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lundi 17 octobre 2022

Crise ukrainienne, expulsion des migrants clandestins, gestion des frontières: les agences européennes sur tous les fronts

 


2022 est très certainement le signe d’une montée en puissance des agences européennes dans le domaine de la gestion des crises aux frontières extérieures et de l’expulsion. C’est ce qui ressort du dernier rapport européen sur la migration et l’asile. Ce document, très riche, fait le point sur la situation actuelle, qu’il s’agisse des flux migratoires, des progrès institutionnelles ou des activités opérationnelles. A ce sujet, les agences européennes se distinguent par une présence aux frontières européennes, que ce soit au Sud confronté aux flux migratoires, ou à l’Est, aux marges des zones d’instabilité liées au conflit militaire. 


Des flux de migrants qui repartent à la hausse

Pour l’année 2022, le nombre d’arrivées irrégulières sur les routes de la Méditerranée orientale, de la Méditerranée centrale et de la Méditerranée occidentale/de l’Atlantique a dépassé les chiffres pré-pandémie, tout en restant nettement inférieur aux niveaux de 2015.

La route de la Méditerranée centrale demeure la plus fréquentée. L’Italie a enregistré la quasi-totalité des arrivées, tandis que Malte a constaté une baisse importante de ces dernières. Actuellement, la plupart des arrivants qui empruntent cette route sont Tunisiens, Égyptiens et Bangladais. La plupart des migrants continuent de partir de Libye et de Tunisie, même si désormais 16 % du nombre total d’arrivées irrégulières transitent par la Turquie. L’année 2022 a également été marquée par des mouvements migratoires directs du Liban vers l’Italie.

Les arrivées irrégulières par la route de la Méditerranée orientale ont doublé par rapport à 2021, principalement en raison de la pression migratoire accrue à Chypre, qui concentre actuellement environ 60 % des arrivées. Le nombre d’arrivées en Grèce reste inférieur à celui d’avant la pandémie. Sur cette route, ce sont les Syriens, les Nigérians et les Turcs qui sont majoritaires.


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Sur la route de la Méditerranée occidentale/de l’Atlantique, l’Algérie et le Maroc/Sahara occidental restent les principaux pays de départ vers l’Espagne continentale et les îles Canaries. Les migrants proviennent majoritairement du Maroc, d’Algérie, du Sénégal, de Côte d’Ivoire et de Guinée.

Sur la route des Balkans occidentaux, plus de 86 000 franchissements irréguliers des frontières ont été enregistrés lors des huit premiers mois de 2022, soit un chiffre trois fois plus élevé que celui de 2021 et dix fois plus élevé que le total au cours de la même période en 2019. Ces franchissements concernaient majoritairement des Syriens, des Afghans et des Turcs. 

La situation à la frontière orientale avec la Biélorussie reste stable et l’on enregistre un nombre nettement plus faible de franchissements non autorisés des frontières qu’au plus fort de la crise causée par l’instrumentalisation des migrants en 2021. 


Un pacte d’asile et de la migration adopté pour début 2024?

L’accord politique trouvé le 7 septembre 2022 sur une feuille de route commune entre le Parlement européen et les présidences tournantes du Conseil de l’UE  jette les bases d’un renforcement du dialogue sur le pacte en vue de la conclusion, d’ici à février 2024, des négociations sur tous les dossiers législatifs en suspens liés à la gestion de l’asile et de la migration. 

Du côté du Conseil, l’approche graduelle de la présidence française, qui implique un niveau équivalent d’engagement de la part des États membres dans les deux domaines que sont la solidarité et la responsabilité, a permis d’accomplir des progrès significatifs sur la voie de l’adoption du cadre législatif complet. 


Sur le front de l’immigration : le trio Frontex - Agence européenne pour l’asile - Europol 

Europol joue également un rôle essentiel en collaborant avec les États membres pour faire en sorte que la gestion des migrations s’accompagne du degré de sécurité nécessaire. Cette agence soutient actuellement 9 États membres et la Moldavie par le déploiement de ses agents et d’agents invités.

Frontex a déployé plus de 2 000 agents, ainsi que des équipements techniques, aux frontières extérieures terrestres, maritimes et aériennes et à l’appui des retours. Pour combler les lacunes persistantes en matière de capacités, qui se traduisent par des insuffisances dans les déploiements prévus, il est essentiel que les États membres remplissent leurs obligations et apportent leur contribution.

L’Agence de l’Union européenne pour l’asile, qui succède au Bureau européen d’appui en matière d’asile, a intensifié ses activités en janvier 2022, lorsque le règlement la créant est entré en vigueur. Elle aide actuellement 12 États membres à faire face à leurs besoins en matière d’asile, d’accueil et de protection temporaire, par le déploiement de plus de 1 000 experts.


