L’image est peut-être maladroite mais elle permet de saisir le big bang qui attend les douanes dans les années à venir. L’objectif est de mettre en place une entité douanière européenne spécifique, «l'Autorité douanière de l’UE», chargée de permettre aux douanes d’agir de manière uniforme partout sur le pourtour du territoire européen. Le constat est le décalage récurrent entre d’un côté, un droit européen unifié, le code des douanes de l’UE, et des autorités douanières nationales, entraînant de ce fait une fragmentation des frontières extérieures.
La réforme présentée, qui prend en compte les mutations géopolitiques actuelles, entend créer cette nouvelle entité à l'horizon 2028 et faire des douanes, des « douanes géopolitiques », en écho à l’idée d’une « Commission européenne géopolitique ». La réforme est ambitieuse, puisqu’il est prévu des «voies réservées» pour les opérateurs économiques de confiance, ainsi qu’une refonte des systèmes d’information douaniers actuels, avec la création d’une « plateforme des données douanières ».
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Des gardiens des frontières extérieures
Les douanes sont les gardiennes des frontières extérieures de l’UE en ce qui concerne les marchandises et la sécurité de nos chaînes d’approvisionnement.
En 2021, elles ont traité 691,5 millions de déclarations d’importation, 17,5 millions de mouvements de transit et 486,3 millions de déclarations d’exportation.
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Les douanes recensent les risques, sur la base des renseignements sur le commerce et la sécurité, et procèdent à des contrôles pour garantir le respect des règles de l’UE.
En 2021, les douanes ont perçu plus de 50 milliards d’euros d’impositions et environ 25 milliards d’euros de droits de douane. 75 % des droits perçus servent à financer le budget de l’UE, ce qui représente 8 % des recettes du budget de l’UE.
… des gardiens sur tous les fronts
Le document instituant la réforme note que les douanes ont joué un rôle essentiel dans la réponse de l’UE à l’invasion de l’Ukraine par la Russie: allant du respect des interdictions d’exportation - notamment pour les biens à double usage et les biens militaires - et des contrôles à l’importation au soutien en faveur de l’aide humanitaire au moyen de franchises de droits et de voies réservées.
À peine un an plus tôt, les douanes avaient déjà joué un rôle déterminant pendant la pandémie de COVID-19 en assurant la surveillance du transit des vaccins et du matériel médical vitaux et en s'adaptant aux perturbations et changements qui ont touché les chaînes d’approvisionnement mondiales Dans le même temps, la fin de la période de transition qui a suivi le retrait du Royaume-Uni de l’Union a modifié de façon effective les limites de l’union douanière en 2021; un défi de taille que les douanes ont, selon le document, géré de main de maître.
… mais une configuration actuelle inadaptée
Les crises ont aussi mis en évidence la nécessité d’une modernisation structurelle D’un côté, la législation douanière relève de la compétence exclusive de l’UE, tandis que les États membres sont chargés de la mettre en œuvre.
Or, la Cour des comptes européenne estime que cette configuration entraîne des divergences considérables, ce qui affaiblit l’union douanière et porte préjudice aux intérêts financiers de l’UE.
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Plus grave : ces mêmes faiblesses et lacunes sont également exploitées par le commerce de produits non conformes et les opérations criminelles organisées.
D’après un rapport récent, 95 % des produits vendus par l’intermédiaire de places de marché en ligne ne sont pas conformes à la législation sur les produits chimiques.
À cet égard, les coûts pour la société sont estimés à 76,6 milliards d’euros par an.
Des anges gardiens sous pression…
Les douanes ont de plus en plus de mal à faire face à des tâches toujours plus nombreuses.
Ces dernières années, l’UE a approuvé un nombre considérable d’actes législatifs très ambitieux (environnement, sécurité, santé, numérique).
L’augmentation constante des tâches s’est traduite par une forte pression sur les douanes.
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Cette problématique est aggravée par une augmentation drastique des volumes des échanges, due en grande partie à la croissance extraordinaire du commerce électronique.
Ce commerce génère un nombre exponentiel de petits colis de marchandises de faible valeur.
