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mardi 14 mai 2024

Les ministres de l'Intérieur vont décider de renforcer le cadre de la gouvernance Schengen

 


L'espace Schengen est confronté à trois défis: la pression migratoire aux frontières extérieures, le déplacement récurrent de migrants illégaux au sein de l'espace Schengen et l'aggravation de la criminalité transnationale. Pour relever ces 3 défis, une proposition de recommandation  est sur la table des Ministres de l'Intérieur. Les axes d'action ? Renforcer le processus de suivi des réunions du Conseil Schengen, développer la coopération policière, optimiser l’utilisation du système électronique de détection aux frontières EUROSUR, exploiter pleinement le dispositif existant des officiers de liaison immigration, améliorer le taux d'expulsion, parvenir à 8 000 garde-frontières européens d’ici à 2025 pour atteindre l’objectif de 10 000 d’ici à 2027. A noter que cette proposition de texte fait suite au bilan 2024 sur l'état de Schengen.


Quelle est l’idee maitresse ?

Selon la proposition de recommandation, la migration irrégulière est restée un défi courant en 2023, même si le nombre de passages irréguliers des frontières ne représente qu’un cinquième des niveaux de 2015.
En outre, il existe une préoccupation pressante concernant la criminalité transfrontalière et les réseaux criminels qui continuent d’exploiter les frontières extérieures des États membres à des fins de traite des êtres humains et de trafic de migrants.

Dans ce contexte, le Conseil européen de 2023 a souligné à plusieurs reprises qu’une approche globale et coordonnée de la préparation et de la réponse de l’UE aux crises constituait une priorité politique majeure.
Compte tenu de l’évaluation effectuée par la Commission dans le rapport sur la situation dans l’espace Schengen et eu égard à l’urgence des mesures devant être prises dans certains domaines, la proposition de recommandation juge opportun de parachever la consolidation de la gouvernance de Schengen.
La proposition de recommandation suggère de renforcer ce cadre afin d’améliorer la définition et le suivi des priorités communes pour l’espace Schengen grâce à une adhésion politique plus forte de tous les États membres et à une responsabilité accrue au niveau de l’UE.

Pour y parvenir, elle suggère de fixer et de mettre en œuvre les priorités annuelles à l’échelle de l’espace Schengen qui guideront les États membres, lesquels complèteront leurs efforts individuels par une action coordonnée et commune au travers du Conseil Schengen, et qui faciliteront également un suivi étroit des progrès réalisés pour assurer un niveau élevé de mise en œuvre des règles de Schengen.

De quoi parle-t-on?

S’appuyant sur les évaluations Schengen réalisées en 2023, le rapport offre une vue d’ensemble de la situation actuelle dans l’espace Schengen, présente une évaluation des progrès accomplis à l’issue du cycle annuel de gouvernance et met en évidence les domaines prioritaires qui requièrent une attention accrue.
Dans le droit fil des prochaines étapes annoncées dans le rapport 2023 sur la situation dans l’espace Schengen, le rapport 2024 s’accompagne donc d’une proposition de recommandation du Conseil présentée par la Commission. Par la présente proposition de recommandation du Conseil, il s’agit de mettre l’accent sur un certain nombre de questions qui exigent des États membres qu’ils agissent individuellement ainsi que collectivement dans le cadre des attributions du Conseil Schengen, conformément aux initiatives existantes relatives aux affaires Schengen. Se fondant sur les priorités recensées dans le rapport 2024 sur la situation dans l’espace Schengen, la proposition de recommandation se veut une contribution à la prochaine session du Conseil Schengen des 13 et 14 juin 2024, lors de laquelle celui-ci devrait adopter les priorités pour le prochain cycle Schengen 2024/2025.

D’où vient-on ?

Le premier cycle annuel de Schengen a été établi par la Commission en 2022. Il s'agit d’assurer un cadre commun et stable pour la coordination des politiques ayant trait à l’espace Schengen.
Le nouveau cadre d'évaluation Schengen adopté en 2022 conduit à une rationalisation et des recommandations globales par pays, permettant l' élaboration d'orientations stratégiques et l'adoption de recommandations pour l'ensemble de l'espace Schengen, ce qui renforce encore le cadre de gouvernance et le rôle du Conseil de Schengen.


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Depuis mars 2022, le Conseil Schengen réunit régulièrement les ministres de l'intérieur pour discuter de questions liées aux responsabilités communes de leurs pays en matière de Schengen.
Le premier rapport sur l'état de Schengen a fourni le cadre commun en identifiant les principales priorités politiques pour relever les défis auxquels est confronté l'espace Schengen.En 2023, le Conseil Schengen est devenu une plateforme permettant de coordonner une réponse commune aux défis communs qui touchent les membres de Schengen et l’espace Schengen dans son ensemble.

Et depuis lors ?

Conformément aux priorités établies par le Conseil Schengen en juin 2023, les outils du cycle Schengen ont été renforcés pour améliorer l'identification en temps opportun des risques et des lacunes ayant une incidence sur la stabilité de Schengen et favoriser un niveau de mise en œuvre plus élevé. Ces efforts conjoints ont abouti à un mandat renforcé du Conseil Schengen, ouvrant la voie à des réponses communes plus efficaces.

En particulier, le Baromètre Schengen+, qui intègre de plus en plus les résultats des évaluations Schengen, a identifié plus efficacement les questions nécessitant une réponse commune.
Par exemple, la révélation des abus du système d'asile par les ressortissants sans visa a soutenu la révision du mécanisme de suspension des visas et les connaissances sur les défis liés aux retours ont contribué à la réflexion en cours sur la manière d'accroître l'efficacité des retours durables grâce à la promotion. d’une approche européenne. De même, les résultats de la première évaluation thématique sur le trafic de drogue et l’identification de graves lacunes dans le contrôle des frontières ont proposé des mesures correctives concrètes.