Un appui aux pays européens du sud de l’UE

La task force de la Commission pour la gestion de la migration, créée en septembre 2020, a poursuivi ses travaux visant à améliorer les conditions d’accueil sur les îles grecques. 

L’aide d’urgence de l’UE finance la construction de centres d’accueil et d’identification polyvalents sur cinq îles. Grâce à des transferts vers le continent et à plus de 4 800 relocalisations vers d’autres États membres au moyen de fonds de l’UE, le nombre total de résidents dans les camps sur les îles grecques a désormais pu être ramené à quelque 4 400 personnes (contre 42 000 en 2019). 

La poursuite du soutien à l’Italie passe notamment par la coordination des activités de longue date de Frontex, de l’Agence de l’UE pour l’asile et d’Europol avec les autorités italiennes, notamment par l’intermédiaire de la task force régionale de l’UE à Catane.

Le soutien apporté à l’Espagne pour la gestion des flux migratoires, s’est concentré sur la réforme du système national d’accueil pour faire face à la pression migratoire accrue. La capacité d’accueil de demandeurs d’asile est passée d’environ 10 000 places en septembre 2021 à plus ou moins 18 000 en septembre 2022. 


Expulsion : éponger l’arriéré de la crise du Covid-19

Un axe d’action spécifique a consisté à augmenter le taux de retour à partir de l’UE, notamment à la suite de la levée des restrictions qui avaient été introduites en raison de la pandémie. Après avoir diminué en 2020 en raison de la COVID-19, le taux de retour effectif a augmenté de nouveau pour atteindre 21 % en 2021, tout en restant inférieur aux 29 % enregistrés en 2019. En termes absolus, plus de 70 000 ressortissants de pays tiers ont été rapatriés à la suite d’un ordre de quitter le territoire en 2021, soit environ la moitié du nombre de personnes soumises à un retour en 2019. 

Le système commun de l’UE en matière de retour prend forme et des mesures importantes ont été prises pour jeter les bases de retours à partir de l’UE plus efficients, plus durables et plus humains. 

Le système d’information Schengen (SIS) est le système de partage d’informations le plus important et le plus utilisé en Europe pour la sécurité et la gestion des frontières. À partir de l’automne 2022, les informations relatives aux décisions de retour seront partagées dans le système, afin d’en améliorer l’exécution. 


Frontex, une agence au cœur du dispositif d’expulsion

Frontex s’est imposée comme un acteur clé dans le domaine du retour, renforçant de manière significative le soutien qu’elle apporte aux États membres à toutes les étapes du processus, en particulier en ce qui concerne le retour volontaire et la réintégration. Jusqu’à présent, en 2022, Frontex a coordonné 210 opérations de retour, qui ont permis de rapatrier 7 210 ressortissants de pays tiers sur des vols charters organisés par l’Agence et 10 115 sur des vols commerciaux. C’est en 2022 qu’ont eu lieu les deux premières opérations dirigées par Frontex pour renvoyer 40 migrants en situation irrégulière vers l’Albanie et 40 vers le Nigeria. Depuis avril 2022, Frontex propose également une aide à la réintégration dans 24 pays d’origine. 

Depuis juin, le coordinateur chargé des retours annoncé dans le pacte dirige un réseau de haut niveau composé de représentants des États membres et de Frontex. La première réunion du réseau s’est tenue le 8 septembre 2022. Pour orienter leurs travaux conjoints, le coordinateur et le réseau définiront et mettront en œuvre une approche commune ainsi qu’une stratégie opérationnelle en matière de retour, qui est en cours d’élaboration. 


Visas contre réadmission : un dispositif qui commence à se rôder

Comme indiqué plus haut, le retour et la réadmission constituent un aspect essentiel des relations en matière de gestion de la migration. 

En octobre 2021, le Conseil a adopté des mesures restrictives temporaires concernant la délivrance de visas de court séjour aux ressortissants à l’égard de la Gambie. Ces mesures sont toujours en vigueur, mais des avancées importantes ont été enregistrées, par la levée du moratoire sur les retours forcés (mars 2022). 

À la suite d’un dialogue renforcé avec le Bangladesh et l’Iraq, le Conseil a décidé de ne pas imposer de mesures à l’égard du Bangladesh, compte tenu des progrès réalisés. La coopération avec l’Iraq demeure soumise à un examen attentif. En décembre 2021, la Commission a adopté sa deuxième évaluation de la coopération en matière de réadmission pour l’année 2020 et, avec le haut représentant, elle a intensifié son dialogue avec plusieurs pays partenaires lorsqu’une coopération insuffisante en matière de réadmission justifiait de nouvelles mesures. La Commission s’appuiera sur les résultats de ce dialogue pour arrêter d’éventuelles mesures en matière de visas, en tenant compte des relations globales de l’UE avec les pays tiers concernés. L’adoption du troisième rapport d’évaluation est prévue pour la fin de l’année.


