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lundi 31 mars 2025

Le Cyber Blueprint: la carte et la boussole européennes pour mieux affronter les eaux tempêtueuses des cybercrises


Le projet de recommandation du Conseil établissant un Cyber Blueprint (schéma directeur) est sur la table. En termes savants, ce schéma directeur de l'Union pour la gestion des crises de cybersécurité est un outil stratégique de l’Union européenne pour organiser une réponse coordonnée aux cybercrises majeures.
En termes plus imagés, il s'agit d'une boussole et d'une carte marine pour permettre aux Etats membres naviguer collectivement à travers la tempête que constitue la cybercrise.

De quoi parle-t-on?

Le Cyber Blueprint est un outil stratégique qui clarifie les rôles des acteurs clés (États membres, EU-CyCLONe, CSIRT, Commission…) tout au long du cycle de crise, de la prévention à la résilience. Bien qu’il ne soit pas juridiquement contraignant, il complète les dispositifs législatifs existants comme la directive NIS 2. Son objectif : garantir la sécurité numérique du marché intérieur face aux menaces transfrontalières. Il incarne l’engagement de l’UE pour une cybersécurité collective, agile et efficace.
Quand une attaque frappe — imprévisible, violente, et souvent transfrontalière — chaque acteur (pays, institution, agence) pourrait être tenté d’agir seul, comme un bateau isolé dans l’orage.
Mais le Cyber Blueprint vient donner :

  • la direction (qui fait quoi, quand, comment),
  • les outils pour lire les vagues (détection, partage d'infos, analyse),
  • et les protocoles de coordination pour éviter que la crise ne devienne un naufrage collectif.

En somme, cet outil non contraignant ne contrôle pas les navires (les Etats membres). Il leur permet seulement de naviguer ensemble vers un cap commun dans un océan numérique de plus en plus instable.

A quoi sert le Cyberblueprint ?

Le Cyber Blueprint est un instrument non contraignant qui identifie des actions spécifiques pour les acteurs concernés en cas de cybercrise et qui peut renforcer l'efficacité globale du cadre de gestion des cybercrises. Il compléte l'ensemble du cadre législatif de cybersécurité établi au niveau de l'Union.
Il actualise le plan directeur établi dans la recommandation (UE) 2017/1584 de la Commission relative à une réaction coordonnée aux incidents et crises de cybersécurité de grande ampleur, et s'appuie sur les résultats et les enseignements tirés des exercices menés au niveau de l'Union depuis l'adoption de cette recommandation. Il s'inscrit dans des priorités politiques plus larges dans les domaines de la préparation et de la sécurité.

D’où vient-on ?

La recommandation (UE) 2017/1584 de la Commission relative à une réaction coordonnée aux incidents et crises de cybersécurité de grande ampleur définit les objectifs et les modalités de coopération entre les États membres et les entités de l'Union pour répondre aux incidents et crises de cybersécurité de grande ampleur. Elle recense les acteurs concernés aux niveaux technique, opérationnel et politique et explique comment ils sont intégrés dans le dispositif plus large de gestion des crises de l'Union, notamment les dispositifs IPCR.
Depuis 2017, l'Union a développé son cadre de cybersécurité au moyen de plusieurs instruments qui contiennent des dispositions pertinentes pour la gestion des crises de cybersécurité. C’est le cas le règlement (UE) 2019/881 du Parlement européen et du Conseil , la directive (UE) 2022/2555 du Parlement européen et du Conseil, du règlement d'exécution 2024/2690 de la Commission, le règlement (UE, Euratom) 2023/2841 du Parlement européen et du Conseil, du règlement (UE) 2021/887 du Parlement européen et du Conseil, du règlement (UE) 2024/2847 du Parlement européen et du Conseil et du règlement (UE) 2025/38 du Parlement européen et du Conseil («acte sur la cybersolidarité»).

Pourquoi le Cyberblueprint ?

L’idée est que l' Union joue un rôle important en cas d'incident ou de crise majeur. De telles perturbations peuvent avoir des répercussions sur plusieurs, voire la totalité, des secteurs de l'activité économique au sein du marché unique et pourraient affecter la sécurité et les relations internationales de l'Union. Afin de garantir le fonctionnement du marché intérieur, une coordination au niveau de l'Union en cas de perturbations des infrastructures critiques ayant des répercussions transfrontières significatives est non seulement appropriée, mais également nécessaire.
Une recommandation actualisée établissant un plan directeur en matière de cybersécurité (« Plan directeur cyber ») est donc nécessaire afin de fournir des orientations claires et accessibles expliquant ce qu'est une cybercrise à l'échelle de l'Union, comment le cadre de gestion de crise est déclenché, quels sont les rôles des acteurs et mécanismes concernés au niveau de l'Union, ainsi que l'interaction entre ces acteurs et mécanismes tout au long du cycle de vie d'une cybercrise. Le Plan directeur cybernétique s'inscrit dans le contexte plus large des relations civilo-militaires et UE-OTAN.

Pourquoi une recommandation ?

La proposition a fait le choix d’une recommandation (article 292 du TFUE) qui n’a pas de force contraignante. Une recommandation du Conseil constitue un instrument approprié dans ce cas, car elle témoigne de l'engagement des États membres envers les mesures qu'elle contient et constitue une base solide pour la coopération en matière de coordination de la gestion des incidents et crises de cybersécurité de grande ampleur. De cette manière, la recommandation proposée compléterait le cadre juridique contraignant (notamment la directive NIS 2).
Cette  recommandation complète les dispositions relatives à un dispositif intégré de réaction aux crises politiques (IPCR) et les mécanismes de crise plus larges de l'Union, notamment le système général d'alerte rapide ARGUS de la Commission, le mécanisme de protection civile de l'Union (MPCU) soutenu par le Centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC), le mécanisme de réaction aux crises (MRC) du Service européen pour l'action extérieure, ainsi que d'autres processus, tels que ceux décrits dans la boîte à outils hybride de l'UE et dans le protocole révisé de l'UE pour la lutte contre les menaces hybrides. Elle complète également la recommandation du Conseil relative à un plan directeur pour la coordination de la réaction au niveau de l'Union aux perturbations des infrastructures critiques ayant une incidence transfrontière significative (ci-après le « plan directeur pour les infrastructures critiques »), qui couvre la résilience physique non cybernétique.

