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lundi 31 octobre 2016

Contre la criminalité organisée et les organisations mafieuses, les députés européens souhaitent mieux protéger les lanceurs d’alerte


C’est du moins l’une des nombreuses propositions du Parlement européen avancées dans sa résolution pour mieux lutter contre les organisations criminelles.
Inquiet de l’ampleur de l’expansion de ces organisations dans l’économie l’égale, il envisage une série de propositions, telles qu’une protection des lanceurs d’alerte, des mécanismes de confiscation élargie et un programme européen destiné à protéger les témoins et les personnes qui collaborent avec la justice.

Cette résolution, dont le rapporteur est une députée italienne, actualise les propositions de la "commission spéciale sur la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment de capitaux" (CRIM) établie en 2012 (à lire sur securiteinterieure.fr : Lutte contre la criminalité organisée : pour un tableau de bord de suivi de la mise en oeuvre du droit européen au sein de la législation nationale).

L’ampleur du danger

D’après le Parlement européen, la criminalité organisée constitue une menace mondiale et qu’elle requiert par conséquent une réponse conjointe et coordonnée de la part de l’Union européenne et de ses États membres.

Les organisations criminelles ont fait preuve d'une grande capacité d'adaptation, notamment dans l'exploitation à leur avantage des atouts des nouvelles technologies.
En outre, elles ont montré une tendance et une grande facilité à diversifier leurs activités, en s’adaptant aux différents contextes territoriaux, économiques et sociaux, dont ils exploitent les faiblesses et les fragilités, en intervenant simultanément sur plusieurs marchés et en profitant des différentes dispositions réglementaires des systèmes juridiques des États membres pour faire prospérer leurs activités et maximiser leurs bénéfices.

Le Parlement européen déplore l'absence de prise de conscience de la complexité du phénomène des associations criminelles et du danger que représente l’infiltration par celles-ci du tissu social et économique. Enfin, il s’inquiète de la convergence accrue et du lien étroit entre le terrorisme et la criminalité organisée.

La mesure phare : une meilleure protection des lanceurs d’alerte 

D’après le Parlement européen, les lanceurs d'alerte jouent un rôle central dans la lutte contre la corruption car ils peuvent révéler des affaires de fraude qui autrement resteraient secrètes.
Or, aucun acte législatif européen ne devrait être interprété comme mettant un frein à l'activité des lanceurs d'alerte.

Pourtant, le fait de dénoncer des malversations, outre le fait de les révéler si elles ont eu lieu, est considéré comme l'un des moyens les plus efficaces pour y mettre fin et empêcher qu'elles ne se reproduisent.
Par conséquent, il invite la Commission à présenter une proposition législative définissant et instaurant des règles communes pour la protection des lanceurs d’alerte et ce, avant la fin 2017.

Réaliser un cadre législatif plus solide

Le Parlement européen :
  • estime qu’il est nécessaire de prévoir la possibilité de sanctionner une association de malfaiteurs indépendamment des délits commis;
  • recommande la réalisation, par la Commission, d'une étude des législations nationales les plus avancées en matière de lutte contre la criminalité organisée et la corruption, en vue de mettre en place une législation européenne efficace et à l'avant-garde;
  • demande à la Commission de mener une étude sur les méthodes d’enquête contre la criminalité organisée en vigueur dans les États membres, en se concentrant plus particulièrement sur l’utilisation d’instruments tels que les écoutes téléphoniques, la surveillance discrète, les modalités de perquisition, les arrestations et saisies retardées, les opérations sous couverture ainsi que les livraisons contrôlées et surveillées.

En outre, il invite la Commission à :
  • présenter une proposition législative révisée en vue de prévenir et de punir les crimes contre l’environnement de manière à renforcer les réponses pénales à l’incinération illégale des déchets et de considérer les rejets illégaux de «polluants émergents» comme une infraction pénale;
  • présenter une proposition législative instituant un programme européen destiné à protéger les témoins et les personnes qui collaborent avec la justice;
  • établir une définition de l’agent public, du délit de fraude et du délit de corruption (la directive anti-fraude aux intérêts financiers de l'Union (directive PIF) (à lire sur securiteinterieure.fr : ), prévoit des définitions uniquement aux fins de cette directive);
  • proposer une nouvelle proposition législative sur l’usage de la force ou de l’intimidation concernant la souscription de marchés publics.