Les agences européennes au secours de l’Ukraine

Les agences de l’UE ont rapidement apporté un soutien sur le terrain aux États membres limitrophes de l’Ukraine et à la Moldavie. 

  • L’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) déploie près de 260 agents du contingent permanent, ainsi que des équipements techniques, en Roumanie, en Slovaquie, en Pologne et en Moldavie. Elle se tient prête pour tout nouveau déploiement dans la région, en fonction des besoins. 
  • L’Agence de l’Union européenne pour l’asile a considérablement étendu ses opérations, en concluant de nouveaux plans opérationnels avec la Bulgarie, la Tchéquie et la Roumanie et en en modifiant d’autres afin de soutenir davantage la mise en œuvre de la protection temporaire. Plus de 60 experts et interprètes sont actuellement déployés dans les États membres et en Moldavie. 
  • Europol déploie des équipes opérationnelles en Hongrie, en Pologne, en Roumanie, en Slovaquie et en Moldavie, afin d’aider les autorités nationales à détecter rapidement les activités criminelles liées à la guerre, y compris le trafic de migrants et la traite des êtres humains.


L’activation du mécanisme de protection civile de l’Union en faveur de l’Ukraine

À la fin du mois de septembre 2022 a eu lieu la plus grande opération jamais menée dans le cadre du mécanisme de protection civile de l’Union (MPCU): elle a permis de fournir plus de 68 500 tonnes d’aide, y compris des abris. 300 générateurs et du combustible ont été livrés, et les préparatifs pour les besoins hivernaux à venir sont en cours. Près de 1 500 patients souffrant de maladies graves ont été évacués vers l’UE.

La pièce maîtresse de l’accueil de l’UE a été la toute première activation de la directive relative à la protection temporaire, le 4 mars 2022, qui a offert aux personnes fuyant la guerre un statut juridique clair et une protection dans l’ensemble de l’UE, comprenant notamment des droits en matière d’hébergement, d’éducation, de soins de santé et d’accès au travail. Plus de 4 millions de personnes se sont enregistrées pour bénéficier de cette protection temporaire.

Une plateforme de protection temporaire a été créée qui permet aux États membres d’échanger en temps réel des informations sur les enregistrements effectués en vue d’une protection temporaire ou d’une protection adéquate en vertu du droit national, tout en prévenant d’éventuels abus. 24 États membres utilisent déjà cette plateforme, et il est question d’élargir celle-ci afin d’y inclure le Danemark et les pays associés à l’espace Schengen.


La toute nouvelle plateforme de solidarité comme outil de lutte contre la traite des êtres humains

Depuis le 24 février 2022, le réseau soutenant le mécanisme de préparation et de gestion des crises de l’Union (réseau Blueprint), l’un des composants du pacte déjà opérationnel, a permis à tous les acteurs de jouir d’une connaissance de la situation nécessaire à une réaction efficace et coordonnée de l’UE, en étroite coordination avec d’autres enceintes, telles que le dispositif intégré de l’UE pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise et la plateforme de solidarité et le dispositif intégré de l’UE pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise.

A ce propos, cette plateforme de solidarité créé par la Commission pour accompagner l’activation de la directive relative à la protection temporaire. Cette plateforme est devenue le centre de la réponse européenne coordonnée. Présidée par la Commission, elle réunit :

  • les États membres, 
  • les pays associés à l’espace Schengen, 
  • le Service européen pour l’action extérieure, 
  • l’Agence de l’UE pour l’asile, Frontex et Europol, 
  • l’Organisation internationale pour les migrations et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 
  • l’Ukraine 
  • la Moldavie. 

La plateforme de solidarité:

  • constitue également un canal de discussion avec les partenaires internationaux, notamment les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni
  • assure un suivi des besoins émergents dans l’UE et coordonne la réponse opérationnelle
  • a cartographié les capacités d’accueil dans les États membres et a contribué à faire en sorte que les personnes déplacées sachent quelles options s’offrent à elle
  • contribue à la sécurité de ces personnes au moyen du plan commun de lutte contre la traite des êtres humains de l’UE, élaboré sous la direction du coordinateur de l’UE de la lutte contre la traite des êtres humains. 


synthèse par Pierre Berthelet, alias securiteinterieure.fr




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