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dimanche 2 novembre 2025

Protection civile : l’UE se dote d’une Plateforme de Coordination de Crise



Le mécanisme de protection civile de l'Union (MPCU) est en cours de révision et pour ce faire, une proposition de règlement est présentée. La principale nouveauté du règlement proposé est la mise en place d’une couche de préparation transsectorielle ainsi que l’intégration d’un financement pour la préparation et la réaction aux situations d’urgence sanitaire. L’autre grande nouveauté est la Plateforme de Coordination de Crise destinée à devenir la capacité centrale de l’UE en matière de préparation aux risques transsectoriels et de gestion opérationnelle des crises, notamment en ce qui concerne la constitution de stocks.



De quoi parle-t-on ?

Le règlement proposé introduit un cadre pour la protection civile et le financement de la préparation et de la réaction aux situations d’urgence sanitaire en vue d’exploiter les synergies et de soutenir une meilleure coordination entre les secteurs. 
L’objectif est d’améliorer l’efficacité globale du soutien à la prévention, à la préparation et à la réaction aux dangers naturels et d’origine humaine, y compris les menaces transfrontières graves pour la santé, en tenant compte de la nature de plus en plus complexe et interconnectée des risques et des menaces auxquels l’Union est confrontée, comme le soulignent les conclusions du Conseil européen de 2023 et 2024.


Pourquoi cette proposition ?

Ces dernières années, l’Europe est en butte à une sérieuse aggravation du paysage des risques et des menaces, engendrée par un faisceau de plus en plus imprévisible de défis en matière de sécurité, de santé, de changement climatique et d’environnement.
En outre, la nature multidimensionnelle des crises transsectorielles telles que la pandémie de COVID 19 et la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine exige une approche plus globale et intégrée de la gestion des crises, nécessitant une coopération étroite et efficace entre l’Union et ses États membres afin de relever efficacement les défis qu’elles posent. Le contexte géopolitique actuel nécessite de renforcer la préparation civile et militaire de l’Europe, comme le préconisent la stratégie européenne pour une union de la préparation et le livre blanc conjoint intitulé «Préparation de la défense européenne à l’horizon 2030» .

Dans les grandes lignes, quelles sont les avancées prévues dans dans la proposition de règlement ?
Le mécanisme de protection civile de l'Union (MPCU) a toujours couvert les catastrophes naturelles ou d'origine humaine. Cependant, la proposition de 2025 introduit une intégration transsectorielle bien plus poussée, en particulier concernant la santé :

  • Intégration Sanitaire : la proposition de Règlement introduit un cadre pour la protection civile et le financement de la préparation et de la réaction aux situations d’urgence sanitaire. L'intégration de ces mesures est considérée comme la principale nouveauté. L'objectif est de renforcer les capacités de prévention, de préparation et de réaction aux menaces transfrontières graves pour la santé.
  • Risques complexes : la proposition tient compte de la nature de plus en plus complexe, interconnectée et systémique des risques et des menaces, y compris les crises transsectorielles et prolongées, telles que la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine.
  • Approche «Préparation dès la conception» : le Règlement promeut le principe de la «préparation dès la conception» (preparedness by design), qui consiste à intégrer systématiquement les mesures préventives et les considérations de résilience dans l'ensemble de la législation et des politiques de l'Union.



Une nouveauté : la Plateforme de Coordination de Crise

L'institution de la Plateforme de coordination de crise représente une nouveauté majeure dans le cadre proposé, visant à doter l'Union d'une capacité centrale pour la gestion des menaces qui dépassent le champ traditionnel de la protection civile.
La Plateforme est explicitement conçue pour combler les lacunes qualitatives et quantitatives du cadre juridique actuel, en particulier face aux crises transfrontières complexes et prolongées. Elle est destinée à devenir la capacité centrale de l’UE en matière de préparation aux risques transsectoriels et de gestion opérationnelle des crises, notamment en ce qui concerne la constitution de stocks.
La Plateforme aura des fonctions essentielles de préparation et de coordination :

