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lundi 15 décembre 2025

Rapport 2025 : malgré la cyberattaque dont le Collège européen de police a été victime, l’essentiel des activités de formation a bien été assuré

 




L'année couverte par le dernier rapport d'activité disponible a été une période charnière pour CEPOL, marquée par la cyberattaque qui a compromis sa plateforme d'apprentissage en ligne LEEd et son infrastructure informatique interne. Cependant, l'Agence a réussi à maintenir et à adapter son activité de formation, en s'appuyant sur ses programmes essentiels et ses priorités stratégiques.


Quel est le point essentiel du rapport ?

Malgré l'annulation d'activités en ligne (7 cours, 65 webinaires) et de 10 activités sur site à Budapest à la suite de l'attaque, CEPOL a continué à fournir sa mission de formation.
L'Agence a mis en œuvre 350 (ou 347) activités de formation, atteignant près de 22 000 participants. Bien que ce nombre soit inférieur à l'objectif initial de 40 000 prévu avant l'attaque, il est jugé comme une portée considérable compte tenu des défis.

Le rapport confirme que les sujets liés à la Plateforme multidisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT) et la Cybercriminalité (Cybercrime) étaient les plus populaires, attirant 64 % du nombre total de participants au sein du Pôle de formation de l'UE en 2024. 
L'orientation stratégique de CEPOL est en effet restée fortement ancrée dans les priorités de sécurité de l'UE, en particulier dans le cadre d'EMPACT qui est un projet européen de grande ampleur en matière de coopération policière consacré à la lutte contre la criminalité transnationale organisée.


Cyberattaque : gestion de crise et résilience

L'événement le plus marquant de l'année a été la cyberattaque survenue au second semestre, qui a entraîné la compromission totale de l'infrastructure de travail (on-premises ICT infrastructure) et de la plateforme d'apprentissage en ligne LEEd.

Le CEPOL a mis en œuvre une approche coordonnée en étroite collaboration avec CERT-EU et la Commission européenne (notamment la DG DIGIT). Suivant les conseils de CERT-EU, l'Agence a entrepris de reconstruire une nouvelle infrastructure informatique sécurisée à partir de zéro, basée sur une approche dite de "confiance zéro" (zero-trust approach). 
CEPOL a traité l'incident conformément aux réglementations sur la protection des données (EUDPR), notamment en envoyant plus de 85 000 notifications individuelles aux participants aux activités de formation dont les données personnelles étaient potentiellement affectées.


Maintien d'une forte performance opérationnelle

Malgré l'interruption des activités en ligne à partir du 18 juin 2024, CEPOL a réussi à délivrer une quantité significative de formations, ce que le rapport qualifie de « portée considérable » (considerable outreach) compte tenu des circonstances et des ressources limitées.
L'Agence a mis en œuvre un total de 347 activités de formation issues du Programme de travail annuel 2024. Le Conseil d'administration (Management Board) note que 350 activités ont été mises en œuvre, démontrant un fort niveau de prestation de services.

Ces activités ont permis de former près de 22 000 participants (21 555 participants au total, en combinant le Pôle de formation de l'UE et la coopération internationale).
Ce chiffre réalisé est notable, même s'il est inférieur à l'objectif initial qui était d'environ 40 000 participants avant l'ajustement du Document de programmation unique (SPD) après l'attaque. L'objectif révisé post-cyberattaque était de 18 000 participants pour le Pôle de formation de l'UE (EUTH), un objectif largement dépassé.
Il est important de noter que la livraison des activités de formation de l'UE au cours de la première moitié de l'année était  bien en bonne voie, avec 150 activités achevées jusqu'à la cyberattaque (un nombre supérieur à celui de la même période de l'année précédente).


Programmes non affectés par la cyberattaque

Le rapport insiste sur la résilience des activités de CEPOL qui ne dépendaient pas de son infrastructure informatique compromise.
La mise en œuvre du Programme d'échange n'a pas été affectée par l'incident cybernétique et s'est déroulée comme prévu. Ce programme a facilité 158 échanges et a intégré des éléments d'apprentissage mixte (blended learning) pour améliorer la qualité professionnelle et la portée de l'activité.

Les activités de formation mises en œuvre et hébergées en dehors du siège de CEPOL (dans les États membres) n'ont pas été affectées et ont eu lieu comme prévu. Cette distribution des activités en dehors de Budapest a permis de garantir la continuité des services.
La fonction d'analyse des besoins de formation (TNA) de CEPOL n'a pas été impactée par la cyberattaque. L'Agence a pu livrer comme prévu :

  •  Trois analyses des besoins de formation opérationnelle (OTNA) dans des domaines thématiques variés (trafic de migrants, traite des êtres humains, criminalité financière/blanchiment d'argent/recouvrement d'avoirs).
  • Une évaluation de l'EU-STNA (Évaluation stratégique des besoins de formation de l'UE).



EMPACT (criminalité organisée) comme thème prioritaire

Selon le rapport d'activité consolidé de CEPOL pour 2024, il est clair que la formation principale de l'Agence s'articule autour des priorités de sécurité de l'Union européenne, en particulier la lutte contre la criminalité organisée grave (EMPACT) et la Cybercriminalité.
Le rapport met en évidence cette orientation à la fois stratégiquement et statistiquement :
Les thèmes liés à la Plateforme multidisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT) et à la Cybercriminalité étaient les sujets les plus populaires (most popular topics), attirant 64 % du nombre total de participants au sein du Pôle de formation de l'UE en 2024.
Le programme de formation de loin le plus important, en termes de participation individuelle par domaine, est celui lié à EMPACT (sérieux et crime organisé). Ce domaine a enregistré un total de 7 304 participants en 2024.

Stratégiquement, le rapport souligne qu'environ la moitié des actions d'apprentissage et de formation étaient directement axées sur les priorités établies en matière de criminalité organisée grave (EMPACT).
Les programmes majeurs de formation du Pôle de formation de l'UE se concentraient sur quatre domaines prioritaires, dont le soutien à la lutte contre le crime organisé grave, le contre-terrorisme, les droits fondamentaux et l'échange d'informations/coopération des services répressifs. Le crime organisé grave/EMPACT était le domaine thématique le plus large dans ce cadre.