Et où va-t-on ?

Au cours du cycle Schengen 2024-2025, les efforts devraient se concentrer sur une préparation solide des Conseils Schengen grâce à des méthodes de travail renforcées. Le premier programme de travail du Conseil Schengen établi par la présidence belge constitue une étape importante vers un cycle Schengen plus stable. Les questions transversales découlant du mécanisme d'évaluation de Schengen, telles qu'identifiées dans les nouveaux rapports d'évaluation par pays de Schengen, doivent être mieux intégrées dans la préparation et le suivi des réunions du Conseil.

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S'appuyant sur les progrès réalisés en 2023 pour consolider la gouvernance de Schengen, ce cadre doit être renforcé afin d'améliorer la définition et le suivi des priorités communes pour l'espace Schengen grâce à une appropriation politique accrue de tous les États membres et à une responsabilité accrue au niveau de l'UE. Pour atteindre cet objectif, le rapport sur l'état de Schengen 2024 est accompagné d'une proposition de recommandation du Conseil pour l'espace Schengen pour le cycle Schengen 2024-2025.
Ce cadre structuré aidera les États membres à compléter leurs efforts individuels par une action coordonnée et commune par l'intermédiaire du Conseil Schengen et facilitera également un suivi étroit des progrès réalisés pour garantir un niveau élevé de mise en œuvre des règles de Schengen. Cela maximisera la capacité du cycle Schengen à apporter des changements grâce à des actions individuelles et collectives.


Mesure 1 : Renforcer le cadre de la gouvernance Schengen

La proposition  de recommandation propose de consolider le cadre de gouvernance de Schengen :

  • en renforçant le processus de suivi des réunions du Conseil Schengen grâce à l’adoption de lignes d’action communes conformément au rapport sur la situation dans l’espace Schengen adopté par la Commission, et grâce à l’intégration d’un suivi et de rapports réguliers au moyen du baromètre Schengen+ et du tableau de bord Schengen;
  • en dialoguant avec le coordinateur Schengen pour soutenir la mise en œuvre des mesures correctives découlant des évaluations Schengen;
  • en mettant en place des structures et des processus de gouvernance nationaux, coordonnés par de hauts fonctionnaires assumant des responsabilités stratégiques concernant Schengen,
  • en soutenant la mise en œuvre effective des stratégies européennes de gestion intégrée des frontières et des stratégies de sécurité;
  • en rendant le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes pleinement opérationnel. A cet égard, les effectifs du contingent permanent et les capacités du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes devraient être complétés rapidement afin que le contingent permanent compte 8 000 agents d’ici à 2025 avant d’atteindre l’objectif requis de 10 000 agents d’ici à 2027.


Mesure 2 : exploiter pleinement le dispositif existant des officiers de liaison immigration

Les officiers de liaison européens et nationaux chargés de l’immigration et de la sécurité déployés dans des pays tiers sont essentiels pour améliorer le tableau du renseignement de l’espace Schengen sur les menaces actuelles.

La proposition  de recommandation suggère de maximaliser la contribution des officiers de liaison pour répondre aux priorités et aux besoins de l’UE, en cartographiant et en optimisant de manière stratégique leurs déploiements, leurs mandats et leurs obligations en matière d’établissement de rapports. Ces efforts comprennent notamment un recours plus ciblé aux officiers de liaison aéroportuaires qui accomplissent des tâches essentielles de détection de la migration irrégulière et appuient les activités des services répressifs.

La proposition  de recommandation suggère de renforcer les réseaux de différents officiers de liaison dans les pays tiers sous la coordination des délégations de l’UE. Cela permettra de combler les lacunes en matière de renseignement et de mettre en commun les connaissances stratégiques et opérationnelles actuellement dispersées, avec pour conséquence un état de préparation approprié et une prise de décision efficace concernant la gestion des frontières, les questions migratoires et la sécurité.

Mesure 3 : optimiser l’utilisation du système électronique EUROSUR

EUROSUR est le cadre central d’échange d’informations et de coopération opérationnelle utilisé pour détecter, prévenir et combattre l’immigration irrégulière et la criminalité transfrontière.
La proposition  de recommandation suggère que tous les États membres accroissent leur contribution à EUROSUR, y compris en ce qui concerne la criminalité transfrontière, afin d’améliorer la connaissance des situations nationale et européenne ainsi que la capacité de réaction de l’UE aux frontières extérieures. Pour ce qui est de la zone située en amont des frontières, elle suggère de renforcer la collecte et l’échange d’informations avec Frontex, entre les États membres et, avec les pays partenaires.
Il s’agit concrètement de renforcer la coopération avec les pays tiers en matière d’échange d’informations par l’intermédiaire d’EUROSUR grâce à la conclusion d’accords bilatéraux et multilatéraux avec les pays tiers prioritaires afin de lutter plus efficacement contre le trafic de migrants et la criminalité transfrontière, et de prévenir la migration irrégulière et les mouvements secondaires.


Mesure 4 : développer la coopération policière

La proposition  de recommandation suggère d’utiliser les nouvelles possibilités offertes par le code frontières Schengen tel qu’en cours de révision et de maximiser les mesures figurant dans la recommandation de la Commission relative à la coopération entre les États membres en ce qui concerne les menaces graves pour la sécurité intérieure et l’ordre public dans l’espace sans frontières intérieures.
La proposoition  recommande

  • de mettre en place des initiatives de coopération régionale appliquant l’approche axée sur l’ensemble de la route afin de renforcer les mesures conjointes sur la base d’une planification commune établie au moyen d’une analyse conjointe des risques;
  • d’établir  une analyse complète des risques en matière de criminalité transfrontière et en améliorant la connaissance de la situation grâce :
À la mise en relation du renseignement et des informations aux frontières extérieures et à l’intérieur de l’espace Schengen dans un tableau de situation (national) unique, ainsi au développement de la coopération et de l’échange d’informations entre les points de contact uniques renforcés, avec les centres nationaux de coordination, et les centres de coopération policière et douanière dans tous les États membres au moyen de l’application de réseau d’échange sécurisé d’informations (SIENA).