Comment se structure la gestion de crise ?

Si la gestion des cybercrises nationales relève de la responsabilité première des États membres, le caractère potentiellement transfrontalier et intersectoriel des incidents de cybersécurité exige que les États membres et les entités concernées de l'Union coopèrent aux niveaux technique, opérationnel et politique afin d'assurer une coordination efficace au sein de l'Union. Parallèlement, la réaction et le rétablissement après une crise sont coûteux pour les entités et les secteurs touchés. La gestion complète du cycle de vie d'une crise comprend donc la préparation et une connaissance partagée de la situation pour anticiper les incidents de cybersécurité, les capacités de détection nécessaires pour les identifier et les outils de réaction et de rétablissement nécessaires pour atténuer, dissuader et contenir les incidents de cybersécurité.

Quyels sont les principaux acteurs de la cybercrise ?

Dans le cadre de la gestion de crise en matière de cybersécurité au sein de l'Union européenne, plusieurs entités ont des rôles spécifiques :

  • États membres :
    • Responsables principaux de la gestion des cybercrises sur leur territoire.
    • Doivent coopérer aux niveaux technique, opérationnel et politique pour une coordination efficace en cas d'incident transfrontalier.
  • EU-CyCLONe (European Cyber Crisis Liaison Organisation Network) :
    • Coordonne les réponses à des incidents de cybersécurité majeurs au niveau de l'UE.
    • Fournit des informations stratégiques sur l'impact et les mesures de réponse nécessaires.
  • CSIRT (Computer Security Incident Response Teams) :
    • Equipes nationales ou sectorielles chargées de la prévention, de la détection, de la réponse et de la récupération après des incidents de sécurité.
    • Coopèrent avec d'autres CSIRT et entités à travers l'UE pour assurer un partage efficace des informations.
  • Commission européenne :
    • Joue un rôle de coordination et de support en cas de crise.
    • Contribue à la cohérence des mesures prises et peut activer des mécanismes de protection civile de l'Union.
  • Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité :
    • Participe à la coordination des réponses diplomatiques et peut être impliqué dans des efforts stratégiques pour faire face aux menaces hybrides.
  • Secrétariat général du Conseil de l'UE :
    • Facilite les discussions et la prise de décision au sein du Conseil concernant les réponses aux crises, y compris en matière de cybersécurité.
  • ENISA (Agence européenne de cybersécurité) :
    • Fournit une expertise technique et des recommandations pour renforcer les capacités de cybersécurité des États membres.
    • Élabore des rapports sur la situation de cybersécurité pour informer les politiques et les pratiques au sein de l'UE.


Y a-t-il d’autres acteurs impliqués dans la gestion de crise à l’échelle européenne ?

Au niveau de l'Union, d’autres acteurs sont concernés par la gestion des cybercrises, notamment la Capacité unique de renseignement et d'analyse (SIAC), l'Agence de l'Union européenne pour la cybersécurité (ENISA), le Service de cybersécurité des institutions, organes et organismes de l'Union (CERT-UE), Europol, par l'intermédiaire de son Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3), le Centre satellitaire de l'Union européenne (CSUE) et le Centre de surveillance de la sécurité Galileo et le réseau des délégations de l'Union.

Pour se préparer en amont à une cybercrise, quelles mesures sont mises en place ?

Les mesures consistent en :

  • 1. Évaluation des risques : Réaliser des évaluations coordonnées des risques pour identifier les menaces et vulnérabilités potentielles au sein des infrastructures numériques. Ces évaluations doivent être basées sur des scénarios élaborés et tenir compte des tendances en matière d'incidents ;
  • 2. Exercices de cybersécurité : Les exercices de cybersécurité à l'échelle de l'Union sont essentiels pour tester les procédures et les mécanismes de coopération, permettant ainsi d'améliorer la préparation face à des incidents majeurs ;
  • 3. Renforcement de l'infrastructure numérique : Promouvoir la résilience des infrastructures numériques critiques, en réduisant les dépendances techniques et en s'assurant que des solutions de sécurité robustes sont mises en place :
  • 4. Connaissance commune de la situation : Établir une connaissance partagée des menaces, incluant des données sur les incidents, les tactiques, et les techniques utilisées par les cybercriminels. Cela doit inclure des échanges d'informations entre États membres et entités de l'Union ;
  • 5. Mise en place de protocoles de communication sécurisée : Développer et appliquer des solutions de communication sécurisée pour le cyberespace, afin de garantir un échange efficace d'informations, même en cas de crise ;
  • 6. Utilisation des ressources financières : Maximiser l'utilisation des ressources financières mises à disposition par l'Union pour renforcer les capacités de cybersécurité, afin de garantir la disponibilité des ressources nécessaires en période de crise ;
  • 7. Formations et sensibilisation : Former le personnel aux meilleures pratiques de cybersécurité et sensibiliser les utilisateurs finaux aux risques de cybersécurité et aux comportements sûrs en ligne.



Quelles mesures sont prises pour détecter un incident susceptible de dégénérer en cybercrise ?

Les mesures à prendre incluent :

  • 1. Stratégies de détection :
    Les entités publiques et privées doivent mettre en place des stratégies de détection adaptées aux menaces, ciblant spécifiquement leurs infrastructures numériques. Cela implique l'identification de vulnérabilités potentielles susceptibles d'être exploitées ;
  • 2. Partage d'informations :
    Lorsqu'une opération secrète est détectée, les entités doivent partager proactivement les informations pertinentes avec leurs partenaires avant que la situation ne tourne en crise. Cela permet une réaction rapide et coordonnée face aux menaces potentielles ;
  • 3. Connaissance commune de la situation :
    Les États membres et les entités de l'Union doivent bénéficier d'une connaissance partagée de la situation pour anticiper, se préparer, et détecter les cyberattaques. Cette connaissance devrait couvrir tous les secteurs critiques, en se basant sur des ensembles de données de haute qualité collectées en temps réel ;
  • 4. Utilisation des ressources financières :
    Il est recommandé que les États membres utilisent pleinement les ressources financières disponibles pour la cybersécurité fournies par les programmes de l'Union, renforçant ainsi les capacités de détection et de réponse.


