Le Parlement européen vient d’adopter une résolution sur la création du Parquet européen. Deux points méritent l’attention dans ce texte concernant les négociations actuelles sur le règlement instituant ce Parquet et ce, suite à la proposition de 2013 de la Commission européenne (à lire sur securiteinterieure.fr : Le projet de Parquet européen voit le jour) :
- le respect de son point de vue dans la négociation avec le Conseil (en clair, les députés ne veulent pas faire de la figuration face aux Etats membres) ;
- la création d’un parquet hiérarchique et indépendant, ayant des compétences susceptibles d’être étendues à l’avenir à toute forme de la criminalité grave de nature transfrontière.
L'essentiel
Le Parlement européen :
- réaffirme être tout à fait résolu à permettre au Parquet européen de voir le jour, mais il exhorte le Conseil à tenir dûment compte de ses avis, en tant que préalable à son consentement à l'adoption du règlement ;
- considère qu'il est essentiel de veiller à l'établissement d'un Parquet européen unique, fort et indépendant qui et toute option plus faible serait aux dépens du budget de l'Union que ce Parquet doit protéger. Les députés européens déplorent aussi le fait que les États membres examinent la possibilité d'une structure collégiale, au lieu de la structure hiérarchique ;
- estime que le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne permet d'étendre les attributions du Parquet européen à la criminalité grave ayant une dimension transfrontière. Par conséquent, cette possibilité peut être prise en compte une fois le Parquet européen établi et opérationnel.
A noter que le Parlement européen s'était déjà prononcé en 2014 dans une résolution (Le Parlement européen réclame une indépendance totale du Parquet européen). Il en est d'ailleurs de même pour :
- le Sénat (à lire sur securiteinterieure.fr : D'après le Sénat, le schéma rigide de la Commission risque de faire échouer la concrétisation du Parquet européen)
- l'Assemblée nationale (à lire sur securiteinterieure.fr: Le parquet européen, un « Oui, mais… » pour l’Assemblée nationale).
Sur le fond, cette résolution du Parlement européen reprend en substance les éléments figurant dans sa résolution de 2014.
Une situation préoccupante
Le Parlement européen :
- considère que les données collectées et analysées par la Commission ont conduit à l'identification de cas de fraude présumée portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union représentent un montant annuel de près de 500 millions d'euros (à lire sur securiteinterieure.fr : Un nombre record de signalements à l'Office de lutte antifraude et Lutte antifraude : un bilan de l'action européenne de 2013 en demi-teinte ou encore Fraude au budget européen : une situation stable mais la France à la traîne);
- estime qu’il existe de bonnes raisons de croire qu'environ 3 milliards d'euros pourraient être menacés par la fraude chaque année;
- souligne le fait que le taux de mise en examen est faible – environ 31 % au cours des huit années de la période 2006-2013 ;
- rappelle que les infractions pénales concernées doivent être définies dans la proposition de directive relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal (dite "directive PIF") (à lire sur securiteinterieure.fr : lutte antifraude : un tour de vis de plus pour protéger le budget de l'UE);
- appelle le Conseil à redoubler d'efforts pour trouver un accord sur la directive PIF, en tant que condition préalable à la création du Parquet européen.
Un Parquet européen indépendant
Le Parlement européen :
- souligne que la structure du Parquet européen devrait être totalement indépendante des gouvernements nationaux et des institutions européennes et protégée de toute influence ou pression politiques;
- considère que, pour prévenir tout conflit d'intérêts, le poste de procureur européen doit être un poste à temps plein;
- suggère l'organisation d'un concours général ouvert aux candidats ayant l'intégrité, les qualifications, l'expérience et les compétences requises;
- est d'avis que les procureurs européens pourraient être nommés par le Conseil et le Parlement d'un commun accord sur la base d'une présélection établie par la Commission européenne, à la suite d'une évaluation par un groupe d'experts indépendant composé de juges, de procureurs et de juristes dont les compétences sont reconnues;
- entend que le procureur général européen, soit nommé à l'issue d'une audition par le Parlement.
Une répartition claire des compétences Parquet européen - autorités nationales
Les députés européens :
- précisent que le Parquet européen devrait décider s'il est compétent en premier lieu et avant que les autorités nationales n'ouvrent une enquête propre afin d'éviter les enquêtes parallèles, qui nuisent à l'efficacité;
- affirment que les autorités nationales menant des enquêtes sur des infractions susceptibles de relever de la compétence du Parquet européen devraient être tenues d'informer ce dernier à propos de ces enquêtes;
- réaffirment que le Parquet européen devrait avoir le droit de reprendre ces enquêtes lorsqu'il le juge approprié, afin d'assurer son indépendance et son efficacité;
- déplorent que les États membres examinent la possibilité d'une structure collégiale, au lieu de la structure hiérarchique initialement proposée par la Commission;
- soulignent que les chambres du Procureur européen devraient superviser les travaux des procureurs européens délégués sur le terrain;
- suggèrent également d'envisager, à un stade ultérieur, une spécialisation des chambres.