Mesure 5: améliorer le taux de retour

Le coordinateur de l'UE pour le retour, avec le soutien du réseau de haut niveau pour le retour, a élaboré une feuille de route pour le retour comportant des actions ciblées. Les initiatives conjointes donnent déjà des résultats positifs, comme en témoigne l'augmentation des rendements effectifs au cours de l'année écoulée.
En 2023, près de 100 000 ressortissants de pays tiers ont été effectivement renvoyés, ce qui représente une augmentation de 15 % par rapport à la même période en 2022, dont une augmentation de 120 % des retours volontaires via le soutien de Frontex.

La proposition  de recommandation suggère que les Etats membres contribuent à un fonctionnement plus efficace du système commun de l’UE en matière de retour fondé sur une coopération mieux intégrée entre les eux.
Elle propose qu’ils prennent des mesures pour faire en sorte qu’une décision de retour puisse être communiquée à la suite d’une demande d’un État membre visant à obtenir des informations supplémentaires après un signalement concernant un retour dans le système d’information Schengen. Il s’agit :

  • de faciliter la reconnaissance mutuelle,
  • d’évaluer le risque de fuite,
  • d’identifier les ressortissants de pays tiers, dont ceux qui représentent une menace pour la sécurité.

La proposition  de recommandation suggère aussi :

  • d’intensifier les retours volontaires grâce à la poursuite de la mise en œuvre de la stratégie d’aide au retour volontaire et à la réintégration,
  • de contribuer de manière proactive, par l’intermédiaire du Réseau de haut niveau pour les retours grâce à l’élaboration d’indicateurs de performance efficaces, et en mettant rapidement en œuvre les recommandations résultant de l’évaluation thématique Schengen de 2024 relative aux retours.

 

synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr



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mardi 7 mai 2024

Protection de l’espace Schengen : les Etats membres ne font pas assez pour la sécurité. La France épinglée

 




De graves lacunes en matière de contrôle des frontières extérieures, des outils européens insuffisamment utilisés, des données fragmentaires et incomplètes, une information qui ne circule pas, des manques de mise en œuvre des mesures européennes,  des stratégies nationales de sécurité intérieure non alignées sur les priorités de l'UE, un défaut de gouvernance nationale centralisée, des expulsions toujours à des faibles de niveaux. Le dernier rapport sur l’état de Schengen dresse un bilan sans concession.

Un problème de cadre structuré

 Si la gouvernance de l’espace Schengen a été renforcée grâce au lancement du premier cycle Schengen en 2022, elle ne dispose toujours pas d’un cadre qui permette de définir et de mettre en œuvre les priorités et qui soit fondé sur l’appropriation commune et la responsabilité collective de tous les États membres. Il s’ensuit une coordination souvent limitée et un défaut fréquent de mise en œuvre conjointe des règles de Schengen, à l’origine d’actions unilatérales et de mesures fragmentaires. L’absence de ce cadre structuré réduit la capacité du cycle annuel Schengen à préserver et à renforcer l’intégrité de l’espace Schengen.
Des donnés fragmentairs et incomplètes
Le Baromètre Schengen+ a contribué à l’évolution de la situation de l’UE en rassemblant les données et les renseignements disponibles au niveau de l’UE. Cependant, les données disponibles sont encore incomplètes et fragmentées en raison de leur faible qualité et d’une analyse complète sous-développée aux niveaux national et européen.
Au cours du cycle Schengen 2024-2025, la Commission continuera à œuvrer pour obtenir des données et des analyses plus complètes et qualitatives, en étroite coopération avec les agences judiciaires et intérieures et les États membres. Les chaînons manquants entre les données associées entrave les capacités de prise de décision des autorités chargées des frontières, des migrations et de la sécurité et constitue une faille de sécurité.

Un manque de gouvernance nationale centralisée

Au niveau national, les évaluations de Schengen réalisées en 2023 ont mis en évidence des structures de coordination, des stratégies et des capacités administratives divergentes pour mettre en pratique les exigences de Schengen. Si certains États membres ont mis en place des structures et des pratiques de coordination de la gouvernance Schengen, plusieurs autres ne disposent toujours pas d’une entité de coordination centralisée.
En outre, un modèle unifié d’analyse des risques n’est pas appliqué à tous les domaines pertinents. Ces lacunes empêchent les États membres d’établir un tableau global de la situation nationale, ce qui limite leur compréhension des besoins globaux existants et émergents. La situation actuelle ne parvient pas non plus à reconnaître les interconnexions entre diverses questions telles que la criminalité transfrontalière et la gestion des frontières.
Dans plusieurs États membres, ces questions sont traitées séparément, ce qui limite les procédures aux frontières à la seule gestion des migrations.
La faiblesse des structures de gouvernance nationales entrave la mise en œuvre efficace des outils et processus stratégiques, en particulier le développement des capacités nationales et la planification d’urgence. Cela entrave également l’alignement efficace des stratégies nationales et européennes, ce qui a un impact sur la capacité d’agir sur les priorités européennes au niveau national. Enfin, la fragmentation empêche les États membres de bénéficier et de donner suite aux initiatives de l'UE au sein du Conseil Schengen.

Des stratégies nationales de sécurité intérieure non alignées sur les priorités de l'UE

À la suite de l'adoption de la politique stratégique pluriannuelle pour la gestion intégrée des frontières européennes par la Commission en mars 2023, Frontex a révisé la stratégie technique et opérationnelle et a fourni une formation et un soutien technique aux États membres pour la révision de leurs stratégies nationales. Une approche similaire est nécessaire dans le domaine de la sécurité intérieure, car de récentes évaluations de Schengen ont révélé que les stratégies nationales de sécurité intérieure ne sont pas toujours alignées sur les priorités de l'UE et les stratégies liées à la sécurité intérieure.