Une réforme pour une une union douanière géopolitique
La réforme douanière de 2013 établissant le code des douanes de l’Union (CDU), en vigueur depuis mai 2016, a permis aux douanes de l'UE de passer à un environnement sans papier, intégré et entièrement électronique.
Le déploiement informatique de la réforme est en cours et sera achevé d’ici la fin de 2025.
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Toutefois, l’achèvement en cours du déploiement du CDU est nécessaire mais insuffisant.
Dès lors, un changement radical à l’union douanière est envisagé. Ce changement s’articule autour de trois principes fondamentaux:
- des procédures douanières simplifiées et modernisées en faveur des entreprises légitimes.
- une union douanière géopolitique, en mesure de mieux défendre les valeurs et les intérêts de l’UE.
- une union douanière flexible et à l’épreuve du temps, qui s’adapte avec souplesse aux changements dans les chaînes d’approvisionnement.
Une première nouveauté : l’Autorité douanière de l’UE
La principale fonction de l’Autorité douanière de l’UE sera de mettre en commun l’expertise et les compétences qui sont actuellement dispersées dans l’ensemble de l’UE.
Il s’agit d’orienter, de coordonner et de soutenir les autorités douanières nationales dans l’UE. Cela permettra de renforcer la surveillance des chaînes d’approvisionnement en collaboration avec les autorités douanières au niveau national et de l’UE.
Les douanes «agiront comme une entité unique» lorsqu’il s’agira d’assurer le contrôle de la frontière extérieure de l’UE en ce qui concerne les marchandises.
Une autorité chargée de lutter contre le border shopping
L’Autorité douanière de l’UE a trois missions :
- Premièrement, l’Autorité douanière de l’UE centralisera toute l’expertise en matière douanière pour assurer la gestion des risques au niveau de l’UE.
Elle exploitera, aux fins de l’analyse des risques, la mine de données constamment mises à jour dans la plateforme des données douanières de l’UE.
Sur la base de cette analyse, l’Autorité douanière de l’UE adressera des recommandations de contrôle aux autorités douanières nationales qui seront tenues de les appliquer ou de justifier leur non-application.
Il s’agit de lutter contre le concept de «frontière à la carte» (border shopping), une pratique courante qui consiste pour les opérateurs à cibler le maillon le plus faible de la frontière extérieure de l’UE afin de faire pénétrer des produits illicites sur le marché unique. - Deuxièmement, l’Autorité douanière de l’UE coordonnera la gestion opérationnelle des crises.
Elle élaborera à cet effet des protocoles et des procédures pour répondre à différents scénarios de crise. Elle sera aussi l’interlocuteur central en matière douanière des autorités non douanières, notamment Europol) - Troisièmement, la Commission peut charger l’Autorité douanière de l’UE de développer et de maintenir la plateforme des données douanières de l’UE et de superviser la migration et l’intégration des systèmes informatiques douaniers existants au fil du temps.
En outre, si elle le juge approprié, la Commission peut déléguer l’exécution des futurs programmes douaniers financés par le budget de l’UE.
Une deuxième nouveauté : la plateforme des données douanières
La réforme propose de mettre en place une plateforme des données douanières de l'UE.
Cette nouvelle plateforme est décrite comme la vitrine et le moteur de l’union douanière.
Elle collectera, traitera, reliera et stockera toutes les données douanières.
Cela va redéfinir la façon dont les informations sont communiquées et utilisées aux fins de la surveillance douanière.
Au fil du temps, elle intégrera et remplacera l’infrastructure informatique douanière existante, tout en améliorant l’interopérabilité avec les domaines d’action connexes.
L’UE et ses États membres économiseront ainsi chaque année des milliards en coûts de développement et de maintenance informatiques.
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Outre l’Autorité douanière de l’UE, les autorités nationales ainsi que la Commission, l’OLAF, le Parquet européen et, dans certaines conditions, Europol et Frontex auront accès à la plateforme des données douanières de l’UE, ce qui renforcera considérablement leurs capacités d’analyse.
La plateforme permettra ainsi de disposer d’une vue d’ensemble des risques à l’échelle de l’UE; en d’autres termes, les risques pourront être traités dans l’ensemble de l’UE, quel que soit le lieu d’entrée des marchandises. cela renforcera la gestion des risques à l'échelle de l’UE et au niveau national.