  • Appréciation de la situation et Prospective : Elle doit faciliter l’appréciation de la situation, la préparation et la coordination opérationnelles transsectorielles. Elle anticipe et surveille les risques liés aux crises transsectorielles, notamment en élaborant régulièrement des séances d’information sur les perspectives opérationnelles relatives aux dangers transsectoriels et tous risques.
  • Soutien à l'ERCC : La Plateforme s'appuiera sur la structure et les capacités existantes du Centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC), y compris ses capacités analytiques et scientifiques. Elle complétera la fonction de l'ERCC, qui, lui, continuera d'assurer le point central de coordination opérationnelle 24h/24, 7j/7 pour la poursuite des objectifs du mécanisme de l’Union.
  • Coordination intersectorielle : Elle assure une coordination avec les autorités nationales compétentes, les services de la Commission, et les institutions de l'Union, notamment dans des situations déclenchant une réaction politique intégrée (IPCR) ou l’activation de la clause de solidarité, ou en cas d’urgence de santé publique de portée internationale (déclaration de l'OMS).
  • Liaison Externe et Interne : Elle coopère étroitement avec le centre de réaction aux crises du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) pour la dimension extérieure des crises transsectorielles. Elle assurera également la cohérence avec l'architecture de sécurité intérieure de la Commission (y compris le futur Centre intégré d’opérations de sécurité - ISOC).


Renforcement et développement des capacités rescUE

Pour mémoire, rescEU est la réserve de capacités de réaction au niveau de l’Union. Contrairement à la Réserve européenne de protection civile (ECPP, l'ancien EERC, constitué de capacités volontairement engagées par les États membres), rescEU est destiné à compléter ces capacités et à répondre efficacement et rapidement aux demandes d’assistance.
Le rôle de rescEU est confirmé et renforcé dans la proposition de règlement. Le renforcement de rescEU implique :

  • Le financement du maintien des capacités existantes.
  • L'augmentation et la création de nouvelles capacités.
  • L'acquisition de capacités par divers moyens, tels que l'achat, la location, le crédit-bail, y compris pour les contre-mesures médicales. L'accent est mis sur l'utilisation de solutions développées ou produites dans l'Union pour renforcer l'autonomie stratégique.


Incendies de forêt : vers la mise en place progressive de la flotte aérienne permanente rescEU

La prolongation de la période transitoire pour le financement des moyens aériens nationaux de lutte contre les incendies de forêt jusqu'en 2034 est une mesure essentielle pour faire face à la fréquence et à l'intensité croissantes des feux de forêt.
Cette disposition vise à assurer une transition sans heurts vers la mise en place progressive de la flotte aérienne permanente rescEU de lutte contre les incendies de forêt, dont les nouveaux moyens devraient être disponibles à partir de 2028.
Pendant cette période transitoire (jusqu'en 2034), même si ces moyens sont désignés comme capacités de rescEU, la décision finale de les déployer est prise par l'État membre qui les a mis à disposition.


Des précisions sur l’utilisation et le déploiement de rescUE


Les capacités de rescEU peuvent être déployées lorsque l'Union a un intérêt à réagir à l’urgence ou lorsqu'une crise est susceptible d’avoir une incidence significative sur l’Union ou ses États membres. Cela inclut les cas où la crise menace les citoyens de l'Union, nécessite une intervention urgente et a été notifiée via d'autres mécanismes internationaux.

En outre, les capacités de rescEU dans les domaines des transports et de la logistique peuvent être sollicitées pour fournir un soutien à l’assistance consulaire aux citoyens de l'Union dans des pays tiers, notamment pour des rapatriements, des évacuations ou des départs assistés.
Il est important de noter que les capacités de rescEU ne peuvent être utilisées à des fins nationales (y compris les capacités à double usage) que lorsqu’elles ne sont pas utilisées ou nécessaires à la réaction de l’Union. 
La décision de déploiement des capacités de rescEU est prise par la Commission (par l'intermédiaire de l'ERCC), en coordination étroite avec l’État membre demandeur et l’État membre hôte de la capacité


Comment fonctionne la gestion de risque envisagée dans la proposition de règlement ?

Le processus d’élaboration des politiques prévu par la présente proposition de règlement révisé comprend plusieurs éléments et rapports clés, qui sont alignés sur les cycles de déclaration et séquencés afin de garantir une approche cyclique et efficace de la gestion des risques de catastrophes.

Le processus commence au niveau national, où les États membres sont chargés d’élaborer et de rendre publiques les évaluations des risques au niveau national ou infranational. 
Ces évaluations des risques servent de base à l’élaboration d’une planification de la gestion des risques de catastrophes, y compris les risques pour la sécurité et les menaces hybrides, qui tient compte de la collaboration transfrontière et des risques ayant des effets transfrontières. Ces évaluations et plans devraient être cohérents et coordonnés avec d’autres processus nationaux pertinents. En outre, et en tant que condition préalable aux évaluations éclairées des risques, les États membres devraient améliorer leur collecte de données sur les pertes dues aux catastrophes.