Des manques de mise en œuvre des mesures européennes

Afin de combler le fossé entre les niveaux opérationnel et politique, la Commission a procédé en 2023 à de nouvelles évaluations globales de Schengen, qui ont abouti à des rapports par pays. Conformément aux nouveaux rapports stratégiques, qui reflètent les synergies entre tous les domaines politiques de Schengen, la Commission, en collaboration avec les États membres, a établi une méthodologie commune et objective pour le tableau d'affichage Schengen en 2023. Le tableau d'affichage Schengen visualise le niveau de mise en œuvre des recommandations résultant de Schengen. évaluations.
Les différents tableaux de bord Schengen 2024 ont révélé que, dans l’ensemble, les États membres ont pris des mesures efficaces pour mettre en œuvre des mesures correctives afin de donner suite aux recommandations issues des évaluations Schengen, même si leur mise en œuvre est lente. En moyenne, le degré de mise en œuvre se situe entre 48 % et 80 %, la plupart des États membres obtenant un score supérieur à 50 %. Dans d'autres domaines, notamment la gestion des frontières extérieures et le retour, la mise en œuvre de mesures correctives varie selon les États membres et, dans de nombreux cas, d'importantes lacunes restent sans réponse.

Des expulsions toujours à des faibles de niveaux

Le nombre de retours effectifs reste faible. Les activités d’évaluation et de suivi de Schengen menées en 2023 ont révélé que des obstacles subsistent, qui entravent l’exécution des décisions de retour. Premièrement, il est nécessaire de mettre en œuvre une approche stratégique de l’allocation et de la planification des ressources basée sur les besoins actuels et attendus.
Deuxièmement, les États membres doivent améliorer la coopération et la communication entre les autorités nationales. Lorsque cela fait défaut, cela entrave l’émission des décisions de retour et leur suivi. Dans de nombreux cas, le manque d’outils informatiques dédiés pour soutenir la coopération entre les autorités creuse les écarts de communication.
La réponse commune aux défis actuels est toutefois limitée par un cadre juridique obsolète en matière de retour, établi en 2008, et les négociations sur la refonte de la directive retour n’étant pas encore conclues.

Une information qui ne circule pas


Les évaluations de Schengen réalisées en 2023 ont montré que certains États membres n’utilisent pas de manière efficace le soutien en matière de renseignement des officiers déployés par d’autres États membres, manquant ainsi d’informations cruciales. Dans le même temps, les pays prioritaires pertinents au niveau de l’UE ne sont pas efficacement couverts et les mandats des officiers de liaison nationaux diffèrent considérablement, allant du générique au spécialisé. En outre, la méthodologie de collecte d’informations est fragmentée et les réseaux locaux ne sont pas pleinement exploités, ce qui crée des lacunes dans la situation du renseignement de l’UE.
Environ 20 % des officiers de liaison nationaux sont inscrits sur la plateforme commune de partage d'informations. Il existe également un échange limité d'informations sur des questions transversales entre les agents déployés pour les frontières et les migrations et ceux pour la sécurité.
Même si la qualité et le volume des échanges d'informations au sein d'EUROSUR ont augmenté ces dernières années, les tableaux de situation nationaux et européens restent fragmentés.

De graves lacunes en matière de contrôle des frontières extérieures

Une priorité de l’Union est de rendre le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes pleinement opérationnel. Or,  il existe des lacunes existantes sur le plan des ressources humaines et des équipements techniques, aux niveaux tant de l’Union que des États membres..
En outre, les évaluations de Schengen montrent encore de fortes divergences dans la qualité des contrôles aux frontières extérieures de l'UE, mettant en évidence des niveaux particulièrement faibles dans certains États membres. Cela est dû à des ressources limitées, une formation insuffisante, une vérification incomplète des conditions d’entrée et une utilisation limitée des équipements de détection. De graves lacunes ont été identifiées lors d’une des visites inopinées effectuées en 2023.

Des bases de données européennes insuffisamment utilisées – la France mentionnée

 
Même si plusieurs États membres ont intensifié les contrôles systématiques aux frontières extérieures à l’aide de toutes les bases de données européennes, cette question reste un sujet de préoccupation important.
Même si les évaluations de Schengen pour 2023 ont dressé un tableau globalement positif de l'utilisation efficace de ces données, les activités de suivi menées l'année dernière ont révélé que certains États membres n'ont toujours pas encore mis en œuvre ou n'ont pas suffisamment mis en œuvre de systèmes de collecte et d'utilisation des informations préalables sur les passagers. La France fait partie de ces États membres.
Par ailleurs, les évaluations Schengen ont mis en évidence des vulnérabilités dans l’utilisation des bases de données, en particulier du système d’information Schengen et du système d’information sur les visas, qui constituent une importante faille de sécurité. Les défaillances dans les contrôles de documents et les vérifications d’identité sont à l’origine de menaces non détectées et de procédures entachées d’erreurs. Cela concerne les demandes de visa, les vérifications aux frontières extérieures, le retour des ressortissants de pays tiers n’ayant pas de droit de séjour légal, les actions menées par les autorités répressives et, plus généralement, l’enregistrement auprès des autorités des États membres.

Un système d'information Schengen insuffisamment employé


Le lancement du système d'information Schengen renouvelé a été mis en œuvre en mars 2023. Les évaluations Schengen ont confirmé que les États membres utilisent progressivement les nouvelles fonctionnalités et insèrent de nouvelles catégories d'alerte dans le système, même s'il reste encore des progrès à faire pour maximiser pleinement l'utilisation de ces données. . En outre, certains États membres ne téléchargent pas systématiquement les données dactyloscopiques et il existe également un manque persistant de ressources et un renforcement insuffisant des capacités des bureaux SIRENE des États membres, ce qui entrave considérablement l’échange global d’informations entre les États membres. Alors que plus de la moitié des États membres sont bien avancés dans la transposition législative de la directive, la mise en œuvre
En outre, l’utilisation de la fonctionnalité de recherche d’empreintes digitales dans les systèmes d’information Schengen et sur les visas pour vérifier les menaces à la sécurité et détecter la fraude à l’identité reste sous-utilisée. En 2023, la part moyenne des contrôles dans le système d’information sur les visas aux frontières extérieures effectués à l’aide d’empreintes digitales était seulement de 48 %.