La cybercriminalité comme autre thème prioritaire

Le CEPOL a mis en œuvre 28 activités liées à la cybercriminalité, atteignant un total de 4 308 participants. Ce résultat est particulièrement remarquable car il a largement dépassé l'objectif initial qui était de 2 198 participants.
Les sujets liés à la cybercriminalité et à EMPACT ont été les plus prisés, représentant 64 % du nombre total de participants au sein du pôle EUTH.
Les activités de formation en cybercriminalité ont continué de se concentrer sur des menaces spécifiques et sur le développement de compétences techniques avancées pour les services répressifs.

  • Cyberattaques et Fraude : Les formations ont abordé des problématiques contemporaines telles que les cyberattaques et les systèmes de fraude en ligne (online fraud schemes).
  • Lutte contre l'Exploitation Sexuelle des Enfants (CSE) : La lutte contre la CSE (Child Sexual Exploitation) en ligne est restée une priorité majeure. L'Agence a organisé deux activités importantes sur l'identification et l'investigation des abus sexuels d'enfants en ligne. Ces cours phares ont bénéficié de l'expertise de partenaires internationaux de premier plan, notamment Interpol, l'Australie, les États-Unis et des acteurs clés du secteur privé.
  • Criminalistique Numérique et Intelligence : La formation aux capacités fondamentales dans le domaine de la cybercriminalité a inclus des sujets cruciaux tels que :
    •  La criminalistique numérique (Digital forensics) et la gestion des preuves électroniques (electronic evidence handling).
    • L'intelligence open source (OSINT) et les enquêtes sur le Darknet et les crypto-monnaies.
  • Intelligence Artificielle (IA) : Reconnaissant la pertinence croissante de l'IA, CEPOL a organisé en mars un atelier notable sur l'Intelligence Artificielle. Cet atelier s'est concentré sur les implications de la règlement sur l'IA (AI Act) récemment adoptée et a exploré les applications pratiques des outils d'IA dans le travail des services répressifs. Les discussions ont également insisté sur l'importance de naviguer entre ces technologies émergentes tout en respectant les règlements sur la protection des données et les droits fondamentaux.



Le rôle de la Cybercrime Academy

L'Agence souligne que les activités de la CEPOL Cybercrime Academy se poursuivent dans le cadre d'EMPACT. L'Académie sert d'axe stratégique concret (concrete and strategic avenue) pour coordonner les initiatives de formation visant à renforcer les capacités cybernétiques des agences des États membres de l'UE, notamment grâce à la coopération avec le secteur privé et les instituts de formation nationaux spécialisés.

Plus exactement Le rapport d'activité consolidé de CEPOL pour 2024 met en évidence le rôle stratégique et continu de la CEPOL Cybercrime Academy dans la réponse de l'Union européenne à la menace croissante de la cybercriminalité.
La poursuite des activités de la CEPOL Cybercrime Academy dans le cadre d'EMPACT (Plateforme multidisciplinaire européenne contre les menaces criminelles) demeure une voie concrète et stratégique (concrete and strategic avenue) pour faire face à la menace croissante de la cybercriminalité dans toute l'Union européenne.

En conservant son rôle spécial au sein d'EMPACT, l'Académie continue de servir de pôle central de coordination (central hub for coordinating) pour les initiatives de formation visant à renforcer les capacités cybernétiques des organismes d'application de la loi des États membres de l'UE.
La coopération et les partenariats sont un élément essentiel de son fonctionnement. L'Agence a augmenté ses partenariats et sa coopération avec les instituts de recherche, les universités et, notamment, l'industrie privée dans le domaine de ses activités de formation en cybercriminalité.
La coopération avec le secteur privé et les instituts nationaux spécialisés de formation joue un rôle particulièrement important dans les efforts déployés par l'Académie pour renforcer les capacités.


Une nouveauté : le « EU Law Enforcement Challenge »

Un fait marquant de 2024 a été le lancement du « EU Law Enforcement Challenge ».
Il s'agit d'une activité de formation entièrement basée sur la simulation.
Des équipes d'enquêteurs spécialisés en cybercriminalité se sont affrontées dans un format de type Capture the Flag (CTF), testant leurs compétences en criminalistique numérique en résolvant des scénarios transfrontaliers réalistes. Cette approche par la compétition encourage la collaboration, l'apprentissage et le partage d'idées pour renforcer la capacité des équipes à lutter contre la cybercriminalité.


Budget et personnel

Le budget total de CEPOL pour 2024, tel qu'alloué par le budget général de l'Union européenne, s'élève à 12,6 millions d’euros. 
Il est noté que CEPOL a atteint un taux d'exécution des crédits d'engagement de 100 % de ce budget pour la troisième année consécutive.
Le nombre total de personnel statutaire et contractuel financé par le budget régulier du CEPOL s'élevait donc à 52 personnes, soit :

  • 31 Agents Temporaires (TA)
  • 17 Agents Contractuels (CA) 
  • 4 Experts Nationaux Détachés (SNE) 



Une agence à portée internationale

CEPOL promeut la coopération en matière de formation et développe activement des partenariats avec des entités internationales. 

  • L'Agence coopère avec l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol). Par exemple, Interpol a contribué à l'expertise des cours phares de cybercriminalité. L'Organisation internationale pour les migrations (IOM) et l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) sont également mentionnés dans la liste des acronymes.
  • Dans le cadre des formations sur l'exploitation sexuelle des enfants en ligne, l'expertise de l'Australie et des États-Unis a enrichi les cours.
  • Les activités externes de CEPOL visent à promouvoir les pratiques européennes et à encourager les partenariats de formation avec les pays tiers (Third Countries), élargissant ainsi la disponibilité de la formation CEPOL à l'échelle mondiale. CEPOL a également organisé des formations pour des officiers d'Amérique latine.

Un point souligné par le rapport est que les activités de coopération internationale n'ont pas été affectées par la cyberattaque. 