Mesures d'enquête et admissibilité des preuves
Le Parlement européen :
- prie le Conseil de veiller à l'admissibilité des preuves recueillies par le Parquet européen sur tout le territoire de l'Union ;
- rappelle que le législateur européen a défini les critères dans la décision d'enquête européenne en matière pénale et ces mêmes critères devraient s'appliquer en ce qui concerne les mesures d'enquête à autoriser par le Parquet européen, notamment en ce qui concerne les motifs de refus.
Protection juridictionnelle des personnes poursuivies
Le Parlement européen :
- considère que toute décision prise par le Parquet européen doit être susceptible de contrôle juridictionnel devant la juridiction compétente;
- estime que les décisions prises par les chambres, telles que le choix de la juridiction compétente pour les poursuites, le classement sans suite d'une affaire ou sa réattribution, ou une transaction devraient pouvoir faire l'objet d'un contrôle juridictionnel devant les juridictions de l'Union;
- affirme en outre qu'il convient d'accorder aux personnes poursuivies dans le cadre d'une enquête menée par le Parquet européen certains droits en matière de preuves, et notamment:
- la personne soupçonnée ou poursuivie a le droit de présenter des preuves aux fins de leur examen par le Parquet européen;
- la personne soupçonnée ou poursuivie a le droit de demander au Parquet européen de recueillir tous les éléments de preuve pertinents pour l'enquête, y compris de nommer des experts et d'auditionner des témoins;
- estime, compte tenu des multiples juridictions nationales possibles, qu'il est essentiel de veiller à ce que les procureurs européens, les procureurs européens délégués et les autorités nationales chargées des poursuites respectent pleinement le principe ne bis in idem en ce qui concerne les poursuites liées à des infractions relevant de la compétence du Parquet européen (sur ce thème, lire sur securiteinterieure.fr Bilan de l'Espace pénal européen pour l'année 2014);
- affirme que la future directive relative à l'aide juridique devrait s'appliquer de la même manière à l'ensemble des personnes poursuivies visés par une enquête du Parquet européen.
Rapports entre le Parquet européen, Eurojust et l’Office de lutte antifraude (OLAF)
Les députés européens :
- réaffirment leur ferme volonté de créer le Parquet européen et de réformer Eurojust, comme le prévoit la Commission européenne dans ses deux propositions (à lire sur securiteinterieure.fr: Conséquence de la création du Parquet européen : l'Unité de coopération judiciaire Eurojust en chantier) ;
- demandent une clarification des relations entre Eurojust, le Parquet européen et l'OLAF afin de différencier leurs rôles respectifs dans la protection des intérêts financiers de l'Union (à lire sur securiteinterieure.fr: Conséquence de la création du Parquet européen (suite) : l'Office européen de lutte antifraude va être réformé) ;
- appellent le Conseil et la Commission à étudier la possibilité d'une approche davantage intégrée de ces agences afin de renforcer encore l'efficacité des enquêtes.
(synthèse du texte par securiteinterieure.fr)
Et pour approfondir le sujet sur securiteinterieure.fr :
Et pour approfondir le sujet sur securiteinterieure.fr :
- Bilan de l'Espace pénal européen pour l'année 2014
- La France n'est plus le principal utilisateur de l'unité de coopération judiciaire Eurojust
- Un nombre record de signalements à l'Office de lutte antifraude
- Lutte antifraude : un bilan de l'action européenne de 2013 en demi-teinte
- Le Parlement européen réclame une indépendance totale du Parquet européen
- Le parquet européen, un « Oui, mais… » pour l’Assemblée nationale
- D'après le Sénat, le schéma rigide de la Commission risque de faire échouer la concrétisation du Parquet européen
- Le projet de Parquet européen voit le jour
- Schengen, un "déficit de gouvernance" et le projet de Procureur européen pour 2013
- L'Assemblée nationale planche sur le projet de Procureur européen
- Conséquence de la création du Parquet européen : l'Unité de coopération judiciaire Eurojust en chantier
- Conséquence de la création du Parquet européen (suite) : l'Office européen de lutte antifraude va être réformé
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