 

synthèse et traduction du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr



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vendredi 26 avril 2024

Le Parquet européen enquête sur des affaires criminelles pour un montant de… 20 milliards d’euros

 



Les chiffres sont impressionnants : le Parquet européen (EPPO) a mené près de 2000 enquêtes, pour des montants de près de 20 milliards d’euros. Il a ouvert près de 1500 enquêtes en 2023, pout un montant de près de 12 milliards d’euros.
Les saisies en jeu représentent en tout 22 fois le budget du Parquet européen en 2023.
Une chose à retenir de ce rapport d’activité pour 2023 : l’EPPO monte en puissance.


Près de 2000 enquêtes en cours

Au 31 décembre 2023, l’EPPO a mené 1 927 enquêtes en cours, pour des montants estimés à plus de 19,2 milliards d’euros. La fraude à la TVA en représente 17,5 %, avec un préjudice estimé à 11,5 milliards d'euros. La proportion d'enquêtes ayant une dimension transfrontalière (actes soit commis sur le territoire de plusieurs pays, soit ayant causé des dommages à plusieurs pays) reste stable (28 %).
En 2023, 66 millions d'euros ont été mobilisés pour l'accomplissement de la mission du Parquet européen, contre 51,2 millions d'euros en 2022 (+29%).

L’EPPO compte en 2023, 232 personnes dont 12 français. Au 31 décembre 2023, il démbrait 140 Européens Procureurs délégués en activité. Les bureaux des procureurs européens délégués sont situés dans 42 villes des 22 États membres.
En 2023, les Chambres permanentes ont quant à elles tenu 481 réunions.

Des signalements en hausse

En 2023, l’EPPO a traité 4 187 signalements d’infractions, soit 26 % de plus qu’en 2022. Cette augmentation est principalement due aux signalements émanant de particuliers (2 494, soit 29 % de plus qu’en 2022) ainsi que des autorités nationales (1 562, soit 24 % de plus qu’en 2022). Selon l’EPPO, cette évolution prouve que le niveau de détection des fraudes portant atteinte aux intérêts financiers de l'UE dans les États membres participants s'est encore amélioré. Cela montre également que le public est mieux informé du Parquet européen et que les attentes des citoyens européens restent élevées.
Cependant, les rapports des institutions, organes et organismes de l'UE sont restés très peu nombreux (108), ce qui signifie qu'il n'y a eu aucune amélioration en termes de détection et signalement de leur part.

Environ 300 autres rapports ont été soumis aux bureaux décentralisés des États membres et ont également été évalués comme étant manifestement en dehors de la compétence du Parquet européen.
Le plus grand nombre de signalements envoyés par des particuliers des États membres participants au Bureau central provenait de Croatie (433), de Belgique (221), d'Allemagne (199), de Bulgarie (179) et de Roumanie (156), tandis que 132 signalements provenaient de pays non membres. -États membres participants et 279 pays tiers.

Une activité judiciaire en hausse également

L’EPPO a ouvert 1 371 enquêtes en 2023, soit 58 % de plus qu’en 2022 – correspondant à des montants estimés à 12,28 milliards d’euros. Cela résulte principalement de la combinaison d’une coopération améliorée entre le Parquet européen et les autorités nationales, et de la détermination du Parquet européen à cibler les organisations criminelles particulièrement actives dans la fraude aux dépenses hors marchés publics et la fraude aux recettes (TVA et non-TVA).
En 2023, avec 139 actes d’accusation émis (soit plus de 50 % de plus qu’en 2022), le Parquet européen a commencé à traduire davantage d’auteurs de fraudes européennes devant les tribunaux nationaux. Conformément à son objectif de se concentrer sur la réparation des dommages, les juges ont accordé aux procureurs européens délégués des ordonnances de gel d’une valeur de 1,5 milliard d’euros, soit plus de quatre fois plus qu’en 2022.


Activité judiciaire dans les affaires criminelles

(cliquez sur l'image pour agrandir)

  • Affaires en cours en phase de procès: 155
  • Nombre de décisions de première instance: 67
  • Nombre d'appels contre des décisions de première instance: 9
  • Nombre d'affaires en cours en phase d'appel :10
  • Nombre de décisions de justice définitives :548
  • Condamnations: 48
  • Acquittements: 5


Infractions faisant l’objet d’une enquête :

  • Fraude aux dépenses d'approvisionnement : 1 486
  • Fraude aux recettes de TVA : 873
  • Fraude aux recettes hors TVA : 405
  • Fraude aux dépenses d’approvisionnement :379
  • Organisations criminelles axées sur la criminalité PIF (protection des intérêts financiers) : 209
  • Blanchiment d'argent : 226
  • Corruption : 131
  • Détournement : 72


Et les chiffres pour la France ?