Une agence à portée mondiale

L'engagement international est un pilier de la mission de CEPOL, se traduisant par des projets de renforcement des capacités structurés et financés qui s'étendent aux régions du Voisinage et de l'Élargissement de l'UE (Balkans occidentaux, MENA, Partenariat oriental).
Plus exactement, le rapport fait état des activités de coopération internationale (International Cooperation activities) de CEPOL. Ces activités visent à renforcer les capacités opérationnelles des pays partenaires non membres de l'UE pour prévenir et lutter contre le crime organisé et le terrorisme, via le transfert de connaissances et le partage d'informations.

L'année 2024 a été une année de transition pour le portefeuille de projets. L'Agence a lancé ou poursuivi la mise en œuvre de cinq projets majeurs financés par l'assistance extérieure de l'Union, couvrant l'ensemble du spectre de la politique d'élargissement et de voisinage de l'UE.

  • CT INFLOW (Phases I & II) : Cible la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA) et la Turquie, financé par l'Instrument contribuant à la stabilité et à la paix (IcSP). La phase I a pris fin le 30 juin, et la phase II a débuté le 1er juillet 2024.
  • EUROMED Police (Phases V & VI) : Cible neuf pays partenaires du voisinage Sud (MENA). La nouvelle phase (VI) a été lancée le 1er octobre 2024.
  • TOPCOP (Phases I & II) : Couvre cinq pays du Partenariat oriental (EaP). La phase II a démarré le 1er juillet 2024.
  • WB PaCT (Phases I & II) : Couvre les six pays des Balkans occidentaux (WB). La phase II a commencé le 1er avril 2024.
  • EU4Security Moldova : Couvre la Moldavie.
Ces projets représentent un financement supplémentaire conséquent, avec la signature de quatre nouveaux accords de contribution pour un montant de 23,2 millions d'euros.



Europol : un partenaire privilégié

CEPOL a mené cinq cours conjoints avec Europol en 2024. Ces formations abordent des sujets d'actualité tels que les drogues synthétiques, y compris la production de méthamphétamine, d'amphétamine et de MDMA, et la gestion des sites de décharge. CEPOL a également organisé des cours d'analyse criminelle avancée en coopération avec Europol (et OLAF).

Des accords de coopération annuels (Annual Cooperation Agreements) avec Europol ont été conclus avec succès, définissant le cadre des activités conjointes pour 2024.
La coopération est particulièrement forte dans le cadre de la Plateforme multidisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT). 

Concernant Europol:

  • Europol a coordonné la livraison du Rapport d'évaluation des menaces (Threat Assessment report) dans le cadre du projet EUROMED Police.
  • L'évaluation des menaces du Partenariat oriental (EaP SOCTA) a été réalisée sous la coordination d'Europol pour le projet TOPCOP.
  • Europol a apporté son soutien à l'enquête criminelle lancée par les autorités hongroises suite à la cyberattaque subie par CEPOL.
  • Europol était représenté lors de la Research Week de CEPOL, une initiative visant à intégrer la recherche et l'innovation dans la formation.



Des relations étroites avec Frontex et Eurojust

La relation avec Frontex est axée sur la coopération, l'échange de bonnes pratiques et la formation des personnels.
CEPOL a activement coopéré avec Frontex pour enrichir ses activités de formation et améliorer l'efficacité des efforts des services répressifs. La coopération est restée solide dans la mise en œuvre de la formation,

Dans le cadre de ses projets de coopération internationale, notamment le projet WB PaCT II (Balkans occidentaux), CEPOL a mis en œuvre, à la demande de Frontex, une formation régionale conjointe sur le leadership pour les femmes (leadership for women),
 Frontex est mentionnée comme l'une des agences dont CEPOL a étudié l'expérience pour développer son propre Cadre de Qualifications Sectorielles (SQF) et ses pratiques d'accréditation.
Eurojust est également clairement identifiée comme un partenaire JHA clé de CEPOL.
CEPOL a activement coopéré avec Eurojust pour enrichir ses activités de formation. La coopération avec Europol, Eurojust, et Frontex est restée solide sur la mise en œuvre de la formation,

Les formations de CEPOL se sont concentrées sur des thèmes qui nécessitent la coopération judiciaire, comme les Équipes communes d'enquête (JITs), où Eurojust est un acteur majeur, soulignant l'importance de la collaboration multidisciplinaire.


synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


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dimanche 7 décembre 2025

Rapport 2025 sur la migration illégale : la France expulse le plus en Europe

 



Dans le cadre de l’application du Pacte sur l’asile et la migration, la Commission européenne a présenté son premier Rapport annuel européen sur l’asile et la migration. Ce document présente un état de la situation de l’immigration irrégulière et fournit également des perspectives. Il ressort de ce rapport que les flux devraient encore continuer à baisser. Pour autant, la question de la migration secondaire, c’est-à-dire les flux entre Etats de l’espace Schengen, reste épineuse. La France est à cet égard la cible de cette migratoin secondaire irrégulière. Sur le plan de l’expulsion, les États membres ont émis près d’un demi-million d’injonctions de quitter le territoire. La France est en tête de peloton. Reste que ces injonctions ne dont pas toujours suivies d’effet et le rapport souligne la persistance du problème des expulsions non effectives.


Etat de la situation migratoire irrégulière : la Grèce, Chypre, l’Italie et l’Espagne aux premiers rangs

Les passages illégaux de frontières (PIF)  aux frontières extérieures de l'Union ont diminué de 35 % par rapport à juillet 2023-juin 2024. Des tendances à la baisse ont été observées le long de la plupart des routes migratoires, y compris celles qui représentent la majorité des PIF vers l'Union.

Alors que la situation migratoire en Grèce est restée globalement stable, le pays a enregistré le nombre le plus élevé de migrants en situation irrégulière par rapport à son PIB et à sa population, ainsi que la majorité des mouvements arrivant par la route de la Méditerranée orientale (plus de 60 000 MSI), principalement en provenance de Turquie et de Libye, avec une nette augmentation des arrivées enregistrées en Crète. 

