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vendredi 10 juin 2022

Fraude et détournement d'argent public: le Parquet européen démarre ses activités en France et déjà près de 50 millions d'euros sont dans le viseur

 


Voilà qui devait contenter la journaliste Elise Lucet. Dans son dernier numéro de "Cash investigation" diffusé cette semaine, elle pointait le détournement de l'argent européen et plus spécifiquement les fraudes à la politique agricole commune. Le premier rapport du Parquet européen vient d'être publié sur le début des activités de cette toute nouvelle structure.

Certes, il n'est pas spécifié si les enquêtes portent sur les activités illicites de certains agriculteurs corses, telles qu'évoquées dans le reportage, néanmoins il est signalé dans ce rapport que les premières enquêtes sont ouvertes, y compris en France. Le Parquet précise déjà (et il fallait s'y attendre), l'absence suspecte de détection par certains Etats membres de cas de fraude.  


Un budget de près de 50 millions d’euros

Le Parquet européen dispose d’un budget fixé à 44,9 millions d'euros pour 2021. Il possède un personnel composé de 130 agents et de 140 procureurs européens délégués.

Le Conseil de l'Union européenne a nommé les 22 procureurs européens le 27 juillet 2020.

Le Collège du Parquet européen a été constitué le 28 septembre 2020. Une fois les procureurs européens délégués recrutés et formés,  le démarrage opérationnel a pu avoir lieu le 1er juin 2021.


activités du Parquet (cliquez sur l'image pour agrandir)

Des atteintes au budget de l'UE estimées à plus de 5 milliards d'euros

En 7 mois, le Parquet européen a traité une bonne partie de l'arriéré de dossiers ouverts par les autorités nationales avant de devenir opérationnel. Il a aussi traité l'intégralité de l'arriéré des enquêtes de l'OLAF et tous les nouveaux signalements de soupçons de fraude provenant de toutes les sources possibles. Au total, il a reçu 2832 rapports et ouvert 576 enquêtes, dans lesquelles les atteintes causés au budget de l'UE ont été estimées à 5,4 milliards d'euros.

Au 31 décembre 2021, 515 enquêtes sont considérées actives :

  • 17,6 % d'entre eux étaient en fraude à la TVA, pour un préjudice estimé à 2,5 milliards d'euros.
  • 27,5% d'entre eux avaient une dimension transfrontalière (actes soit commis sur le territoire de plusieurs pays, soit ayant causé des dommages à plusieurs pays).

Après 7 mois de fonctionnement, le Parquet européen estime que le niveau de détection de la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'UE est sous-optimal et varie considérablement d'un État membre à l'autre. Cela est particulièrement visible du côté des recettes du budget de l'UE, plusieurs États membres n'ayant détecté aucune fraude grave à la TVA, ainsi qu'un nombre étonnamment faible de signalements de fraude douanière.


activités d'investigations du Parquet (cliquez sur l'image pour agrandir)
En bleu, les investigations en cours. En rose, les investigations transfrontières.




activités d'investigations du Parquet - suite (cliquez sur l'image pour agrandir)
La France connaît un démarage en douceur.

29 enquêtes actives pour la France


En 2021, le Parquet européen a traité 1351 signalements d'infractions des autorités nationales et 190 signalements d'infractions émanant des institutions et agences de l’UE. Les sources des rapports incluent les 22 États membres participants, 4 institutions et agences de l’UE, 3 États membres non participants et des pays tiers. 

La communication des informations se fait via une connexion directe et sécurisée (EPPOBox17) établie entre l'Office central et le Parquet européen dans les États membres participants, ainsi que les autorités et institutions et agences de l’UE.

Le Parquet européen a traité 1282 plaintes de parties privées, dont 525 étaient des doublons. Le plus grand nombre de plaintes provenait de Bulgarie (104), de Roumanie (88), d'Espagne (75), d'Allemagne (68) et de Croatie (59). 

Le plus grand nombre de plaintes à l'origine d'une éventuelle enquête provenait de Bulgarie (18), de Roumanie (11) et de Croatie (7).


Situation en Belgique (cliquez sur l'image pour agrandir).


Le Parquet enquête sur les fraudes impliquant des fonds de l'UE de plus de 10 000 € et les fraudes transfrontalières à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) impliquant des dommages supérieurs à 10 millions d'euros. Toute fraude de ce type commise dans les États membres participants après novembre 2017 relève de sa compétence. Au cours des 7 premiers mois d'activité, le Parquet a traité 2 832 signalements d'infractions de ce type et ouvert 576 enquêtes. Le Parquet européen a demandé la saisie de 154,3 millions d'euros et la saisie de 147 millions d'euros ayant été accordée.

