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lundi 15 février 2016

Financement du terrorisme : des organismes de surveillance financière davantage axés autour d'un système basé sur le renseignement


Sans grande surprise, les 28 ministres de l'Economie et des Finances viennent de valider, dans des conclusions du 12 février, le plan d'action de la Commission visant à intensifier la lutte contre le financement du terrorisme.
De quoi réjouir le ministre des Finances, Michel Sapin, qui a réclamé d'accélérer le mouvement à l'échelle européenne alors que la France a adopté, elle-même, un plan d'action suite aux attentats de Charlie Hebdo.

« Les cellules de renseignement financier pourraient passer d’un système de divulgation fondé sur des suspicions à un système de divulgation davantage basé sur le renseignement ».
Voici l’une des nombreuses mesures contenues dans la communication de la Commission présentant ce plan d'action approuvé par le Conseil ECONFIN du 12 février 2016.

Ce plan d’action fait écho au plan d’action français qui avait été pris après les attentats de janvier 2015. Plusieurs mesures de ce plan européen ont été médiatisées (comme un contrôle accru des Bitcoins ou des cartes bancaires prépayées).
D’autres toutes aussi importantes ne doivent pas être oubliées pour faire face aux nouvelles tendances en matière de financement du terrorisme.

D’où vient-on ?

Le programme européen en matière de sécurité a souligné la nécessité de prendre des mesures pour s'attaquer au financement du terrorisme de manière plus efficace et plus globale.
Il a insisté sur les liens avec la criminalité organisée, qui alimente le terrorisme entre autres en lui procurant des armes et de l’argent provenant du trafic de drogue, et sur l'infiltration des marchés financiers.

Le Conseil « Justice et affaires intérieures » et le Conseil des ministres de l’économie et des finances (ECOFIN) ainsi que le Conseil européen du 18 décembre 2015 ont également recommandé, dans leurs conclusions une nouvelle intensification des efforts.

La Commission a présenté une proposition de directive relative à la lutte contre le terrorisme introduisant une infraction pénale générale pour financement du terrorisme (à lire sur securiteinterieure.fr : Durcissement de l'arsenal répressif : la France souhaite que tous les pays européens puissent supprimer les pages internet incitant au terrorisme).

Au niveau international, les travaux en cours, menés en particulier par les Nations unies et le Groupe d'action financière (GAFI) constituent, d’après la Commission, une bonne base sur laquelle s'appuyer. Un consensus général important sur la nécessité d'agir contre le financement du terrorisme s'est dégagé au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.

En 2014, le Conseil de sécurité des Nations unies a imposé de nouvelles obligations en termes d'incrimination du financement du terrorisme, ce qui a conduit à l'adoption du Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme – que la Commission a signé en octobre 2015. Une autre résolution a été adoptée par le Conseil de sécurité en décembre 2015; il s'agissait plus spécifiquement de cibler le financement de Daech et d'étendre l'ancien régime de sanctions appliqué à Al Qaida.

Donner un effet concret à la «liste des pays tiers à haut risque» de l’UE

En vertu de la 4e directive anti-blanchiment, une fois qu’un pays sera recensé parmi les pays dont les dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme présentent des carences stratégiques, des mesures de vigilance renforcées seront appliquées en matière transactions financières avec les opérateurs économiques provenant de ce pays.
Toutefois, à l’heure actuelle, la nature exacte de ces mesures n’est pas explicitement définie dans le texte juridique. Afin de clarifier cette obligation, la Commission propose d’intégrer des dispositions détaillées, fondées sur les normes du GAFI.

Mieux contrôler les plateformes de change de monnaies virtuelles

Il existe un risque que des organisations terroristes recourent à des transferts de monnaies virtuelles pour dissimuler des mouvements financiers.
À l’heure actuelle, les monnaies virtuelles ne sont pas réglementées au niveau de l’UE. La Commission proposera de placer les opérations de change anonymes sous le contrôle, en étendant le champ d’application de la directive anti-blanchiment à ces plateformes considérées comme des bureaux de change «électroniques» .

Identifier les porteurs des cartes prépayées

Etant donné que des cartes prépayées ont été utilisées par des terroristes pour financer anonymement la logistique d’attentats terroristes, la Commission présentera de nouvelles modifications à apporter à la directive anti-blanchiment, qui pourraient être axées en particulier sur la réduction des dérogations existantes, telles que les seuils en dessous desquels une identification n’est pas requise et qui nécessitent l’identification des clients et la vérification de leur identité au moment de l’activation en ligne des cartes prépayées.

Créer un registre national centralisé des comptes bancaires

L’existence de registres centralisés au niveau national, qui indiquent tous les comptes bancaires nationaux détenus par une personne, ou d’autres mécanismes souples tels que des systèmes centraux de recherche est un moyen de faciliter les enquêtes d’un éventuel financement du terrorisme.
En conséquence, la Commission proposera, par une modification de la directive anti-blanchiment, l’établissement de registres centralisés des comptes bancaires et des comptes de paiement ou de systèmes électroniques de recherche de données,.