Quelles mesures de réaction immédiate à une cybercrise doivent être prises ?

Ces mesures incluent :

  • 1. Coopération entre États membres et CSIRT :
    Les États membres concernés doivent collaborer étroitement avec le réseau des CSIRT (équipes de réponse aux incidents de sécurité informatique) pour restaurer rapidement les systèmes compromis tout en minimisant les disruptions opérationnelles ;
  • 2. Utilisation de l'EU-CyCLONe :
    En cas de cybercrise, l'EU-CyCLONe, en coopération avec les CSIRT, doit fournir des informations claires au niveau stratégique sur l'impact, les conséquences possibles et les mesures de réponse nécessaires. Cela inclut la contribution à des rapports d'analyse et de connaissance intégrée de la situation (ISAA) ;
  • 3. Coordination des réponses :
    La Commission européenne, en collaboration avec le Haut Représentant si nécessaire, doit assurer la cohérence et la coordination entre les différentes réponses à la crise ainsi qu’avec les actions connexes au niveau de l'Union, notamment en mobilisant les mécanismes sectoriels de gestion de crise ;
  • 4. Communication publique efficace :
    Il est crucial de coordonner les efforts de communication publique pour garantir que les informations envoyées au public soient précises et ne servent pas à diffuser des fausses informations. Cela vise à maintenir la confiance du public et à éviter la panique ;
  • 5. Mobilisation de la réserve de cybersécurité de l'UE :
    Les États membres peuvent faire appel à la réserve de cybersécurité de l'UE ainsi qu'aux actions de soutien à l'assistance mutuelle pour obtenir des ressources et de l'expertise en cas d'incidents majeurs ;
  • 6. Évaluation rapide des incidents :
    Évaluer rapidement la situation pour comprendre l'ampleur et les impacts des cyberattaques. Cela permet de coordonner efficacement la réponse et d'affecter les ressources de manière optimale.


Quelles sont les mesures de résilience à plus long terme pour faire face à une cybercrise ?


Les mesures incluent :

  • 1. Renforcement des infrastructures critiques :
    Investir dans la sécurisation des infrastructures critiques telles que l'énergie, les transports, la santé et les services financiers. Cela inclut des mesures proactives pour protéger ces infrastructures contre les cyberincidents ;
  • 2. Développement d'une culture de cybersécurité :
    Promouvoir une culture axée sur la cybersécurité au sein des organisations, où chaque membre du personnel se sent responsable de la protection des informations et infrastructures numériques ;
  • 3. Formation et éducation continue :
    Mettre en place des programmes de sensibilisation et de formation réguliers pour le personnel et les utilisateurs finaux afin d'améliorer les connaissances en cybersécurité et de promouvoir des comportements sécurisés en ligne ;
  • 4. Collaboration public-privé :
    Promouvoir une coopération étroite entre le secteur public et le secteur privé pour partager les meilleures pratiques, les informations sur les menaces et les ressources nécessaires à la gestion des cybercrises ;
  • 5. Amélioration continue des capacités de détection et de réponse :
    Mettre en œuvre des outils et des technologies avancés pour améliorer la détection précoce des cyberincidents et la réponse rapide. Cela inclut les investissements dans des infrastructures de cybersécurité et la mise à jour des procédures de gestion des incidents ;
  • 6. Élaboration de normes et de réglementations :
    Développer des normes harmonisées et des réglementations en matière de cybersécurité à l'échelle de l'Union et encourager leur adoption par tous les acteurs concernés, afin d'assurer un niveau cohérent de protection ;
  • 7. Évaluation et tests réguliers des systèmes de cybersécurité :
    Conduire des exercices de cybersécurité réguliers pour tester les procédures de réponse et de coopération, permettant d'identifier les lacunes et d'améliorer les capacités des équipes.


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


 

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lundi 24 mars 2025

Parquet européen: une augmentation de près de 100% des signalements par les particuliers, les entreprises et les associations

 


Le Parquet européen a publié son dernier rapport annuel et le bilan montre une activité florissante. Il a ouvert 1 504 enquêtes en 2024, soit près de 10 % de plus qu'en 2023, ce qui correspond à un préjudice estimé à 13,07 milliards d'euros. Fin 2024, il comptait 2666 enquêtes actives, pour un préjudice estimé à plus de 24,8 milliards d'euros. Enfin, 6547 signalements infractions lui ont été signalisés, soit 56 % de plus qu'en 2023. A noter surtout, une augmentation significative des faits signalés par les parties privées.



7 procureurs européens délégués sont français

Le budget du Parquet européen est entièrement financé par le budget général de l'Union européenne sous forme de subvention. En 2024, 76,4 millions d'euros ont été budgétisés pour l'exécution de la mission du Parquet européen, contre 66 millions d'euros en 2023 (+16 %).

La Parquet européen dénombre 275 membres du personnel. En outre, au 31 décembre 2024, le Parquet européen comptait 166 procureurs européens délégués. Dix procureurs européens délégués de Suède et de Pologne ont été nommés en décembre 2024, mais n'ont commencé leurs activités opérationnelles qu'en janvier 2025.
7 procureurs européens délégués sont français.

Quant au secteur Soutien juridique opérationnel, il est responsable de la gestion de la base de données jurisprudentielle du Parquet européen, de la diffusion régulière d'informations sur les nouveautés au sein du Parquet, notamment le chef du Parquet européen, la jurisprudence et la littérature juridique, ainsi que la gestion des bases de données de recherche juridique.

En 2024, ce secteur a aidé les chambres permanentes à suivre et à diriger 2 678 enquêtes actives et a organisé 491 réunions des chambres permanentes.


Les parties privées portent de plus en plus plainte

Au 31 décembre 2024, le Parquet européen comptait 2 666 enquêtes actives, pour un préjudice estimé à plus de 24,8 milliards d'euros. Avec un préjudice estimé à 13,15 milliards d'euros, la fraude à la TVA représentait plus de 53 % du total des préjudices estimés faisant l'objet d'une enquête fin 2024. La proportion d'enquêtes à dimension transfrontière (actes commis sur le territoire de plusieurs pays ou ayant causé un préjudice à plusieurs pays) est restée stable (29 %).

