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mardi 28 février 2012

Gouvernance Schengen, l'Assemblée nationale persiste et signe



L'Assemblée nationale a adopté une résolution dans laquelle les députés ont exprimé clairement leur opposition au projet de dispositif présenté par la Commission européenne concernant la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures à l'espace Schengen. Ce dispositif s'inscrit dans le contexte de la problématique de la gouvernance Schengen (voir le Dossier spécial Schengen). Les députés répètent ainsi leur position (voir billet de securiteinterieure.fr à ce sujet).

Que dit exactement la résolution européenne figurant dans le rapport ?

L'Assemblée nationale :
  • rappelle que l’espace Schengen constitue l’une des plus grandes réalisations de l’Union européenne;
  • s’oppose à la réforme tendant à communautariser les procédures existantes de réintroduction du contrôle aux frontières intérieures en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, telles qu’elles sont prévues par le code frontières Schengen.

D'où vient-on ?

La Commission européenne avait déposé, en mars 2009, deux propositions tendant à créer un nouveau mécanisme d'évaluation de Schengen (un règlement relevant du premier pilier et une décision relevant du troisième). Contestant la base juridique qui avait été choisie, et préférant attendre l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Parlement européen a rejeté les deux propositions de la Commission européenne. Une nouvelle proposition a été déposée le 16 novembre 2010.

Toutefois, afin de répondre à l'appel du Conseil européen du 24 juin 2011 demandant le renforcement du mécanisme d'évaluation de Schengen, la Commission européenne a déposé une proposition modifiée, le 16 septembre 2011, afin de prévoir un appui supplémentaire de Frontex et d'introduire un mécanisme permettant le rétablissement du contrôle aux frontières intérieures, lorsqu'un État membre persiste à manquer à son obligation de contrôle. Le renforcement du rôle de Frontex et d'Europol est jugé positif par les autorités françaises qui l’avaient souhaité.

Quel sont les enjeux ?

Dans la mesure où l'espace Schengen a été fondé sur une base intergouvernementale, l'évaluation de Schengen est demeurée de la compétence des Etats membres. L'évaluation Schengen comporte deux volets : vérifier que les conditions requises sont réunies pour l'entrée en vigueur de l'acquis de Schengen dans un État candidat, puis surveiller l'application correcte de l'acquis de Schengen par les Etats membres. C'est ce second volet qui serait réformé.

Alors qu'elle était simple observateur, la Commission européenne se verrait conférer des compétences d'exécution, les Etats membres étant étroitement associés au processus d'évaluation et de suivi. Cette modification devrait permettre de renforcer le contrôle.

Que prévoit la proposition de la Commission ?

La proposition prévoit que des évaluations puissent être menées de manière inopinée. Par ailleurs, un programme d'évaluation pluriannuel serait établi par la Commission européenne. Chaque Etat membre serait évalué au moins une fois par période de cinq ans, en tenant compte d'une analyse des risques, des pressions migratoires, de la sécurité intérieure et du temps écoulé depuis les évaluations précédentes. Frontex devrait soumettre à la Commission européenne une analyse des risques tenant compte des pressions migratoires, ainsi que des recommandations quant aux évaluations à conduire en priorité.

La Commission européenne pourrait, à tout moment, demander à Frontex de lui présenter une analyse des risques complémentaire, quant aux évaluations à effectuer sur place de manière inopinée. Les inspections sur place seraient conduites par des équipes désignées par la Commission européenne, composées d'experts des Etats membres, ainsi que de représentants de la Commission européenne. Frontex serait convié et, s'il y a lieu, Europol, Eurojust ou d'autres organes européens compétents.

Un rapport d'évaluation serait établi et conclurait, soit à une évaluation conforme, soit à une évaluation conforme avec des améliorations nécessaires, soit à une évaluation non conforme. L'État membre concerné devrait soumettre, dans un délai d'un mois à compter de l'adoption du rapport, un plan d'action destiné à remédier à toute insuffisance constatée. Dans les six mois, l’Etat membre aurait à rendre compte à la Commission européenne de la mise en œuvre de son plan d'action. Selon la gravité des insuffisances, la Commission européenne organiserait des inspections pour contrôler l'exécution du plan d'action.

Et quelles sont les conséquences d'une défaillance ?

Dans les cas où le rapport d'évaluation ferait état de manquements graves dans l'exécution du contrôle aux frontières extérieures ou dans les procédures de retour, la Commission pourrait décider de demander à l'État membre de prendre des mesures spécifiques :
  • le lancement du déploiement d'équipes européennes de gardes-frontières, conformément aux dispositions du règlement relatif à Frontex;
  • la présentation, pour approbation par Frontex, de ses décisions stratégiques en matière d'évaluation des risques et de ses plans pour le déploiement d'équipements;
  • la fermeture d'un point de passage frontalier spécifique, pour une durée limitée, jusqu'à ce qu'il ait été remédié aux insuffisances.

En outre, si le rapport d'évaluation concluait que l'État membres évalué manque gravement à son obligation de procéder aux contrôles des frontières ou aux procédures de retour, l'État rendrait compte de la mise en œuvre du plan d'action dans un délai de trois mois suivant la réception du rapport d'évaluation. Si, au terme du délai de trois mois, la Commission constatait que le manquement persiste, alors les procédures de réinstauration des contrôles aux frontières intérieures pourraient s’appliquer.

synthèse du texte par securiteinterieure.fr


L'avis de securiteinterieure.fr

Cette résolution fait suite à celle adoptée en novembre 2011 sur la conformité au principe de subsidiarité, de la proposition de règlement relatif à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières nationales dans des circonstances exceptionnelles. 
Dans ce contrôle sur la subsidiarité, l'Assemblée nationale avait déjà refusé la communautarisation du dispositif de réintroduction des frontières (voir billet de securiteinterieure.fr à ce sujet). Le rapport adopté ce mois de février réitère donc l'opposition des députés. Quant au Sénat, il avait réaffirmé son attachement à Schengen en se prononçant favorablement sur la réforme présentée par la Commission européenne.


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