Renforcer la coopération judiciaire et policière à l’échelle de l’UE


Le Parlement européen :
  • engage les États membres à promouvoir l'admissibilité mutuelle des preuves entre les États membres et à veiller à ce qu'il soit plus fréquemment fait recours à des équipes d'enquêtes communes;
  • demande la création, au sein d’Europol, d’une unité spécialisée dans la lutte contre les groupes criminels organisés actifs concomitamment dans plusieurs secteurs;
  • insiste sur l'urgence de créer un système plus efficace de communication et d'échange d'informations entre les autorités judiciaires au sein de l'Union, en remplaçant le cas échéant les instruments traditionnels d'entraide judiciaire en matière pénale.

Frapper le patrimoine des organisations criminelles et favoriser sa réutilisation à des fins sociales

Le Parlement européen est d'avis que l'emploi d'une méthode de saisie commune des avoirs des organisations criminelles dans l'Union serait une mesure dissuasive contre la délinquance.
Il invite la Commission à présenter dans les meilleurs délais une proposition législative visant à garantir la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et de confiscation découlant des mesures nationales de protection patrimoniale.

Il s’agit notamment de :
  • criminaliser le transfert de propriété de capitaux ou de biens effectués dans le but d’éviter des mesures de gel ou de confiscation;
  • prévoir la confiscation en l’absence d’une condamnation définitive;
  • d’assurer la promotion de la gestion des biens gelés et confisqués et de leur réutilisation à des fins sociales et comme forme d'indemnisation des familles des victimes et des entreprises victimes d’usure et d’extorsion.

Permettre (enfin) l’émergence du parquet européen


Le Parlement européen :
  • estime que le Parquet européen devrait constituer une pièce centrale dans la lutte contre la corruption dans l'Union européenne;
  • demande à nouveau que soit créé ce parquet européen et qu’il soit indépendant des gouvernements nationaux et des institutions de l’Union, et protégé contre les influences et les pressions politiques. Il déplore à ce propos que les négociations en cours au sein du Conseil compromettent le principe de base d’un Parquet européen indépendant et efficace;
  • invite la Commission à évaluer la nécessité de réexaminer le mandat du futur Parquet européen afin de le doter des compétences nécessaires, une fois établi, pour lutter contre la criminalité organisée.

Prévenir l’infiltration de l’économie légale par la criminalité organisée et par la corruption

Le Parlement européen :
  • appelle de ses vœux la mise en place d’un système complet de passation de marchés en ligne dans toute l’Union, qui permettrait de réduire le risque de corruption dans le cadre des marchés publics;
  • considère qu'il est nécessaire de se doter, au niveau européen, de règles garantissant la vérification et le contrôle de toutes les sources de financement des partis politiques, en vue de s'assurer de leur légalité;
  • demande à la Commission de rendre obligatoire la publication des données relatives à tous les bénéficiaires des fonds européens, y compris les données relatives à la sous-traitance;
  • propose de réfléchir à la manière de transformer la surveillance de l’usage des fonds européens en processus continus, plutôt que simplement a posteriori.

Le Parlement européen recommande par ailleurs aux États membres et aux institutions européennes :
  • d’exiger des contractants qu’ils dévoilent pleinement leur structure d'entreprise et les bénéficiaires ultimes avant de conclure un contrat avec eux de façon à éviter l'évasion fiscale et la corruption;
  • de frapper d'inéligibilité et d'interdiction d'exercice d'une fonction publique, y compris dans les institutions de l'UE, les personnes condamnées pour criminalité organisée, blanchiment d'argent et corruption;
  • d'encourager la rotation des fonctionnaires afin de prévenir la corruption et l'infiltration par la criminalité organisée;
  • d'instituer des instruments de surveillance des marchés publics, notamment de dresser des listes noires de toutes les entreprises entretenant des liens avérés avec la criminalité organisée et/ou impliquées dans des pratiques de corruption;
  • d'encourager la rotation des fonctionnaires afin de prévenir la corruption et l'infiltration par la criminalité organisée.

