôle des fonds reçus et employés, issus de pays hors UE. Sont visés les lieux de culte et d’enseignement, les organisations caritatives et les associations culturelles.
Il préconise, concernant les dons, de réaliser un contrôle préalable obligatoire de l’origine et de la destination des fonds lorsque l’on peut raisonnablement suspecter l’existence de liens avec le terrorisme, afin d’éviter l’utilisation de ces fonds, par malveillance ou négligence, à des fins terroristes.

En outre, le Parlement européen prend acte de l’efficacité de la coopération et de l’utilité des informations obtenues dans le cadre de l’accord entre l’Union, les États-Unis concernant l’échange d’informations issues du Terrorism Financing Tracking Program (TFTP).
Il invite la Commission à proposer la mise en place d’un système similaire à l’échelon européen en vue de compléter le cadre actuel et d’en combler les lacunes, notamment en ce qui concerne l’espace unique de paiements en euros (SEPA).
  
  
Mieux contrôler les monnaies électroniques
  
Le Parlement européen invite la Commission :
  • à proposer la législation requise pour mieux contrôler l’ensemble des opérations financières électroniques et les entreprises émettrices de monnaie électronique.
    Il s’agit d’en interdire la transformation par des utilisateurs non identifiés tels que les utilisateurs de réseaux publics ou de systèmes de navigation anonymes.
    Il préconise, à cet égard, que l’échange de crypto-monnaie contre des espèces, ou vice-versa, ait obligatoirement lieu par le truchement d’un compte bancaire identifié.
  • à réaliser une évaluation des implications pour le financement du terrorisme des activités liées aux jeux en ligne, des monnaies virtuelles, des crypto-monnaies, de la chaîne de blocs et des technologies financières.
  • à envisager des mesures, y compris de nature législative, visant à instaurer un cadre réglementaire pour ces activités afin de limiter les instruments permettant de financer le terrorisme.

Renforcer l’action à l’international

Le Parlement européen invite la haute représentante :
  • à soutenir les efforts du Goupe d’action financière (GAFI) en identifiant les États membres des Nations unies présentant des défaillances stratégiques en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;
  • et le service européen d’action extérieure de l’UE (SEAE) à mener des initiatives au sein d’enceintes internationales afin d’améliorer la transparence de l’actionnariat des sociétés.
    Il propose notamment de créer un registre public des personnes morales, y compris les entreprises, les trusts et les fondations, et d’un registre central des comptes bancaires, des instruments financiers, des biens immobiliers, des contrats d’assurance-vie et d’autres actifs pertinents qui pourraient être utilisés à des fins de blanchiment d’argent ou pour financer le terrorisme;
  • et les États membres, en coopération avec le coordinateur de l'Union pour la lutte contre le terrorisme, à constituer une liste des personnes et des organisations :
    • dont les opérations sont opaques ;
    • qui présentent des indices significatifs d’activités financières suspectes lorsqu’il existe des preuves que les autorités nationales n’ont pas réagi (en particulier si ces personnes et entités sont liées au radicalisme djihadiste).

Synthèse du texte par Pierre Berthelet, auteur de securiteinterieure.fr



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