  • Procureurs européens délégués : 6
  • Procureurs délégués nationaux européens : 7


Rapports/etplaintes reçus : 59

  • Des institutions, organes et organismes de l’UE: 11
  • De organismes privés: 1318
  • Des autorités nationales: 35

(cliquez sur l'image pour agrandir)


Infractions faisant l’objet d’une enquête :

  • Fraude aux dépenses hors achats : 46
  • Fraude aux dépenses d'approvisionnement : 7
  • Fraude aux recettes de TVA : 14
  • Fraude aux recettes hors TVA : 42
  • Organisations criminelles axées sur la criminalité PIF (protection des intérêts financiers) : 6
  • Blanchiment d'argent : 25
  • Corruption : 3
  • Détournement : 6


Près de 500 actions en recouvrement des produits d’activités criminelles

En 2023, 475 actions de recouvrement ont eu lieu dans 19 des États membres participants (Autriche, Belgique, Croatie, Tchéquie, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Slovaquie et Espagne).
Au total, le Parquet européen a demandé la saisie de plus de 1,53 milliard d'euros et la saisie de 1,5 milliard d'euros a été accordée.
Cela représente 22 fois le budget du Parquet européen en 2023.
Des confiscations définitives de plus de 60 millions d'euros ont été ordonnées par les tribunaux dans des affaires définitivement résolues.
La saisie la plus élevée a représenté plus de 9,9 millions d’euros. Dans huit cas, un total de plus de 7,5 millions d'euros ont été recouvrés avant le procès. Une confiscation étendue a été demandée dans 22 cas, afin de restreindre les avoirs pour lesquels certaines mesures de protection avaient été prises par les suspects pour éviter la confiscation.

Liste des Procureurs européens déléguées (PED) par Etat membre
(cliquez sur l'image pour agrandir)



Un approfondissement de la collaboration européenne

Le Collège a conclu un accord de travail établissant les méthodes de coopération entre le Parquet européen et : l'Agence exécutive européenne pour le climat, les infrastructures et l'environnement (CINEA) ; l'Agence exécutive européenne pour l'éducation et la culture (EACEA) ; le Conseil européen de l'innovation et l'Agence exécutive pour les PME (EISMEA) ; l'Agence exécutive du Conseil européen de la recherche (ERCEA) ; l'Agence exécutive européenne pour la santé et le numérique ( HaDEA ) ; et l'Agence exécutive européenne pour la recherche (REA).
En outre, le Parquet européen participe à la Plateforme multidisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT), et plus particulièrement aux plans d'action opérationnels pertinents au mandat du Parquet européen : réseaux criminels à haut risque, fraude intracommunautaire  et accises . blanchiment d'argent et recouvrement d'avoirs.

Une collaboration soutenue avec Eurojust, l’Office de lutte antifraude et Europol

À la fin de l'année, 26 dossiers étaient en cours soutenus par les bureaux nationaux d'Eurojust. Le Parquet européen continue de participer au « Groupe d'experts États-Unis-UE sur l'obtention de preuves électroniques via l'entraide judiciaire en provenance des États-Unis », organisé par Eurojust.
Le Parquet européen a eu 284 échanges d'informations avec l'Office européen de lutte antifraude (OLAF).
Plus précisément, le Parquet européen a répondu à 32 demandes de réponse positive ou négative envoyées par l'OLAF, afin d'éviter des enquêtes parallèles sur les mêmes faits. En outre, l'OLAF a complété l'activité du Parquet européen dans 22 cas, tandis qu'un soutien a été apporté dans 4 cas.

Le Parquet européen a coopéré efficacement avec Europol sur diverses questions opérationnelles, sous l'égide du comité directeur Parquet européen-Europol. Europol a notamment fourni un soutien ( échange d'informations, soutien analytique , expertise, etc.) à la suite de 47 demandes du Parquet européen.
Le Parquet européen coopère étroitement avec le Centre européen de lutte contre la criminalité financière et économique (EFECC ) et est partie associée aux projets d'analyse (AP) suivants : AP Groupes criminels organisés à haut risque , AP Corruption et AP MTIC, et envisage de participer à d'autres projets. Grâce aux équipes spécialisées au sein de son unité Opérations, le Parquet européen a activement apporté une expérience et des connaissances opérationnelles pertinentes à ces projets, enrichissant ainsi ses propres connaissances et capacités en matière de fourniture d'expertise.

Un maillage étroit impliquant de nombreux pays

En ce qui concerne les États membres non participants, l'année 2023 a été marquée par des développements importants : le démarrage effectif de la coopération avec la Pologne et l'Irlande, ainsi que la signature d'un accord de travail avec le ministère de la Justice du Royaume de Danemark pour faciliter la coopération.
En ce qui concerne les pays tiers, le Parquet européen s'est concentré sur les candidats à l'adhésion à l'UE. Le Parquet européen a conclu des accords de travail avec le Bureau national anti-corruption d'Ukraine, la structure spéciale anti-corruption albanaise et le bureau du procureur de Bosnie-Herzégovine.
Les procureurs européens, les procureurs européens délégués et le personnel du Bureau central ont dispensé une formation régionale sur les enquêtes financières et les outils du Parquet européen aux procureurs de tous les pays candidats des Balkans occidentaux en novembre 2023.
Le Parquet européen a également organisé des réunions bilatérales avec ses homologues du Liechtenstein, de la République populaire de Chine, de Singapour, de la Suisse, du Royaume -Uni et des États-Unis d'Amérique.

Coopération du Parquet européen avec ses partenaires:


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Une collaboration étroite avec l’Ukraine

Le soutien du Parquet européen à aux procureurs ukrainiens a donné lieu à des réunions avec le bureau du procureur général ukrainien pour mettre en œuvre l'accord de travail signé en 2022, ainsi qu'à un nouveau partenariat avec le Bureau national anti-corruption d'Ukraine (NABU). Le procureur général européen a participé à la conférence « Unis pour la justice » en mars.
Le Parquet européen a également organisé deux cours de formation dédiés aux procureurs ukrainiens et aux enquêteurs du NABU dans ses locaux, afin de partager son expertise et de présenter les outils uniques du Parquet européen pour mener des enquêtes transfrontalières.

