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lundi 24 octobre 2022

Lutte antifraude : un rapport européen préconise l’utilisation de l'intelligence artificielle dans la protection des intérêts financiers de l’UE

 


C’est dans l’air du temps : le fisc traque en France les piscines non déclarées grâce à l'intelligence artificielle (IA) et aux photos aériennes. L’UE s’inscrit dans le même mouvement. L’objectif ? Développer les technologies émergentes comme l’apprentissage automatique (machine learning), et favoriser le développement de solutions interopérables avec les systèmes nationaux pour prévenir et combattre le détournement de l’argent européen. Ce nouveau rapport annuel sur la « PIF » (protection des intérêts financiers de l’UE) entend accroître la surveillance proactive des risques et développer la numérisation de la lutte contre la fraude. 


Pour les deux autrs volets de cette trilogie, voir:


    Où en est-on du point de vue des fraudes ?

    Le nombre de fraudes et d’irrégularités signalées par les autorités européennes et nationales compétentes est resté stable en 2021 par rapport à 2020, tandis que les montants irréguliers correspondants ont augmenté, en raison du nombre considérable d’actions de détection menées dans un nombre limité d’États membres. Le nombre d’irrégularités non frauduleuses signalées dans certains domaines de dépenses est faible par rapport à la précédente période de programmation. Cette baisse peut s’expliquer en partie, par exemple, par des retards dans la mise en œuvre de programmes opérationnels, par des modifications apportées aux pratiques de signalement et par l’utilisation d’options simplifiées en matière de coûts.

    1 100 sélections ont été effectuées au cours de l’année, débouchant sur l’ouverture de 234 nouveaux dossiers d’enquête. Au total, l’OLAF a clôturé 212 enquêtes au cours de l’année, sur la base desquelles il a formulé 294 recommandations financières, judiciaires, disciplinaires et administratives à l’attention des autorités compétentes des échelons européen et national. La majorité de ces recommandations concernaient le recouvrement de fonds de l’UE par les autorités européennes et nationales concernées – 527,4 millions d’euros en 2021. Grâce au travail de l’OLAF, plus de 340 millions d’EUR de dépenses indues ont été empêchées.


    L’OLAF, cheville ouvrière de la lutte antifraude

    Les enquêtes de l’OLAF ont mis en évidence plusieurs nouvelles tendances en matière d’activités frauduleuses, par exemple la fraude liée à la COVID-19, à la transition écologique et à la gestion des déchets.

    Le 5 juillet 2021, l’OLAF et le Parquet européen ont conclu un arrangement de travail en vue d’optimiser leur coopération opérationnelle. Cette coopération produit d’ores et déjà des résultats concrets. En 2021, l’OLAF a été une source importante d’informations pour le Parquet européen : 85 des enquêtes pénales de ce dernier ont été fondées sur des rapports d’enquête de l’OLAF. Le préjudice total potentiellement causé au budget de l’UE par les faits ayant fait l’objet d’une enquête et signalés par l’OLAF en 2021 a été estimé à 2,2 milliards d’euros. Les enquêteurs et experts en criminalistique de l’OLAF ont également fourni un soutien important aux enquêtes du Parquet européen, en participant aux entretiens de témoins en tant qu’experts et en fournissant des analyses détaillées en matière douanière. L’OLAF a ouvert plusieurs enquêtes complémentaires. Celles-ci ont permis d’obtenir des résultats importants sur le plan de la justice financière et pénale.


    Le Parquet européen, nouvel acteur incontournable de la lutte antifraude

    Le Parquet européen a débuté ses activités le 1er juin 2021. Au total, à la fin de 2021, l’Office avait reçu 2 832 rapports et ouvert 576 enquêtes (dont 515 enquêtes en cours au 31 décembre 2021).

    Les signalements ont principalement été effectués par des autorités nationales ou des particuliers.

    Le Parquet européen a conclu un arrangement de travail avec le parquet de la Hongrie, et des négociations sont en cours en vue de conclure des arrangements de travail avec la Pologne, l’Irlande et le Danemark.

    En ce qui concerne le recouvrement des produits de la criminalité, 81 actions de recouvrement ont été menées dans 12 des États membres participants (Italie, Belgique, Allemagne, Roumanie, Tchéquie, Croatie, Finlande, Lettonie, Luxembourg, Espagne, Lituanie et Portugal). Au total, le Parquet européen a demandé la saisie de plus de 152 millions d’euros, et a obtenu la saisie de plus de 147 millions d’euros.


    Eurojust ou le prolongement du maillon judiciaire de la lutte antifraude  

    En 2021, Eurojust a poursuivi ses travaux opérationnels en matière de lutte contre la fraude portant atteinte au budget de l’UE et contre les autres infractions relevant de la protection des intérêts financiers, avec le Parquet européen, l’OLAF et Europol. Dans le cadre de sa coopération à la lutte contre la fraude, Eurojust a notamment participé à l’opération SENTINEL, qui visait à protéger les fonds liés à l’initiative NextGenerationEU contre la fraude, la corruption et les autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE.