En 2024, le parquet européen a traité 6 547 signalements d'infractions, soit 56 % de plus qu'en 2023. Cette augmentation est principalement due aux signalements émanant de particuliers (4 623, soit 85 % de plus qu'en 2023) et des autorités nationales (1 760, soit 12 % de plus qu'en 2023). Cette évolution prouve que le niveau de détection des fraudes portant atteinte aux intérêts financiers de l'UE dans les États membres participants s'est encore amélioré. Cependant, les signalements émanant des institutions, organes et organismes de l'UE sont restés très rares (113), ce qui signifie qu'aucune amélioration n'a été constatée en termes de détection et de signalement de leur part, même trois ans après le début des opérations du Parquet européen.


Des enquêtes ouvertes en 2024 pour un préjudice de plus de 13 milliards d’euros

Sur la base de l'ensemble des informations disponibles, le Parquet européen a ouvert 1 504 enquêtes en 2024, soit près de 10 % de plus qu'en 2023, ce qui correspond à un préjudice estimé à 13,07 milliards d'euros. Ce chiffre est principalement dû à la fois à une meilleure coopération entre le Parquet européen et les autorités nationales compétentes et à la détermination du Parquet européen à cibler les organisations criminelles particulièrement actives dans la fraude aux dépenses hors marchés publics et aux recettes (TVA et hors TVA).

En 2024, avec 205 mises en examen déposées (soit 47 % de plus qu'en 2023), le Parquet européen a commencé à traduire davantage d'auteurs de fraudes européennes en justice devant les tribunaux nationaux.
En fin de compte, conformément à son objectif de se concentrer sur le recouvrement des dommages, les juges ont accordé aux procureurs européens délégués des ordonnances de gel d'un montant de 2,42 milliards d'euros, tandis que la valeur des avoirs gelés au cours de l'année s'élevait à 849 millions d'euros.

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A retenir:

  • 51 plaintes d'office
  • 309 affaires en cours de jugement
  • 17 affaires en appel
  • 106 décisions judiciaires finales
  • 102 condamnations
  • 196 personnes condamnées
  • 7 personnes acquittées
  • 2105 cas de fraudes aux subventions
  • 591 cas de fraudes aux dépenses publiques
  • 385 cas portant atteinte aux intérêts financiers et impliquant la criminalité organisée
  • 1287 cas de fraude à la TVA
  • 191 cas de corruption
  • 115 cas de détournement de fonds
  • 380 cas de blanchiment d'argent

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En tête de classement, fraudes aux marchés publics et détournements de subventions européennes

Fin 2024, environ 9 % des infractions examinées par le Parquet européen concernaient des soupçons de fraude aux dépenses liées aux marchés publics. Cette fraude se manifeste souvent par la manipulation illégale des procédures d'appel d'offres pour des travaux publics, tels que la rénovation de bâtiments publics et d'infrastructures de transport.

Fin 2024, environ 33 % des infractions examinées par le Parquet européen concernaient des fraudes aux dépenses autres que celles liées aux marchés publics. Ce type de fraude se manifeste par l'utilisation ou la présentation de déclarations ou de documents faux, inexacts ou incomplets, entraînant le détournement ou la rétention injustifiée de fonds ou d'actifs provenant du budget de l'UE ou de budgets gérés par l'UE ou pour son compte. Cela comprend les aides financières, les subventions et les fonds de l'UE.

Fin 2024, environ 20 % des infractions examinées par le Parquet européen concernaient les formes les plus graves de fraude à la TVA, liées à deux ou plusieurs États membres participants de l'UE, et causant un préjudice total d'au moins 10 millions d'euros.

Environ 8 % des infractions examinées par le Parquet européen fin 2024 concernaient des fraudes aux recettes hors TVA. Il s'agissait notamment de sous-évaluations, d'abus de procédures douanières, de contrebande, de contrebande de tabac et de fraudes aux droits antidumping.

Fin 2024, environ 3 % des infractions ayant fait l'objet d'enquêtes par le Parquet européen concernaient la corruption active et passive d'agents publics (fonctionnaires européens et nationaux). Les procédures de passation de marchés publics, en particulier, ont été identifiées comme présentant un risque d'activités de corruption de la part d'agents publics, que ce soit en leur qualité de membres de comités d'évaluation ou par des tentatives illicites d'influencer la prise de décision dans le cadre de ces procédures.

Près de 2 % des infractions ayant fait l'objet d'enquêtes par le Parquet européen fin 2024 concernaient des détournements de fonds.

Il y a détournement de fonds lorsqu'un agent public, chargé de la gestion de fonds ou d'actifs publics, se les approprie ou les utilise à des fins autres que celles initialement prévues, portant ainsi atteinte aux intérêts financiers de l'UE.

Près de 6 % des infractions ayant fait l'objet d'enquêtes par le Parquet européen fin 2024 concernaient du blanchiment d'argent découlant des infractions pénales relevant de la compétence du Parquet européen. Dans les enquêtes en cours du Parquet européen, le blanchiment d'argent apparaît principalement dans les affaires de fraude à la TVA.

Environ 6 % des infractions ayant fait l'objet d'une enquête du Parquet européen fin 2024 concernaient la participation à une organisation criminelle dont l'activité criminelle était centrée sur la commission de l'une des infractions susmentionnées.

Près de 13 % des infractions ayant fait l'objet d'une enquête du Parquet européen fin 2024 étaient d'autres infractions pénales, inextricablement liées à une infraction liée à la protection des intérêts financiers de l’UE.