Au moins une fois tous les cinq ans, les États membres présentent à la Commission des résumés de leurs évaluations des risques, de leurs capacités de réaction et de leurs activités à l’appui des objectifs de l’Union en matière de résilience face aux catastrophes. La Commission poursuit l’élaboration des lignes directrices pour la présentation de ces résumés, en veillant à ce que le processus soit normalisé et efficace.
 

Une action de l’Union prenant le relai de celle des Etats membres

Au niveau de l’Union, la transmission des informations demandées et des autres données disponibles permet à la Commission de cartographier les capacités de gestion des risques aux niveaux européen, national et infranational afin de faciliter l’échange de bonnes pratiques et le renforcement des capacités connexes. 

Sur la base de l’évaluation des risques établie, la Commission réexamine régulièrement les scénarios de catastrophes à l’échelle de l’Union en matière de prévention des catastrophes et de préparation et de réaction à celles-ci, qui contribuent ensuite à la poursuite de l’élaboration des objectifs de l’Union en matière de résilience face aux catastrophes, en tant qu’hypothèses de planification convenues concernant les capacités de gestion des risques de catastrophes à mettre en place. 

Grâce à ces indicateurs convenus, la Commission établit des rapports réguliers sur les risques naturels et d’origine humaine auxquels l’Union est confrontée, sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre des actions de gestion des risques et des objectifs en matière de résilience face aux catastrophes, ainsi que sur les capacités de réaction nécessaires au niveau de l’Union pour soutenir les actions nationales visant à faire face à l’évolution du paysage des risques et des menaces. Ces rapports devraient être cohérents et coordonnés avec d’autres processus pertinents au niveau de l’UE.


Une couche « évaluations et la planification »

Ce séquençage garantit que les évaluations et la planification des risques au niveau national sont intégrées dans un processus d’évaluation et de définition d’objectifs au niveau de l’Union, qui alimente à son tour les actions nationales et le renforcement des capacités, avec des mécanismes réguliers de réexamen et de mise à jour afin de garantir que les politiques restent efficaces et pertinentes.
La Commission peut demander des informations complémentaires aux États membres concernant des mesures spécifiques de prévention et de préparation. La Commission peut également proposer le déploiement d’experts ou formuler des recommandations pour renforcer les niveaux de prévention et de préparation.


Qu’en est-il de la « couche prévention et préparation » ?


La forte augmentation du nombre d’activations du mécanisme de l’Union indique que les systèmes nationaux continueront probablement de demander un soutien accru pour réagir aux catastrophes et aux crises. 
Par conséquent, le mécanisme de coordination au niveau de l’Union doit être suffisamment équipé pour agir de manière plus efficiente et plus efficace afin d’offrir ce soutien, notamment en renforçant la prévention et la préparation.

La nouvelle couche de préparation vise à combler les lacunes quantitatives et qualitatives du cadre juridique actuel. 
Elle s’appuie sur les enseignements tirés de la pandémie de COVID 19, de la récente flambée de mpox et des récentes opérations du MPCU, en particulier en ce qui concerne les crises transfrontières complexes et la réponse aux besoins liés à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. 
Elle reflète la recherche et la prospective sur l’évolution du paysage des risques et des menaces en Europe, en soulignant la nature de plus en plus systémique des risques et l’incidence croissante des effets en cascade dans tous les secteurs. 
Elle envisage en outre des réflexions prospectives avec les États membres sur la nécessité de préserver le fonctionnement des systèmes de protection civile existants en Europe dans des scénarios d’urgence et de crise de plus en plus complexes.

En ce qui concerne les lacunes quantitatives, cette nouvelle couche devrait permettre de faire face aux crises transsectorielles à forte incidence dans le cadre d’une approche plus globale et intégrée coordonnant plus efficacement les dispositifs de préparation et de réaction dans les secteurs touchés. 
En ce qui concerne les lacunes qualitatives, elle permet de faire face aux risques et aux menaces pour lesquels il n’existe encore aucun instrument. 
Cela permettra de réduire la fragmentation des structures de gestion des crises au niveau de l’UE, de simplifier les procédures et d’utiliser plus efficacement les ressources pour faire face, en particulier, aux risques émergents pour la sécurité liés aux menaces hybrides et aux perturbations des infrastructures critiques ayant une incidence intersectorielle. 


