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vendredi 20 avril 2012

Accords UE-USA : Feu vert des députés sur le transfert des données passagers



Le Parlement européen a adopté une résolution législative (ici en html) approuvant l'accord UE-USA sur le transfert de données des passagers aériens européens aux autorités américaines (PNR). Cet accord, qui a a été conclu par le Conseil "Justice et affaires intérieures" de fin avril, devrait entrer en vigueur le 1er juin 2012. Après l'accord de la Commission des libertés civiles (voir le billet de securiteinterieure.fr à ce sujet), c'est au tour de la plénière de donner son aval. L'accord PNR UE-États-Unis sur les données des passagers aériens (PNR)  (voir billet de securiteinterieure.fr à ce sujet) a été adopté par 409 voix pour, 226 voix contre, et 33 abstentions. Une minorité significative de députés, inquiets au sujet des garanties de protection des données, ont rejeté l'accord, dont le rapporteur, Sophie in 't Veld (Libéraux et démocrates), qui a retiré son nom du rapport. Les députés ont rejeté une proposition de soumettre l'accord à la Cour de justice européenne.

Quelle est la durée de conservation et quel est l'objectif poursuivi ?

Selon le nouvel accord, les autorités américaines conserveront les données PNR dans une base de données active pendant une période pouvant aller jusqu'à 5 ans. Après les 6 premiers mois, toutes les informations qui pourraient servir à identifier le passager, seraient "dépersonnalisées", ce qui signifie que des données telles que le nom du passager et ses coordonnées seraient masquées.

Après les 5 premières années, les données seront transférées vers une "base de données passive" pendant 10 ans au maximum. Cette base ne sera accessible aux responsables américains qu’à des conditions très strictes. Ensuite, selon l'accord, les données seraient totalement "dépersonnalisées" en effaçant toute information qui pourrait servir à identifier le passager. Les données liées à un cas spécifique seront conservées dans une base de données PNR active jusqu'à ce que l'enquête soit archivée.

Les données PNR seront principalement utilisées en vue de prévenir, de détecter, d'enquêter et de poursuivre des actes terroristes et des crimes transnationaux graves. Les crimes transnationaux sont définis comme des crimes punissables par trois ans d'emprisonnement ou plus selon la loi américaine. Les données PNR serviront également "à identifier les personnes qui feraient l'objet d'un interrogatoire ou d'un examen plus approfondis".

Quid des données sensibles ?

Les données sensibles telles que celles révélant l'origine ethnique, les croyances religieuses, la santé physique ou mentale, ou l'orientation sexuelle d'un passager, pourraient être utilisées dans des circonstances exceptionnelles, lorsque la vie d'une personne est en danger. Ces données sont le plus généralement liées au choix d'un menu répondant à des exigences religieuses ou aux demandes d'assistance pour des raisons médicales. Leur accès sera fourni au cas par cas uniquement, et elles seront effacées, de manière permanente, 30 jours après leur réception, à moins qu'elles ne soient utilisées dans une enquête spécifique.

De quoi parle-t-on ?

L'accord approuvé par le Parlement européen  fixe les conditions juridiques et couvre notamment la durée de conservation, l'utilisation et les garanties de protection de ces données, ainsi que les recours administratifs et judiciaires. L'accord en remplacera un autre qui s'applique provisoirement depuis 2007.
Les données des dossiers passagers (PNR) sont recueillies par les transporteurs aériens au cours des procédures de réservation, et incluent le nom, l'adresse, les données relatives à la carte de crédit et le numéro de siège du passager aérien. Conformément au droit américain, les compagnies aériennes sont contraintes de rendre ces données disponibles au ministère américain de la sécurité intérieure avant le départ des passagers. Cette règle s'applique aux vols à destination et en provenance des États-Unis.

En mai 2010, le Parlement avait repoussé son vote sur un accord PNR avec les États-Unis, appliqué de manière provisoire depuis 2007, principalement en raison de son inquiétude au sujet de la protection des données. Les députés avaient alors instamment invité la Commission européenne à négocier un nouvel accord, ce qu'elle a fait en 2011.

Le Parlement européen a adopté un accord PNR avec l'Australie en octobre 2011. L'UE négocie actuellement un accord PNR avec le Canada.

(synthèse du communiqué par securiteinterieure.fr)

L'avis de securiteinterieure.fr

Le Conseil des ministres peut se féliciter, la délégation américaine peut se réjouir et la Commission peut souffler, l'accord a été approuvé par le Parlement européen. Il n'y aura donc pas d'affrontement avec le Conseil de l'Union (voir billet de securiteinterieure.fr à ce sujet)
Les Etats-Unis attendaient avec impatience cet accord car le feuilleton PNR a été très long (pour un résumé voir billet précédent). La Commission, qui avait annoncé d'ores et déjà qu'elle ne retournerait pas à la table des négociations, peut se satisfaire de cette approbation. L'approbation n'est pourtant pas une surprise. Il est vrai que l'accord en plénière n'était qu'un remake de ce qui s'est joué au sein de la Commission des libertés civiles peu avant.
Pourtant, les débats ont été âpres au sein du Parlement européen et la rapporteure Sophie In't Veld s'était exprimée clairement contre. D'ailleurs, une étude avait mis en avant les carences de cet accord. Ses opposants lui reprochent d'être moins protecteur que l'accord précédent.
Les arguments des partisans de l'accord ? Le refus du Parlement européen aurait signifié un vide juridique propice à la signature d'accords bilatéraux. Les pays auraient dû négocier individuellement un traité avec les USA avec les conséquences que l'ont peut imaginer concernant les rapports de force (voir article d'Europolitique à ce sujet).

Un point juridique (tout et n'importe quoi a été écrit à ce sujet) : l'accord est un accord international au sens de l'art. 216 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Il est donc juridiquement contraignant, même si, en soi, il doit respecter les traités européens (et notamment les droits fondamentaux qui sont inscrits dans la Charte). 
Le Parlement européen n'est pas associé aux négociations, mais il est pleinement informé (art. 218.10 TFUE). Son approbation est requise (art. 218.6 al. 2 a), ce qui signifie que, contrairement à la procédure d'avis (art. 218.6 in fine), le consentement donné par les députés européens est une condition de validité de l'accord. En cas de désaccord, le Parlement européen aurait donc pu bloquer le processus d'adoption. 
Il aurait pu saisir la Cour de justice pour savoir si cet accord était compatible  avec les traités (comme le prévoit l'art. 216.11 TFUE). Or, cette idée de saisir a été abandonnée par les députés. Les ministres ont donc le champ libre pour conclure l'accord signé en décembre dernier (art. 218.6 al. 1). C'est ce qu'ils vont faire ce 26 avril au Conseil "Justice et affaires intérieures". L'accord est néanmoins temporaire et il devra être revu dans 7 ans. Le feuilleton PNR n'est donc pas (complètement) terminé...



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