Enfin, en France, 29 enquêtes sont actives. Les atteintes aux intérêts financiers de l'UE sont estimés à 46,1 millions d'euros.


Situation en France (cliquez sur l'image pour agrandir).


147 millions d'euros d’actifs recouvrés

Au cours des sept premiers mois de fonctionnement, 81 actions de recouvrement ont eu lieu dans 12 des États membres participants (Italie, Belgique, Allemagne, Roumanie, Tchéquie, Croatie, Finlande, Lettonie, Luxembourg, Espagne, Lituanie, Portugal). Au total, le Parquet européen a demandé la saisie de plus de 154 millions d'euros, et la saisie de plus de 147 millions d'euros a été accordée.

Cela représente plus de trois fois le budget du Parquet européen en 2021.

La saisie la plus importante concernait plus de 7 millions d'euros d'instruments monétaires. Dans 4 affaires, un total de plus de 7 millions d'euros a été récupéré avant le procès.

Une confiscation élargie a été demandée dans deux cas, afin de retenir des avoirs à l'égard desquels des mesures de protection avaient été prises par les criminels afin d'éviter la confiscation.

Le Parquet européen a largement utilisé la confiscation fondée sur la valeur pour permettre le recouvrement.

Situation en France - suite (cliquez sur l'image pour agrandir).

Le Parquet européen a également fait plusieurs demandes de confiscation dans l'intention de garantir d'éventuelles actions civiles.

Les principaux biens saisis étaient des comptes bancaires, suivis de biens immobiliers, de véhicules, de bateaux à moteur ainsi que d'actions, d'espèces et d'articles de luxe.

Des marchandises criminelles ont été saisies et retirées du marché, privant de fait les criminels du bénéfice de leurs activités illicites.

Cela comprend le tabac illicite pour une valeur marchande estimée à 17 millions d'euros et les produits alimentaires pour une valeur marchande estimée à 12 millions d'euros.

Situation en France - suite (cliquez sur l'image pour agrandir).

34 réunions du Collège 

En 2021, le Collège du Parquet européen s'est réuni 34 fois et a adopté 125 décisions.

  • Elle a établi des règles détaillées pour ses activités opérationnelles afin d'assurer une mise en œuvre cohérente de sa politique de poursuite : 
  • directives opérationnelles sur les enquêtes ; 
  • les critères d'évocation des affaires pendantes relatives aux infractions relevant de la compétence du Parquet européen et commises après le 20 novembre 2017 ; 
  • les critères de non-évocation des affaires par les procureurs européens délégués et les critères de renvoi ;
  • des affaires aux autorités nationales compétentes; 
  • la procédure opérationnelle de traitement des déclarations d'infractions soumises par des personnes privées.
  • Le Collège du Parquet européen a également décidé de créer 15 chambres permanentes, établi leur composition et réglementé leurs procédures

Le Collège a adopté des règles spécifiques pour les procureurs européens et les procureurs européens délégués. Ces règles concernent par exemple leur procédure d'évaluation ou leurs déclarations d'intérêts, leur code de déontologie et leurs règles disciplinaires, en complément du code de bonne conduite administrative et du code de déontologie des


282 réunions chambres permanentes

En outre, le Collège du Parquet européen a adopté 42 décisions liées à des questions administratives et financières, telles que les modalités d'exécution du statut du personnel, les règles financières applicables au Parquet européen ou le cadre d'apprentissage et de développement.

En tant qu'autorité investie du pouvoir de nomination, le collège du Parquet européen a adopté 56 décisions relatives à la nomination du directeur administratif et du délégué à la protection des données, ainsi que du délégué européen.

Enfin, le Collège a adopté 9 arrangements de travail avec les institutions et agences de l’UE et les États membres non participants.

Quant aux chambres permanentes, elles ont tenu 282 réunions entre juin et décembre 2021. Pour mémoire, elles surveillent et dirigent les enquêtes et les poursuites menées par les procureurs européens délégués. Elles aussi assurent la coordination des enquêtes et des poursuites dans les affaires transfrontalières et, en mettant en œuvre les décisions adoptées par le Collège. Enfin, elles assurent la cohérence, l'efficacité et la cohérence du Parquet européen en matière de poursuites dans les États membres participants.


synthèse et traduction du rapport par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr



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