Figure 1 – Passages illégaux de frontière par la route migratoire
 

Source : Élaboration du JRC à partir des données de Frontex

En Italie et en Espagne, le nombre de migrants clandestins a diminué par rapport à la période juillet 2023-juin 2024, malgré des chiffres toujours élevés en valeur absolue. 
Le renforcement de la surveillance aux frontières en Mauritanie et au Sénégal a contraint les passeurs à modifier leurs itinéraires de départ via la Guinée-Bissau, la Guinée et la Gambie. Sur la route de la Méditerranée occidentale, l'Algérie est restée le principal point de départ – représentant 79 % des migrants clandestins sur cet itinéraire. Les départs du Maroc ont considérablement diminué grâce au renforcement de la coopération bilatérale avec l'Espagne et au renforcement de la surveillance aux frontières.

Le long de la Manche, les départs de France vers le Royaume-Uni ont augmenté de 15 % par rapport à la période juillet 2023-juin 2024. Bien que les efforts de gestion des frontières en France aient empêché 40 % des plus de 72 000 départs enregistrés quittant la France pour le Royaume-Uni, les passages réussis (arrivées au Royaume-Uni) ont tout de même augmenté d'environ 35 % par rapport à la période juillet 2023-juin 2024.

Dans la région des Balkans occidentaux, les arrivées irrégulières ont considérablement diminué par rapport à la période juillet 2023-juin 2024. Le renforcement des contrôles policiers, qui a perturbé les activités de trafic de migrants, ainsi que la diminution des arrivées irrégulières sur la route de la Méditerranée orientale, ont également contribué à cette baisse. 


Une persistance de l’instrumentalisation des migrants par la Russie et la Biélorussie


À la frontière orientale de l'Union, le nombre de migrants clandestins est resté faible et relativement stable. Les actions de la Russie et du Bélarus continuent d'influencer la dynamique migratoire à la frontière orientale, notamment en Pologne, en Lettonie, en Lituanie, en Finlande et en Estonie. 
Face aux tentatives persistantes d'instrumentalisation de la migration par des États, ces pays ont renforcé les contrôles aux frontières, réduisant ainsi le nombre de migrants clandestins en provenance du Bélarus (1 421 migrants, dont 82 % à destination de la Pologne). 

Entre juillet 2024 et juin 2025, plus de 110 000 personnes se sont vu refuser l’entrée aux frontières extérieures de l’Union, principalement par voie terrestre (55 %) et aérienne (41 %). 
La plupart des refus d’entrée étaient dus à des documents manquants ou non valides. La Pologne, la Croatie, la France et la Roumanie ont enregistré les chiffres les plus élevés en valeur absolue.


Une diminution des personnes dites « débarquées »

Le nombre de ressortissants de pays tiers débarqués dans l'Union à la suite d'opérations de recherche et de sauvetage a diminué de 36 % par rapport à la période juillet 2023-juin 2024. 
Du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025, près de 97 000 personnes ont débarqué dans l'Union à la suite d'opérations de recherche et de sauvetage. L'Italie et l'Espagne ont représenté à elles deux plus de 80 % des personnes débarquées dans l'Union.

Figure 2 – Personnes débarquées lors d’opérations de recherche et de sauvetage  


Source : Élaboration du JRC à partir des données de Frontex

Les demandes de protection internationale dans l'Union ont diminué de 21 % par rapport à la période juillet 2023-juin 2024, même si elles restent globalement élevées, avec 871 000 demandes déposées. Cette baisse s'explique principalement par la diminution des arrivées irrégulières et la forte baisse des demandes émanant de ressortissants syriens. 


Le problème des mouvements non autorisés au sein de l'Union


Plusieurs États membres ont été confrontés à un nombre important de mouvements irréguliers de migrants. 
Les mouvements d'un État membre à l'autre et les lacunes dans la mise en œuvre des règles de responsabilité prévues par le règlement (UE) n° 604/2013 exercent une pression considérable sur les systèmes d'asile, de migration et d'accueil des principaux pays de destination.

À ce jour, les données disponibles d'Eurodac suggèrent une baisse d'environ 25 % des mouvements non autorisés au sein de l'Union par rapport à la période juillet 2023-juin 2024, principalement en raison de la diminution générale des arrivées irrégulières. 
Malgré cette baisse, les mouvements non autorisés demeurent une difficulté pour les principaux pays de destination. Ces mouvements s'effectuent généralement en provenance des pays de première entrée dans l' Union et à destination des États membres situés au nord - ouest. 
En chiffres absolus, la Grèce, l'Allemagne, la Croatie, l'Italie et la France sont les principaux pays de départ, tandis que l'Allemagne, la France, la Belgique, l'Italie et les Pays-Bas sont les pays qui accueillent le plus de mouvements non autorisés. 

Figure 5 – Carte des mouvements non autorisés basée sur les données Eurodac (itinéraires avec > 6000 enregistrements) 

Source : Élaboration du JRC à partir des données EU-LISA

Une augmentation des expulsions, la France en tête

Entre juillet 2024 et juin 2025, les États membres ont émis au total 478 000 injonctions de quitter le territoire de l’Union à l’encontre de ressortissants de pays tiers, soit une augmentation de 11 % par rapport à la période juillet 2023-juin 2024. 
Cette hausse s’explique principalement par le nombre plus élevé d’injonctions de quitter le territoire émises conjointement à des décisions de refus d’asile. La plupart des injonctions ont été émises par la France, l’Espagne et l’Allemagne. 

Figure 6 – Nombre de commandes de retour et de ressortissants de pays tiers renvoyés par État membre


Source : Élaboration du JRC à partir des données d'Eurostat

115 000 ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ont été effectivement renvoyés dans un pays tiers. Plus de la moitié de ces renvois ont été effectués par seulement cinq États membres (Allemagne, France, Suède, Chypre et Pologne). 
Cela représente une augmentation de 20 % par rapport à la période juillet 2023-juin 2024. Cependant, le taux global de renvoi demeure faible, ce qui entraîne un arriéré de personnes faisant l’objet d’un ordre de quitter le territoire de l’Union. 
La plupart des ressortissants ayant reçu cet ordre étaient algériens, marocains, syriens, turcs et afghans. Les principales nationalités des personnes renvoyées étaient géorgiennes, turques, albanaises, moldaves et colombiennes. 
Plus de la moitié des renvois ont été volontaires, confirmant une tendance à la hausse.