    La coopération d’Eurojust avec le Parquet européen a débuté en 2021. Après la signature de leur arrangement de travail en février 2021, Eurojust a commencé à coopérer avec le Parquet européen sur des enquêtes peu après le début des activités opérationnelles du Parquet européen, le 1er juin 2021.


    Vers une révision ciblée de la stratégie antifraude de la Commission («CAFS»)

    Afin de mieux protéger le budget de l’UE, en 2019, la Commission a adopté sa stratégie antifraude accompagnée d’un plan d’action.

    Ce plan d’action connexe comprend 63 actions. Il joue un rôle important dans la prévention d’éventuels détournements des fonds de l’UE. Sous la coordination de l’OLAF, les services compétents de la Commission ont progressé de manière « très satisfaisante » selon le rapport dans la mise en œuvre de ces actions et se trouvent ainsi en bonne voie pour respecter leur délai d’achèvement fixé à décembre 2021. En juin 2022, 59 des 63 actions – soit environ 94 % d’entre elles – avaient été achevées.

    La Commission et l’OLAF ont recensé environ 1 700 recommandations financières adressées aux services et agences exécutives de la Commission entre 2012 et 2020. Au total, la somme des montants dont le recouvrement est recommandé pour la période 2012-2020 s’élève à plus de 7 milliards d’euros, une proportion de près de 40 % de ce montant étant liée à cinq cas importants de sous-évaluation douanière.

    Afin de continuer à soutenir les activités antifraude menées au sein de la Commission et de tenir compte à la fois des actions restantes du plan d’action de la CAFS 2019 et des nouvelles priorités de la Commission, l’OLAF envisage de procéder à une révision ciblée du plan. Les principaux objectifs de la CAFS demeurent valables, de même que les principes qui la sous-tendent. Ceci dit, cette révision du plan d’action devrait cibler notamment le nouveau Cadre financier pluriannuel (CFP), la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), la coopération avec le Parquet européen et le rôle de la numérisation dans la lutte contre la fraude.


    Du mieux sur le front de la déclinaison nationale de la stratégie antifraude

    Les encouragements que la Commission adresse depuis longtemps aux États membres afin qu’ils adoptent des stratégies nationales antifraude (NAFS) ont donné lieu à une augmentation constante du nombre de NAFS adoptées. Fin 2021, 17 États membres avaient adopté ou mis à jour une NAFS et sur les 11 qui ne l’avaient pas encore fait, quatre 32 ont fait savoir qu’ils étaient en train d’en élaborer une, ou proches d’en adopter une.

    Situation concernant l’adoption de stratégies nationales antifraude

    (cliquez sur l'image pour agrandir)

    légende:

    5 : NAFS adoptée ou mise à jour et notifiée

    4 : NAFS sectorielle

    3 : NAFS régionale

    2 : Élaboration ou adoption d’une NAFS en cours

    1 : Pas de stratégie


    Bien  que la couverture et le contenu des stratégies demeurent variables d’un État membre à l’autre 33 et que certaines stratégies nécessitent une mise à jour, la situation générale s’est améliorée par rapport à 2020. 

    La plupart des États membres ont indiqué avoir adapté leur utilisation de systèmes informatiques tels que le système de gestion des irrégularités (IMS), Arachne 49 , le système de détection rapide et d’exclusion (EDES) 50 ainsi qu’une série d’outils informatiques nationaux, afin d’améliorer la qualité des données avec lesquelles ils travaillaient.


    Un exemple d’une action antifraude concrète : les Opérations douanières conjointes (ODC)

    Les opérations douanières conjointes (ODC) sont des actions ciblées, d’une durée limitée, visant à lutter contre la contrebande de marchandises sensibles et contre la fraude dans certaines zones et/ou sur certaines routes commerciales à risques.

    En plus de ses enquêtes relatives à des cas de fraude aux recettes et de contrefaçons, l’OLAF coordonne les opérations douanières conjointes (ODC) de grande ampleur auxquelles participent des partenaires opérationnels européens et internationaux. En 2021, l’OLAF a participé à plusieurs opérations lancées par les États membres, Europol, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (FRONTEX) ou l’OMD.

    • ATHENA V est une opération qui a eu pour objet la contrebande d’argent liquide dans l’UE par l’intermédiaire de services postaux, de messagerie et de livraison de colis. Cette opération a été coordonnée par l’administration douanière espagnole avec le soutien de l’OLAF, ainsi que la participation de 13 États membres et d’Europol. Plus de 14 000 envois ont été contrôlés au cours de l’opération. 