Eliminer les obstacles concernant l’accès aux informations des CRF

Les cellules de renseignement financier (CRF), comme TRACFIN, contribuent dans une large mesure à repérer les opérations financières des réseaux terroristes par-delà les frontières et à débusquer leurs bailleurs de fonds., l’échange et l’utilisation des informations et la coopération opérationnelle: Un inventaire est en cours de réalisation en vue de recenser les obstacles concrets concernant l’accès aux informations, l’échange des informations.
Les CRF devront peut-être évoluer et passer d’un système de divulgation fondé sur des suspicions à un système de divulgation davantage basé sur le renseignement.
En fonction des résultats de cet inventaire, la Commission décidera de l’opportunité de prendre des mesures et du type de mesures nécessaires pour remédier aux différences de statut organisationnel entre les CRF et pour s’attaquer aux éventuels obstacles à une bonne coopération et à un échange d’informations efficace.

Coopération visant à tracer et à geler le financement du terrorisme

Une autre composante essentielle de la lutte contre le terrorisme est l’amélioration de l’efficacité des mesures de gel des avoirs fondées sur les listes des Nations unies.
A ce propos, la Commission œuvre à ce que les établissements financiers et les opérateurs économiques de l’UE aient accès aux nouvelles inscriptions sur les listes des Nations unies immédiatement après leur publication.
Il s’agit notamment de charger les nouvelles inscriptions sur les listes des Nations unies dans la base de données des sanctions financières de l’UE,
À moyen et à plus long terme, les services de la Commission œuvreront avec les acteurs des Nations unies à l’élaboration d’un système commun de partage de données, afin que les nouvelles inscriptions puissent être publiées dans un format commun téléchargeable compatible avec la base de données de l’UE.

Harmoniser les infractions pénales liées au blanchiment de capitaux

Les terroristes utilisent se servent de systèmes de blanchiment de capitaux.
Or, il existe des divergences entre eux en ce qui concerne la définition du blanchiment et les sanctions appliquées, et ces divergences font obstacle à la coopération judiciaire et policière menée contre le financement du terrorisme.
La Commission entend dès lors proposer une directive pour introduire des règles minimales relatives afin de résoudre cette difficulté.

Lutter contre les mouvements illicites d’argent liquide

Une évaluation effectuée par la Commission a souligné la nécessité d’étendre le champ d’application du règlement  1889/2005 afin d’y inclure l’argent liquide envoyé par la poste ou par fret et de permettre aux autorités d’agir à l’égard de montants plus faibles d’argent liquide en cas de soupçons d’activité illicite.
Des mesures pourraient également être prises afin d’inclure dans le champ d’application du règlement les métaux précieux, voire d’autres marchandises de grande valeur très liquides.

Mieux geler les avoirs des terroristes

Les Nations unies disposent de plusieurs régimes pour geler les avoirs des personnes ayant des liens avec le terrorisme. L’objectif de telles mesures administratives serait de faire obstacle au financement du terrorisme et de dissuader les partisans, comme les collecteurs de fonds, au moyen de mesures à l’échelle de l’UE. L’UE est déjà pourvue d’un dispositif efficace, aligné sur le système des Nations unies.

En outre, plusieurs options ont été examinées, dont un régime d’inscription sur des listes et de gel des avoirs au niveau de l’UE en complément des régimes nationaux.
La Commission étudie aussi actuellement des mesures de reconnaissance mutuelle des décisions nationales de gel (au moyen d’une décision européenne de gel des avoirs, par exemple).

Par ailleurs, pour que la lutte contre le financement du terrorisme porte ses fruits, une série d’approches complémentaires doivent être appliquées.
Outre l’analyse de la possibilité de mettre en place un régime de l’UE pour geler les avoirs des terroristes, la Commission s’efforcera de veiller à ce que les criminels qui financent le terrorisme soient privés de leurs avoirs.
À cette fin, la Commission souhaite faire en sorte que tous les types de décisions de gel et de confiscation dans le domaine de la grande criminalité disponibles dans les États membres soient exécutés dans toute la mesure du possible dans l’ensemble de l’UE, grâce à l’application du principe de reconnaissance mutuelle.

Créer un système de surveillance du financement du terrorisme


À la suite d’une analyse d’impact, la Commission a conclu, dans une communication de novembre 2013, que la mise en place d’un système basé dans l’UE (dénommé «système de surveillance du financement du terrorisme» ou SSFT) sur le modèle du programme de surveillance du financement du terrorisme (TFTP) ne serait ni proportionnée ni porteuse de valeur ajoutée.
Toutefois, il serait utile d’analyser l’éventuelle nécessité de mécanismes complémentaires au TFTP (à lire sur securiteinterieure.fr le fil des articles sur ce sujet) pour combler de possibles lacunes (par exemple, les transactions auxquelles l’accord entre l’UE et les États-Unis sur le TFTP ne s’applique pas, notamment les paiements en euros à l’intérieur de l’Union).

S’adapter aux pratiques de Daesh

La menace terroriste que fait actuellement peser Daech a mis en lumière certains problèmes particuliers. Selon le Groupe d’action financière, les principales sources de revenus de l’organisation terroriste sont les produits illicites provenant de son occupation du territoire.
Parmi ces sources figurent le pillage des banques, l’extorsion de fonds, le contrôle des gisements de pétrole et des raffineries, le vol des biens économiques, les enlèvements contre rançon, la contrebande d’argent liquide et le financement au niveau local.

A cette fin, la Commission propose:
  • de renforcer les compétences des douanes ;
  • de lutter contre le commerce illicite de biens culturels ;
  • d’établir un plan d’action européen sur le trafic illégal d’espèces sauvages.

synthèse du texte par securiteinterieure.fr


Et pour approfondir :

A lire également sur securiteinterieure.fr le Dossier spécial terrorisme

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