Qu’en est-il de la « couche préparation et de réaction » ?

L’intégration des mesures de préparation et de réaction aux situations d’urgence sanitaire dans la présente proposition offre un niveau supplémentaire de protection des citoyens de l’UE, ce qui, à terme, est de nature à renforcer la résilience et à protéger la population contre les menaces graves pour la santé. 
Les urgences sanitaires peuvent avoir des répercussions étendues au-delà du secteur de la santé, affectant la stabilité sociale, l’équilibre environnemental ou les infrastructures critiques. Les actions de préparation et de réaction aux situations d’urgence sanitaire continueront d’être coordonnées au sein des structures actuelles, dont le comité de sécurité sanitaire et le conseil de l’HERA. 

Le volet relatif à la préparation et réaction en cas d’urgence sanitaire de la proposition de règlement améliorera le financement de la surveillance, de la détection et de la compréhension des menaces sanitaires émergentes et imminentes, et établira un lien entre ces informations et les contre-mesures médicales. 
En étroite coordination avec les États membres, il améliorera l’accès aux capacités de production pendant les crises et soutiendra la passation de marchés, la constitution de stocks et le déploiement de contre-mesures médicales dans le cadre des efforts de préparation et de réaction. 
Il soutiendra également le développement des connaissances et la capacité des États membres de l’UE à prévenir les menaces transfrontières graves pour la santé, à s’y préparer et à y réagir.

Dans cette couche, quel est le rôle de l’ERCC et des capacités de l’UE en matière de gestion des crises ?
L’ERCC devrait jouer un rôle clé grâce à une nouvelle capacité élargie d’une plateforme centrale de coordination de crise de l’UE. 
Son principal domaine d’activité vise à mettre l’accent sur une meilleure compréhension des crises en facilitant des dispositifs de préparation et de réaction plus proactifs, une coordination intersectorielle sans prendre la main ni faire double emploi avec l’expertise sectorielle et un meilleur suivi tout en tenant les États membres et les décideurs informés, en ce qui concerne les compétences et les responsabilités.

Compte tenu de la compétence de soutien dans ce domaine d’action et des sensibilités nationales liées au développement des capacités de l’UE en matière de gestion des crises, le recours opérationnel aux dispositifs de réaction au titre de cette couche de préparation supplémentaire devrait être lié à un mécanisme de déclenchement à activer par le Conseil et lié aux procédures existantes telles que l’activation du dispositif IPCR ou la clause de solidarité (au titre de l’article 222 du TFUE).

Des mécanismes de financement plus souples

Sur la base des enseignements tirés, les taux de cofinancement et les règles opérationnelles énoncés dans la décision nº 1313/2013 et dans le cadre du programme «L’UE pour la santé» (EU4Health) seront simplifiés afin de permettre une mise en œuvre plus efficace et plus souple en cas de crise à évolution rapide. 
La proposition de règlement vise donc à clarifier les règles relatives à la mise en œuvre de nombreuses actions de réaction, telles que la mise en place de plateformes logistiques et de plateformes d’évacuation sanitaire, les évacuations sanitaires proprement dites, ainsi que le prépositionnement des capacités de réaction et des équipes d’intervention. 
Elle intégrera également plus clairement les dons du secteur privé dans le cadre du MPCU, mis en place avec succès au cours d’opérations visant à répondre aux besoins en Ukraine.

Le rôle central du réseau européen de connaissances en matière de protection civile


En outre, la proposition de règlement définira mieux le soutien apporté aux États membres au titre du MPCU dans leurs cycles de préparation nationaux. Cela concerne notamment des règles spécifiques encourageant les examens par les pairs et les évaluations volontaires des systèmes nationaux de préparation. 
Le rôle du réseau européen de connaissances en matière de protection civile en tant que pilier du renforcement des capacités sera encore consolidé en tant que plateforme d’échange d’expertise, d’enseignements tirés et de pratiques innovantes en matière de gestion des risques de catastrophes, avec en outre l’ajout de règles relatives à la préparation de la population et à la coopération avec les principales parties prenantes (secteur militaire et privé) dans le cadre de formations et d’exercices.


synthèse du rapport par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr



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