L'évaluation thématique Schengen de 2024 a mis en évidence des progrès dans le développement des systèmes nationaux de retour, même si des inefficacités subsistent à des étapes clés du processus, ce qui a un impact sur les mouvements irréguliers, comme en témoignent les alertes de retour du système d'information Schengen (SIS).  
 

L’avenir de la situation migratoire vers l’Europe

Les projections indiquent qu'en général, les arrivées irrégulières au niveau de l'Union devraient diminuer sur l'ensemble des principales routes migratoires en 2026 par rapport à 2024, conformément à la tendance à la baisse déjà observée au premier semestre 2025. 
Cette diminution attendue résulte, entre autres, d'un engagement fort de l'Union auprès des principaux pays d'origine et de transit, du renforcement des systèmes d'asile et de protection des frontières, ainsi que de l'intensification de la lutte contre les réseaux de passeurs, tant au sein de l'Union que dans les pays tiers. La route de la Méditerranée centrale devrait rester la plus active, mais le nombre total d'arrivées devrait se stabiliser, voire diminuer encore par rapport à 2024. 
Cette tendance reflète l'impact du renforcement de la coopération avec les pays partenaires d'Afrique du Nord et de la région. 
Une dynamique similaire est attendue pour les routes de la Méditerranée occidentale et de l'Atlantique, où les efforts importants déployés pour surveiller les points de départ et démanteler les réseaux de passeurs portent leurs fruits. Sur la route de la Méditerranée orientale, l'évolution de la situation dépendra largement de la situation au Moyen-Orient, notamment de l'apparition de nouvelles routes secondaires. 

Le long de la route des Balkans occidentaux, les arrivées devraient également diminuer, grâce à un démantèlement plus efficace des réseaux de passeurs et à une coopération renforcée entre la région, les États membres et les agences de l'Union. 
Sur la route de la frontière orientale, la Russie et le Bélarus devraient poursuivre leurs tentatives d' instrumentaliser la migration contre l'Union ; cependant, le renforcement du contrôle des frontières devrait permettre de réduire davantage les passages illégaux. Enfin, la situation des sorties illégales par la Manche devrait rester préoccupante, même si les mesures nationales prises en France et le renforcement de la coopération avec le Royaume-Uni devraient permettre de contenir, voire de réduire, les départs.

synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


Pour la première partie de la synthèse de ce rapport, à lire : Mécanisme de solidarité européenne : la France, soumise aux pressions migratoires, va être aidée par l’Europe

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mercredi 26 novembre 2025

Mécanisme de solidarité européenne : la France, soumise aux pressions migratoires, va être aidée par l’Europe





Bien que non encore envigueur, le Pacte sur l’asile et la migration rentre dans sa phase opérationnelle. La Commission a présenté un rapport annuel européen sur l’asile et la migration qui, outre le fait de faire un bilan de la situation migratoire irrégulière, indique quels sont les pays qui peuvent être aidés. C’est le cas de la France qui fait l’objet de pressions migratoires accrues. A noter que cette solidarité va s’étendre d’abord aux pays dits de « première entrée » (Grèce, Chypre, Italie et Espagne). D’autres vont également bénéficier d’un soutien, comme les pays voisins de la Russie et de la Biélorussie, qui sont victimes d’une instrumentalisation de la migration par ces derniers. 


De quoi parle-t-on ?

Le rapport annuel européen sur l’asile et la migration qui dresse un tableau stratégique de la situation dans ce domaine. Il analyse la situation en matière d’asile, de migration et d’accueil dans l’Union et dans les États membres au cours des douze derniers mois et établit une projection des tendances migratoires pour l’année à venir.

Le règlement (UE) 2024/1351 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 relatif à la gestion de l’asile et des migrations, l’un des actes législatifs composant le Pacte sur l’asile et la la migration, instaure un mécanisme de solidarité obligatoire, flexible et adapté aux besoins. Le fonctionnement de ce mécanisme s’appuie sur l’évaluation de la situation en matière d’asile et de migrations dans l’Union, présentée dans le rapport qui fait partie du cycle annuel de gestion des migrations.

Les États membres considérés par la Commission comme étant soumis à une forte pression migratoire auront accès au Fonds de solidarité et ne seront pas tenus de verser leurs contributions de solidarité promises.

Outre le Fonds de solidarité, le Pacte établit une Boîte à outils permanente de l’UE pour l’appui aux migrations quii comprend l’assistance opérationnelle et technique fournie par les agences de l’Union.



D’où où en est-on?


La Commission a lancé le premier premier cycle annuel de gestion des migrations avec l’adoption de ce rapport, qui comprend également une mise à jour des progrès accomplis et des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du pacte.

Depuis l’entrée en vigueur du Pacte en juin 2024, et suite à l’adoption du plan commun de mise en œuvre, les États membres ont intensifié leurs efforts pour veiller à ce que leurs systèmes nationaux d’asile, d’accueil et de migration soient prêts pour la pleine application du Pacte d’ici juin 2026.

Depuis le dernier rapport, des étapes importantes ont été franchies à tous les niveaux.. Le nombre d’États membres ayant atteint leurs objectifs de capacité adéquate pour la nouvelle procédure frontalière a augmenté et les essais d’Eurodac ont débuté.

Parallèlement, les défis qui subsistent se précisent. C’est notamment le cas de la mise en œuvre d’Eurodac, de la mise en place de la procédure aux frontières et de la nécessité de disposer rapidement des infrastructures, des effectifs et des dispositifs administratifs nécessaires. Dans toute l’Union, les modalités de contrôle doivent être finalisées prochainement et les capacités d’accueil adaptées au nouveau cadre, garantissant ainsi des capacités suffisantes et des normes adéquates. Si la plupart des États membres l’ont déjà fait, les dispositions relatives au suivi des droits fondamentaux et au conseil juridique restent à finaliser. 


Où va-t-on ?