En outre, il demande aux États membres :
  • de créer une certification «sans lien avec la criminalité organisée» qui serait conférée aux entreprises;
  • de veiller, pour éviter, concernant les investissements immobiliers l’usage par les délinquants, de sociétés-écrans étrangères, à ce que ces sociétés soient soumises aux mêmes normes de transparence que les entreprises nationales.

Contrefaçon, stupéfiants, jeux et paradis fiscaux

Concernant la contrefaçon, le Parlement européen invite la Commission et les États membres à envisager des méthodes visant à empêcher et à décourager la fraude alimentaire, par exemple la dénonciation et la stigmatisation par l'intermédiaire d'un registre européen des exploitants du secteur des denrées alimentaires et des médicaments condamnés pour fraude.

Concernant le trafic de stupéfiants, le Parlement européen affirme que la priorité doit être donnée à l’évaluation de nouvelles politiques relatives aux drogues douces et estime qu’il convient d’envisager des stratégies de dépénalisation ou de légalisation afin de combattre de manière efficace les organisations criminelles.

Pour ce qui est des jeux et des paradis fiscaux, le Parlement européen fait observer que la fraude et l’évasion fiscales coûtent mille milliards d’euros chaque année à l’Union européenne.
En parallèle, il se félicite que le G20 soit parvenu à un accord visant à appliquer une nouvelle norme mondiale destinée à renforcer la transparence fiscale, alignée sur l’excellente norme appliquée par l’Union européenne.
Surtout, il invite la Commission à envisager la possibilité d’établir un plan global pour décourager les transferts d’actifs vers les pays tiers qui garantissent l’anonymat à des individus corrompus, et à reconsidérer ses liens économiques et diplomatiques avec ces pays;

Crimes environnementaux, traite des êtres humains et terrorisme

Concernant les crimes environnementaux, le Parlement européen rappelle qu'il a recommandé l'élaboration d'un plan d'action contre ces formes de criminalité et il met l’accent sur la nécessité d’appliquer la réglementation en vigueur, notamment en procédant à des contrôles anti-criminalité auprès d'entités contractantes et sous-contractantes qui obtiennent des marchés dans de grands projets d'infrastructure financés par le budget de l'Union.

Concernant le terrorisme, le Parlement européen invite les États membres à veiller à ce que le financement et le soutien du terrorisme par l'intermédiaire de la criminalité organisée soient érigés en infraction. Il estime aussi qu'il est indispensable, pour lutter efficacement contre le terrorisme, de renforcer la législation de l'Union en matière de lutte contre la criminalité organisée et le blanchiment d’argent, vu aussi les liens existants, pour leur bénéfice mutuel, entre les groupes terroristes et les organisations criminelles.

Pour ce qui est de la traite des êtres humains, il constate avec inquiétude que la traite des êtres humains se professionnalise de plus en plus et que cette activité dégage des profits de plus en plus importants pour les réseaux de passeurs au regard de l’afflux permanent de réfugiés en Europe. Il dénonce l'infiltration de la gestion des fonds destinés à financer l'accueil des migrants par la criminalité organisée.

En outre, il  reconnaît que le manque de canaux migratoires légaux et les barrières faisant obstacle à l’accès à la justice figurent parmi les principales causes de la traite des êtres humains. Pour lui, la directive sanctionnant les employeurs auteurs de travail au noir permet de lutter contre l'exploitation de ressortissants de pays tiers en situation illégale, mais que ces dispositions sont limitées car elles sont subordonnées à l'existence de mécanismes de traitement des plaintes peu effectifs.

synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


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