Côté français, des résultats modestes

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Quelques chiffres marquants:

  • 49 affaires ouvertes pour un montant de 1285,4 millions d'euros
  • 114 affaires en cours pour un montant de 642,8 millions d'euros
  • 20 affaires en cours ayant trait à la fraude à la TVA pour un montant de 276 millions d'euros
  • 52 enquêtes en cours impliquant une dimension transnationale
  • ordonnances de saisie prises pour une valeur de 57 millions d'euros
  • biens saisis pour une valeur de 16,1 millions d'euros
  • 0 personnes inculpées
  • 50 plaintes émanant de personnes privées
  • 37 plaintes émanant d'autorités nationales
  • 6 plaintes émanant d'institutions, organismes ou agences de l'UE
  • 4 plaintes d'office
  • 2 affaires en cours de jugement
  • 0 affaires en appel
  • 3 décisions judiciaires finales
  • 3 condamnations
  • 5 personnes condamnées
  • 0 personnes acquittées
  • 50 cas de fraudes aux subventions
  • 11 cas de fraudes aux dépenses publiques
  • 9 cas portant atteinte aux intérêts financiers et impliquant la criminalité organisée
  • 22 cas de fraude à la TVA
  • 4 cas de corruption
  • 9 cas de détournement de fonds
  • 33 cas de blanchiment d'argent

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Un partenariat fructueux avec Europol

Le Parquet européen a coopéré efficacement avec Europol sur diverses questions opérationnelles. Europol a notamment apporté son soutien (échange d'informations, soutien analytique, expertise, etc.) à 83 demandes du Parquet européen. Le Parquet européen coopère étroitement avec le Centre européen de lutte contre la criminalité économique et financière (EFECC) et est partie associée aux projets d'analyse suivants : Groupes criminels organisés à haut risque, Corruption, Sustrans et MTIC. Il envisage de participer à d'autres projets. Par l'intermédiaire des équipes spécialisées de son unité Opérations, le Parquet européen a contribué à ces projets par son expérience opérationnelle et ses connaissances, enrichissant ainsi ses propres connaissances et capacités d'expertise. Le Parquet européen est depuis octobre 2024 membre du pôle d'innovation de l'UE pour la sécurité intérieure, hébergé par Europol.


Des liens étroits avec l’OLAF et Eurojust


Concernant l’office de lutte antifraude (OLAF), le Parquet européen a procédé à 149 échanges d'informations à des fins de collecte de preuves et à 235 échanges d'informations dans le cadre du système de concordance/non-concordance afin d'éviter des enquêtes parallèles sur les mêmes faits. De plus, l'OLAF a conclu ses activités complémentaires concernant 21 dossiers du Parquet européen et ses activités de soutien concernant 5 autres dossiers du Parquet européen.

Le Parquet européen et Eurojust ont mis en œuvre l'accès indirect à l'information dans leurs systèmes de gestion des dossiers respectifs, sur la base d'un système de concordance/non-concordance. Les équipes de liaison du Parquet européen et d'Eurojust se sont réunies une fois au cours de la période de référence. À la fin de l'année, 25 dossiers étaient en cours et bénéficiaient du soutien des bureaux nationaux d'Eurojust. Le Parquet européen a participé au lancement du Réseau judiciaire européen des procureurs spécialisés dans la criminalité organisée, organisé par Eurojust.


Le Parquet toujours plus à l’international

Le Parquet européen a organisé une formation avec des procureurs ukrainiens au Bureau central et a formalisé de nouveaux partenariats hors de la zone du Parquet européen, avec la signature d'accords de travail avec : le Centre national de lutte contre la corruption de la République de Moldavie, la Commission anticorruption des Seychelles et le Parquet général de la Principauté d'Andorre.

À ce jour, le Parquet européen a également signé des accords de travail avec les autorités compétentes d'Albanie, de Bosnie-Herzégovine, de Géorgie, de Moldavie, du Monténégro, de Macédoine du Nord, d'Ukraine et des États-Unis d'Amérique.

En 2024, le Parquet européen est devenu observateur auprès du Réseau des procureurs ou institutions équivalentes près les Cours suprêmes judiciaires des États membres de l'Union européenne (Réseau NADAL).


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traduction et synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


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dimanche 16 mars 2025

Nouvelles formes de traite des êtres humains: après le prélèvement d’organes, un rapport européen mentionne la gestation pour autrui

 


Un rapport européen de 2025 faisant le bilan de la situation observe une augmentation du phénomène de plus de 20% par rapport à la période précédente. Sur ce point, la GPA fait partie des formes émergentes constatées. Pour autant, les efforts menés sont conséquents. La coopération policière est renforcée. Le succès est au rendez-vous, même si quelques points sont à améliorer comme le décalage significatif des statistiques d’Europol et celles d’Eurostat.


Quel est le problème ?

Selon Europol, 55 des réseaux criminels les plus menaçants ayant été signalés ont la traite des êtres humains comme activité principale ou comptent la traite parmi leurs activités principales. En outre, il ressort du rapport mondial 2024 sur la traite des êtres humains que 74 % des trafiquants opèrent en groupes et réseaux vaguement connectés dans le cadre des relations criminelles de type commercial ou sous la forme d’organisations criminelles structurées, ce qui souligne le rôle prédominant des groupes criminels organisés dans les activités de traite des êtres humains.
En outre, la traite des êtres humains constitue la deuxième économie illicite la plus répandue au monde. Le bénéfice annuel généré par le travail forcé à l’échelle mondiale est estimé à 236 milliards d’USD pour les trafiquants, ce qui représente près de 10 000 USD par victime. L’exploitation des victimes en Europe et en Asie centrale est la plus rentable, atteignant un bénéfice de 20 000 USD par victime et par an. Si les bénéfices sont élevés et ont augmenté de 37 % depuis 2014, les risques pour les auteurs restent faibles.


Où en est-on ?

Le cadre juridique de l’Union en matière de traite des êtres humains est ancré dans la directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains, qui a été modifiée par la directive du 13 juin 2024 et est entrée en vigueur le 14 juillet 2024. Les États membres devront transposer et mettre en œuvre les nouvelles dispositions au plus tard le 15 juillet 2026.
La directive modifiée:

  • introduit des règles plus strictes pour lutter contre la traite des êtres humains et fournit aux autorités publiques des outils renforcés pour enquêter sur les infractions relatives à ce phénomène et engager des poursuites à l’encontre de leurs auteurs.
  • introduit des règles concernant de nouvelles formes d’exploitation et fait de l’exploitation sexuelle commise en ligne une circonstance aggravante.
  • prévoit également un meilleur soutien aux victimes et constitue l’une des principales actions prévues dans la stratégie de l’UE visant à lutter contre la traite des êtres humains 2021-2025 qui intègre une approche globale fondée sur quatre piliers.