    • OPSON X est une opération conjointe d’Europol/INTERPOL visant des denrées alimentaires et des boissons contrefaites ou non conformes aux normes. L’OLAF a mené une action ciblée sur les vins et boissons alcoolisées et a coordonné les travaux de 19 États membres et de trois pays tiers. Cette opération a abouti à la saisie de près de 1,8 million de litres de vin et de boissons alcoolisées par les autorités douanières et policières européennes, à savoir: 
      • 215 000 litres de boissons alcoolisées contrefaites, principalement du vin et de la vodka; 
      • 1 550 000 litres de différents types de boissons alcoolisées, vins et bières, qui ne respectaient pas les règles fiscales ou les normes de sécurité alimentaire.


    Proposition 1 :  étendre le système de détection rapide et d’exclusion (EDES) 

    Le rapport suggère d’étendre le champ d’application et d’accroître l’efficacité du système de détection rapide et d’exclusion (EDES). Ce système consiste en une série de mesures prises à l’encontre des opérateurs économiques non fiables. Il permet notamment de détecter de manière précoce les opérateurs économiques frauduleux ou non fiables et, éventuellement, de les exclure du financement de l’UE. 

    Le constat ? Les pratiques interdites comprennent un large éventail de comportements qui portent atteinte à l’intégrité professionnelle (par exemple, la fraude, la corruption et les fautes professionnelles graves) et les manquements aux performances contractuelles (telles que des lacunes importantes dans l’exécution des contrats financés par l’UE). 

    À cet égard, la Commission a proposé d’étendre le système aux bénéficiaires en gestion partagée. L’objectif est de s’assurer que les décisions d’exclusion adoptées au niveau de l’UE soient exécutées par les autorités des États membres en gestion partagée, c’est-à-dire en administration conjointe UE/ États membres des fondes européens. 

    La Commission propose également la possibilité d’exclure des appels d’offres pour des marchés publics, et en fin de compte de l’obtention de fonds de l’Union, les entités affiliées et/ou les bénéficiaires effectifs d’une entité principale exclue.


    Proposition 2– Renforcer l’analyse des risques de fraude

    Le rapport préconise aux États membres d’adopter une approche proactive en ce qui concerne la protection des intérêts financiers de l’UE. Cela implique d’utiliser des données provenant de toutes les sources disponibles, d’analyser les données et d’échanger des informations, y compris avec les services répressifs et la Commission, afin de détecter et de répondre rapidement aux risques et tendances émergentes en matière de fraude.

    Les États membres devraient également prendre des mesures sur la base des informations fournies par la Commission dans la présente analyse stratégique, ainsi que dans d’autres analyses stratégiques et rapports ciblés, et fournir des retours d’informations rapides sur les mesures qu’ils prennent afin de faciliter la surveillance des risques et tendances en matière de fraude.


    Proposition 3 : utiliser l’intelligence artificielle pour lutter contre la fraude

    Les modifications proposées du règlement financier, si elles sont approuvées par les colégislateurs, renforceront l’efficacité et la qualité des contrôles et des audits grâce à la numérisation et aux technologies émergentes telles que l’apprentissage automatique, l’automatisation robotisée de processus et l’intelligence artificielle. Ces aspects se voient accorder davantage de visibilité dans le règlement financier afin d’assurer une utilisation plus large et plus cohérente des audits et contrôles numériques, tout en réduisant le coût des contrôles et audits. La numérisation de la lutte contre la fraude sera également l’un des thèmes de la révision du plan d’action accompagnant la stratégie antifraude de la Commission, prévue pour 2023.


    Proposition 4 : Accroître le processus de numérisation de la lutte antifraude

    Tant que durera la révision du règlement financier, la Commission invite les États membres à faire pleinement usage des outils à leur disposition (Arachne, EDES, IMS (Système de gestion des irrégularités)). Elle encourage le développement de solutions interopérables avec les systèmes nationaux afin d’exploiter pleinement leur potentiel.

    Pour mémoire, Arachne est un système informatique intégré unique pour l’exploration de données et le calcul du risque que la Commission a développé et mis à la disposition des États membres dans les domaines de la cohésion, de l’agriculture et de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) .

    A ce sujet, la Commission a proposé de rendre obligatoire l’utilisation d’un système informatique intégré unique pour l’exploration de données et le calcul du risque. L’utilisation du système existant, Arachne, se fait sur une base volontaire, et, bien que ce système soit déjà largement utilisé dans le domaine de la politique de cohésion et soit en cours d’introduction pour les dépenses agricoles, le rendre obligatoire constituerait une avancée majeure.

    Selon le rapport, il est indispensable, pour protéger efficacement les intérêts financiers de l’UE, d’évaluer et de surveiller les risques de manière proactive et en temps utile, y compris en utilisant toutes les sources d’information disponibles, en échangeant des informations entre les services concernés et en fournissant des retours d’informations rapides sur les actions entreprises. Cette évaluation permanente, ces échanges d’informations, cette surveillance des risques et des tendances en matière de fraude et ces retours d’informations sont nécessaires pour ajuster les mesures à la nécessité de mieux protéger les intérêts financiers de l’UE.


    synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr



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