L’EPPO à l’international : réseau GlobE et chasseurs de corruption

Grâce à de nouveaux partenariats et à des actions de sensibilisation dans divers formats internationaux, le Parquet européen a contribué à la lutte contre la corruption. Le Parquet européen est devenu membre du Réseau opérationnel mondial des autorités chargées de l'application des lois anti-corruption (Réseau GlobE), après avoir été désigné en octobre 2022 comme autorité compétente pour l'application de la Convention des Nations Unies contre la corruption.
Le Parquet européen a contribué aux réunions et conférences de l'OCDE, en particulier à la réunion régionale organisée à Astana par le Réseau anti-corruption pour l'Europe orientale et l'Asie centrale (ACN). Le Parquet européen a également participé au cinquième Forum de l'Alliance internationale des chasseurs de corruption (ICHA), organisé par la Banque mondiale à Abidjan.

Le Parquet européen, en tant qu'observateur, a assisté à la dernière assemblée générale annuelle du réseau CARIN, qui s'est tenue à Bruxelles du 3 au 5 mai 2023, avec un accent particulier sur le recouvrement d'avoirs comme objectif politique. Les deux points de contact du Parquet européen ont participé à plusieurs groupes de travail, notamment sur la monnaie virtuelle, le recouvrement d'avoirs après condamnation et l'indemnisation des victimes. En 2023, le Parquet européen a envoyé quatre demandes d'informations aux points de contact CARIN concernés.

Coopération du Parquet européen avec ses partenaires:


traduction et synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

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jeudi 18 avril 2024

« Trop peu, trop tard », le Sénat se montre critique face aux annonces européennes en matière anti-corruption

 


 

 « Eviter l’effet Tartuffe ». C’est en ces termes que le Sénat met en garde les institutions européennes, la Commission européenne en premier lieu, concernant ses critiques envers la France. Dans son rapport d'information, sa commission des affaires européennes soutient la réforme européenne anti-corruption engagée et elle dénonce l’absence de volonté politique de certains des Etats membres dans leur engagement dans cette lutte. En revanche, elle critique le fait que la France soit pointée du doigt alors que l’hexagone brille, selon elle, par les efforts entrepris contre ce phénomène. Quant au comité interinstitutionnel d’éthique, proposition phare du dernier paquet de mesures anti-corruption, la commission des affaires européennes juge la proposition trop tardive et trop faible. Elle propose dès lors une structure indépendante et disposant de pouvoirs accrus.



La France bon élève en matière anti-corruption

 
La commission des affaires européennes note qu’en 2023, 11 des 27 États membres de l'Union européenne, dont la France (20ème) se retrouvent parmi les 20 premiers États dans le classement de l'indice de perception de corruption publié annuellement par l'organisation non gouvernementale de lutte contre la corruption Transparency international, qui classe, par ordre décroissant, les pays du monde entier à l'aune de leurs législations et pratiques anticorruption

Plus spécifiquement, la France dispose d'un cadre juridique précis et de moyens notables pour prévenir la corruption, avec des obligations déclaratives imposées aux responsables publics, l'enregistrement obligatoire des représentants d'intérêts sur un répertoire national, l'action de conseil, d'information et de contrôle de la Haute autorité de transparence de la vie publique (HATVP) et la mise en place d'une stratégie nationale anticorruption par l'agence française anticorruption (AFA).
En 2022, le parquet national financier (PNF) a ouvert 217 enquêtes et avait 708 affaires en cours, dont 314 (44,35%) relatives à des atteintes à la probité.

En 2021, les parquets français ont traité 900 affaires d'atteinte à la probité, contre 853 en 2020 (+5,5 %). Ces affaires impliquaient 1 379 auteurs, dont 301 personnes morales. 55 % d'entre eux n'ont pas été poursuivis car l'infraction n'était pas assez caractérisée.
En outre, la France dispose d'une législation ambitieuse concernant la prévention de la corruption dans la vie publique.

La corruption, un phénomène endémique en Europe

Pour l'Union européenne, la lutte contre la corruption fait partie intégrante de l'État de droit, valeur de l'Union posée à l'article 2 du traité sur l'Union européenne (TUE).
C'est en effet au nom de cette valeur de l'État de droit que, depuis 2020, la Commission européenne évalue annuellement la situation de chaque État membre au regard de plusieurs critères : 

  • indépendance de la justice ; 
  • lutte contre la corruption ; 
  • indépendance de la presse et pluralisme des médias ; 
  • questions institutionnelles.

Malgré tout, la corruption demeure un phénomène massif dans l'Union européenne : son coût annuel pour les économies de l'Union européenne est évalué à 120 milliards d'euros selon une estimation prudente de la Commission européenne.
Ainsi, selon Europol, 60 % des réseaux du crime organisé usent de la corruption et 70 % d'entre eux mènent des actions de blanchiment de capitaux.
De plus, si les processus de corruption sont connus, les outils à la disposition des « corrupteurs » leur offrent de nouvelles perspectives. Europol mentionne ainsi l'importance croissante de l'usage des « crypto-monnaies » par les organisations criminelles pour corrompre les agents publics.


Une réforme européenne qui va dans le bon sens

 
La proposition de directive relative à la lutte contre la corruption, présentée le 3 mai 2023 par la Commission européenne, est sans doute l'une des réformes les plus importantes préparées par l'actuel collège des commissaires européens.
C'est pourquoi, tout en déplorant le calendrier tardif de dépôt de cette réforme et l'absence d'analyse d'impact pour en justifier les dispositions, la commission des affaires européennes souhaite apporter un soutien de principe à ce texte majeur.
En complément, la commission des affaires européennes :

  • demande que les organismes spécialisés dans la prévention de la corruption bénéficient bien d'une indépendance statutaire ou fonctionnelle, comme la HATVP ou l'agence française anticorruption (AFA);
  • estime que l'obligation d'information imposée aux organismes de répression de la corruption doit être conciliée avec le maintien de l'efficacité de leurs enquêtes et poursuites ;
  • souhaite l'harmonisation des délais de prescription proposés sur une durée de six ans, comme en droit français.