Quant à la directive du 24 avril 2024 relative au recouvrement et à la confiscation d’avoirs, elle renforce la capacité des forces de police, des procureurs et des juges à retracer et à confisquer les bénéfices que les groupes criminels organisés tirent de leurs activités illicites, y compris de la traite des êtres humains. La directive renforcera également la coopération policière transfrontalière en rendant obligatoire l’ouverture d’enquêtes de dépistage des avoirs dans les affaires de criminalité organisée.


Combien de personnes sont vitimes de la traite ?

Au cours de la période 2021-2022, 17 248 victimes de la traite des êtres humains ont été enregistrées dans l’UE. 
Cela représente une augmentation de 20,5 % par rapport à la période 2019-2020 (14 311).
Rien qu’en 2022, le nombre de victimes enregistrées était de 10 093, soit une augmentation de 41 % par rapport à 2021 (7 155) et le chiffre le plus élevé depuis 2013.
Cette augmentation s’explique probablement par la sensibilisation générale à la traite des êtres humains. 
Les efforts concertés déployés par plusieurs agences dans les États membres pour protéger les personnes fuyant l’agression militaire contre l’Ukraine ont eu une incidence positive inattendue sur la détection de victimes de la traite des êtres humains de différentes nationalités.
Comme les années précédentes, il convient de noter que le nombre réel de victimes est probablement nettement plus élevé que ne le suggèrent les données communiquées.


Quel est le profil des victimes ?

En 2021-2022, dans l’Union, 65 % des victimes étaient des femmes et des filles. La grande majorité des victimes d’exploitation sexuelle sont de sexe féminin (92 %).  68 % d’entre elles sont des femmes et 24 % sont des filles. Les hommes représentent la majorité des victimes de la traite à des fins d’exploitation par le travail (70 %).
46 % des victimes enregistrées étaient des citoyens de l’UE et 54 % étaient des ressortissants de pays tiers, ce qui constitue un changement par rapport à la période 2019-2020, où la majorité des victimes enregistrées étaient des citoyens de l’UE (55 %).
Pour ce qui est de la nationalité des victimes de la traite des êtres humains, les cinq premiers pays de l’Union concernés étaient la Roumanie, la France, la Hongrie, la Bulgarie et l’Allemagne.
Hors États membres de l’Union, les cinq pays qui comptaient le plus de ressortissants parmi les victimes de la traite dans l’Union étaient le Nigeria, l’Ukraine, le Maroc, la Colombie et la Chine.
34 % de l’ensemble des victimes enregistrées étaient des citoyens du pays dans lequel elles étaient enregistrées (traite interne).


Le succès de la traite à des fins d’exploitation sexuelle

La traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle est restée la forme d’exploitation la plus répandue dans l’UE au cours de la période 2021-2022 (49 % des victimes), bien qu’elle affiche une tendance légèrement à la baisse par rapport à la période précédente (51 %).
La méthode la plus courante pour recruter de jeunes femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle est restée la méthode du «lover boy».
Les trafiquants nouent souvent des relations romantiques en ligne, créent une dépendance émotionnelle et attirent les victimes dans le piège de l’exploitation.
La plupart des États membres et Europol ont confirmé le rôle prépondérant des médias sociaux.


A la deuxième place du piodium,  la traite à des fins d’exploitation par le travail

La traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail reste la deuxième forme la plus répandue de traite des êtres humains dans l’UE en 2021-2022 (37 % des victimes).
Il s’agit de la forme d’exploitation la plus répandue dans quatre États membres.
En 2021-2022, le rapport observe une augmentation de 51 % du nombre de victimes d’exploitation par le travail (5 940) par rapport à la période précédente (3 940).
En 2022, la part de l’exploitation sexuelle et celle de l’exploitation par le travail étaient identiques (41 %).
Les hommes représentent la majorité des victimes (70 %).
Par rapport à la période précédente, une proportion presque équivalente de victimes issues de l’UE (46 %) et de pays tiers (54 %) a été enregistrée dans l’UE en 2021-2022. 
Les secteurs à haut risque d’exploitation comprennent la construction, l’agriculture, la sylviculture, la transformation des denrées alimentaires, les lignes d’assemblage, l’hôtellerie, la vente au détail, le lavage de voitures, les services d’esthétique et de nettoyage, les transports et l’entretien ménager.
Les nouveaux secteurs émergents sont, par exemple, les soins à domicile et les services de soins infirmiers ainsi que la livraison de colis.


Le prélèvement d’organes et la GPA aussi mentionnés

Au cours de la période de référence, les formes de traite des êtres humains autres que l’exploitation sexuelle et l’exploitation par le travail représentaient 14 % de l’ensemble des victimes.
Ces formes d’exploitation comprennent les activités criminelles forcées, la mendicité forcée, le prélèvement illégal d’organes et d’«autres» formes.

  • Si la criminalité forcée ne représentait que 3 % de l’ensemble des victimes enregistrées dans l’UE pour la période 2021-2022, certains États membres ont fait état d’une augmentation de cette forme d’exploitation.
    La criminalité forcée est souvent associée au vol, à la petite criminalité, au vol à la tire, au vol à l’étalage et à la vente de drogues.
  • La mendicité forcée (2 %) reste présente dans plusieurs États membres en tant que forme d’exploitation.
  • Plusieurs États membres ont signalé des cas de traite à des fins de mariages forcés et fictifs, qui touchent les minorités ethniques, telles que les Roms, et les enfants (principalement des filles) issus de l’immigration.
  • L’exploitation de la gestation pour autrui est une forme émergente de traite des êtres humains. Les intermédiaires (tels que les cliniques de santé génésique) se livrent à la criminalité transfrontière organisée pour dégager des bénéfices très importants.
  • Des soupçons de traite à des fins de prélèvement d’organes ont été signalés par la Bulgarie, la Grèce et la Slovaquie, qui incluaient également le prélèvement abusif de cellules, de tissus et de sang dans le cadre d’un trafic d’organes.



Le problème croissant de la traite en ligne

L’entrée de la traite des êtres humains dans l’espace numérique constitue un défi fondamental qui est apparu pendant la pandémie de COVID-19 et qui s’est encore amplifié à la suite de celle-ci. Les difficultés persistent en ce qui concerne le recensement des victimes et leur orientation vers des services d’aide et de soutien.
La législation sur les services numériques adoptée le 19 octobre 2022, contribuera à recenser, surveiller et supprimer les contenus en ligne liés à la traite des êtres humains.
La Commission a désigné les «très grandes plateformes en ligne» et les «très grands moteurs de recherche», y compris quatre sites web pour adultes, qui sont soumis à des obligations strictes concernant l’identification, l’évaluation et l’atténuation des risques systémiques, ainsi que des mesures de transparence, des outils de signalement accessibles et des mécanismes de plainte.