Le lancement du premier cycle annuel de gestion des migrations constitue une étape importante pour préparer le terrain à l'opérationnalisation du nouveau mécanisme de solidarité. Sur la base du rapport, de la décision de la Commission et de sa proposition de décision d'exécution du Conseil établissant le Fonds annuel de solidarité, le Conseil convoque, dans un délai de 15 jours, le Forum européen de haut niveau sur la solidarité afin de convenir du montant du Fonds et des modalités de contribution de chaque État membre. Le coordinateur européen de la solidarité convoquera également le Forum européen de la solidarité de niveau technique afin de rendre opérationnel le mécanisme de solidarité entre les États membres et de répondre aux besoins de solidarité grâce aux contributions identifiées, avant son entrée en vigueur mi-2026.

La Commission fera un nouveau rapport en mars 2026 sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre du Pacte avant son entrée en vigueur. Elle élaborera également une stratégie européenne à long terme en matière d’asile et de gestion des migrations, définissant une feuille de route politique et opérationnelle de haut niveau pour un système commun robuste et adaptable à l’évolution rapide de la situation.



Un déploiement effectif de la solidarité

Au vu des tendances exposées dans le présent rapport pour la période de référence allant de juillet 2024 à juin 2025, la décision de la Commission a conclu que la Grèce et Chypre subissent une pression migratoire. Par ailleurs, la décision de la Commission a conclu que l’Italie et l’Espagne subissent une pression migratoire en raison d’un nombre important d’arrivées liées aux débarquements répétés à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage, d’une ampleur telle qu’elles engendrent des obligations disproportionnées au regard de la situation générale dans l’Union, même pour un système d’asile, d’accueil et de migration bien préparé de l’État membre concerné.

Ces quatre États membres auront donc accès au Fonds de solidarité lorsque le règlement (UE) 2024/1351 entrera en vigueur.

En outre, il s’avère que la Bulgarie, la Tchéquie, l’Estonie, la Croatie, l’Autriche et la Pologne sont confrontées à une situation migratoire importante, en raison de l’effet cumulatif flux migratoires cumulés au cours des cinq dernières années (du 1er juillet 2020 au 30 juin 2025).

Ces États membres auront la possibilité de demander au Conseil une déduction totale ou partielle de leurs contributions de solidarité pour l'année à venir.



La France bénéficiaire de la solidarité européenne

Sur la base des conclusions du présent rapport, la Belgique, la Bulgarie, l’Allemagne, l’Estonie, l’Irlande, la France, la Croatie, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne et la Finlande sont exposées à un risque de pression migratoire.

Plusieurs de ces États membres ont enregistré un nombre élevé de mouvements irréguliers, ce qui a exercé une pression particulière sur leurs systèmes d’asile, de migration et d’accueil. Les difficultés liées à ces mouvements irréguliers sont prises en compte en reconnaissant la possibilité d’appliquer des compensations de responsabilité à ces cas dans le cadre des contributions de solidarité.

En particulier, la France a également enregistré un nombre important de mouvements irréguliers de demandeurs de protection internationale au sein de l'Union et a fait face à une augmentation des passages illégaux de sa frontière vers le Royaume-Uni, ce qui a affecté son système national d'asile et d'accueil.

Ces douze États membres exposés à un risque de pression migratoire bénéficieront d'un accès prioritaire à la boîte à outils permanente de l'UE en matière de migration. 

synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


Pour la deuxième partie de la synthèse de ce rapport, à lire : Rapport 2025 sur la migration illégale : la France expulse le plus en Europe

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lundi 17 novembre 2025

TE-SAT 2025: toujours plus jeunes et violents, Europol s’alarme de la jeunesse des terroristes

 


12 ans. C’est l’âge du plus jeune terroriste. L’implication croissante des mineurs dans les actes terroristes est l’une des tendances inquiétantes figurant dans le dernier rapport sur l’état de la menace terroriste en Europe (TE-SAT). Deux autres tendances à noter sont l’usage de l’IA et l’hybridation du terrorisme islamiste et celui d’extrême-droite. A relever également : 14 États membres ont signalé ces 58 attentats (menés, échoués et déjoués). La plupart des attentats ont eu lieu en France (14), qui demeure par ailleurs la cible principale des djihadistes.


Points clés à retenir


Le Rapport sur la situation et les tendances du terrorisme dans l'Union européenne (EU TE-SAT) 2025 est un aperçu de la situation, présentant des chiffres agrégés et décrivant les principaux développements et tendances du paysage terroriste dans l'UE en 2024.
En 2024, 58 attentats terroristes ont été recensés dans l'UE, dont 34 ont été menés à bien, cinq ont échoué et 19 ont été déjoués. 24 attentats terroristes ont été attribués au terrorisme djihadiste, ce qui représente une augmentation significative par rapport aux 14 attentats signalés en 2023. La plupart d'entre eux ont été perpétrés par des acteurs isolés (20 sur 24).
14 États membres ont signalé ces 58 attentats (menés, échoués et déjoués). La plupart des attentats ont eu lieu en Italie (20) et en France (14), suivies par l'Allemagne (6), l'Autriche (3), la Grèce (3), la Tchéquie (2), le Danemark (2), la Lituanie (2), la Belgique (1), l'Irlande (1), Malte (1), les Pays-Bas (1), la Slovaquie (1) et l'Espagne (1).

Au total, 449 personnes ont été arrêtées pour des infractions liées au terrorisme dans 20 États membres, soit une augmentation par rapport à 2023 (426) et 2022 (380). La majorité des arrestations ont eu lieu en Espagne (90), en France (69), en Italie (62) et en Allemagne (55).
Les suspects arrêtés étaient majoritairement des hommes (405), dont 43 étaient des femmes. 275 personnes arrêtées pour des accusations liées au terrorisme étaient des citoyens de l'UE et 174 étaient des citoyens de pays tiers.

Seize États membres de l'UE ont informé Eurojust des procédures judiciaires pour infractions terroristes conclues en 2024.17 Ces procédures judiciaires ont abouti à 485 condamnations et acquittements pour infractions terroristes.
Le plus grand nombre de condamnations et d'acquittements pour infractions terroristes en 2024 a été signalé par la France, l'Autriche et la Belgique (133, 64 et 62 respectivement).