Une absence de réelle volonté politique nationale


Mais malgré les efforts entrepris pour contre ce phénomène, La commission des affaires européennes fait remarquer que le cadre juridique demeure partiel et parcellaire. La situation des États membres variable au regard de la lutte anticorruption, ce qui conduit désormais l'Union européenne à accroître la pression sur eux pour obtenir des résultats.

En effet, cette persistance des faits de corruption profite également des divergences de législations entre les États membres et, parfois, de leur absence de volonté politique pour combattre la corruption.
Illustrant la très grande diversité de la situation des États membres en matière de lutte anticorruption, le rapport souligne que plusieurs États membres n'ont toujours pas de cadre juridique adapté. À titre d'exemple, certains États membres ne disposent pas de stratégie nationale anticorruption (Slovénie).
Dans son rapport d'évaluation de l'État de droit 2023, la Commission européenne vise même la France.


Une mise en garde contre l’effet Tartuffe

Au nom de la préservation de l’Etat de droit, la Commission européenne évalue désormais non seulement juridiquement mais aussi « éthiquement » les stratégies nationales de lutte contre la corruption, la situation de la justice, des journalistes et des médias, ainsi que le financement des partis politiques dans chaque État membre et jusqu'à leurs procédures législatives.
Or, si les institutions européennes souhaitent poursuivre cette politique ambitieuse voire intrusive, la commission des affaires européennes indique que ces mêmes institutions se doivent d'être elles-mêmes exemplaires dans le respect des règles éthiques, sous peine d'apparaître comme des « Tartuffes » et de perdre leur crédibilité et la confiance des citoyens.

En effet, le rapport de la commission des affaires européennes note que la corruption a pu être facilitée par les carences préoccupantes des institutions de l'Union européenne (Commission européenne ; Parlement européen ; Conseil de l'Union européenne...) dans l'adoption et l'application de « cadres éthiques » s'appliquant à elles-mêmes. Cet état de fait a été illustré par le scandale du « Qatargate » et par plusieurs enquêtes récentes de la Médiatrice de l'Union européenne.
De tels faits ont démontré la nécessité de réformes ambitieuses afin de garantir la pérennité du débat démocratique européen et de restaurer la confiance des citoyens des États membres, à l'heure où l'Union européenne n'a jamais eu autant de pouvoir.


Un organisme éthique interinstitutionnel présenté tardivement

Dans sa communication présentée le 8 juin 2023, la Commission européenne a proposé, par la voie d'un accord interinstitutionnel, la création d'un organisme éthique interinstitutionnel commun à neuf institutions de l'Union européenne, qui aurait pour mission de servir de forum d'échange de bonnes pratiques et de définir, sur une base consensuelle, des lignes directrices éthiques minimales pour les membres de ces institutions.
Elle relève, d'une part, que l'initiative de proposer la création d'un organisme éthique, qui avait été envisagée par la Présidente de la Commission européenne dès fin 2019, n'a été présentée que très tardivement par elle, en juin 2023, conduisant les négociateurs européens à se presser au risque de sceller un « accord au rabais » avant la fin du mandat du Parlement européen.

Un organisme insuffisamment indépendant

La commission des affaires européennes déplore la subordination totale de l'organisme éthique interinstitutionnel envisagé à l'égard de la Commission européenne, qui l'accueillerait dans ses locaux et dirigerait son secrétariat. Elle constate qu'en proposant de doter cet organisme d'un budget de 600 000 euros et de 2 emplois à plein temps (aidés par les chefs d'unité des institutions participantes), la Commission européenne a une vision minimaliste du rôle de ce comité.

Observant, avec la Médiatrice de l'Union européenne, que l'autorégulation des institutions européennes n'a pas donné les résultats escomptés dans le domaine de la prévention de la corruption et que, contrairement à l'interprétation qu'en fait la Commission européenne, les traités européens n'interdisent pas la création d'un organisme indépendant doté de pouvoirs de contrôle, la commission des affaires européennes préconise donc de créer un véritable « comité d'éthique européen » qui serait indépendant à l'égard des institutions participantes

Pour un organisme ayant davantage de compétences 

La commission des affaires européennes considère demande donc l'institution d'une structure disposant d'une faculté d'auto-saisine et de pouvoirs de contrôle.
La commission des affaires européennes estime que le comité d'éthique de l'Union européenne devrait :

  • rassembler les informations disponibles sur les procédures éthiques internes aux institutions participantes et jouer un rôle de sensibilisation sur les enjeux éthiques ;
  • avoir la faculté de s'auto-saisir d'une difficulté éthique, à la suite d'informations publiques ou sur requête individuelle, et d'enquêter sur cette difficulté, en vue de formuler des avis (non publics) en réponse à des situations individuelles et des recommandations publiques ;
  • pouvoir s'appuyer pour ses enquêtes sur la Médiatrice de l'Union européenne, la Cour des comptes de l'Union européenne et l'Office européen de lutte antifraude (OLAF). La commission des affaires européennes préconise une actualisation du statut de l'OLAF, afin de le rendre juridiquement et fonctionnellement indépendant à l'égard de la Commission européenne ;
  • se voir confier la tâche de rassembler, de tenir à la disposition du public et de contrôler les déclarations d'intérêts et, lorsqu'elles existent, de patrimoine, des membres des institutions participantes.
  • pouvoir suivre et contrôler les « pantouflages » des membres et personnels des institutions participantes ;
  • prendre en charge le contrôle du registre commun de transparence où doivent s'inscrire les représentants d'intérêts souhaitant influencer les décisions de la Commission européenne, du Conseil et du Parlement européen ;
  • évaluer chaque année le respect de l'État de droit par les institutions européennes dans un rapport spécifique intégré au cycle de suivi annuel pour que le suivi de l'État de droit soit complet et satisfaisant, en application directe de l'article 2 du TUE précité.

 

synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 

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