Renforcer la coopération policière

Dans son rapport sur les réseaux criminels les plus menaçants dans l’UE, Europol a relevé comme activité principale l’exploitation sexuelle pour 18 réseaux criminels, l’exploitation par le travail pour 13 réseaux et d’autres formes de traite des êtres humains pour cinq réseaux.
La coopération en matière répressive est restée intensive au cours de la période 2021-2024, tant au niveau de l’UE qu’au niveau national, ce qui se reflète dans l’augmentation continue de 16 % du nombre total d’individus soupçonnés de traite des êtres humains par rapport à la période de référence précédente.
Les citoyens de l’UE représentaient 72 % de l’ensemble des suspects enregistrés dans l’UE en 2022.
Eurojust a apporté son soutien à 66 équipes communes d’enquête (ECE) dans des affaires de traite des êtres humains. Plusieurs États membres ont indiqué avoir participé à des ECE coordonnées par Eurojust, tant avec des États membres de l’UE que des pays tiers.


Le succès du projet EMPACT
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La traite des êtres humains est l’une des priorités de la plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT).
En 2024, EMPACT THB (traite des êtres humains) comprend 22 actions opérationnelles.
En 2023, les actions opérationnelles de l’EMPACT se sont révélées être un succès majeur et se sont traduites par une amélioration constante des résultats en ce qui concerne le nombre croissant de journées d’action commune, de task forces opérationnelles et de résultats opérationnels, à savoir l’identification de 7 536 victimes (potentielles) et de plus de 5 000 suspects, ainsi que le lancement de 103 enquêtes financières et la saisie de 4 108 670 euros.

L’EMPACT a également soutenu des approches innovantes en matière d’enquêtes numériques, en particulier sous les formes de hackathons, qui ont contribué à recenser les plateformes en ligne sur lesquelles l’exploitation sexuelle ou l’exploitation par le travail a eu lieu et a aidé les États membres à analyser un grand nombre de données numériques provenant de médias confisqués au cours des enquêtes. Contre 20 pays ayant adhéré en 2022, l’action comptait 26 pays en 2023 et 27 pays en 2024, dont des partenaires issus des pays voisins non-membres de l’UE.

Des efforts ont été déployés au niveau européen pour améliorer le recours aux enquêtes financières. Dans le cadre de l’EMPACT, les États membres et Europol ont élaboré un manuel consacré aux enquêtes financières en lien avec la traite des êtres humains.
En outre, le partenariat public-privé d’Europol en matière de renseignement financier (EFIPPP) a mis en place un axe de travail sur l’élaboration d’indicateurs pour le suivi automatique des transaction.


Une coopération à parfaire

Malgré l’intensification de la coopération transfrontière et de la participation d’Europol à certaines enquêtes plus complexes en 2021 et 2022, il existe une différence significative entre les statistiques produites par Europol et les statistiques officielles publiées par Eurostat, notamment en ce qui concerne le nombre, l’âge et la nationalité des victimes, les formes d’exploitation et le nombre de suspects.
Bien qu’il existe des raisons objectives à ces divergences, il est nécessaire de souligner l’obligation pour les États membres de partager en temps utile les informations et les données pertinentes avec Europol.
L’enregistrement des victimes est effectué par diverses autorités et organisations des États membres, qui font partie du système de collecte officielle de statistiques, tandis que seules les autorités répressives signalent des cas à Europol. 
Les services répressifs nationaux ne signalent normalement pas à Europol les affaires nationales, mais les affaires ayant une dimension transfrontière.


Une répression à renforcer encore d’avantage

Le nombre total de personnes poursuivies et condamnées pour traite des êtres humains a augmenté.
En 2021-2022, au total, 8 804 personnes ont été poursuivies et 4 728 personnes ont été condamnées pour traite des êtres humains. Les poursuites ont augmenté de 35 % et les condamnations ont augmenté de 57 % par rapport à la période de référence précédente (2019-2020).
En 2022, les citoyens de l’UE représentaient 81 % de l’ensemble des personnes poursuivies et 74 % de l’ensemble des personnes condamnées.
Néanmoins, malgré l’augmentation globale, le nombre absolu de poursuites et de condamnations reste faible, en particulier par rapport au nombre de victimes enregistrées et de suspects. 


synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr



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mercredi 5 mars 2025

Expulsion (efficace) des migrants : après avoir donné les consignes opérationnelles, l’Europe va ramasser les copies (et elle veut des bonnes notes)

 



Terroristes sous OQTF, Imams fichés S, migrants qui exploitent les failles du système judiciaire. Tout cela, bientôt de l’histoire ancienne ? L’UE, elle-même désormais sous pression des Etats, s'active. Un décret d’application (« décision d’exécution ») est présenté pour accélérer les procédures de retour au pays. Le mot d’ordre ? Expulser plus vite les migrants irréguliers, les ficher systématiquement, limiter drastiquement les procédures judiciaires venant à retarder l’expulsion, numériser la gestion des dossiers d’expulsion, aboutir à la reconnaissance mutuelle des décisions de retour dans toute l’UE, favoriser l’identification des migrants à expulser et n’accorder aucun délai de grâce en faveur des individus dangereux. L’accent est également mis sur l’optimisation des instruments européens, tels que les équipes de retour de Frontex ou le système européen de signalement, le Système d’information Schengen. Et les Etats membres sont tenus de faire leur devoir (l’adoption de plans d’action). Les devoirs seront bientôt ramassés et notés.



D’où vient-on ?

Les 17 et 18 octobre 2024, le Conseil européen a souligné l’importance d’une application plus efficace de la législation actuelle en matière de retour et la poursuite des travaux en vue d’adopter une approche commune en la matière permettront une mise en œuvre plus rapide et plus efficiente du pacte.
En outre, dans les orientations politiques pour le mandat 2024-2029 de la Commission, la présidente von der Leyen appelait de ses vœux une nouvelle approche commune en matière de retour.