Une tendance inquiétante : la jeunesse des terroristes

L'implication de mineurs et de jeunes dans le terrorisme et l'extrémisme violent est une évolution inquiétante qui a continué de croître en 2024. Le nombre de mineurs et de jeunes impliqués dans des activités terroristes et extrémistes violentes a continué de croître dans l'UE en 2024. Sur 449 suspects arrêtés en 2024, 133 étaient âgés de 12 à 20 ans, soit plus de 29 % du total des suspects arrêtés pour des infractions liées au terrorisme. Le plus jeune délinquant, âgé de 12 ans, a été arrêté pour avoir planifié un attentat. La grande majorité de ces jeunes suspects étaient liés au terrorisme djihadiste (114), suivis par le terrorisme d'extrême droite et l'extrémisme violent (12). Ils faisaient le plus souvent l'objet d'enquêtes pour participation à des attentats (57)9, production et diffusion de propagande (32) et appartenance à un groupe terroriste et/ou extrémiste violent (17). Ces jeunes auteurs étaient majoritairement des hommes10, ils avaient le plus souvent subi un processus d'auto-radicalisation en ligne et agissaient en dehors de toute organisation centralisée, souvent seuls ou au sein de petites cellules de pairs.

Deux autres points à retenir : l’usage de l’IA et l’hybridation des terrorismes islamiste et d’extrême-droite

Une autre préoccupation majeure était l'exploitation continue de l'intelligence artificielle et d'autres technologies innovantes, ouvrant de nouvelles possibilités en matière de recrutement, de propagande, de modes opératoires et d'outils de financement. Ces outils technologiques avancés transforment le paysage des menaces, remettant en question les réponses conventionnelles des forces de l'ordre et de la lutte antiterroriste.
À ces défis s'ajoute l'imbrication croissante des vies numériques et physiques des individus – la réalité « sur le terrain » – où la radicalisation en ligne se traduit naturellement par des violences dans le monde réel. Il existe une multitude de communautés en ligne où des individus radicalisés, insensibles au mal et à la souffrance, se laissent entraîner à visualiser, échanger et perpétrer des actes de violence. Ces communautés se recoupent idéologiquement, reliant le terrorisme djihadiste à l'accélérationnisme, produisant une hybridation des idéologies traditionnelles.


Du côté du terrprisme djihadiste


En 2024, 24 attentats djihadistes ont été signalés par les États membres de l'UE, dont six ont été menés à bien et 18 ont été déjoués. Ces six attentats ont été signalés par la France (2), l'Allemagne (2), l'Irlande (1) et les Pays-Bas (1), faisant 18 blessés et cinq morts.
Tous les attentats ont été perpétrés par des assaillants isolés, sans être dirigés ni instruits par un groupe terroriste spécifique.
18 attentats ont été déjoués respectivement en France (9), en Autriche (3), en Allemagne (4), en Belgique (1) et en Espagne (1).

La tendance à l'implication de très jeunes individus dans des enquêtes liées au terrorisme djihadiste s'est poursuivie en 2024. Des groupes de mineurs ont été observés se mettant en réseau en ligne, se radicalisant et planifiant des attentats. La majorité de ces jeunes étaient des partisans de l'État islamique (EI), mais semblaient rester largement à l'écart des mouvements djihadistes établis et avaient une connaissance limitée de l'idéologie djihadiste.

La radicalisation dans les prisons et la libération d'anciens détenus terroristes sont également restées une préoccupation majeure pour les États membres de l'UE.

La propagande d'Al-Qaïda et de l'État islamique a continué d'exploiter les événements de Gaza tout au long de l'année 2024, dans le but d'inciter à des attaques et d'intensifier la violence, notamment contre des cibles israéliennes et juives.


Du côté du terrorisme d'extrême-droite

Dans l'UE, 47 personnes ont été arrêtées pour des infractions terroristes violentes d'extrême droite en 2024. Ce chiffre représente une augmentation par rapport aux 26 arrestations de 2023, mais reste conforme aux 46 arrestations effectuées en 2022.
Les 47 arrestations ont été effectuées dans 10 États membres, la grande majorité en Italie (15). Des arrestations ont également été effectuées en France (8), en Allemagne (8), aux Pays-Bas (7), en Hongrie (3) et en Belgique (2). La Tchéquie, le Danemark, la Lettonie et la Slovaquie ont signalé une arrestation chacun.

La menace posée par les terroristes d'extrême droite et les extrémistes violents dans l'UE se caractérisait par un mélange de réseaux transnationaux en ligne, d'acteurs isolés (bien que souvent inspirés ou guidés par des réseaux en ligne) et de quelques groupes structurés hors ligne.

En 2024, un volume important de contenu de propagande a été créé et diffusé en ligne. Ce mouvement s'appuyait sur des idéologies et des idées telles que l'accélérationnisme, le néonazisme et le suprémacisme blanc.
Le profil le plus courant des extrémistes violents d'extrême droite actifs en ligne était celui de jeunes hommes, souvent mineurs, souffrant fréquemment de troubles mentaux. Le très jeune âge de certains suspects arrêtés pour planification et préparation d'attentats suscite de vives inquiétudes pour les États membres.

Dans l'environnement numérique, les idées accélérationnistes restaient au premier plan, conjuguées à l'engagement croissant et très inquiétant des extrémistes violents d'extrême droite actifs au sein de communautés occultistes et sataniques (en ligne), connues sous le nom de réseaux « 764 » ou « Com ». Dans ces communautés, l'idéologie extrémiste violente d'extrême droite est supplantée par des récits sataniques, souvent associés à un accélérationnisme apocalyptique.

En 2024, Europol a constaté une augmentation substantielle de la propagande en ligne combinant extrémisme de droite violent, matériel pédopornographique, ésotérisme, occultisme et satanisme. Malgré les efforts constants de lutte contre le terrorisme, le nombre croissant de nouveaux services en ligne et la tendance récente à réduire la modération du contenu ont contribué à maintenir le volume de propagande à un niveau considérablement élevé.
L'utilisation de l'IA générative et des technologies émergentes pour créer et diffuser de la propagande et des discours de haine a atteint des niveaux sans précédent.