L’objectif : l’obtention d’une vision panoramique des flux
À l’heure actuelle, les États membres utilisent des systèmes nationaux contenant des données nationales, sans supervision des chaînes d’approvisionnement à l’échelle de l’UE.
Ni les États membres ni la Commission ne disposent pour le moment d’une vue d’ensemble complète, au niveau de l’Union, des envois, des opérateurs ou des chaînes d’approvisionnement à des fins de gestion des risques et de contrôle.
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La réforme mettra en place quatre capacités essentielles pour assurer la gestion des risques aux fins de la protection des frontières communes de l’UE en ce qui concerne les marchandises:
- une capacité centrale d’analyse des risques au sein même de la nouvelle Autorité douanière de l’UE, exploitant la mine de données générée par la plateforme des données douanières de l’UE;
- un mécanisme visant à garantir une mise en œuvre plus harmonisée de la gestion des risques et des contrôles aux frontières communes de l’UE en ce qui concerne les marchandises;
- un cadre de coopération entre différentes autorités chargées de la gestion du marché unique et de l’union douanière;
- un processus de définition d’une vision commune de la hiérarchisation des risques.
L’inclusion d’Europol et de Frontex, pour une vision panoramique des flux
L’accent sera mis sur la collecte de données de première main auprès des systèmes des opérateurs économiques et commerciaux, des plateformes web et d’autres sources.
L’objectif est de réduire la dépendance à l’égard des données de tiers et des processus douaniers en général.
Au fil du temps, il sera ainsi possible d’obtenir une vue d’ensemble complète des chaînes d’approvisionnement des entreprises et de leurs activités.
Les douanes disposeront de toutes les informations nécessaires en temps réel concernant le type de marchandises qui arrivent et à quel moment).
L’analyse des risques douaniers sera renforcée par la collecte de données de meilleure qualité sur la chaîne d’approvisionnement.
Elle le sera par la mise en place d’une analyse des risques au niveau de l’UE afin de lutter contre la fraude transfrontière et qui, dans certaines conditions, peut servir de base aux analyses d’évaluation de la menace élaborées par d’autres agences de l’Union, notamment Europol.
Alors que la plateforme des données douanières de l’UE fournira les données informatiques, garantissant l’intégration de sources de données innovantes telles que le passeport numérique de produit, l’Autorité douanière de l’UE assurera la coopération opérationnelle et la coordination avec les agences de l’UE telles qu’Europol et Frontex.
Une troisième nouveauté : des «voies réservées» pour les opérateurs de confiance
Pour faciliter les flux, un petit groupe d’opérateurs économiques sont éligibles à un statut particulier : les opérateurs économiques de confiance certifiés.
Il s’agit de réduire au minimum les démarches et formalités administratives pour ces opérateurs certifiés (Trust and Check).
Les flux commerciaux transparents pourront alors emprunter des «voies réservées» sans interaction formelle avec les douanes, ni formalités administratives, un contrôle douanier n’étant effectué que si cela se révèle nécessaire.
Une réforme de longue haleine avec à la clé, une extension possible du mandat de l’Autorité
La réforme sera mise en œuvre par étapes au cours des 10 à 15 prochaines années.
La plateforme des données douanières de l’UE sera développée et déployée progressivement.
Elle s’appuiera sur certains systèmes informatiques douaniers existants et en intègrera d’autres, dont ceux qui doivent être mis en œuvre dans le cadre de la réforme informatique en cours du CDU.
L’Autorité douanière de l’UE prendra ses fonctions le 1er janvier 2028 et sera immédiatement opérationnelle en ce qui concerne ses responsabilités en matière de gestion des risques et des crises.
Elle élargira progressivement son champ d’action en synergie avec le déploiement de la plateforme des données douanières de l’UE.
Elle pourra être chargée ultérieurement de responsabilités allant au-delà de ce qui est prévu dans la réforme actuelle.
synthèse de la communication par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr
- communication intitulée "Réforme douanière: faire passer l'union douanière à l'étape supérieure"
- proposition de règlement relative au CDU et abrogeant le règlement de 2013
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