Quel est le problème ?

Des efforts considérables, assortis de résultats concrets, ont été déployés ces dernières années pour instaurer un système de retour de l’UE qui fonctionne bien, conformément aux objectifs fixés dans le pacte sur la migration et l’asile.
Il n’en subsiste pas moins une approche fragmentée entre les systèmes de retour des États membres de l’UE, qui empêche d’exploiter tout le potentiel qu’offre l’Union pour accroître l’effectivité des retours. Un obstacle majeur dans le processus de retour est lié à la coordination entre les acteurs et à la cohérence des procédures aux niveaux national et européen.


De quoi parle-ton ?

Le règlement du 9 juin 2022 du Conseil a créé un mécanisme d’évaluation et de contrôle destiné à vérifier l’application de l’acquis de Schengen par les États membres .
Le programme d’évaluation annuel pour 2024 destiné à vérifier l’application de cet acquis de Schengen a prévu une évaluation thématique intitulée «Combler les lacunes nationales: parvenir à un système de retour de l’UE efficace au moyen de solutions communes et de pratiques innovantes».
Sur base d’un rapport établi à l’issue, cette proposition contient des recommandations concernant les domaines communs à améliorer, qui devraient être lues en même temps que les bonnes pratiques décrites dans ce rapport d’évaluation thématique.


Quel est le point principal ?


L’évaluation thématique souligne l’importance de faire du retour un volet essentiel des stratégies nationales pour la gestion européenne intégrée des frontières
Dans le droit-fil des conclusions du Conseil européen des 17 et 18 octobre 2024, il est essentiel de prendre rapidement toutes les mesures nécessaires pour faire exécuter les décisions de retour prises par les autorités des États membres.

Chaque État membre sera invité à soumettre un plan d’action à la Commission ainsi qu’au Conseil.
Ces plans d’action doivent contenir des mesures correctives pour donner suite à toutes les recommandations visant à l’établissement de procédures opérationnelles efficaces pour accroître l’effectivité des retours.
Les États membres devraient rendre compte à la Commission et au Conseil de la mise en œuvre de leurs plans d’action respectifs. En outre, la Commission continuera d’encourager l’application des bonnes pratiques.


Empêcher les procédures judiciaires obstacles au retour

Les Etats membres:

  • veillent à ce qu’une décision de retour soit prise sans tarder à l’égard de tout ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire;
  • évaluent le système national des voies de recours contre les décisions de retour (en ce qui concerne notamment le nombre d’instances, les délais de recours, les conditions d’octroi d’un effet suspensif automatique et les délais du contrôle juridictionnel) et prennent des mesures qui se traduisent par des procédures de recours rapides contribuant à l’efficacité globale du retour;
  • prennent des mesures pour traiter rapidement les demandes ultérieures de protection internationale qui ne comportent aucun fait nouveau ni aucune circonstance nouvelle et qui sont introduites dans le seul but de retarder ou d’empêcher l’éloignement.


Fichier pour mieux expulser

Les Etats membres:

  • utilisent toutes les mesures incitatives disponibles comme l’offre d’une aide adaptée au retour volontaire et à la réintégration ainsi que la formation professionnelle, afin de faciliter l’identification des ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’un retour;
  • mettent en place des mécanismes pour contrôler le respect d’une obligation de retour, de façon à exécuter la décision de retour :
    • si aucun délai n’a été accordé pour un départ volontaire;
    • si l’obligation de retour n’a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire.



Ficher aussi systématiquement les migrants expulsés

Les Etats membres:

  • élaborent (ou continuent d’améliorer) le système national de gestion des dossiers de retour, sur la base du modèle de référence pour les systèmes nationaux de gestion des dossiers de retour (RECAMAS) établi par Frontex;
  • tirent le meilleur parti de tous les outils disponibles tels que les bases de données nationales et de l’UE et l’aide du réseau des officiers de liaison;
  • veillent à ce que la sortie d’un ressortissant de pays tiers faisant l’objet d’un retour soit systématiquement et rapidement enregistrée dans le système d’information Schengen (SIS)
  • introduisent un signalement aux fins de non-admission s’il y a lieu, en procédant de manière effective aux vérifications à la sortie aux frontières extérieures.


Retour prioritaire des criminels et les individus dangereux

Les Etats membres:

  • prennent toutes les mesures nécessaires, pour renvoyer dès que possible les ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une décision de retour qui n’accorde aucun délai pour un départ volontaire, ainsi que les ressortissants de pays tiers qui purgent une peine d’emprisonnement, sans préjudice du droit pénal national;
  • incluent systématiquement, dans les signalements concernant le retour qui figurent dans le système d’information Schengen, des informations sur la menace qu’un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier représente pour l’ordre public, dès que cette menace est avérée;
  • veillent à ce que, dans les cas de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier qui constituent un danger pour l’ordre public, n'accordent pas de délai de départ volontaire.


Intensifier l’échange d’informations

Les Etats membres:

  • veillent à ce que les autorités nationalesen matière policière ou migratoire aient un accès total aux données dans le système d’information Schengen et le droit d’y effectuer les recherches nécessaires;
  • veillent à disposer de procédures nationales rapides pour permettre l’échange d’informations entre les autorités compétentes, de sorte que les signalements concernant le retour soient introduits sans retard dans le système d’information;
  • font en sorte que les données biométriques disponibles 0 soient intégrées dans les signalements concernant le retour qui figurent dans le système d’information Schengen, aux fins d’une identification plus aisée;


Utiliser sans hésiter le soutien opérationnel de Frontex

Les Etats membres:

  • exploitent pleinement le soutien opérationnel disponible par l’intermédiaire de Frontex afin d’améliorer l’efficacité des activités de retour. À cette fin, ils adaptent les systèmes et processus nationaux pour lever les obstacles;
  • recourent au soutien opérationnel disponible par l’intermédiaire de Frontex pour déployer les équipes affectées aux opérations de retour, afin de remédier au manque de ressources humaines qui freine l’exécution effective et rapide des retours, notamment dans les cas où un grand nombre de ressortissants de pays tiers sont soumis simultanément au processus de retour.



synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 

 

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