L'intérêt persistant des extrémistes violents d'extrême droite pour les armes et les explosifs s'est matérialisé par la saisie de plusieurs armes à feu, notamment celles produites par impression 3D, dans de nombreux cas. Ces armes à feu semblent souvent ne pas être uniquement destinées à des attentats, mais s'inscrire dans un mode de vie particulier axé sur l'autodéfense, les arts martiaux et les techniques de survie.
La popularité des armes à feu imprimées en 3D a continué de croître. L'acquisition d'armes à feu reste un sujet majeur, y compris en ligne. Des extrémistes violents d'extrême droite au sein de l'UE se sont parfois livrés à du trafic d'armes, tandis que des inquiétudes persistent quant à un éventuel trafic d'armes en provenance de la zone de guerre en Ukraine.


Le terrorismede d'extrême-gauche et anarchiste 


En 2024, 21 attentats terroristes de gauche et anarchistes, menés ou non, ont été perpétrés dans deux États membres. Parmi ceux-ci, 17 ont été menés à bien, tandis que quatre ont échoué. L'Italie a signalé 18 attentats (15 menés à terme et trois ratés) et la Grèce trois (deux menés à terme et un raté).
Treize attentats ont été commis par incendie criminel, onze par accélérateur de feu et deux par engin incendiaire improvisé. Quatre attentats ont été commis par engins explosifs improvisés (EEI), tandis que quatre autres ont été commis par des armes contondantes ou des moyens similaires.

Vingt-huit arrestations ont été effectuées pour des infractions terroristes d'extrême gauche et anarchistes : 20 en Grèce, 6 en Italie, dont une en Argentine suite à une demande d'extradition de l'Italie, et une en Allemagne. Une autre arrestatiEuropol a eu lieu en Espagne sur la base d'un mandat d'arrêt international émis par les autorités péruviennes compétentes. Parmi les personnes arrêtées, cinq étaient des femmes (âgées de 30 à 65 ans) et 23 des hommes, âgés de 26 à 78 ans.
Dans 22 cas, l'infraction principale était l'appartenance à une organisation terroriste. Les autres infractions les plus courantes étaient la participation aux activités d'une organisation terroriste, l'incitation à la violence et les menaces.

Sur la scène terroriste et extrémiste violente de gauche, les groupes sont plus susceptibles de suivre des lignes organisationnelles avec une chaîne de commandement définie. Les extrémistes violents de gauche continuent d'opérer clandestinement en petits groupes, recourant à des méthodes rudimentaires pour mener leurs attaques, ciblant généralement des biens ou des infrastructures plutôt que des individus.

En 2024, la propagande extrémiste violente de gauche et anarchiste s'est concentrée sur des enjeux sociopolitiques internationaux et locaux. À l'international, les discours s'articulaient autour de thèmes tels que la lutte contre la répression, l'antifascisme, l'anti-impérialisme, l'anticolonialisme, l'anticapitalisme, l'antimilitarisme et l'anti-autoritarisme. Europol a également observé de fortes expressions de solidarité avec le peuple palestinien, la cause kurde, la situatiEuropol au Liban, ainsi qu'un accent mis sur les préoccupations environnementales et climatiques. Au niveau local, la propagande s'est concentrée sur la désapprobation de l'adhésion à l'OTAN ou à la zone euro, l'opposition à des événements comme les Jeux olympiques de Paris 2024 et la critique de la police et des forces de l'ordre, notamment par des campagnes de doxing ciblant les forces de l'ordre ou les opposants politiques liés à la scène extrémiste violente de droite.

Les extrémistes violents de gauche et anarchistes maintenaient un réseau international bien établi, se déplaçant fréquemment à travers l'UE pour participer à des manifestations, des mobilisations internationales et des actions de solidarité.

Les groupes extrémistes violents de gauche et anarchistes ont continué de s'appuyer fortement sur les plateformes en ligne pour diffuser leur propagande et recruter de nouveaux membres. En 2024, l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) pour la création de propagande a été signalée pour la première fois au sein des sphères de gauche et anarchistes.

La plupart des attaques perpétrées par des groupes terroristes ou extrémistes violents de gauche et anarchistes en 2024 étaient relativement peu coûteuses et ont donc pu être financées soit par leurs auteurs eux-mêmes, soit par des fonds collectés par les réseaux de gauche et anarchistes.


Terrorisme ethno-nationaliste, séparatiste et autre

En 2024, l'UE a recensé quatre attentats terroristes ethno-nationalistes ou séparatistes, en France (3) et en Italie (1), tous menés à bien. Il s'agit d'une baisse significative par rapport aux 70 incidents signalés en 2023, tous survenus en Corse (France).
Sur les 27 arrestations effectuées dans l'UE pour des infractions terroristes ethno-nationalistes et séparatistes, plus de la moitié (15) concernaient des individus principalement liés au Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkerên Kurdistanê, PKK).

On a constaté une augmentation significative des enquêtes sur des suspects impliqués dans d'autres formes de terrorisme non spécifiées. Si de nombreuses personnes arrêtées appartenaient à des groupes antigouvernementaux, antisystème et antiinstitutionnels, neuf suspects ont été arrêtés pour avoir agi pour le compte de services de renseignement étrangers dans l'intention de faciliter des actes de violence dans l'UE, au Royaume-Uni et en Amérique du Nord, tels que des actes de sabotage, le transport et la détonation d'engins explosifs et incendiaires.
Un mélange de désinformation, de théories du complot, de sentiments anti-système et anti-gouvernementaux, ainsi que des contenus empruntés à d'autres idéologies (notamment de droite), sont présents dans la majeure partie de la propagande en ligne consommée et partagée par ces individus.
Six attentats terroristes classés comme autres formes de terrorisme non spécifiées ont été perpétrés respectivement en Tchéquie (1), au Danemark (2), en Lituanie (1), à Malte (1) et en Slovaquie (1). Un attentat a été déjoué en Tchéquie et une tentative d'attentat a échoué en Lituanie.

synthèse et traduction par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


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